Jésus était-il le Christ ?

 

La question de savoir pourquoi il ne croit pas que Jésus était le Messie, le Juif moyen répondra vraisemblablement: «Parce qu'Il n'a pas apporté la paix.» Considérée superficiellement, la logique d'un tel point de vue semble irréfutable. Les prophètes hébreux avaient promis que le Messie établirait sur la terre entière un règne de paix parfaite et durable. Et Jésus ne l'a pas fait. La cause est donc entendue. Tournons-nous, par exemple, vers cette prophétie d'Esaïe, si souvent citée par les chrétiens: «Donner à l'empire de l'accroissement et une paix sans fin au trône de David et à son royaume, l'affermir et le soutenir par le droit et par la justice, dès maintenant et à toujours: Voilà ce que fera le zèle de l'Eternel des armées» (Esaïe 9, 6).

Dieu avait promis à David par la bouche du prophète Nathan: « .. j'élèverai ta postérité après toi... Ta maison et ton règne seront pour toujours assurés .. » (2 Sam. 7, 12.16). Et Michée de témoigner: «L'Eternel régnera sur eux, à la montagne de Sion, dès lors et pour toujours» (Michée 4, 7). L'ange Gabriel confirma à la vierge Marie toutes ces prophéties: (Il régnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n'aura point de fin» (Luc 1, 33). Voici, pour suivre, quelques autres exemples de ce que, d'une seule voix, les prophètes ont proclamé concernant le royaume du Messie:

 

«Le loup et l'agneau paîtront ensemble, le lion, comme le boeuf, mangera de la paille ... Il ne se fera ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte, dit l'Eternel» (Es. 65, 25).

«Réjouissez-vous avec Jérusalem ... Car ainsi parle l'Eternel: Voici, je dirigerai vers elle la paix comme un fleuve, et la gloire des nations comme un torrent débordé» (Es. 66, 10.12).

«Voici, les jours viennent, dit l'Eternel, où je ramènerai les captifs de mon peuple d'Israël . . Ils serviront l'Eternel, leur Dieu, et David, leur roi, que je leur susciterai ... et je châtierai tous ses oppresseurs» (Jér. 30, 3.9.29).

«Celui qui a dispersé Israël le rassemblera, et il le gardera comme le berger garde son troupeau ... Et ils ne seront plus dans la souffrance» (Jér. 31, 10.12).

 

Manifestement, ces prophéties ne se sont pas encore réalisées. Les sceptiques justifient leur incrédulité en disant: «Le christianisme existe depuis 2000 ans déjà, et nous n'avons toujours pas la paix; le monde est en ruine. Pourquoi, dès lors, croire le message de paix proclamé par les chrétiens à chaque fête de Noël?» La culture et le savoir sont présents dans ce monde depuis bien plus longtemps; et pourtant, la majorité des individus ne sont pas spécialement informés, alors que les bibliothèques regorgent de livres. La rédemption opérée par Christ n'est pas automatiquement imposée à l'humanité. Elle doit plutôt être acceptée au plan personnel dans la foi pour pouvoir déployer ses effets.

La venue du Messie pour placer Israël au-dessus de toutes les nations et établir une paix universelle, telle était déjà la grande espérance du peuple juif. Certes, les prophéties messianiques contiennent quelques contradictions notables, que même les chefs religieux israélites n'ont pas comprises et que la plupart des juifs actuels ne veulent pas admettre. Ainsi, par exemple, cette prophétie d'Esaïe sur le Messie: «Il est méprisé et délaissé des hommes ... comme quelqu'un de qui on cache sa face ... Il a été enlevé par l'angoisse et le châtiment ... il était retranché de la terre des vivants et frappé pour les péchés de mon peuple?» (Es. 53, 3.8; version Darby). Sans le savoir, les juifs ont accompli cette prophétie en faisant crucifier Jésus.

L'Eternel a choisi Abraham, Isaac et Jacob; et Il a décidé de conduire personnellement leur postérité. Israël devait devenir une théocratie dans le sens le plus vrai du terme, donc une démonstration vivante de la relation que les hommes et les nations devraient avoir avec Dieu. Quand Israël désira avoir un roi comme tous les autres peuple alentour, l'Eternel dit à Samuel: « .. c'est moi qu'ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux» (1 Sam. 7, 8). S'Il voulait établir le véritable royaume, le Messie devait donc être Dieu, venant comme Homme pour régner en Israël. Les prophètes ont annoncé très nettement que le Messie serait Dieu et qu'Il naîtrait d'une vierge ici-bas pour vivre comme un être humain parmi Ses créatures: «Voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils ... on l'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel) (Es. 7, 14; 9, 5).

Les rabbins ne pouvaient tout simplement pas croire que Dieu était devenu homme pour pouvoir réaliser notre salut. C'est pourquoi ils firent crucifier Jésus sur base de Sa déclaration qu'Il était Dieu. Mais comme, finalement, Dieu ne peut pas mourir, ce fut, pour eux, la preuve d'une imposture. Et ceci aussi:

Un mort ne pouvait régner depuis le trône de David. Les rabbis soutinrent donc qu'Il ne pouvait pas avoir été le Messie puisqu'Il n'avait pas établi le royaume. Mais quand Il ressuscita d'entre les morts, ils soudoyèrent les gardes et leur demandèrent de déclarer, devant le tombeau vide, que les disciples avaient enlevé Son corps pendant leur sommeil. Nous savons aujourd'hui ce que les contemporains de Jésus ne pouvaient savoir, ce que les prophètes avaient clairement annoncé: Le Messie établira son règne de paix millénaire à Sa deuxième venue.

Israël attendait un Messie qui, en brandissant une épée flamboyante, conduirait une armée qui vaincrait l'oppresseur romain. On ne comprenait simplement pas que le pire ennemi était le péché et l'égoïsme, et que la mission du Messie consistait à libérer l'humanité de son esclavage moral et spirituel. Que tous les sacrifices d'animaux n'étaient qu'une image de l'offrande suprême - celle du Messie mourant pour leurs péchés -, c'était une idée que les juifs ne pouvaient pas comprendre.

Il y a toujours eu des douteurs, et cela parce qu'ils ont appris des «érudits» que le Nouveau Testament n'avait pas été écrit par les apôtres, mais qu'il avait été rédigé des centaines d'années plus tard par des responsables ecclésiastiques trop zélés, de sorte que le témoignage de Jésus de Nazareth a été inventé en très grande partie et n'est donc pas digne de confiance. Non seulement les faits viennent ruiner une telle thèse, mais elle présente aussi bien des contradictions. Il est vraiment grotesque de croire que quelqu'un ait été retors au point d'imaginer une semblable imposture pour ensuite présenter un Jésus dont les paroles et les actes seraient ensuite salués par les critiques comme des manifestations parfaites de bonté et de miséricorde. Un fait historique: les manuscrits du Nouveau Testament étaient largement diffusés dans l'Eglise primitive dès avant la fin du premier siècle. En outre, ils contiennent des détails qui ne pouvaient être connus que de ceux qui avaient vécu en ce temps-là et les avaient décrits. Ainsi, par exemple, Luc: «La quinzième année du règne de Tibère César,- lorsque Ponce Pilate était gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de la Galilée, son frère Philippe tétrarque de l'Iturée et du territoire de la Trachonite, Lysanias tétrarque de l'Abilène, et du temps des souverains sacrificateurs Anne et Caïphe ... » (Luc 3, 1-2).

Quelqu'un qui, des dizaines, voire des centaines d'années plus tard, se serait fait passer pour Luc et aurait rédigé ce texte, aurait été incapable de citer, de manière aussi détaillée, des noms de lieux, de chefs et de prêtres. Les découvertes de l'archéologie moderne ont apporté des preuves irréfutables de l'exactitude de ces éléments. jusqu'à tout récemment, des sceptiques doutaient encore qu'il y ait eu un Ponce Pilate; mais voilà: un jour, les premiers éléments archéologiques sont venus établir la réalité de son existence. Contrairement à ce que les critiques voudraient nous faire croire, nous détenons des preuves sûres de la vie de Jésus de Nazareth, de Sa mort et de Sa résurrection, des preuves bien meilleures que celles concernant d'autres personnalités historiques comme Jules César ou Alexandre le Grand.

Que l'on considère l'énorme différence entre le nombre de manuscrits bibliques à la disposition de la recherche et le manque de documents relatifs à tous les autres événements de ces jours-là! Au sujet du livre de Mormon, il n'existe pas de preuves datant de l'époque de sa rédaction. Nous n'avons que l'édition originale de John Smith, qui, soi-disant, est une traduction des «Tablettes d'or» depuis longtemps disparues. De la Guerre des Gaules de César (58-50 avant Jésus-Christ), nous ne disposons que de neuf ou dix manuscrits pas très fiables, dont le plus ancien date de 900 ans après César! Des 142 livres, à l'origine, de l'Histoire romaine de Tite-Live (59 avant Jésus-Christ - 17 après Lui), il n'en existe plus aujourd'hui que 35 contenus en 20 manuscrits séparés. Des 14 livres de l'Histoire de Tacite (l'an 100 après J.-C.) quatre et certaines parties d'un cinquième ont survécu. Des 1 ô volumes des Annales, dix entièrement et deux partiellement sont conservés en deux manuscrits, l'un du neuvième siècle, et l'autre du onzième. Des oeuvres historiques de Thucydide et des Histoires d'Hérodote (5e siècle avant J.C.), nous n'avons pour chacun que huit manuscrits. Par contre, les spécialistes disposent pour leurs recherches d'un nombre incroyable de manuscrits bibliques: 15.000! Mais qu'en est-il de leur fiabilité? Les critiques étaient partis du fait que le texte d'Esaïe figurant sur les rouleaux de la mer Morte (datant de l'an 125 environ, avant J.C.) présentait de grandes différences par rapport aux plus anciens manuscrits (900 environ après J.C.) Mais le célèbre rouleau d'Esaïe, déposé dans un musée installé expressément en Israël s'est avéré être pratiquement identique au texte que nous possédions déjà.

 

La question de savoir si Jésus de Nazareth était le Christ n'est pas l'objet de critiques sur base de quelconques contradictions dans la Bible, mais surtout à cause du fait qu'Il n'a, apparemment, pas pu accomplir tout ce que les prophètes avaient prédit. Mais le contraire est exact: toutes les nombreuses prophéties figurant dans l'Ancien Testament concernant l'apparition du Messie furent littéralement réalisées par Lui, Jésus de Nazareth - toutes, sauf une: Il n'a pas encore établi le royaume d'Israël et la paix mondiale. Ce manquement a fourni à ceux qui L'ont crucifié une justification de leur acte fondée sur la Bible. Mais elle amena de la confusion et du désappointement chez ses adeptes.

Même Jean-Baptiste, pourtant chargé par Dieu pour préparer Israël à la venue du Messie, se mit à douter: Jésus était-Il Celui promis? Ebranlé, il envoya vers Lui deux de ses disciples pour Lui demander: «Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre?» (Luc 7, 20). Question étonnante que celle-là, si l'on sait qui était Jean et combien les preuves étaient irréfutables pour lui que Jésus était le Messie d'Israël promis.

«Il y eut un homme envoyé de Dieu: son nom était Jean» (Jean 1, 6). C'est ainsi que le quatrième Evangile présente celui que le prophète Esaïe décrit comme le précurseur du Messie: «Une voix crie: Préparez au désert le chemin de l'Eternel» (Esaïe 40, 3). Choisi par l'Eternel pour ce service glorieux, Jean fut celui dont l'ange Gabriel avait dit: «. . . il sera rempli de l'Esprit Saint dès le sein de sa mère» (Luc 1, 15). Effectivement: encore enfant à naître, au sixième mois, il tressaillit de joie dans le corps de sa mère au son de la voix de Marie, qui était venue pour dire à sa cousine qu'elle était enceinte «par la vertu du Saint-Esprit (Matth. 1, 18).

Sachant qui il était et ce qu'il devait accomplir, Jean commença à préparer Israël à la venue de son Messie: en prêchant la repentance et en baptisant dans le Jourdain tous ceux qui se montraient disposés à recevoir son message. Il n'était pas un mystique, mais il avait reçu de Dieu un message concret, qui se réalisa finalement sous ses yeux comme une expérience vivante: «Celui qui m'a envoyé baptiser d'eau, celui-là m'a dit: Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et s'arrêter, c'est celui qui baptise du Saint-Esprit. Et j'ai vu, et j'ai rendu témoignage qu'il est le Fils de Dieu» (Jean 1, 33-34).

Après avoir baptisé Jésus, Jean vit comment l'Esprit, semblable à une colombe céleste, descendit sur Christ et demeura en Lui. Un accomplissement de la parole de Dieu! Certes, Jean perdit quelques-uns de ses propres disciples, mais restant fidèle à sa mission, il dit sous l'inspiration divine: «Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde» (Jean 1, 29). Et quand il lui fut rapporté que le nombre de ses disciples diminuait, mais que Christ rassemblait de plus en plus autour de Lui, il répondit: «Il faut qu'il croisse, et que je diminue» (Jean 3, 30).

Cependant, même ce prophète élu connut un moment où tout sembla ne plus avoir de sens: Ce Jésus était-Il réellement le Messie? Jean avait été arrêté par le roi Hérode, et il croupissait maintenant dans un sinistre cachot. Il risquait d'être décapité un jour ou l'autre. Comment cela pouvait-il lui arriver, à lui l'envoyé de Dieu qui avait annoncé le Messie? Avait-il été trompé? Si Jésus était vraiment le Christ, rempli par Dieu de puissance pour établir Son royaume et s'asseoir sur le trône de David, lui, Jean, ne devrait plus se trouver en prison!

Nous ne savons combien de temps Jean a dû lutter contre de telles pensées qui le tourmentaient. Une situation bien affligeante! Que fallait-il encore comme preuve pour se rendre à l'évidence que son cousin, quoique bien intentionné, n'était finalement qu'un imposteur qui avait succombé aux illusions qu'Il s'était forgées Lui-même! Dans une dernière tentative de sauver sa foi, Jean chargea deux de ses fidèles, au nombre si rétréci maintenant, d'observer Jésus et de L'interroger. Dans leur présence, le Seigneur fit de nombreux miracles; et Il les renvoya à Jean pour l'informer de ce qu'ils avaient constaté de leurs propres yeux. Nous ne savons comment Jean réagit, mais nous pouvons penser que Dieu le fortifia en cette heure d'épreuve.

 

La question du Baptiseur - Jésus était-Il Celui qui devait venir - exigeait une réponse tout à fait concrète et crédible. C'eût été de peu d'utilité que Jésus ait solennellement juré qu'Il était bien le Christ. Qu'Il fût le Messie attendu ou pas, dépendait entièrement de ce fait: Accomplissait-Il les prophéties? C'est pourquoi Il recommanda à Ses disciples « de ne dire à personne qu'il était le Christ» (Matth. 16, 20-21; 17, 9). Bien que Jean fût un homme de Dieu, sa compréhension des prophéties messianiques était à peine plus profonde que celle des disciples de Jésus et de la couche religieuse dirigeante d'Israël. Nous retrouvons aujourd'hui la même incertitude concernant les déclarations prophétiques - cette fois, relativement à la seconde venue du Seigneur. C'est pourquoi il importe que nous nous occupions très sérieusement de ce thème.

Il existe, dans l'Ancien Testament, plus de trois cents prophéties qui annoncent la venue du Messie juif. Deux cents d'entre elles sont parallèles, de sorte qu'environ cent déclarations concrètes doivent connaître un accomplissement. En voici quelques exemples: Jésus-Christ se présenterait à un moment précis; Il naîtrait à Bethléhem (Michée 5, 1) d'une vierge (Es. 7, 14) et serait de la postérité de David (Ps. 89, 4-5.28-30). C'est assis sur un âne qu'Il ferait Son entrée à Jérusalem, où Il serait acclamé comme Messie (Zach. 9, 9); Son propre peuple Le rejetterait ensuite (Es. 53, 3); un de Ses proches Le trahirait pour trente pièces d'argent (Ps. 4 1, 10; Zach. 11, 12). Il y aurait collaboration entre juifs et païens pour Le crucifier (Ps. 22, 17); mais Il ressusciterait (Ps. 16, 10).

 

A plusieurs reprises, Jésus a déclaré aux douze qu'Il devait être crucifié et ressusciter le troisième jour. Mais cette affirmation était tellement en opposition avec leur conception d'un Messie triomphant des adversaires d'Israël qu'ils ne pouvaient saisir le sens de Ses paroles. De même, ils ne pouvaient interpréter correctement les prophéties apparemment contradictoires. La prédiction d'Esaïe, selon laquelle le Messie serait «retranché de la terre des vivants» (Es. 53, 8), leur semblait inconciliable avec l'affirmation avancée deux versets plus loin: à savoir qu'Il «verra une postérité et prolongera ses jours» (v. 10). Il devait exister une interprétation qu'ils ignoraient. Ils avaient besoin d'une explication, qu'ils n'osèrent pas demander au Seigneur.

Une pensée venait de saisir les disciples: Si le Christ établissait Son règne, eux régneraient avec Lui en puissance et en gloire. La perspective de régner à Jérusalem, assis sur des trônes, était tellement à l'avant-plan de leur imagination qu'ils ne furent bouleversés que peu de temps, quand, lors de la Cène, Jésus annonça, tout triste, qu'un des leurs Le trahirait. Tout aussi vite ils recommencèrent à discuter pour savoir (lequel d'entre eux devait être estimé le plus grand» (Luc 22, 24). Quel choc pour ces «aspirants-princes» lorsque Jésus, apparemment totalement impuissant, entouré d'une horde hurlante conduite par Judas, fut lié, traîné devant un tribunal et conduit vers une mort certaine! Il était pourtant Celui qui, par une seule parole, avait apaisé la tempête qui faisait rage, et calmé les vagues tumultueuses, quand ils se trouvaient en plein dans un orage à bord de leur petite embarcation de pêche. Avec la même autorité Il avait commandé aux maladies, de sorte que les malades recouvrèrent leur santé, des aveugles retrouvèrent la vue et des affamés furent rassasiés. Même des morts sortirent, à Son commandement, de leurs tombes. Tant de fois ils avaient été témoins de Sa puissance génératrice de miracles. Quelle était alors l'explication de Son impuissance actuelle?

 

Apparemment, il n'y avait qu'une seule réponse à leur question: ce Nazaréen les avait trompés. Ils ne pouvaient concevoir comment la chose était possible, mais la réalité de Son arrestation et Son exécution certaine comme malfaiteur en disaient long. La pensée que les rabbins avaient toujours eu raison quand ils Le considéraient comme un imposteur faisait très mal. C'était pourtant la dernière chose qu'ils semblaient devoir accepter, car s'Il avait vraiment été le Messie, personne n'aurait pu mettre la main sur Lui.

Quand, abattus et résignés, les disciples L'entendirent déclarer à la foule s'avançant vers Lui: «C'est ici votre heure, et la puissance des ténèbres» (Luc 22, 53), le monde s'écroula pour eux. Ceux qui, peu avant la Cène, avaient juré vouloir mourir plutôt que de Le renier s'enfuirent pour leur vie, Le laissant à Son sort. Ils ne saisissaient alors pratiquement pas que tous ceux-là - Judas, les soldats, la foule hurlante ainsi que les autorités romaines et juives - accomplissaient exactement ce que les prophètes avaient annoncé. Tout cela devait simplement arriver. A l'instar des puissances des ténèbres, les disciples ne réalisaient pas que Satan allait être vaincu là, à la croix.

 

Cette parole de Jésus «C'est ici votre heure, et la puissance des ténèbres» constitua le tournant radical dans la guerre contre Satan. Jusqu'à cet instant-là, personne n'avait pu faire de mal à Christ et à Ses disciples. Les pharisiens avaient souvent essayé de L'arrêter, mais en vain: «Ils cherchaient donc à se saisir de lui, et personne ne mit la main sur lui, parce que son heure n'était pas encore venue» (Jean 7, 3 0; voir aussi Luc 4, 30; Jean 8, 20, etc.)

Mais Son heure étant maintenant venue, Jésus cessa de se défendre contre les accusations et les insultes. Satan et ses sbires allaient pouvoir Le traiter avec cruauté. Dorénavant, cela vaudrait également pour tous les nouveaux chrétiens. Ce que leur Seigneur devait subir - haine, injures, rejet, persécutions et le martyre -, ils devraient aussi l'endurer - chose qu'ils ne comprenaient pas alors.

Il se fit que deux disciples, sur le chemin d'Emmaüs, vidèrent leur coeur en faisant part à un «étranger» de leur profonde déception relativement à ce Jésus de Nazareth; c'était précisément Lui qui s'était joint à eux: «Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël» (Luc 24, 21). Leur regard était tellement chargé de tristesse et de perplexité qu'ils ne reconnurent pas le Seigneur ressuscité. Même si «quelques femmes» avaient affirmé «que des anges leur sont apparus et ont annoncé qu'il est vivant» (v. 22-23), cela n'apportait manifestement aucune consolation aux disciples. On ne devrait pas non plus faire confiance aux visions, si des éléments solides ne viennent pas étayer leur crédibilité. Mais Pierre et Jean s'étaient enquis, et ils avaient trouvé le tombeau vide; ce qui avait fait déborder le vase, car ils ne pouvaient même pas mettre la dépouille mortelle dans un cercueil.

Parce qu'ils manquaient d'intelligence spirituelle, leur rêve d'un Messie régnant en puissance devint un cauchemar. Finie la perspective de s'asseoir sur des trônes aux côtés de Celui qui siégerait sur le trône de David dans le royaume. Tous les disciples étaient pétrifiés de frayeur, car eux aussi pouvaient connaître le même terrible sort que leur Maître. Ils n'avaient aucune compréhension de ce que les prophètes hébreux avaient annoncé: «Maïs il était blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités» (Es. 53, 5). Jésus était mort pour les péchés du monde.

Quelle ironie du sort que précisément la mort annoncée par les prophètes et qui était pour notre rédemption fût considérée comme «preuve» par les contemporains de Christ qu'Il n'était absolument pas le Messie! «N'es-tu pas le Christ? Sauve-toi toi-même, et sauve-nous!» (Luc 23, 39). C'est ce que Lui cria, en guise de défi, l'un des deux malfaiteurs crucifiés à côté de Jésus. S'Il s'était sauvé Lui-même, personne n'aurait pu l'être. Mais ils ne le comprenaient pas. «S'il est roi d'Israël, qu'il descende de la croix, et nous croirons en lui» (Matth. 27, 42). Les chefs religieux du peuple ironisaient ainsi en grinçant des dents contre Celui qui était là, souffrant sur une croix.

L'absence d'une intervention divine devait les convaincre tous. Les prêtres et les scribes essayaient ainsi de persuader tous ceux qui étaient venus pour assister à Son agonie, en disant: «Il s'est confié en Dieu; que Dieu le délivre maintenant, s'il l'aime. Car il a dit. Je suis Fils de Dieu» (Matth. 23, 43). Ce cri désespéré poussé peu avant Sa mort - «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?» (v. 46) - n'était-il pas l'aveu qu'Il n'avait pas été un serviteur de Dieu, et encore moins Son Fils? Que le ciel fût resté d'airain à cette supplication, cela semblait être une preuve suffisante que l'ancien charpentier de Galilée avait été un imposteur. N'était-ce pas d'une logique irréfutable, qui, en outre, s'appuyait solidement sur l'Ecriture?! En effet, les prophètes avaient nettement annoncé que le Messie rétablirait le trône de David et la grandeur d'Israël pour introduire un âge d'or de paix sur la terre entière. Mais Jésus de Nazareth avait échoué: Il n'avait pas apporté la paix. Ses propres paroles auraient dû constituer un avertissement pour les disciples - c'est ce qu'ils pensaient maintenant. Celui-ci pouvait-Il être le Messie, qui avait déclaré un jour: «Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée. Car je suis venu mettre la division entre l'homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère» (Matth 10, 34-35). Des mots qui retournaient vers Lui en boomerang!

Il avait tout apporté sauf la paix: disputes et divisions entres amis et même dans les familles. Au lieu de mettre sur pied une armée pour délivrer Israël du joug romain - ce que le Messie aurait assurément fait -, ce doux et humble imposteur, accompagné d'anciens pêcheurs, de péagers et de prostituées, avait parcouru le pays pour prêcher la non-violence. En affirmant être le roi d'Israël, Il avait attisé la colère de Rome et rendu les choses bien plus difficiles encore. Les rabbis étaient enfin débarrassés de Lui. Leur conscience, jadis exercée par Sa prédication troublante sur la justice, était maintenant apaisée. Jésus de Nazareth était mort et Ses adeptes, devenus peureux et anxieux, se tenaient coi. C'en était maintenant fini, du moins le pensaient-ils. Mais en réalité, tout cela n'était qu'un commencement. Même Ses propres disciples ne saisirent pas la vérité jusqu'à ce que, après Sa résurrection, Il se manifesta comme le Vivant en en donnant «plusieurs preuves» (cf. Actes 1, 3).

Les doutes de Jean le baptiseur et la profonde déception des disciples furent alimentés par deux éléments qui, aujourd'hui encore, nous préoccupent et restent une cause de confusion et de controverse dans l'Eglise: le royaume et la croix. Les disciples avaient une conception tout à fait fausse de la manière et du moment où Christ établirait Son royaume. Quant à la croix, ils ne savaient qu'en faire. Elle ne trouvait pas de place dans la vision d'un triomphateur rayonnant, anéantissant les ennemis et régnant avec «une verge de fer» (Ps. 2, 9). Le fait que Jésus avait réellement manifesté une telle puissance en accomplissant de nombreux miracles et en ressuscitant des morts ne concordait vraiment pas avec un homme qui avait été livré et crucifié.

 

Aujourd'hui encore, il y a beaucoup de personnes qui ne savent pas quand et comment le Christ établira Son règne. Ils n'acceptent pas, non plus, que c'est précisément la croix qui devrait déterminer la vie chrétienne. Par contre, ils pensent que les chrétiens devraient, en fait, dominer sur la terre. Après tout, Jésus-Christ avait, après avoir donné un ordre de mission, proclamé: «Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre» (Matth. 2 8, 18). Etant Ses représentants, nous ne serions donc pas toujours obligés de tendre l'autre joue, mais plutôt, en Son nom, nous devrions vaincre le monde. Entre-temps, on enseigne partout que la mission de l'Eglise est de mettre toutes choses sous son contrôle - depuis le système éducatif et les médias jusqu'au pouvoir gouvernemental - pour établir le règne de Christ, Lui-même regardant avec bienveillance depuis le ciel. Que cela ne se passe pas ainsi se prouve facilement, Bible en main.

 

Quand, après Sa résurrection, le Seigneur se montra pendant quarante jours à Ses disciples, ils Lui demandèrent: «Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d'Israël?» (Actes 1, 6). Cette question manifestait ce qu'ils avaient compris:

 

1. Non pas l'Eglise, mais Christ Lui-même rétablirait le royaume;

2. Il n'avait pas encore pris en charge cette mission, Il le ferait à un moment futur.

3. Le royaume concerne Israël et non l'Eglise.

 

Si les disciples s'étaient trompés sur un de ces trois points, Jésus aurait certainement corrigé l'erreur. Qu'Il ne l'eût pas fait constitue pour nous une raison suffisante d'accepter comme correcte chacune de ces trois déclarations de foi relativement au royaume. Jésus se contenta de les rendre attentifs au fait qu'ils n'avaient pas à connaître le moment où Il s'assiérait sur le trône de David pour rétablir le royaume d'Israël. Il leur laissa cependant l'assurance qu'Il le ferait un jour.

Après la résurrection, les disciples du Seigneur étaient maintenant à même de comprendre au moins une chose: il n'existait qu'une possibilité de concilier les contradictions prophétiques, à savoir que Quelqu'un viendrait en faiblesse et serait cependant fort, et que ce Quelqu'un serait rejeté et mis à mort mais qu'Il régnerait à toujours. Il devait simplement venir deux fois! Christ est venu une première fois pour mourir pour nos péchés et établir ainsi Son règne dans le coeur de Ses adeptes et disciples. Après Son ascension, Il reviendra pour régner sur le monde depuis Jérusalem. Comment, autrement, toutes les prophéties pourraient-elles s'accomplir, y compris celles annonçant Son rejet, Sa mort et Sa résurrection?

Quand le Messie fut «retranché» (Dan. 9, 26), ce ne fut pas une défaite comme Ses adversaires le pensaient, mais bien plutôt un coup stratégique calculé dans le combat cosmique pour le trône de l'univers. Cette lutte fut engagée déjà et gagnée aux portes de Jérusalem, où Satan fut le vaincu. C'était il y a 2000 ans. Cette victoire de Jésus n'attend plus que son accomplissement dans le coeur de chacun de Ses disciples par la foi en Lui.

 

Pourquoi la croix? Etait-elle vraiment nécessaire? Elle était effectivement le seul moyen possible pour sauver l'humanité du jugement qu'elle méritait et pour vaincre Satan. En Christ, Dieu est venu Lui-même sur la terre pour payer la dette que Sa justice réclamait pour le péché. Chaque péché, même celui qui peut paraître petit à nos yeux, est une agression contre l'infinie justice divine; il s'attire dès lors un sévère châtiment. Nous, créatures mortelles, n'aurions jamais pu effacer cette dette, de sorte que nous aurions dû passer l'éternité loin de Dieu dans la damnation avec Satan. Dieu, qui est infini, a payé à notre place.

C'est ainsi que par amour et compassion, l'Eternel est devenu un homme né d'une vierge. Il n'a naturellement jamais cessé d'être Dieu: c'eût été impossible. Mais jamais Il ne reniera la personnalité qu'Il a prise comme homme. Jésus-Christ est maintenant, et pour toute l'éternité, à la fois Dieu et homme. Comme tel, Il a donc pu payer la rançon que la justice divine réclamait, ce que nous n'aurions pu faire en aucun cas. Comme Il a payé notre dette, Il offre en grâce le pardon des péchés et la vie éternelle à quiconque Lui confesse ses fautes dans la repentance et croit en Lui. Si, après la rébellion de Satan, le combat n'avait été qu'un simple affrontement de forces, Dieu l'aurait instantanément anéanti. Cela n'aurait servi en rien le but de Dieu, car il devait encore être accordé au diable de tenter l'humanité. Parce que Dieu nous aime et aspire à gagner notre amour, il fallait que nous soit offerte la possibilité de choisir librement et de décider nous-mêmes ce qui nous est le plus cher: le Seigneur et Ses bénédictions ou les séductions de Satan. Que celui-ci ait la possibilité de présenter une alternative quant à Dieu, est un élément important du plan du salut divin pour l'humanité.

Représentons-nous un roi qui cherche une épouse parmi les femmes de son royaume. Ce n'est pas aussi facile que l'on pourrait l'imaginer. Il n'apprécierait certainement pas que cette personne s'engage pour sa position, ses richesses ou sa puissance; non, il tient à ce que ce soit par amour pour lui. C'est pourquoi il ne la contraindra pas à l'épouser, même s'il en a le pouvoir. Elle doit choisir librement celui qui lui plaît. Si elle en aime vraiment un autre, le roi ne l'obligera pas par la force à devenir sa femme; elle en serait attristée et révoltée. C'est exactement pour cette raison que Dieu ne contraindra personne à passer l'éternité avec Lui. Cela ferait du ciel un enfer, rempli de gens malheureux et mécontents.

Que penser de ce roi s'il disait à la fiancée de son choix qu'elle peut épouser qui elle veut, tout en chassant de son royaume tous les rivaux potentiels? Ce ne serait pas honnête, et la lutte pour l'amour de cette femme ne serait qu'une farce. Satan est le seul grand rival de Dieu pour l'obtention de la faveur des êtres humains. Il n'a pas été banni par le Tout-Puissant dès avant le déroulement de l'histoire de l'humanité. L'Adversaire séduira l'Eglise universelle oecuménique pour qu'elle devienne la femme de l'Antichrist; ce faisant, il sert les projets de Dieu qui cherche une épouse pour Son Fils.

Même si la sympathie de Satan n'est qu'hypocrisie, il a en réserve pour ceux disposés à l'adorer puissance, richesses, succès et plaisirs en surabondance. Mais Dieu dit à l'humanité: «Si la voie ouverte par Satan est réellement la meilleure, s'il peut apporter plus de véritable amour et de joie que moi, plus de plaisirs et de satisfactions, suivez-le donc. » Après avoir soupesé les deux offres et trouvé la vérité, David, le psalmiste, a déclaré: «Tu me feras connaître le sentier de la vie; il y a d'abondantes joies devant ta face, des délices éternelles à ta droite» (Ps. 16, 11).

Appel de Minuit 10 ET 11 / 1999

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