Source: CLIOTEXTE

Calvin : "Le prêt à intérêt".

 

" Monsieur et bien-aimé frère,

J'eusse été plus diligent à vous répondre sur les trois points dont vous m'aviez demandé mon opinion, n'eût été le scrupule que je fais de toucher à une matière si chatouilleuse qu'est celle qui est contenue dans vos lettres : à savoir si les ministres peuvent bailler argent à profit.

Car de condamner une telle façon de prêter, il y aurait une trop grande rigueur et qui pourrait engendrer beaucoup de répliques. de fait je n'oserai pas affirmer qu'il en soit licite.

Mais d'autre part, quand je regarde à combien de calomnies et de scandales cela est sujet et aussi que plusieurs entendent quelque condition modérée pour se dispenser plus qu'il ne leur est permis, je m'abstiendrais volontiers de répondre à cette question. Le plus sûr et expédient serait de ne point entrer en telles pratiques ou contrat. Et ce n'est pas sans cause que Jérémie proteste que les débats qu'il soutenait ne venaient point d'avoir prêté ni emprunté. Ainsi quand un ministre se passera de faire tel profit ce sera bien le meilleur.

Mais pour ce que cela est plus supportable que de marchander ou de mener quelque train dont il soit distrait de son office, je ne vois point pourquoi le fait doive être condamnable en général. Mais cependant je voudrait bien qu'on y gardât quelque modération, que ce ne fut point pour en tirer profit certain ; mais qu'on se contentât, en baillant son argent à quelque marchand homme de bien, de se rapporter à sa foi et loyauté à ce qu'il en fut équitable, selon Dieu..."

Lettre à François Morel, sieur de Collonge