L'argent dans l'histoire de l'Eglise...

 

NDLR: Merci au journal Appel Afrique pour cet excellent article.

par Kobo Maurice OUEDRAGO, Burkina Faso,

e-mail: kobomaurice@hotmail.com

 

«L'argent est le nerf de la guerre!» Combien de fois n'a-t-on pas entendu cette assertion. Et l'argent a toujours été au centre des préoccupations du plus grand nombre. Chaque jour, chaque heure et chaque minute comptent. «Times is money», disent les Anglo-Saxons. De telle sorte que notre vie est régie et envahie par cet instrument d'échange. Même l'église n'échappe pas à son influence, elle qui mène une guerre d'un autre genre : la guerre spirituelle dont les armes de combat ne sont pas matérielles. En effet, comme toutes les autres structures dans le monde, l'église aussi achète, paye et vend. Elle s'est insérée dans le système économique établi. Mais, on se demande souvent si elle ne s'est pas trop insérée de sorte à devenir un instrument capitaliste. Les débats autour de la dîme, la richesse de certaines églises semblent susciter plus de questions que de réponses chez certains fidèles de nos jours. On est donc tenté de se poser la question «comment en est-on arrivé là? Quel a été le parcours de l'argent pour qu'il arrive à prendre place en pleine église»?

Les hommes ont connu très tôt l'usage de l'argent, ce métal précieux de couleur blanche, malléable et très peu altérable. La valeur de l'argent était exprimée en unité de masse (poids). C'est ainsi par exemple que le patriarche Abraham (vers 1800 avant Jésus-Christ) a payé 400 sicles d'argent (environ 4.4 kg) pour acquérir un domaine où enterrer sa femme Sara qui venait de mourir (Ge 23:16). L'or était aussi utilisé pour les échanges. C'était un instrument de richesse. On a estimé les entrées d'argent chez Salomon à 666 talents d'or (environ 22,644 t) par an (1Rois 10:14), ce qui correspond à environ 142 milliards de F CFA (1). Cette fortune conférait à Salomon une renommée dans tout le proche orient d'alors et jusqu'en Afrique.

Ce fut aussi un puissant moyen pour Israël de s'imposer et de connaître une relative paix. Il est évident que la richesse n'expliquait pas tout: Salomon jouissait d'une sagesse incomparable qui était enviée de tous (1 Rois 10:24).

On pense que c'est à partir de l'époque perse (538 avant J.C.) que les Israélites ont commencé à utiliser la darique comme monnaie d'échanges (Esd 8:27). Puis les Grecs et plus tard les Romains ont introduit d'autres monnaies: la drachme, le denier, etc. Au temps de Jésus, la drachme (monnaie grecque) équivalait à un denier (monnaie romaine) et on utilisait ces monnaies pour acheter (Jn 6:7), pour payer l'impôt annuel au temple (Mat 17:24), ou pour payer les salaires (Mat 20:2). Et l'église naissante a hérité de ces usages monétaires.

La place de l'argent dans l'église du temps des apôtres

Dès les premières heures de l'église, l'on s'est confronté au manque de moyen pour l'accomplissement de l'Ïuvre, car on enregistra très vite des serviteurs entièrement consacrés aux tâches de l'église. Des collectes d'argent sont alors régulièrement organisées soit pour soutenir l'Ïuvre missionnaire (2 Co 8:3; 1 Co 16:1-2; 9:5), soit pour venir en aide aux chrétiens suite à des famines (Actes 11:28-30). On admet généralement que l'une des premières églises sur qui on pouvait compter en matière de finance fut celle de Corinthe. Elle semblait regorger d'une certaine richesse, et Paul a plusieurs fois rappelé aux Corinthiens leurs devoirs d'assistance matérielle envers les autres membres du corps de Christ (2 Co 9:1-3). Cette église était riche matériellement et elle aspirait aussi à la richesse spirituelle par la manifestation de certains dons spirituels (1 Co 12). Mais ce fut aussi une église qui a commencé à avoir de sérieux problèmes internes tant spirituels (1 Co 5:1-5) que fonctionnels et organisationnels (1 Co 3).

L'église, du temps de l'empereur Constantin à la Réforme Protestante

On a souvent pris Constantin (270-337) comme référence dans l'histoire de l'évolution de l'église non pas parce qu'il fut un grand chrétien (en fait, il ne s'est converti que sur le lit de sa mort) mais parce que c'est lui qui instaura une tolérance religieuse sans précédent, permettant de fait à l'église de s'étendre librement dans tout l'empire romain. En effet, par l'édit de Milan en 313, Constantin reconnaissait aux chrétiens le droit d'exercer publiquement leur foi, et du même coup, il faisait bon être chrétien, car l'empereur était un sympathisant de la nouvelle religion: le christianisme. C'est à partir de là que va naître la puissance de l'église, mais aussi sa grande richesse. Une puissance et une recherche effrénée de plus de richesse qui devinrent tellement pesantes qu'elles vont occasionner l'égarement d'un très grand nombre de fidèles. C'est ainsi qu'au moyen âge, certains croyaient pouvoir obtenir le pardon de leurs péchés par le paiement d'une somme d'argent; et l'église organisait ce qu'on a appelé des quêtes indulgenciées pour les fautifs.

Grâce à l'argent, ces fautifs ont pu échappé à l'excommunication et ont cru pouvoir faire diminuer leur temps de séjour au purgatoire (2). Cette pratique des indulgences fut vigoureusement dénoncée et combattue par Martin Luther, l'un des fondateurs du mouvement de la Réforme Protestante en 1520.

L'argent dans l'église d'aujourd'hui

Quand on parle de la richesse de l'église aujourd'hui, on ne peut s'empêcher de citer l'église catholique et certaines églises protestantes. Grâce aux collectes de fonds auprès des fidèles, les églises disposent d'un patrimoine qui leur permet d'être à l'abri du besoin. Si, au niveau des églises protestantes, on insiste sur le paiement de la dîme (3), au niveau de l'église catholique on a institué (depuis 1860) le paiement annuel par chaque fidèle du denier de Saint Pierre. Cette quête aurait rapporté en 1990 environ 58 millions de dollars US (17 milliards de F CFA). On a aussi souvent pris l'exemple de la «Billy Graham Evangelical Association», cette association fondée par le pasteur protestant Billy Graham et qui travaille depuis plusieurs années dans l'Ïuvre d'évangélisation, avec des moyens colossaux (budget de 30 millions de dollars US).

La gestion de telles sommes demande un minimum d'organisation et de maîtrise de soi, si l'on ne veut pas que l'argent vienne corrompre la raison d'être de l'église. Bien souvent, dans l'écoute de Dieu dans la prière, les responsables chrétiens ont su, dans la masse d'argent qui arrive, ôter le levain qui fait lever la pâte de l'orgueil et de l'affairisme. Mais certains mauvais exemples viennent souvent ternir l'image noble des hommes de Dieu.

«L'église est un business», m'a dit un jour un jeune étudiant qui semblait avoir fréquenté quelques-unes de nos églises indépendantes actuelles. Son argumentation est simple: quand vous arrivez à l'église, vous ne voyez que le sceau de l'argent sur tout ce qui se fait. Et je compris en partie ce qu'il voulait m'expliquer. Oui, il est vrai que le renouveau spirituel a fait naître de nombreux mouvements (protestants comme catholiques) qui oeuvrent pour la propagation de l'évangile - et c'est une recommandation formelle du Christ - mais la place que prend de plus en plus l'argent dans l'Ïuvre laisse penser que les chrétiens n'ont pas compris ce que Jésus voulait expliquer quand il disait «Là où est ton trésor, là aussi sera ton sÏur » (Mat 6:21).


Notes

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(1) En 2000, 1 kg d'or coûtait environ 9 420 Euros

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(2) Le purgatoire serait le lieu présumé où les morts pécheurs attendent d'être pardonnés avant d'entrer au paradis. L'idée du purgatoire, développée dans l'église catholique depuis le moyen âge, n'est pas biblique.

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(3) Dans l'Ancien Testament, la dîme était une portion des biens acquis qu'on prélevait pour les prêtres (les Lévites) l'orphelin, la veuve et l'étranger (Deutéronome 26 :12). Dans le Nouveau Testament , les premiers chrétiens parlaient surtout de collectes volontaires (2 Corinthiens 8 :3). Aujourd'hui, la dîme est une sorte d'impôt représentant 10% des biens acquis au cours d'une période.

(Appel Afrique) ajouté le 21/5/2003

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