La démocratie
«Voix du peuple, voix de Dieu»? Selon ce principe démocratique la majorité aurait toujours raison et elle devrait "emporter dans toutes les décisions à prendre. Cela semble présenter une protection efficace contre l'autoritarisme ou le totalitarisme tyrannique d'un despote ou de toute faction dictatoriale, dont les états et les églises ne sont jamais totalement à l'abri. La consultation du peuple par des élections, ou par voie référendaire, paraît donc tout à fait équitable, pour autant que les votants soient bien enseignés, bien renseignés, et non soumis à des matraquages, des pressions ou des intimidations qui fausseraient leur jugement et leurs choix.
Les premiers chrétiens semblent bien avoir parfois pratiqué une sorte de suffrage direct ou d'élection (Actes 6:1-5, 14:23, 2 Cor. 8:19 ) dans lesquels les options du plus grand nombre (2 Cor. 2:7) étaient acceptées par tous.
Mais pour éviter toute grave déviation, Dieu nous a donné un moyen de contrôle: le critère de la Parole de Dieu. Car, si la majorité est désinformée et abusée, ou tout simplement peu spirituelle, elle se trompera dans ses appréciations et s'égarera dans ses voies. C'est ce qui se produisit déjà du temps de Moïse, lorsque le peuple demanda à Aaron de lui faire un dieu. Or, plutôt que de se conformer aux commandements du Seigneur interdisant l'idolâtrie, Aaron écouta la voix du peuple - du «souverain», comme on dirait aujourd'hui - et il lui fabriqua un veau d'or. (Exode 32: 1 -4).
Par moments Jésus semblait avoir eu la foule de son côté et il risqua même de se faire plébisciter roi. Mais arrivé au moment crucial de son ministère terrestre, c'est-à-dire à l'approche de sa mort, il avait perdu sa popularité et se trouvait abandonné de la multitude et de presque tous les siens. C'est que le peuple est influençable et versatile. Lorsque Pilate lui demanda: «Lequel voulez-vous que je vous relâche, Barabbas ou Jésus?» (Mat. 27:17-21), le peuple répondit: «Barabbas». Or, Barabbas était un brigand (Jean 18:40). Ce fut déjà une consultation populaire, ou une sorte de référendum! Face à une telle unanimité Pilate céda et livra Jésus à la mort, tout en se déclarant «innocent du sang de ce juste».
Combien de fois à travers l'histoire de l'humanité, de la chrétienté, et jusque dans les églises de professants, une majorité déviante écrasa la minorité ayant pris position pour ce qui était juste et bon devant le Seigneur? A la limite, un seul pourrait avoir raison contre tous, s'il s'avérait qu'il était le défenseur de l'autorité dont tous se réclament, c'est-à-dire de la vérité selon les Ecritures. Mais pour beaucoup de gens, avoir raison contre tous, c'est avoir de toute façon tort. En somme, le tort, c'est d'avoir raison! Si dans nos pays christianisés il fallait que les minorités rejoignent la majorité, nous deviendrions tous catholiques romains, non-pratiquants, multitudinistes et pédobaptistes. Ce serait la fin de la démocratie et le commencement du règne dictatorial des temps de la fin. Voilà où conduit la démocratie déviante.
Tous ceux qui se taisent, soit parce qu'ils sont indifférents aux problèmes qui se posent, soit parce qu'ils n'ont pas pu, ou voulu, approfondir les questions soulevées, soit parce qu'ils sont trop timides, trop égoïstes ou trop ignorants pour intervenir, font le jeu de l'ennemi. Il y a malheureusement aussi ceux qui, tout en ayant intimement une conviction juste, n'osent pas se prononcer par crainte de s'aliéner quelque ami, ou de perdre quelque avantage. Ils manifestent ainsi une certaine lâcheté en se faisant les complices du mal, puisque, par leur silence, ils permettent aux mauvais choix de s'imposer au détriment de la vérité et de la justice, sans parler de l'amour du prochain et de l'honneur de Dieu.
Ne nous laissons pas séduire par l'argument de la majorité et ne craignons pas de faire partie du petit troupeau des non-conformistes qui ont à coeur de garder les commandements de Dieu et de retenir le témoignage de Jésus (Apoc. 12:17 ) plutôt que de rechercher l'approbation et le soutien du plus grand nombre. Souvenons-nous toutefois que ce n'est pas parce qu'on est minoritaire qu'on a forcément raison. La vérité ne se mesure pas au nombre de ceux qui la professent, mais au critère de la Parole de Dieu. Il faut l'amour de la Vérité, de l'honnêteté, de l'humilité, du discernement et le courage de ses opinions pour ne pas se laisser emporter «à tout vent de doctrine» (Eph. 4:14) par une majorité d'hommes égarés et égarant les autres (2 Tim. 3: 13).
Majoritaires ou minoritaires? Faut-il vraiment compter les voix pour savoir de quel côté est la vérité? L'essentiel nous semble être que Dieu soit avec nous. Et Il le sera dans la mesure où nous serons avec Lui, c'est-à-dire où, demeurant en Christ, ses paroles demeurent en nous et que nous gardons ses commandements (Jean 15:7-10). Spurgeon disait: «Un homme avec Dieu est une majorité, quand bien même ils seraient mille contre lui». L'apôtre Paul nous dit «Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?» (Rom. 8:31). Souvenons-nous du siège de la ville de Dothan. Le serviteur d'Elisée fut fort inquiet en voyant les chars, les chevaux et les troupes des Syriens encercler la cité. Mais le prophète le rassura en lui disant: «Ne crains point, ceux qui sont avec nous sont en plus grand nombre que ceux qui sont avec eux»... Et l'Eternel ouvrit les yeux du serviteur, qui vit la montagne pleine de chevaux de feu autour d'Elisée (2 Rois 6:14-17). C'est là la bonne majorité! Il faut le regard de la foi pour ne pas se décourager quand le mal empire, et pour demeurer «ferme comme voyant celui qui est invisible» (Hébreux 11:27). Le prophète Elie croyait aussi être resté seul, mais Dieu lui révéla qu'il s'était réservé sept mille hommes qui n'avaient point fléchi le genou devant Baal (Rom. l 1:3-4). Quel encouragement pour ceux qui se sentent parfois seuls ou minoritaires dans le bon combat sur le chemin étroit, face à une majorité qui ne veut plus défendre la bonne cause, parce qu'elle a pris la voie plus large des abandons, des compromissions et des trahisons.
Jean Hoffmann
La Bonne Nouvelle 4/93
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