L'Eglise du XXIe siècle sera professante ou elle ne sera pas !

 

Pour un observateur de l'extérieur, présent au congrès de l'Association d'Eglises de Professants des Pays Francophones (A.E.P. F.), il est clair que cette affirmation correspond à une conviction profonde.

Ce congrès1* - à ne pas confondre avec l'assemblée générale de l'A E P F constituée par onze associations d'Eglises, dont une en Belgique et une en Suisse - s'est tenu du 23 au 25 Septembre 1 9 8 5 et a eu comme thème : « Les Eglises de professants... pourquoi ?» Question préalable, le mot « professant » est-il bien compris de tous, notamment de la « base » ? Il ne le semble pas. Aussi les sujets des exposés proposés à la réflexion des congressistes ont-ils été choisis pour aider à une bonne prise de conscience :

 

- Les Eglises de professants dans l'histoire (Paul Sanders)

- Les Eglises de professants au XXe siècle (Claude Baty et Louis Schweitzer)

- Le témoignage spécifique des Eglises de professants aujourd'hui (Henri Blocher)

 

A vrai dire, les présents, moins nombreux qu'espérés, s'ils ont goûté pour eux-mêmes la qualité de ce qu'ils ont entendu, se sont surtout montrés attentifs à en faire profiter leurs mordants... et les autres, en décidant de procéder à diverses éditions sur les professants et de veiller à ce qu'une large diffusion en soit faite. Les lecteurs de cette revue feront bien de s'y référer.

Les développements ci-après seront seulement consacrés à la présentation de remarques, obligatoirement partielles et subjectives.

 

l °) Le congrès ne s'est pas arrêté sur ce qui est commun aux Eglises membres, ce qui les fait appartenir à la branche « évangélique », à savoir leur attitude en principe semblable2*devant la Bible et leur lecture identique de son message central. Il a été noté que cette attitude et cette lecture étaient également celles d'Eglises de professants non membres de l'association, et aussi d'autres Eglises ou de chrétiens, notamment issus de la Réforme. On me pardonnera d'avoir relevé plusieurs allusions aux Eglises Réformées Evangéliques Indépendantes, dont je suis membre.

 

2°) L'accent a donc été mis sur ce qui est spécifique, à savoir l'ecclésiologie : sont membres de l'Eglise, non pas ceux qui assistent aux assemblées et qui participent plus ou moins à la vie de la communauté locale, mais les personnes qui ont fait profession de leur foi - la foi de l'Eglise - et, pour la plupart des Eglises membres de l'A E P F, ont été baptisés par immersion. Les professants sont donc ceux qui ont « professé » leur foi... le terme n'appartient plus guère au langage ordinaire courant, et certains auraient souhaité signifier la même chose autrement. Hélas, ce n'est pas facile et, à vrai dire, en notre temps, l'idée exprimée n'est-elle pas jugée encore plus surannée que le terme ?

 

3°) L'A E P F, qui a été créée en 1957, il y a bientôt trente ans, souhaite rendre de mieux en mieux manifeste dans la vie pratique des Eglises l'unité qui est la leur en Christ.

Le projet initial de l'association était, en effet, relativement modeste. De grands pas dans la concertation et les actions communes - évangélisation, camps, catéchèse, etc. - ont été fait, surtout depuis quelques années, et chacun s'en est félicité. Parmi elles, une place spéciale revient à la Faculté Libre de Théologie Evangélique de Vaux-sur-Seine, dont la création a été fortement souhaitée par l'A E P F, et qui fêtera solennellement son 20e anniversaire le dernier week-end d'avril 1986.

Mais trompant l'espérance du début, bien des Eglises de professants ne sont pas encore venues prendre leur place dans l'A E P F, et plusieurs qui s'y trouvent ne souhaitent pas aller plus loin dans l'entente ou l'unité.

J'avoue n'avoir pas bien compris pourquoi.

Certains dans l'association sont, cependant, disposés à dépasser les clivages que l'histoire explique très bien et, face à la réalité d'aujourd'hui, à oeuvrer pour découvrir et établir un lien organique plus étroit entre leurs Eglises. Ce n'est un secret pour personne que deux des plus importantes au plan numérique, à savoir la Fédération des Eglises Evangéliques Baptistes de France et l'Union des Eglises

Evangéliques Libres de France ont démarré ou poursuivi, pendant le congrès, des conversations à ce sujet.

Rien n'est encore fait, mais les représentants des Eglises concernées m'ont paru tout à la fois disposés à la patience et pleins d'espérance. Il est encore trop tôt pour envisager l'incidence que la réalisation d'une telle unité aurait sur la conjoncture ecclésiastique en France. A noter que la Fédération des Eglises Evangéliques Baptistes est également membre de la Fédération Protestante de France.

 

4°) La couverture du congrès par la presse non professante est intéressante à analyser. En dehors du Père Girault, du périodique « Unité des chrétiens » - dont la présence est significative d'une novation dans le monde évangélique, cela mérite d'être souligné - et de moi-même, pour « Ichthus », il n'y avait aucun représentant de la presse religieuse non professante. Le « Christianisme au XXe siècle », cependant, s'est intéressé à l'événement (voir le n° 35 du 1er octobre (1985) en donnant la parole à deux membres de l' A E P F, Edmond Buckenham et Stéphane Lauzet à qui un compte-rendu du congrès avait été demandé. Cela permet de mesurer quelle place la pensée « évangélique » occupe dans le concert des idées religieuses, aujourd'hui. Cette pensée se voit reconnaître des qualités, mais celles-ci (notamment la chaleur de la piété) s'accompagnent de ce qui est jugé comme un défaut - de méthode - inacceptable, à savoir celui de considérer la Vérité comme objective et, en conséquence, connaissable avec certitude de façon suffisante.

Les professants que j'ai rencontrés au Centre Oecuménique de la Source (près d'Orléans), là où se sont déroulées ces journées de septembre, m'ont paru, sauf exceptions, peu au fait de la situation religieuse - ecclésiastique et théologique - de notre temps. Ils m'ont donné l'impression, fausse peut-être, d'accorder beaucoup d'importance à l'aspect affectif ou formel des choses dans le domaine des relations extérieures, même s'ils perçoivent clairement les cajoleries dont ils sont l'objet, en divers lieux, de la part du protestantisme « des grandes Eglises ».

Le mot de « ghetto évangélique » a été prononcé par plusieurs et, en même temps, il a été remarqué que le climat général au non engagement et au relativisme régnait également dans bien des Communautés professantes. . .

Je me suis demandée si peser ces contraires ne serait pas de bonne pratique avant d'aller plus loin dans l'ouverture vers le grand large ?

Un autre pas consisterait, il me semble, à ne pas se tromper d'adversaire et à bien se convaincre que la famille « évangélique » comprend tous les chrétiens dont la notion de « peuple de Dieu » peut certes différer, mais dont la prédication du salut et la préoccupation du témoignage sont de même nature, parce que Jésus-Christ,la Parole incarnée, et la Bible, la Parole écrite, sont considérés par eux, de façon fondamentalement semblable.

J'ai eu beaucoup de joie à suivre de bout en bout les travaux de ce congrès 1985 et à rencontrer, à cette occasion, de nombreux lecteurs belges, français et suisses de la revue. Bon vent à l'A E P F pour la réalisation de ses divers projets. Que le rayonnement de sa fidélité au Christ ressuscité grandisse de plus en plus et soit en bénédiction à beaucoup dans les pays francophones d'Europe.

Marie de VEDRINES

Ichthus 1985-6


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1. Congrès extraordinaire puisque sa périodicité triennale a été réduite d'un an.

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2. Le congrès sur l'inspiration et l'autorité de la Bible de novembre 1985, à Paris, sera sans doute éclairant à cet égard (ce compte-rendu a été rédigé en octobre).

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