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Le culte israélite.

(Exode 25 :1-40 ; 27 :1-21).

 

Pas plus que dimanche prochain, nous n'aurons aujourd'hui de récit à résumer. Les chapitres de l'Exode mentionnés ci-dessus n'ont rien d'une palpitante histoire. Le chapitre 25 nous décrit avec beaucoup de détails le tabernacle, sorte de temple portatif en forme de tente, avec les objets qui s'y trouvaient : l'arche de l'alliance, dont il sera question plus loin, la table et le chandelier. Le chapitre 27 nous entretient, d'une manière non moins détaillée, de l'autel des holocaustes sur lequel les sacrifices devaient être offerts à l'Eternel et du parvis qui était une sorte de cour donnant accès au tabernacle.

Tant que les Israélites étaient au désert, ils ne pouvaient songer à édifier un sanctuaire en maçonnerie. Plus tard, quand Jérusalem fut devenue la capitale, le roi Salomon fit construire un temple somptueux qui, comme le tabernacle comprenait ses trois parties : le parvis, le lieu saint et le lieu très saint. Dans le lieu très saint était déposé un coffre en bois d'acacia, tout orné d'or, contenant les tables de la Loi. C'était l'arche de l'alliance qui était, pour le peuple d'Israël, le signe visible de la présence de Dieu au milieu de lui et la gage de sa protection. L'arche était à ce point vénérée que nul n'osait y toucher ; des perches, qu'on n'enlevait jamais, étaient glissées dans des anneaux d'or afin que les mains des porteurs n'aient aucun contact avec le coffre sacré. Il n'était pas davantage permis de voir l'arche de l'alliance, c'est pourquoi on la recouvrait d'une housse quand il fallait la transporter.

Le culte israélite consistait en sacrifices, offerts par les lévites ou ,sacrificateurs au nom des fidèles ; par leurs sacrifices, les Hébreux témoignaient à l'Eternel leur reconnaissance et leur repentance. Il est émouvant de constater que, si les formes du culte ont changé, ce sont les mêmes sentiments qui, aujourd'hui encore, remplissent le ,coeur des adorateurs de Dieu.

Le sixième commandement. - Si le culte est l'effort de l'homme pour s'approcher de Dieu, c'est aussi un engagement de vivre selon la volonté du maître de la vie. Or, de toutes les offenses faites au Créateur aucune n'est plus grave que le meurtre. Il n'y pas d'assassins parmi nos lecteurs, bien sûr, mais prenons garde : les meurtriers brutaux ne sont pas seuls coupables. Ecoutons Jésus. Après s'être écrié <Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens : tu ne tueras point - et c'est précisément le 6e commandement, le Maître ajoute: Quiconque se met en colère contre son frère, mérite d'être puni par les juges. (Matthieu 5 : 22). Pour le Christ, la haine est déjà le meurtre, car ceci est engendré par cela.

Le vilain penchant de la cruauté est une mauvaise herbe à arracher ; il est odieux de faire souffrir inutilement ! Et voilà qui est vrai pour les bêtes aussi bien que pour les gens...

Tu ne tueras point. (Exode 20 :13).


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Les petits carnets.

 

Linette, Suzanne et Félicie ont reçu, à un arbre de Noël, chacune un joli petit carnet. Celui de Linette a une couverture en cuir vert sur laquelle se détachent en aquarelle deux cigognes au bord de leur nid ; celui de Suzanne est recouvert de peluche rouge avec le millésime et les coins argentés ; et Félicie en a un en tissu imitant le bois, orné d'un dessin japonais (Fouzi-yama, cryptomeria, glycine tout y est). Les trois petites cousines sont enchantées de leurs carnets et chacune, fort heureusement, préfère le sien aux deux autres.

Suzanne. - Je sais déjà ce que j'y mettrai.

Félicie. - Eh bien ! moi pas ; :je me demande à quoi il va me servir ; mais il est bien joli et je suis ravie de l'avoir. Et toi, Linette ?

Linette. - Je crois que j'ai une idée...

Trois mois plus tard, les vacances de Pâques réunissent de nouveau les trois petites cousines, cette fois-ci à la campagne, chez leur grand'maman. Dès le lendemain de leur arrivée, Suzanne,. montrant son carnet à ses amies, leur dit

- Il me sert joliment ! dans les jours écoulés, il n'y a plus un espace libre et j'ai déjà rempli à l'avance les pages des vacances !

Félicie. - Montre ! Oh ! que de choses tu as écrites ! comment t'y reconnais-tu ? et à quoi cela te sert-il ?

Suzanne. - C'est très commode ; je vois tout ce que j'ai à faire,, quelquefois la place me manque.

Félicie. - Et tu fais tout ce que tu inscris ?

Suzanne. - Oh ! pas toujours mais cela m'amuse de l'écrire

Félicie, se tournant vers vers Linette

- T'es-tu déjà aussi servie du tien ?

Linette. - Oui, mais c'est à peine si j'arrive à écrire une chose par jour ; il reste beaucoup de place vide.

Félicie. - Qu'y mets-tu ?

Linette. - Oh !... je ne sais pas comment dire...

Félicie. - Eh bien ! montre-le nous.

Linette. - Non, je n'ose pas...

Suzanne. - Oh ! quelle idée ! tu fais des manières ; tu es cachottière !

- Qui est-ce qui est cachottière ? je n'aime pas à vous entendre parler ainsi, dit grand'maman qui vient d'entrer.

Félicie et Suzanne. - Oh ! grand'maman dis à Linette de nous montrer son carnet ; elle prétend qu'elle n'ose pas.

Grand'maman. - Et vous l'appelez cachottière ? je suis sûre que ma petite Linette n'a pas honte de ce qu'elle a écrit dans son carnet. Veux-tu me le laisser voir, mignonne ?

Linette aussitôt met son carnet dans les mains de sa grand'maman, en lui disant timidement

- J'ai peur qu'on se moque de moi!

Grand'maman lut quelques pages, puis, attirant la fillette contre elle et la regardant tendrement, elle lui dit

- Je crois que je pourrais ajouter bien des choses que ma petite-fille a oubliées ; par exemple : « aidé Mathilde à mettre le couvert : cueilli les fraises pour le dessert; surveillé Bébé pendant que maman était occupée » ...

Linette. - Oh ! mais cela ne compte pas, cela, grand'maman c'était tout naturel.

grand'maman - Pas plus naturel que : « Fait une commission ne rentrant du collège - Joué avec Henri au lien de continuer à lire mon « Jules Verne ».

Linette. - Non, bonne maman, parce que, vois-tu, ces choses-là, je ne sais pas comment t'expliquer... je n'avais pas envie de le* l'aire !

Grand'maman. - Ah ! je vois ! tu as inscrit ce qui te coûtait. un effort !

Linette. - Oui... non... ce -n'est pas le mot qu'a employé ma monitrice...

Grand'maman. - Je devine : un « sacrifice » ?

Linette. -Oui, grand-mère.

Et la fillette, un peu confuse et pourtant heureuse de se sentir comprise, cacha sa tête sur l'épaule de bonne-maman.

Suzanne et Félicie se taisaient.

Juste à cet instant, la maman de Linette appela sa fille la petite s'élança hors de la chambre et alors grand'maman expliqua à ses deux autres, petites-filles ce que faisait Linette.

- Elle s'efforce de se sacrifier pour son prochain et ; chaque fois qu'elle a renoncé à un plaisir personnel pour rendre service,, c'est-à-dire remporté une victoire sur son égoïsme, elle l'inscrit ; et elle s'attriste de n'arriver qu'à une liste si courte. Mais moi je crois. qu'elle s'oublie souvent pour les autres sans même s'en apercevoir; elle a si bon Coeur et est si spontanément obligeante !

Félicie. - Oui, c'est vrai qu'elle est bien gentille et toujours de bonne humeur.

Suzanne. - Je voudrais bien lui ressembler, mais je ne sais pas comment m'y prendre.

Grand'maman. - Je croîs que Linette demande très souvent à son Sauveur de l'aider ; elle se laisse conduire par Lui ; elle veut Lui obéir parce qu'elle L'aime vraiment. C'est le bon moyen ; son petit carnet l'a un peu aidée à s'observer elle-même, mais le point de départ, c'est d'avoir compris et voulu mettre en pratique ce qu'elle avait appris à l'Ecole du Dimanche : « Aimez-vous ardemment les uns les autres. L'amour ne fait point de mal au prochain. ».

M. Schneider.


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Les dernières étapes.

(Le neuvième Commandement).

(Nombres 20; 14-29 ; 21: 1-20).

 

Le Récit. - Si l'on peut suivre sur une carte le chemin parcouru par les explorateurs modernes, il est malaisé de dire exactement par où les Israélites ont passé avant d'atteindre la Terre promise. La difficulté provient notamment de ce que les noms de maints endroits mentionnés dans la Bible n'existent plus. Il faut donc renoncer à reconstituer l'itinéraire des pèlerins ou, du moins, laisser cette tâche à de savants chercheurs. Bornons-nous à mentionner quatre épisodes, plutôt qu'à situer les étapes.

Quatre épisodes. Il serait plus juste de dire quatre épreuves douloureuses qui, avec Moïse, atteignirent le peuple. Ce fut, tout d'abord, le refus du roi d'Edom de laisser passer les voyageurs sur son territoire. Au lieu de pouvoir atteindre directement le but, par un chemin facile, les Israélites vont être obligés de faire un immense détour; ce seront des fatigues supplémentaires en perspective, sans compter tous les dangers de l'inconnu.

Une seconde épreuve : la mort d'Aaron qui comme Moïse un peu plus tard, ira « rejoindre ses pères » avant d'avoir vu l'exaucement de ses veux ! La perte est immense pour le peuple qui, pendant trente jours, pleure un chef aimé.

L'attaque brusquée du roi cananéen de la contrée d'Arad est une troisième épreuve dont on se vengera dans la suite ; mais en attendant, des prisonniers sont faits ; la désolation est grande en Israël.

Une épreuve encore, un châtiment terrible qui frappe les Israélites blasphémateurs et c'est l'invasion de dangereux serpents dont les morsures provoquent la mort de beaucoup de gens. Moïse, sur l'ordre de l'Eternel qui a pitié de son peuple, place un serpent d'airain sur une perche. Il suffira de lever les yeux vers cet emblème pour avoir la vie sauve. Le souvenir de cet événement fut toujours conservé par les descendants des Hébreux, sinon Jésus n'aurait pas comparé la croix qui devait s'élever à Golgotha au serpent d'airain...

Le neuvième Commandement - Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain. (Exode 20 .16). Il n'y a rien de plus lâche que, le mensonge ! Mais le mensonge devient particulièrement odieux quand il risque de nuire au prochain. Pesez, amis lecteurs, ces quelques déclarations de l'Ecriture : ce conseil du livre de l'Exode: « Tu ne sèmeras pas de faux bruits » ; cet avertissement de l'auteur des Proverbes: « Les lèvres fausses sont en horreur à l'Eternel, mais .ceux qui agissent avec vérité lui sont agréables » ; ce mot d'ordre de 'l'Apôtre Paul : « Ayant renoncé au mensonge, que chacun de vous parle selon la vérité à son prochain » cette description du même apôtre et qui est à retenir :

Ne mentez pas les uns aux autres. (Colossiens 3: 9).


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Les petites langues qui démangent.

 

C'est vrai ?

Bien sûr que c'est vrai ! On ne l'aurait jamais cru d'elle, n'est-ce pas ? Mais je ne l'ai pas encore tout dit : attends-moi à 11 heures, je te raconterai le reste de l'histoire. J'ai entendu tout ce que papa disait à maman hier soir ; on me croyait endormie, tu peux croire si je suis restée tranquille 1 Et même...

Lucie s'arrêta, devenant soudain toute rouge. Une main venait de se poser sur son épaule et la voix de la maîtresse, qu'elle n'avait pas entendue venir, résonna à ses oreilles :

- Dis-moi, Lucie : ce que ton papa racontait hier soir était-il destiné aux oreilles de tout le monde ?

Lucie baissa la tête.

-Eh ! bien, ma petite, tu me feras le plaisir de le garder pour toi et (Je ne pas le colporter plus loin. - Maintenant, rentrez vite. la cloche a déjà sonné, et mettez-vous sans bruit à vos places.

Une heure se passa pendant laquelle le programme ordinaire se déroula sans autre. Mais la maîtresse avait l'air distrait et préoccupé : évidemment la conversation des fillettes l'avait fait réfléchir et elle cherchait le moyen de leur faire comprendre leur tort sans les brusquer.

- Posez les livres et mettez les mains au dos, dit-elle tout à coup . Si vous vous tenez bien tranquilles, je vous raconterai une histoire.

- Une histoire, oh!

Il n'y eut certes pas besoin de répéter l'ordre. Vingt paires d'yeux brillants se tournèrent du côté du pupitre et vingt paires d'oreilles se tendirent.

- Lorsque j'étais une fillette comme vous, commença l'institutrice, mon père rentra un jour avec une revue de famille qu'il

achetait quelquefois et me dit: Tiens, lis cette jolie histoire et surtout fais-en ton profit 1 - Elle était intitulée - Une fille terrible, et comme j'aimais beaucoup la lecture, je ne me le fis pas dire deux fois. Il s'agissait d'une petite Rose, très gentille et mignonne, que tout le monde eût aimée si elle n'avait été affligée d'un bien vilain défaut : sa langue était si longue....

- Notre vieille Marie commence à être bien fatiguée, dit un soir la maman de Rose à son mari, sans penser aux oreilles de la.; fillette ; il va falloir songer à lui donner de l'aide, la tâche est un peu lourde pour elle seule maintenant.

Aussitôt son dessert achevé Rose se glissa à la cuisine et tourna autour de la vieille bonne qui s'affairait à ses casseroles.

- Que veux-tu ? dit celle-ci.

- Oh ! rien... dis, quel âge as-tu, Marie ?

- Quelle question ! Pourquoi veux-tu le savoir, petite ? Ai-je donc l'air si vieille ?

- Oh ! non, mais maman disait à papa que tu commençais à ne plus bien pouvoir faire ton ouvrage et qu'il faudrait quelqu'un d'autre...

La servante se retourna tout d'une pièce, les sourcils froncés :

- Comment ? que me dis-tu là ? Depuis quand avez-vous manqué de quelque chose par ma faute ? Avec toute la peine que je me donne depuis des années pour que tout aille bien dans la maison et que madame soit contente ! Vraiment, c'est un peu fort !

Et, devant la fillette ahurie et quelque peu inquiète des suites de son indiscrétion, Marie s'en alla de ce pas à la salle à manger, jeta son tablier sur la table et déclara sans ambages :

- Si monsieur et madame ne sont pas contents de mes services, ils feraient mieux de me le dire !

On s'efforça de la calmer, on s'expliqua. Rose versa un torrent de larmes et fit toutes les promesses de repentir. Pourtant cela ;ne la corrigea pas.

A quelque temps de là, une voisine apporte un pot de gelée de groseilles. en retour de confiture qu'on lui avait prêtée une fois qu'elle était à court.

- Mme Gervais n'a pas aussi bien réussi sa gelée que l'an dernier, observa la maman au prochain déjeuner, elle est moins ferme ; je suppose que cela tient aux arbres qui vieillissent.

- Tu sais, confia Rose en passant à Blanche Gervais qu'elle rencontrait en allant à l'école, ta maman n'a pas de quoi être fière de sa confiture cette année ; elle -n'est pas bonne, c'est maman qui l'a dit !

Après une suite d'aventures de ce genre, elle fut classée parmi celles des oreilles desquelles on se méfie autant que de leur langue. Il suffisait qu'elle parût quelque part pour que les conversations s'arrêtent. Ses amies même devinrent de plus en plus réservées et moins confiantes, et le vide se fit peu à peu autour d'elle, lui enseignant enfin par une dure expérience ce qu'elle aurait pu apprendre à temps avec un peu de volonté et de contrôle sur elle-même.

Et maintenant, mes chères petites, prenez vos cahiers, réfléchissez sur ce que je viens de vous raconter, et faites une petite rédaction sur ce sujet en y ajoutant autant que possible vos impressions personnelles. Et puis surtout, pensez à Rose lorsque vous serez tentées d'aller répandre inutilement une nouvelle qui peut faire du tort ou de la peine à quelqu'un et tenez votre langue !

L. M.


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La mort de Moïse.

(Le dixième Commandement.)

(Deutéronome, 31 : 1-8 ; 32 : 45-52 ; 34 .1-12.)

Moïse sur le mont Nébo

Le Récit. - Moïse est devenu très vieux. Bien que vigoureux encore, il est au terme d'une existence qui a dépassé de beaucoup les limites ordinaires d'une vie d'homme. Le chef israélite sait qu'il n'en aura plus pour longtemps ! Il fait ses dernières recommandations au peuple qu'il a délivré de la main de l'oppresseur d'Egypte ; il donne ses suprêmes recommandations à celui qui va recueillir la plus lourde des successions, Josué ; « Fortifie-toi et prends courage », lui dit-il... Puis, Moïse reçoit de son Dieu l'ordre de monter sur la montagne. Il gravit lentement les pentes du mont Nébo. Devant le vieux prophète s'étend le pays d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, la terre sacrée où les descendants des patriarches vont bientôt pouvoir pénétrer. « Regarde le pays (le tes pères, dit l'Eternel, mais tu n'y entreras pas »... Moïse courbe la tête. 11 accepte sans murmurer le sort qui lui est fait. Le vénérable lutteur expire. Le lieu de sa sépulture demeure le secret de Dieu qui ne sera jamais connu. Moïse a disparu, Le peuple pleure celui dont le chroniqueur de l'ancienne Alliance pourra dire sans exagération « qu'il n'a plus paru en Israël de prophète semblable à Moïse » et que « nul ne peut lui être comparé »...

Le dixième Commandement. - Moïse est donc mort au moment où il allait voir se réaliser le rêve de toute sa vie. C'est que, si grand fût-il, l'illustre serviteur de l'Eternel a commis une faute... Un certain mystère plane sur cette défaillance : Moïse semble avoir douté de la puissance du Dieu invisible ! Parce qu'il n'a pas su veiller sur son coeur, Moïse sera frappé par Celui dont la justice est inexorable. La sévérité divine ne nous parait pas excessive: nous pensons qu'elle fut moins proportionnée à la gravité, d'une faute qu'à l'oubli, par Moïse, de la grande responsabilité qui pesait sur lui en sa qualité d'interprète du Dieu Saint ! L'apôtre Jean écrira: La convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais Nient du monde. (1 Jean, 2 16). C'est du coeur, dira Jésus, que sortent les mauvaises pensées ». Même si le législateur hébreu n'a pas commis le péché de convoitise, on peut mentionner ici le dixième et dernier Commandement: Tu ne convoiteras aucune chose qui appartient à ton prochain. (Exode 20 :17) parce que la convoitise c'est-à-dire le désir illégitime de ce qui appartient au prochain, est dicté par le coeur. Dieu attend de ses enfants qu'ils veillent sur leurs coeurs.

Ne restons pas sous une impression pénible en terminant l'histoire du plus grand des Israélites ! Il y a autre chose, sur le Mont Nébo, qu'un vieillard frappé, il y a surtout un fidèle serviteur qui va être recueilli par son Dieu. Moïse n'est pas entré en Canaan, c'est vrai... mais cela ne doit-il pas nous rappeler que nos espoirs les plus beaux ne seront jamais entièrement réalisés sur cette terre, mais ailleurs, dans ce que l'Evangile appelle la Maison du Père...


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La dame noire et le bébé rose.

 

La lourde grille du cimetière était entr'ouverte, et le regard pouvait contempler très loin les innombrables tombes tristes qui s'échelonnaient le long de l'ailée grise.

- Maître Piouf ! Venez vite ici...

La jeune, nurse au long costume bleu s'élança vers la grille sombre.

Maître Piouf, un adorable tout petit homme brun et rose dans sa pelisse de grosse fourrure, hocha la tête d'un air grave.

- Piouf veut prendre les zolies fleurs pour les rapporter à maman, déclara la voix semblable à un gazouilli d'oiseau du bébé.

- Où voyez-vous des fleurs ?

Maître Piouf s'est arrêté. Un doigt dans sa bouche, il contemple avec ravissement un coin de pelouse tout plein de violettes qui mettent leur parfum exquis dans l'air léger.

- Oh !

Les petites mains cueillent, cueillent sans cesse, tandis que le visage du bébé sourit aux fleurs parfumés.

Mais, tout à coup, le sourire disparut, et une pâleur légère passa sur les joues fraîches de maître Piouf.

Les yeux bleus foncés, agrandis d'épouvante, fixaient machinalement une ombre noire qui semblait courbée, tout près d'une tombe.

Les mains tremblantes du bébé lâchaient les jolies violettes, sa bouche s'ouvrait déjà pour appeler avec angoisse la nurse qui n'apparaissait pas encore, lorsque la forme mystérieuse eut un mouvement.

Plouf devint blanc et crut mourir, mais ne prit pas la fuite. La forme venait de se retourner, laissant voir au bébé un pâle visage de femme couvert de 'larmes.

A la vue des yeux tristes, et doux, le bébé eut un grand soupir heureux, et désormais rassuré, tourna le dos à la dame noire, afin de cueillir les dernières violettes de la pelouse.

Piouf partait, enchanté de sa moisson. Machinalement, avant de prendre l'allée, il jeta un coup d'oeil furtif sur la dame noire.

Elle pleurait toujours, prostrée sur la pierre froide.

Une ombre grave passa dans les yeux lumineux du bébé qui, sans bien comprendre, pressentit vaguement que la dame inconnue devait beaucoup souffrir.

Il regarda un instant la dame noire qui ne s'était pas aperçue de sa présence, et resta hésitant, ne sachant comment entamer la conversation. Puis un sourire satisfait passa sur le visage rose. D'un air décidé, le bébé fit encore un pas en avant et gravement, déclara :

- Bonzou, la dame...

La forme noire tressaillit et le visage ruisselant de larmes se leva vers le bébé.

-Pourquoi pleures-tu? questionna maître Plouf d'une voix mal assurée, car quelque chose d'étrange se passait dans sa gorge.

- J'avais aussi un bébé comme toi, mon petit, et il est là, maintenant.

- C'était un ti garçon ? demanda Plouf, plein d'intérêt.

- Non, une petite fille.

- Ah ! une tite fille. Pourquoi viens-tu ici, tu lui parles, à la tite fille ?

La dame noire fit un signe affirmatif.

- Où est-elle, maintenant, ta tite fille ? z'espère qu'elle n'est pas perdue,.. déclara maître Plouf dont la voix s'altéra subitement.

La dame noire sourit tristement au joli bébé rose.

- Elle est bien perdue; mais pour moi seulement. Elle est au

Le visage de maître Plouf s'éclaira de nouveau.

- Près du bon Dieu et de Jésus. Oh ! alors, elle n'est pas perdue, elle est sûrement très bien là-haut. Tu sais, ajouta-t-il en appuyant sa petite main sur l'épaule de la dame noire, tu sais, Jésus, c'est mon ami, ze lui parle tous les soirs.

La dame noire attira le bébé contre elle et baisa mélancoliquement le joli visage rose.

Maître Plouf resta un moment silencieux, paraissant plongé dans une profonde rêverie.

- Oh ! ze sais, déclara-t-il tout à coup avec un sourire heureux. Puisque tu n'as plus ta tite fille, ze la remplacerai. Mais, tu sais, comme z'ai maman et papa, ze peux pas être rien que pour toi. Alors, tu comprends, ze serai ta moitié de ti garçon.

Un sanglot souleva la forme agenouillée. Silencieusement, la dame noire prit le bébé dans ses bras.

- Attention à mes fleurs. Elles sont zolies, n'est-ce pas ? Attends...

Maître Piouf posa délicatement les violettes parfumées sur la pierre froide.

- Plouf donne les zolies fleurs à la tite fille. Maintenant, viens on va vers maman.

La dame noire regarda une dernière fois la tombe triste que le parfum des violettes enveloppait déjà, puis elle suivit le bébé dans l'allée grise.

S. C.


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Les douze espions. (Le huitième Commandement).

(Nombres 13: 17-33).

Après la visite en Canaan

 

Le Récit. - Nous n'entendons pas, dans ce résumé qui sera suivi de quelques réflexions sur le huitième commandement, reprocher aux Israélites d'avoir songé à prendre possession de la terre cananéenne. Ce pays n'avait-il pas été habité autrefois par les ancêtres des Pèlerins du désert ? La conquête à laquelle nous assisterons après la mort de Moïse était donc légitime... La conduite des douze espions, (le mot d'explorateur serait tout aussi juste), laisse cependant à désirer ! Partis sur l'ordre de Moïse qui leur a donné des instructions détaillées, ils reviennent au bout de quarante jours et rendent compte de leur mission. Ils sont à la fois enchantés, ce qui est naturel, et découragés, ce qui n'est pas Précisément en leur faveur. Enchantés, après le désert aride, les grasses campagnes de Canaan, les beaux produits de la terre, de magnifiques raisins, en particulier, dont ils rapportent une lourde grappe, tout cela leur a laissé une impression prodigieuse. Ce qui s'explique : les voyageurs modernes qui traversent le tunnel du Gotthard n'en croyent pas leurs yeux quand, après les brumes de la froide vallée de la Reuss, ils arrivent à Airolo, où brille le beau soleil du Tessin ! Les envoyés de Moïse ont sans doute exagéré quelque peu en parlant d' " un pays où coulent le lait et le miel »... Enchantés, les explorateurs sont aussi découragés, et là encore ils exagèrent, ce qui ne manque pas de démoraliser le, peuple, en décrivant les dangers d'une conquête. On en jugera par cette seule remarque ; parlant d'une tribu dont les hommes sont de grande taille, ils diront: « Nous étions à nos yeux et aux leurs comme des sauterelles ! » Au lieu de tenir compte de l'intérêt supérieur du peuple, les explorateurs ont, - à part le valeureux Caleb, qui exhorta les siens au courage, - écouté leur égoïsme qui leur conseillait de se mettre à l'abri du danger.

Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres. (Philippins 2 : 4).

Le huitième Commandement. - Tu ne déroberas point. (Exode 20 :15). On dit souvent que les voleurs ne sont pas tous en prison: c'est juste ! On peut voler son prochain sans fracturer son coffre-fort. Celui qui paie mal ses employés, et fait ainsi de gros bénéfices, vole. Inversement, l'employé payé à l'heure et oui perd son temps, vole. L'écolier paresseux vole l'Etat auquel l'instruction publique coûte cher et ses parents qui font des sacrifices pour lui... Il est aussi grave de voler la collectivité que son prochain. Ceux qui ne payent pas leurs redevances de sans-filistes entendent parfois un énergique rappel à l'ordre, venu de Lausanne par radio : « ces gens nous volent », crie le haut-parleur ; la voix a raison ! Des voleurs : ceux qui paient mal leurs impôts, qui passent des marchandises en contrebande à la frontière, qui emploient deux fois un billet de chemin de fer ou prennent encore une demi-place quand ils n'y ont plus droit... souvenons-nous de la parole du Christ :

« Celui qui sera fidèle dans les petites choses, le sera aussi dans les grandes ».


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Le mensonge.

 

Soyez sages enfants, et surtout n'allez pas dans le bureau, recommanda madame de Lors en mettant ses gants.

- Ne craignez rien mère. nous vous obéirons, déclara son jeune beau-fils, un garçon de quinze ans, toujours étendu sur une chaise longue.

Sa fille secoua sa tête bouclée en guise d'approbation, trop occupée à manoeuvrer ses « dames » pour répondre de vive voix.

La jeune femme eut un sourire et s'en fut rayonnante de beauté, laissant les enfants livrés à eux-mêmes, car leur gouvernante était malade.

- Finissons notre partie, veux-tu Claude, demanda la fillette qu'on nommait Mabel. Puis, le cerveau traversé d'une idée, elle s'écria :

- Je me demande ce qu'Il y a au bureau pour que petite mère nous défende d'y aller. Peut-être des jouets ?

- N'y pense pas, chérie, c'est beaucoup mieux ; tiens, je te souffle ta « dame ».

- Brigand. Attends !

Mais le brigand avait décidément de l'avantage et battit Mabel à plates coutures.

- Tout de même, si c'était nos déguisements pour le bal de cousine Claire ! fit pensivement la vaincue.

- Mabel ! Mabel ! tu penses encore à cela, lui reprocha son frère.

- Mais tu sais, c'est terrible de savoir qu'il y a quelque chose ou plutôt non, tu ne sais pas, tu es toujours si sage si raisonnable et jamais puni, conclut amèrement l'enfant. Et, continua-t-elle, j'ai encore été punie ce matin. Pourtant je n'avais presque rien fait. Oh, je crois que petite mère m'aime moins que toi... toi qui n'es...

- Moi qui ne suis que son beau-fils, veux-tu dire. Oh ! c'est mal, c'est méchant ce que tu dis là, Mabel.

Un instant, ils restèrent silencieux.

C'était un contraste frappant entre la fillette ardente et jolie, le vivant portrait de sa mère, et l'adolescent pâle et blond, toujours en lutte avec le mal implacable et terrible.

Puis Claude se leva et alla s'asseoir au grand piano à queue. Il posa ses longues mains frêles sur le clavier et commença un prélude de Chopin. C'était celui en mi-mineur qui exprime une incommensurable désolation, une plainte résignée et sans éclat.

Habituellement, ce prélude calmait la petite révoltée, mais cette fois, il n'en fut rien. D'une main rageuse, elle brouilla les « dames » et sortit en faisant claquer la porte.

Claude sursauta et trop absorbé, ne se rendît qu'imparfaitement compte de l'absence de sa soeur. Le prélude terminé, ses doigts continuèrent à courir sur les touches, brodant un thème qui lui parut admirable. Et quand sa mère rentra, elle le trouva, les yeux brillants, les pommettes trop roses, s'égarant dans de subtiles variations.

- Oh, mère, que je suis donc heureux ! cria-t-il en venant se jeter dans ses bras.

Avec une tendresse infinie, elle baisa le visage extasié qui se tendait vers le sien.

- Ne me dites rien, mère, je suis si heureux, reprit-il.

Un cri les fit se retourner, et ils virent entrer la cuisinière qui brandissait une écumoire d'un air féroce.

- Où est-elle passée, cette vilaine bête que je...

- Quelle bête, ma bonne Marie, demanda madame de Lors interloquée.

- Ce singe, cette horreur qui courait au milieu de mes marmites.

- Le singe de cousine Claire ! Il était enfermé au bureau et j'avais défendu qu'on y entre. Qui donc a désobéi ?

Claude qui riait. s'arrêta brusquement et devint très rouge. Sûrement c'était Mabel. Alors sans plus hésiter

- C'est moi, dit-il.

- Toi ! s'exclama la comtesse ; puis sévèrement : tu m'avais promis. Non, ce n'est pas possible.

- C'est moi, répéta encore Claude.

- Bien, monsieur Claude, c'est du joli, grommela Marie en sortant.

Pendant ce temps, Mabel arrivait, à table, les sourcils froncés, les mains croisées derrière le dos.

- Maman, déclara-t-elle, j'ai beaucoup de choses à vous dire.

Maman

- Dis !

- Voilà, Claude a été puni parce qu'il s'est accusé à faux. J'imagine qu'il croyait que c'était moi qui avait ouvert au singe. Je pourrais, si j'étais aussi bonne que lui, dire que c'est moi, mais c'est pas vrai, c'est le jardinier qui l'a apporté et qui voulait le montrer à Yvonne. Il n'ose pas de dire, ni Yvonne non plus, alors ils m'ont dit de le faire à leur place.

- Et toi, Claude, tu es épatant. Tu croyais que c'était moi et tu te laissais punir à ma place. Oh, Claude, il faut absolument que je t'étouffe à force de t'embrasser !

Et elle se jeta dans ses bras, tandis qu'en riant, il s'écria

- Au secours !

S.