Les deux volets du salut
Verset-clé: ... afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions héritiers dans l'espérance de la vie éternelle. Tite 3.7
Préambule
Les réflexions que je vous soumets n'ont d'autre prétention que de refléter fidèlement ce que dit la Bible. Ce sujet étant, je l'espère, bien connu de nos lecteurs, j'éviterai d'enfoncer des portes ouvertes.
Dans cette première partie, nous allons examiner le premier volet du salut, à savoir le salut qui sauve de la perdition, qui fait passer de la mort à la vie. La base: l'oeuvre de Christ; le principe: la grâce; le moyen: la foi.
La deuxième partie traitera du salut qui fait participer au royaume, où il est question d'hériter et de régner avec Christ. La base: l'oeuvre du chrétien; le principe: une récompense; le moyen: la fidélité.
Nous prions nos lecteurs de faire abstraction de leurs positions théologiques particulières pour laisser parler la Parole, tout simplement. Je ne puis que souhaiter que, comme moi, vous découvriez certains aspects du salut dans ses implications futures qui vous avaient peut-être échappées jusqu'alors.
Précision préliminaire
Avant de nous lancer dans le sujet proposé, faisons tout de même le point sur le sens du concept «salut, sauver».
Dans l'AT, le salut signifie une délivrance d'ordre souvent matériel, collectif, personnel, quelquefois spirituel, qui est toujours l'oeuvre de Dieu. Le salut prend aussi une dimension prophétique liée à l'apparition du Messie et à l'établissement d'un royaume éternel.
Dans le NT, «salut, sauver» apparaissent environ 150 fois, avec le sens de rendre sain physiquement et spirituellement (du latin salus = santé). Le salut est une délivrance de la personne entière, une libération du péché, de la colère de Dieu, de la condamnation, de la perdition, de la mort. Comme dans l'AT, c'est par la puissance de Dieu que le salut s'opère.
Explication
Pourquoi «les 2 volets du salut»? Je vous propose d'entrer en matière par le texte de Zacharie 3.1-7 (à lire). -
Josué, pourtant revêtu des habits sacerdotaux, est un pécheur comme tous les hommes. Dieu le revêt de justice sans que Josué n'ait rien dit ni rien fait, gratuitement. C'est le premier volet du salut. Mais après cette purification par grâce, Dieu met des conditions: si tu marches droit, si tu gardes ma parole, tu régneras parmi les autorités angéliques. C'est le deuxième volet du salut.
Premier volet Le salut qui sauve de la perdition (passer de la mort a la vie)
J'ai choisi 2 textes de base: Romains 4 et Hébreux 6. Il est recommandé d'ouvrir sa Bible et de lire chaque fois les versets indiqués:
v.1-3: justification et justice
- selon la chair: cette expression s'applique ici aux oeuvres, aux mérites, à la naissance, au baptême considéré comme salvateur.
- devant Dieu, ces oeuvres de la chair sont une base inacceptable en ce qui concerne la justification.
- Abraham crut à Dieu, et cela lui fut compté (imputé) comme justice: ce texte est cité de Gen 15.6, première mention de la justification par la foi. Dieu fit une promesse de bénédiction à sa descendance (semence, sing.), cité en Gal 3.16 pour montrer qu'il s'agissait de Christ, dont Abraham se réjouissait de voir la venue (Jean 8.56); dans un sens, il croyait déjà en la rédemption par Jésus-Christ! Le principe est resté le même: Dieu nous compte (déclare) justes; cela ne nous fait pas justes.
v.4-8: La foi qui sauve
Dieu justifie l'impie: Abraham aussi bien que nous, car tous sont pécheurs et donc coupables devant Dieu; tous sont justifiés en tant qu'impies. David non seulement est pardonné, mais aussi réintégré dans la communion avec Dieu.
Comment Dieu pardonne-t-il l'injuste tout en restant le Dieu juste et saint? - 2 Cor 5.19-2 1: Christ a été fait péché pour nous (non pas «pécheur»!); il s'est substitué à l'homme pécheur en se chargeant de son péché.
Le chrétien a compris cela. Il ne fait rien pour se sauver (la sanctification ne le sauve pas); il se sait sauvé à cause de Christ uniquement.
v.9-17: Grâce et loi
Abraham est présenté comme le père de tous les croyants (Juifs et païens): avant la circoncision, avant la loi!
La promesse dont Abraham hérita se référait à Christ et fut donnée sur la base de la foi, en l'absence de la loi. Dieu lui promit d'être le père d'un grand nombre de nations avant même qu'il soit devenu le père d'Isaac!
- là où il n'y a pas de loi, il n'y a pas non plus de transgression: non pas, «pas de péché» la loi codifie le péché, le rend évident.
La foi d'Abraham va loin: il croyait que Dieu donne la vie aux morts (Héb qui sauve: 11. 17-19) et qu'il appelle à l'existence ce qui n'existe pas (au point de rendre fertile l'ovaire desséché de Sarah !).
Conclusion: la loi ne peut produire le salut.
v.18-22: La nature de la foi
- espérant contre toute espérance: la réalité ne permettait pas à Abraham d'espérer que se réalise la promesse (sa descendance, la venue du Messie et du salut).
- il ne douta point: il douta initialement (Gen 17.17), puis sa foi surmonta le doute. (La foi n'exclut pas le doute.) - pleinement convaincu: Abraham avait l'assurance que, par sa puissance, Dieu accomplit tout ce qu'il promet.
- il donna gloire à Dieu: c'est l'essence même de la foi; elle regarde à Dieu (qui il est, ce qu'il est) et non aux circonstances (elles sont là, mais Dieu peut les vaincre); le croyant est ainsi fortifié, rendu capable d'agir selon sa foi.
v.23-25: La résurrection de Christ valide le salut
- Jésus notre Seigneur, livré pour nos offenses et ressuscité pour notre justification:
1. Nos offenses sont effacées à cause de la croix.
2. La résurrection démontre que Dieu est parfaitement satisfait de l'oeuvre d'expiation par laquelle nous sommes justifiés.
Implications pratiques
Abraham illustre ce que fait la foi
1. Elle croit la promesse de Dieu sur la seule base de sa parole.
2. Elle nous pousse à agir selon cette parole, prouvant par là son authenticité.
Si nous croyons comme Abraham croyait, nous serons justifiés comme Abraham le fût.
Hébreux 6.1-8: Peut-on perdre le salut?
- tendons vers la perfection: les mots «parfait» et «perfection» utilisés dans l'épître aux Hébreux sont appliqués à Christ et à sa sacrificature par contraste au système lévitique (p.ex. 7.11,19). La sacrificature de Christ va au-delà du fondement déjà posé car les v. 1b-2 sont une énumération d'éléments communs au judaïsme aussi bien qu'au christianisme.
- il est impossible de les ramener à une nouvelle repentance: impossible pour qui? (Rappel: la repentance signifie un changement radical d'attitude.) Le texte vise ceux qui ne peuvent plus changer d'attitude. Ce qui les caractérise:
1. Ils ont été éclairés par le Saint-Esprit (ce n'est pas identique avec «sauvés»); ils ne sont plus ignorants (parallèle: Jean 8.31 mentionne ceux qui avaient cru en Jésus, mais qui ont ensuite rejeté son enseignement et sont nommés fils du diable par Jésus; leur foi ne les a pas menés au salut).
2. Ils étaient participants au Saint-Esprit: seule la puissance du Saint-Esprit peut produire la repentance; si elle est rejetée délibérément, il n'y a plus aucune autre puissance qui puisse les mener au repentir. L'illustration des 2 terrains fait comprendre que davantage de pluie ne produira que davantage de chardons!
3. - goûté ... les puissances du siècle à venir: les Juifs distinguaient entre «l'âge présent» et «l'âge messianique à venir». Les miracles de Jésus et des apôtres après lui témoignent suffisamment de la qualité de l'âge messianique encore à venir, et ceci encore aujourd'hui (pas besoin de nouvelles preuves!).
Résumé:
avoir été éclairé, avoir goûté à toutes ces bonnes choses n'est pas la même chose que de naître de nouveau.
Déduction:
Il arrive que d'authentiques chrétiens s'éloignent du Seigneur et deviennent mondains; ils vivent comme s'ils étaient de nouveau sous la souveraineté de Satan, selon la chair, mais ils n'ont jamais rejeté Christ pour autant; ils n'ont pas perdu le salut. C'est le sens de la parole que Paul prononce sur un cas d'inceste à l'église de Corinthe: qu'un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l'esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus (cf 1 Cor 5.5). Satan est nommé le détenant du pouvoir de la mort (traduction littérale de Héb 2.14); mais il n'a plus ce pouvoir pour ceux qui vivent sous la souveraineté de Christ. Les enfants de Dieu égarés peuvent se repentir et être pardonnés (cf 2 Cor 2.6-7, qui semble indiquer que l'incestueux s'est repenti, et les lettres aux 7 églises dans Apoc 2 et 3, qui appellent les croyants égarés à la repentance).
Je vous rappelle que je veux faire parler uniquement les textes de la Bible, en tirer les déductions évidentes et chercher réponse à des questions que cette quête peut susciter. Et ici, justement, je me pose la question concernant:
L'efficacité de la prière
La Bible affirme 2 choses qui, pour notre logique, sont contradictoires, voire irréconciliables:
1. Dieu est souverain; il est le Seigneur de l'univers; il accomplit tout ce qu'il se propose de faire.
2. L'homme est responsable de ses choix et de ses actions, et Dieu les respecte.
Nous ne pouvons pas concevoir que l'une de ces affirmations n'exclut pas l'autre. Nous ne pouvons que constater que la Bible affirme aussi bien la puissance souveraine de Dieu que la liberté de choix et d'action de l'homme créé à l'image de Dieu. La Bible ne craint pas de juxtaposer la responsabilité de l'homme et la souveraineté de Dieu. Je ne citerai que 3 passages:
- Rejetez loin de vous tous les crimes qui vous ont rendus criminels; faites-vous un coeur nouveau et un esprit nouveau. Pourquoi devriez-vous mourir, maison d'Israël? Car je ne désire pas la mort de celui qui meurt - oracle du Seigneur, l'Eternel. Convertissez-vous donc et vivez (Ez 18.31-32). Si le peuple n'exécute pas les 4 ordres donnés, il ne vivra pas, bien que ce ne soit pas le désir de Dieu qu'il meure.
- personne ne connaît le Père, si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. Venez à moi, ... et je vous donnerai du repos (Mat 11.27-28). L'implication est claire: à moins qu'on vienne à lui, pas de révélation ni de repos.
- Jérusalem, Jérusalem, ... combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, ... et vous ne l'avez pas voulu (Mat 23.37). Dieu veut bien, mais l'homme souvent ne veut pas.
Nous prions, étant convaincus que Dieu peut exaucer nos prières; la prière perdrait tout sens si Dieu ne pouvait pas l'exaucer selon sa volonté. D'autre part, si nous n'étions pas convaincus de la valeur de nos propres actions, nous ne prierions jamais. Le croyant fait l'expérience de la réalité de la prière en constatant l'exaucement. Sont ainsi établies la souveraineté de Dieu et en même temps la signification de l'action de l'homme.
Quand je prie pour la conversion de quelqu'un, je m'attends à l'action souveraine de Dieu et au libre choix de la personne. L'apôtre Paul illustre cet état de fait: pendant 3 mois, il cherche à persuader les Juifs d'Ephèse de la vérité de l'Evangile et les invite à se repentir, mais ils restent endurcis et incrédules. Ils en sont pleinement responsables. Pourtant, Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (l Tim 2.4). Mais leur incrédulité les perd. Celui qui croit a la vie éternelle; celui qui désobéit (en ne croyant pas) ne verra pas la vie... (Jean 3.36).
«D'une part, Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. D'autre part, le choix de l'homme décide de son salut ou de sa perdition. Je répète: nous ne pouvons comprendre comment ces deux affirmations de la Bible peuvent s'accorder. Mais il y a d'autres réalités que nous n'arrivons pas à comprendre. Nous ne comprenons pas, par exemple, comment Jésus pouvait être en même temps Dieu et homme, ni comment son être intérieur pouvait s'en accommoder. Et pourtant tous les chrétiens ont affirmé avec les apôtres que Jésus était aussi bien Dieu qu'homme. Nous savons que notre salut demande que Jésus soit les deux: Dieu pour être un sacrifice suffisant pour ôter les péchés de tous et avoir la puissance sur la mort; homme pour être notre substitut et s'offrir à notre place. Nous ne pouvons pas non plus comprendre comment Dieu créa l'univers simplement en parlant.» (Traduit de «Being Human», par Macaulay et Barrs, IVF Press, p. 111.)
«Si nous disons «non» à Jésus, c'est notre faute; si nous disons «oui», c'est la grâce de Dieu.» (Traduit de «Lydia», par Bärbel Wilde, p.59.)
Acceptons que la Bible affirme des faits qui apparaissent irréconciliables entre eux à notre raison humaine limitée, et ne cherchons pas à les harmoniser. Paul nous avertit: aujourd'hui je connais partiellement (1 Cor 13.12). Acceptons notre limitation humaine.
Pour terminer, voici une description de ce qu'est l'Evangile qui sauve, placée sous le titre:
Les bases du salut
L'Evangile ... par lequel vous êtes sauvés, si vous le retenez dans les termes où je vous l'ai annoncé,- autrement vous auriez cru en vain (1 Cor 15.1-2). D'emblée, Paul évoque le danger de remplacer les termes inspirés par l'Esprit par des expressions qui soi-disant rendraient l'Evangile plus accessible (voir «Bible en français courant», où le mot «sang» est 16 fois remplacé par «mort, sacrifice, nature humaine»).
Quels sont les termes de l'Evangile?
1. L'oeuvre expiatoire (propitiatoire) de Jésus-Christ pour nos péchés est la seule base (cf Rom 3.25; 1 Jean 2.2; 4. 10).
2. La grâce, source de salut pour tous les hommes (Tite 2.1 1):les oeuvres du croyant n'y sont pour rien (Eph 2.9).
3. ...sauvés par le moyen de la foi (Eph 2.8). La foi est la condition qui rend le salut opérant (Jean 3.16,36).
Quels son les éléments nécessaires au salut?
1. Conviction de péché produite par le Saint-Esprit à l'écoute ou à la lecture de la Parole, qui donne la sagesse en vue du salut par la foi en Jésus-Christ (2 Tim 3.15).
2. Repentance: confesser son péché, s'en détourner et radicalement changer de vie (2 Cor 7. 10).
3. Saisir par la foi le pardon par le sang de Christ, le Fils de Dieu devenu chair, mort et ressuscité. Rom 10.9: ... si tu crois dans ton coeur que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, tu seras sauvé. La foi est le «oui» du pécheur, la condition pour recevoir le salut. Il est entièrement responsable de son choix face à Christ.
4. Naître à la vie éternelle (Jean 6.47); réception du don du Saint-Esprit (Act 2.38).
Ceci dit, comme toute schématisation est sujette à caution, il faut constater que de nombreux textes déclarent sauvée toute personne qui croit dans son coeur en Jésus-Christ mort et ressuscité et qui le confesse (p. ex. Rom 10.9-10). La perspective globale
Il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses, et par qui nous sommes. 1 Cor 8.6.
Le salut qui fait participer au royaume (devenir héritier, régner)
Le deuxième volet du salut que nous voulons considérer trouve son expression dans un grand nombre de passages bibliques, qui en évoquent plusieurs aspects. J'ai veillé à éviter toute conjecture extrapolée et à déduire des seuls textes les conclusions qui se dégagent naturellement du sens qu'ils ont dans leur contexte. Je fais appel à votre indulgence si je n'y ai pas toujours réussi.
Avant d'entreprendre une étude plus systématique, voici quelques citations éparses qui doivent nous faire réfléchir, même hors de leur contexte (les numéros nous permettront de nous y référer plus tard). Je les placerai sous un verset-clé:
... afin que justifiés par sa grâce, nous devenions héritiers dans l'espérance de la vie éternelle. Tite 3.7
1. ... celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé (Mat 10.22, 24.13; Marc 13.13).
2. Par votre persévérance, vous sauverez (ou: sauvegarderez) vos âmes (Luc 21.19).
3. Si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui (2 Tim 2.12).
4. Car nous avons été rendus participants de Christ, si du moins nous retenons fermement, jusqu'à la fin, notre assurance première... (Héb 3.14).
5. Sachant que vous recevrez l'héritage en récompense (Col 3.24)
6.... imitez ceux qui, par la foi et l'attente patiente (ou: la persévérance), reçoivent l'héritage promis (Héb 6.12).
7. ... je cours vers le but afin d'obtenir le prix de la vocation céleste de Dieu en Christ-Jésus (Phil 3.14)....
8. ... Christ.. apparaîtra une seconde fois... pour ceux qui l'attendent en vue de leur salut (Héb 9.28).
9. Dans 1 Corinthiens, Paul écrit à ceux qu'il nomme le temple de Dieu (3.16), membres de Christ (6.15), et auxquels il dit: vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ et par l'Esprit de notre Dieu (6.11). Et voici ce qu'il dit à ces membres du corps de Christ: Vous pratiquez l'injustice et dépouillez ceux qui sont vos frères! Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront pas le royaume de Dieu? Ne vous y trompez pas, ni les débauchés (tel l'incestueux nommé au chap.5), ni les idolâtres, ni les adultères, etc., n'hériteront le royaume de Dieu (6.8- 10).
10. Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin qu'il soit rendu à chacun d'après ce qu'il aura fait dans son corps, soit en bien, soit en mal (2 Cor 5. 10).
11. ... demeurez en lui, afin... qu'à son avènement (parousia), nous n'ayons pas honte devant (litt. loin de) lui (1 Jean 2.28).
12. Voici: je viens bientôt, et j'apporte avec moi ma rétribution pour rendre à chacun selon son oeuvre (Apoc 22.12).
Ces passages contiennent tous un trait distinctif: le croyant doit remplir certaines conditions afin d'obtenir les bienfaits qui découlent du salut reçu par pure grâce. Autrement dit: les privilèges touchant au royaume de Dieu sont discernés en fonction des oeuvres de la foi. Avant d'examiner plusieurs aspects saillants sous 3 titres spécifiques, quelques remarques à partir des textes cités s'imposent.
L'emploi du verbe «sauver» et du nom «salut» ne s'applique pas ici au salut par grâce au moyen de la foi, mais à l'accomplissement final du salut que nous espérons encore, comme Paul l'écrit aux Romains: ... nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l'adoption, la rédemption de notre corps. Car c'est en espérance que nous avons été sauvés. ... nous attendons ce que nous ne voyons pas avec persévérance (8.23 - 25).
De même, l'héritage dont il est question ici n'est pas la vie éternelle elle-même, qui est une grâce reçue par la foi (celui qui croit a la vie éternelle, Jean 6.47), mais une récompense en relation avec les oeuvres bonnes du croyant (texte No 5). La parole de Jésus: Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé (textes Nos 1 & 2), se réfère à cet aspect du salut. Nous y reviendrons.
I. Récompenses
(a) Sens général
Jésus parle souvent de récompenses dans le sermon sur la montagne et ailleurs. Sera récompensé par le Père celui qui est persécuté à cause de Jésus, qui donne discrètement, qui prie sincèrement, qui jeûne discrètement, qui donne un verre d'eau à un disciple, qui accueille un prophète ou un juste, qui prête sans garantie de le recouvrer, qui aime ses ennemis (souhaite leur bien, est prêt à les aider, même à les bénir ... ). Tout cela pourtant avec cette distinction: par amour pour le Seigneur!
Chacun recevra sa propre récompense selon son propre labeur (1 Cor 3.8).
(b) Héritage et règne
Les textes numérotés indiquent déjà clairement que le fait d'hériter avec Christ et de régner avec lui est lié à la persévérance en matière de foi et de vie chrétienne (cf textes Nos 3,5,6,9). De là l'encouragement dans Héb 10.36: Vous avez en effet besoin de persévérance, afin qu'après avoir accompli la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous est promis (à savoir: l'héritage et le règne).
Col 3.23-25 (contexte de la réf. No 5) indique que l'héritage est reçu en récompense pour avoir tout fait comme pour le Seigneur. Paul ajoute: Celui qui agit injustement récoltera selon son injustice; il subira donc une perte.
Héb 6.11-12 (contexte de la réf. No 6) exhorte à l'empressement à servir dans l'amour en vue d'une pleine espérance, imitant ceux, qui par la foi et l'attente patiente, reçoivent l'héritage promis (qui est donc loin d'être automatique!).
Il n'en reste pas moins que ceux qui, selon Col 1. 10- 12, seront jugés dignes d'hériter et de régner avec Christ, ayant marché d'une manière digne du Seigneur et à cause de leurs oeuvres bonnes, leur connaissance de Dieu, leur persévérance et leur patience, le devront finalement à Dieu qui les a rendus capables d'avoir part à l'héritage des saints dans la lumière. Toutefois, c'est leur responsabilité de faire l'effort nécessaire.
Le texte de 2 Tim 2.10-13 jette une lumière frappante sur notre sujet. Paul dit qu'il supporte tout à cause des élus, afin qu'eux aussi obtiennent le salut qui est en Christ Jésus, avec la gloire éternelle. Puis il continue: Si nous sommes morts avec lui, nous vivrons aussi avec lui (c'est le salut initial). Ensuite: Si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui,- si nous le renions, lui aussi nous reniera. Le sens du verbe «renier» est ici en relation avec «régner»: lui aussi nous reniera en tant que co-régnants. Il ne peut s'agir de la perte du salut tout court, car le texte continue: Si nous sommes infidèles, lui demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même.
Le fait que le privilège de régner avec Christ est conditionnel ressort aussi de la parole de Christ à l'église de Laodicée: Le vainqueur, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône... (Apoc 3.21).
(c) Couronnes
Qui dit couronne, dit règne, mais aussi récompense. C'est ce dernier sens qui est en vue dans 2 Tim 4.6-8, où Paul dit que parce qu'il a combattu le combat de la foi, la couronne de justice lui est réservée, tout comme à tous ceux qui auront aimé son apparition (l'avènement de Christ). Dans la même épître, Paul s'inspire de l'athlète qui court dans l'arène pour indiquer qu'il faut combattre suivant les règles (2.4-7). Le chrétien qui aspire à recevoir une couronne doit travailler et persévérer; les paresseux et les négligeants en seront privés.
Il y a d'ailleurs plusieurs sortes de couronnes:
1. La couronne de justice (dans les textes précités) pour avoir combattu et couru, et pour avoir aimé le retour de Christ (l'avoir attendu avec ardeur).
2. La couronne de vie pour avoir aimé le Seigneur jusqu'à la mort (Jac 1. 12; Apoc 2. 10).
3. La couronne de gloire; elle représente ceux que Paul a amenés à la foi en Christ (1 Thes 2.19; Phil 4.1). Combien y avons-nous amenés?...
4. Aux bergers fidèles du troupeau (c.-à.-d. aux anciens des églises), la couronne incorruptible de la gloire est promise (1 Pi 5.4).
II. La perte de récompenses
Paul se discipline durement, de peur.. d'être disqualifié à la fin (I Cor 9.27). C'est là une éventualité redoutable dont nous ne tenons souvent pas assez compte. De quel ordre cette disqualification peut-elle être?
Dans sa deuxième épître, Jean nous invite à prendre garde, afin de ne pas perdre le fruit de notre travail mais de recevoir une pleine récompense (v.8-10). Cette perte est ici liée à l'infidélité à la doctrine enseignée par Christ et les apôtres; s'en éloigner, soit en y ajoutant, soit en la dénaturant, entraîne la perte de la récompense réservée a ceux qui y restent fidèles. Il faut donc veiller à demeurer dans la doctrine du Christ et ne même pas recevoir chez soi ceux qui n'y demeurent pas. (Mesurons-nous la portée de cette injonction?) Notre position est-elle celle de l'église de Philadelphie, qui est louée pour avoir gardé la parole de la persévérance en Christ (Apoc 3. 10)?
Pierre nous invite à affermir notre vocation et notre élection et envisage qu'on puisse entrer dans le royaume plus ou moins largement (ou: pleinement, richement): 2 Pi 1. 10- 11. Il s'agit de la vocation de régner avec Christ, ce qui éclaire aussi la parole de Jésus: Il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus (Mat 22.14); beaucoup seront sauvés comme au travers du feu, mais n'auront apparemment pas accès à l'héritage du royaume ni au banquet inaugural (les noces de l'agneau); ils en subiront la perte. Le passage de 1 Cor 3.10-15 en parle clairement: celui dont l'oeuvre n'est pas bâtie sur le fondement posé par Jésus-Christ en subira la perte, car elle sera consumée; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du feu. Paul appelle dans 2 Thes 1.4-5 à la persévérance, afin que vous soyez, dit-il, rendus dignes du royaume de Dieu (on peut donc en être indigne). Plus loin, au v. 11, nous voyons Paul prier pour eux afin que Dieu les rende dignes de son appel (qui ne peut être l'appel initial à se convertir, puisqu'ils le sont déjà).
Les Ephésiens aussi sont appelés à marcher d'une manière digne de la vocation qui leur a été adressée (4.1; cf aussi 1 Thes 2.12». Aux hommes de Sardes qui se sont gardés purs, le Seigneur dit: ils marcheront avec moi en vêtements blancs, parce qu'ils en sont dignes (Apoc 3.4); cela implique que les autres n'en seront pas dignes, mais ne seront pas perdus pour autant. Si nous ne marchons pas avec lui maintenant, nous ne marcherons pas non plus avec lui en vêtements blancs.
Jésus avertit: Tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne (Apoc 3.11). Or qui peut être déshérité et perdre le droit de régner sinon un fils? Paul spécifie qu'en tant qu'enfants de Dieu, nous sommes cohéritiers de Christ, si toutefois (condition) nous souffrons avec lui, afin d'être aussi glorifiés avec lui (Rom 8.17). En fait, c'est à quoi nous sommes appelés: être glorifiés avec lui! C'est notre vocation suprême: être assis avec lui sur son trône!
Quand Jésus-Christ nous aura prépare une place, il reviendra pour nous prendre avec lui, afin que nous soyons aussi là où il est. (Cela implique qu'avant son retour, nous ne serons pas encore avec lui.) La lettre aux Hébreux fait allusion à son retour en rappelant qu'il est venu une seule fois pour abolir le péché, mais qu'il apparaîtra une seconde fois pour ceux qui l'attendent en vue de leur salut (9.27-28). En quoi ce «salut» consiste-t-il? Rom 8.23 répond: ... nous qui avons les prémices de l'Esprit, nous aussi nous soupirons (comme la création entière) en nous-mêmes, en attendant l'adoption, la rédemption de notre corps. 1 Cor 15 évoque ce «corps spirituel» que nous recevrons à la venue du Seigneur, et 1 Jean 3.2-3 constate que ce que nous serons n'a pas encore été manifesté, mais que nous savons que... nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est. Et il ajoute: Quiconque a cette espérance en lui se purifie, comme lui-même (le Seigneur) est pur. Dans quel but? ... afin qu'au moment où il sera manifesté, nous ayons de l'assurance, et qu'à son avènement nous n'ayons pas honte devant lui (litt. loin de lui; 1 Jean 2.28).
Etre loin de Christ signifie la perte de ces privilèges: marcher avec lui, être assis sur son trône, régner avec lui. Cela rejoint Héb 3.14, qui avertit que nous serons participants du Christ, si du moins nous retenons fermement, jusqu'à la fin, notre assurance première. Des termes semblables se retrouvent dans Apoc 2.26-27: Au vainqueur, à celui qui garde mes oeuvres jusqu'à la fin, je donnerai autorité sur les nations. Avec un sceptre de fer il les fera paître, ... ainsi que j'en ai reçu moi-même le pouvoir de mon Père. Autrement dit: il régnera avec moi s'il remplit la condition requise. L'expression tout perdre... afin de gagner Christ se trouve ainsi éclairée, de même que travailler à son salut (Phil 3.8 et 2.12) Nous comprenons aussi mieux ce que Paul écrivait à Timothée au sujet d'Onésiphore, qui avait aidé Paul à Ephèse et à Rome: Que le Seigneur lui donne d'obtenir miséricorde en ce Jour-là (à savoir: au jour où les oeuvres des enfants de Dieu seront jugées par Christ, de sorte que «miséricorde» a ici le sens de «récompense» 2 Tim 1.16-18).
Dans l'AT, le peuple d'Israël illustre cette vérité: sauvé (pardonné), mais sans hériter (le royaume). Dans Nom 14, suite à la prière de Moïse pour le peuple, Dieu lui dit: J'ai pardonné, mais ... tous ceux qui n'ont pas écouté ma voix,... tous ceux qui m'ont outragé ne verront pas le pays. Et parce que mon serviteur Caleb a été animé d'un autre esprit et qu'il a pleinement suivi ma voie, je le ferai entrer dans le pays,... et sa descendance en prendra possession (v.20-24).
III. Les jugements
Il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin qu'il soit rendu à chacun d'après ce qu'il aura fait dans son corps, soit en bien, soit en mal (2 Cor 5. 10).
Ce sera un moment solennel de révélations souvent étonnantes. Il ne nous est nulle part dit quand ce jugement aura lieu, sinon que ce sera après la mort: ... il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement (Héb 9.27).
Mais certains jugements s'exercent du vivant des croyants. Ainsi, ceux qui prennent la sainte cène indignement, c.-à-d. sans discerner entre le corps de Christ et le monde, sans s'être examinés et avoir mis en ordre ce qui ne l'était pas, peuvent tomber malade ou mourir en conséquence (l Cor 11.27-29). Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés. Mais par ses jugements, le Seigneur nous corrige, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde (I Cor 11.31-32). Dieu étant impartial, l'enfant de Dieu n'échappe pas au jugement de Dieu dans cette vie, à moins qu'il ne se repente (I Jean 1.9). Le but du châtiment du chrétien pendant sa vie terrestre est de l'amener à la repentance, afin de lui éviter des conséquences fâcheuses lors du jugement au tribunal de Christ.
L'auteur de l'épître aux Hébreux, après avoir comparé l'ancienne avec la nouvelle alliance, exhorte à un culte qui soit agréable à Dieu, avec piété et avec crainte. Car, ajoute-t-il, notre Dieu (à nous qui sommes sous l'alliance de la grâce!) est aussi un feu dévorant (Héb 12.28-29). C'est à des chrétiens que Paul écrit: Ne vous y trompez pas (sous prétexte qu'on est sous la grâce): on ne se moque pas de Dieu. Ce qu'un homme aura semé, il le moissonnera aussi (Gal 6.7). Et il ajoute cette promesse: Nous moissonnerons au temps convenable, si nous ne nous relâchons pas (v.9); de nouveau la persévérance!
Revenons au jugement après la mort. En accord avec le passage traitant du tribunal de Christ où les sauvés seront jugés, Pierre écrit: Si vous invoquez comme Père celui qui, sans considération de personnes, juge chacun selon ses oeuvres, conduisez-vous avec crainte (d'offenser Dieu) pendant le temps de votre séjour (sur terre)... Rejetez donc toute méchanceté et toute fraude, l'hypocrisie, l'envie et toute médisance ... (I Pi 1.17; 2.1). Il en ressort: Dieu est impartial (ce qui vaut pour tout homme vaut aussi pour le chrétien); nos oeuvres (bonnes et mauvaises) ont une grande importance; notre coeur n'est pas immunisé contre la méchanceté, la fraude, etc., qui ont des conséquences néfastes, dans cette vie et au tribunal de Christ, tant que ces péchés n'ont pas été confessés dans la repentance.
Si nous nous jugeons (mettons notre vie en ordre) au fur et à mesure de notre marche, nous pouvons avoir une parfaite espérance en la grâce qui vous sera apportée, lors de la révélation de Jésus-Christ (I Pi 1.13). Cette grâce n'est pas la grâce initiale qui nous sauve par le moyen de la foi en la croix et qui est gratuite, mais la grâce particulière des récompenses que le Seigneur nous réserve.
Jacques à son tour nous avertit: Parlez et agissez en hommes qui doivent être jugés selon une loi de liberté (parce que n'ayant pas à mériter le salut en accomplissant la loi), car le jugement est sans miséricorde pour qui n'a pas fait miséricorde. La miséricorde triomphe du jugement (2.12-13). Le pardon est la forme la plus parlante de la miséricorde. Jésus enseignait: Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos fautes (Mat 6.14-15). De nouveau, il n'est pas question que Dieu nous retirerait le pardon accordé par pure grâce; Jésus a en vue les conséquences éternelles de nos actes en tant qu'enfants de Dieu sauvés par grâce, susceptibles de recevoir récompenses ou réprimandes lors du jugement au tribunal de Christ.
Application pratique (selon Phil 3.12-4.1)
L'apôtre Paul illustre ainsi la vie chrétienne: c'est une course vers un but (je cours vers le but). Le point de départ: la conversion (j'ai été saisi par le Christ-Jésus). L'arrivée: l'héritage du royaume et le règne avec Christ (le prix de la vocation céleste).
Paul se propose comme modèle: il court et ne regarde pas sans cesse au passé (oubliant ce qui est en arrière). Il regarde en avant (je cours vers le but pour obtenir le prix). Il se discipline sur le plan physique (je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur, après avoir prêché aux autres, d'être moi-même disqualifié - 1 Cor 9.27). Se sachant imparfait, il se réjouit qu'au retour de Christ il sera transformé pour alors être parfait, sans défaut (semblable à son corps glorieux).
La recette de Paul
1. Etre conscient d'être encore loin du but.
2. Ne pas fixer ses regards sur les succès ou les échecs du passé.
3. Aller de l'avant, conscient que la vocation est d'ordre céleste. Une telle perspective est le meilleur remède contre le laisser-aller.
Conclusion
Gardons-nous de penser que, puisque nous sommes sauvés par la grâce, par le moyen de la foi et non point par les oeuvres, nos oeuvres faites dans la foi aient peu d'importance. Car Dieu n'est pas injuste pour oublier votre action, ni l'amour que vous avez montré pour son nom par les services que vous avez rendus... aux saints (Héb 6.10).
Ce que je demande dans mes prières, c'est que votre amour abonde de plus en plus en connaissance et en vraie sensibilité, qu'ainsi vous sachiez apprécier ce qui est important, afin d'être limpides et irréprochables pour le jour de Christ, remplis de justice par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu (Phil 1.9-11 ).Le but suprême de l'Eglise est de glorifier Dieu!
Pour terminer, laissons parler l'Apocalypse, le dernier livre de la Bible:
Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur, dès à présent! Oui, dit l'Esprit, afin qu'ils se reposent de leurs travaux, car leurs oeuvres les suivent (14.13).
Il lui a été donné (à l'épouse de l'Agneau) de se vêtir de fin lin... ce sont les oeuvres justes des saints (19.8).
Jean-Pierre Schneider
Notes:
(1) Les citations de cet article sont empruntées à la traduction dite «à la Colombe».
Promesses 1993 - No 105 -106