CURE D'AME PLAIDOYER POUR UNE CURE D'AME BIBLIQUE
Nous nous proposons de vous présenter plusieurs chapitres du livre que Roland Antholzer a publié en 1986 au Schwengeler-Verlag à Berneck sous le titre de "Plädoyer für eine biblische Seelsorge". L'accent, dit-il dans l'avant-propos, est sur le mot "biblique". Il constate que, vu que souvent le pasteur ou prédicateur d'une église doit seul assurer la relation d'aide, celle-ci est forcément quelque peu négligée. Mais l'auteur est également préoccupé par les méthodes dépourvues de fondement biblique qui sont employées dans ce ministère. Il plaide pour une cure d'âme spirituelle, globale, sobre et nuancée, dont le but doit rapprocher et non éloigner de Dieu.
Roland Antholzer est psychologue diplômé. Il est né en 1943 et a fait ses études en psychologie et en sociologie à l'université de Tübingen, où il se convertit à Jésus-Christ. Il est marié depuis 1977. Il s'occupa pendant plusieurs années d'enfants et de juvéniles caractériels. Il travaille actuellement dans une clinique pour toxicomanes à Kempten Bavière.
Voici la traduction libre du premier chapitre. Nous remercions l'auteur et les éditeurs de nous avoir accordé la permission de publier cette traduction.
1. AVONS-NOUS BESOIN DE LA PSYCHOTHERAPIE ?
Beaucoup de chrétiens sont persuadés que oui, habitués qu'ils sont d'avoir recours aux méthodes de la psychiatrie et pensant qu'on ne peut ignorer le fruit de la recherche scientifique.
Nous nous prononçons catégoriquement pour un abandon de la psychothérapie dans la cure d'âme, même si nous devions rencontrer une violente opposition.
Nous sommes bien conscients que ceux qui ont utilisé des techniques psychiques dans leur aide relationnelle ne vont pas d'emblée adhérer à nos vues. Tout ce que nous leur demandons, c'est d'avoir assez d'ouverture d'esprit pour au moins examiner le problème. Personne n'a le droit de mettre en cause la sincérité de ceux qui pensent autrement.
Je prétends que nous n'avons pas besoin des techniques de la psychothérapie profane. Par contre, nous avons grandement besoin d'appliquer les principes bibliques à toute relation d'aide si nous voulons apporter un véritable soulagement, une libération, une guérison aux hommes et aux femmes angoissés de nos églises.
Il faut aider
Je ne vous apprends rien en vous disant que notre temps connaît un accroissement de perturbations psychiques dont la gravité peut se mesurer en lisant les statistiques concernant la toxicomanie, la dépression et le suicide. L'église n'est pas épargnée, malheureusement, mais cela ne doit pas nous étonner outre mesure.
Ceux qui font de la relation d'aide découvrent vite que tout le spectre des perturbations psychiques et psychosomatiques se rencontre aussi chez les chrétiens. Il est bouleversant de voir tant de chrétiens dont le comportement est conditionné par toutes sortes d'assujetissements, d'angoisses, de problèmes conjugaux, alors que leur vie devrait être une lettre de Christ que tous peuvent lire. Le chrétien ne devrait connaître qu'une seule obligation, celle qui libère de tous les assujetissements: son engagement envers Jésus-Christ.
La raison, les sentiments et la volonté du chrétien devraient être imprégnés de la sagesse divine, de cette paix qui dépasse la compréhension, d'une joie indépendante des circonstances, d'un amour qui sait se renier. Heureusement qu'il y a encore des pères et des mères qui pourraient dire avec l'apôtre Paul: Soyez mes imitateurs, frères; portez les regards sur ceux qui marchent selon le modèle que vous avez en nous.
Une telle maturité est évidemment le résultat de la croissance spirituelle et de la sanctification. Il est normal que certains chrétiens soient encore "des enfants dans la foi"; mais il n'est pas normal pour un chrétien de rester dans un état infantile pendant dix ans ou plus. Nous ne devrions pouvoir accepter que certains membres d'une église restent bloqués et n'existent qu'à la périphérie de la communauté. Cela devrait constituer un défi pour les frères que la maturité spirituelle qualifierait à porter secours (Gal 6. 1). Ce ministère, qui est loin d'être seulement celui des pasteurs, fait cruellement défaut dans l'Eglise contemporaine. Cela comporte un danger: l'adversaire exploite cette situation en proposant aux chrétiens ses contre-programmes dont certains gagnent rapidement du terrain.
Au lieu de demander: "Suis-je le gardien de mon frère?", tout chrétien, y compris les "professionnels" de la cure d'âme, feraient mieux de demander: "Puis-je être le gardien de mon frère ?" Personne ne saurait ignorer cette question. Mais même ceux qui en ont reçu l'appel appréhendent d'entreprendre ce ministère parce qu'ils ne se sentent pas assez compétents.
La psychotechnique, un outil de la cure d'âme ?
Avec la question de la compétence se pose celle de la méthode. Les bergers des églises, dont on attend qu'ils fassent de la relation d'aide, sont en danger de déléguer leur tâche en envoyant les gens chez des psychiatres et des psychothérapeutes, qui sont rarement des chrétiens. Souvent ils ont eux-mêmes recours aux méthodes psychotechniques, ou alors à des méthodes qui se disent bibliques tout en étant de la psychotechnique utilisant des termes bibliques.
C'est ainsi que le vide créé par la carence en relation d'aide est comblé par des méthodes extra-bibliques. Cette invasion des communautés chrétiennes par des méthodes psychologiques ne date pas d'aujourd'hui. Depuis l'invention de la psychanalyse par Sigmund Freud, la psychothérapie a commencé à pénétrer au coeur même de la théologie. Freud détestait tout ce qui est chrétien. Malgré cela, il est devenu et continue à être le patron de la cure d'âme. Mais d'autres s'y sont ajoutés: C.G. Jung, Carl Rogers, Victor Frankl et Jacob Moreno, pour ne nommer que les plus importants.
On est séduit par ce que promet la psychologie à ceux qui appliquent les méthodes qu'elle prône: améliorer les qualités de la vie ou du moins en allégeant les souffrances morales. Mais les prétentions de la psychologie aboutissent à un pseudo-salut par la promesse de donner un sens tout nouveau à la vie. C'est le cas surtout pour les thérapies humanistes telles que la dynamique de groupe, dont la pratique devient de plus en plus fréquente dans les rencontres à but relationnel. Les responsables discernent souvent mal à quel point les conceptions psychologiques sont mélangées avec celles de la Bible, en général par le biais d'employer la terminologie biblique à des fins psychotechniques.
Comme la Bible n'offre pas de méthode toute faite pour la cure d'âme, alors que la psychologie offre des méthodes qui ont été éprouvées, on a adapté ces méthodes à la relation d'aide, d'autant plus qu'elles utilisent des tournures aux assonances bibliques. Mais elles sont finalement inefficaces et ne soulagent pas la misère psychique de ceux auxquels on les applique.
La parole du Ps 1. 1 est aussi valable pour celui qui traite que pour le traité: Heureux l'homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants... Si nous dépendions vraiment de la psychothérapie pour aider les angoissés, les déprimés, les désespérés, l'Eglise de Jésus-Christ n'aurait pas eu les moyens de les aider pendant deux millénaires ! L'apôtre Paul lui-même se serait trouvé démuni devant les besoins pressants qui l'entouraient, lui dont la préoccupation quotidienne était le souci de toutes les églises (2 Cor 11.28). Fallait-il vraiment attendre un Monsieur Rogers pour apprendre aux chrétiens ce qu'est l'empathie ? Paul ne disait-il pas déjà aux Ephésiens qu'il n'avait cessé nuit et jour d'avertir avec larmes chacun d'eux (Act 20.31) ? Si l'empathie est définie comme "l'aptitude de se voir et de voir les autres avec les yeux d'autrui" (Larousse 3C, 1965), donc objectivement, Paul en avait plus que bien des bergers de notre siècle.
Evidemment que cet argument est à deux tranchants, car Paul utiliserait certainement les moyens modernes de communication et de transport s'il vivait aujourd'hui. Mais utiliserait-il des techniques psychothérapeutiques pour aider les chrétiens en quête d'aide morale ?
Les méthodes sont-elles neutres ?
Bien des chrétiens s'imaginent que les méthodes sont neutres en elles-mêmes et qu'il suffit de savoir en user à bon escient. Ce n'est pas parce qu'on peut assommer quelqu'un avec un marteau qu'il faut en condamner l'emploi, disent-ils.
Ainsi Gudjons, en parlant de la dynamique de groupe, prétend que le seul danger consiste à en faire un usage néfaste, et non en la méthode elle-même.
Mais je me demande si nous pouvons nous soustraire à notre responsabilité à si bon compte ? Il serait à voir à quel point ces méthodes sont neutres aussi quand elles touchent à l'âme humaine. Car il va de soi que toute méthode psychotechnique se base sur des prémisses qui sont d'ordres philosophiques. En l'adoptant, on accepte aussi l'esprit qui est à la base des prémisses.
Sven Findeisen dit très justement qu'on ne peut adopter une méthode sans être, du même coup, aiguillé sur une voie correspondante. Maîtriser une méthode implique qu'on est maîtrisé par l'esprit, les prémisses et l'intention qui la déterminent.
Qui est au centre : l'homme ou Dieu ?
L'origine, le procédé et le but sont trois aspects qui permettent de découvrir les différences fondamentales entre la relation d'aide biblique et la psychothérapie. Rom 11. 36 montre que ces trois aspects doivent se rapporter à Dieu si la méthode se veut bibliquement fondée : Car tout est de lui (origine), par lui (procédé) et pour lui (but). A lui la gloire dans tous les siècles ! Amen.
Essayons de caractériser psychothérapie et cure d'âme
La psychothérapie
Elle est d'origine humaine; ses conceptions sont basées sur une vision de l'homme sans Dieu. Ses méthodes ont été conçues par des hommes qui ne connaissaient pas Dieu et ne se fiaient qu'à leur propre jugeote. Ils dégradent la foi en Dieu en béquille dont il faut apprendre à se passer afin de pouvoir se réaliser soi-même. Le but de la psychothérapie est de rendre l'homme autonome, indépendant de Dieu et du prochain. La psychothérapie est centrée sur l'homme.
La cure d'âme
La vraie relation d'aide, par contre, trouve son origine dans la Parole de Dieu et dans sa volonté. Puisque le secours ne peut provenir que de la seigneurie de Christ, il doit venir de Dieu. Le procédé de la cure d'âme s'oriente à partir de la Bible. Seule la puissance de Dieu par l'action du Saint-Esprit apportera un succès durable. Le but de la relation d'aide est de glorifier et d'honorer Dieu en amenant le croyant à refléter l'image de Dieu. La cure d'âme est donc entièrement centrée sur Dieu et sur Jésus-Christ.
En résumé
La psychotechnique est anthropocentrique.
La cure d'âme est théocentrique et christocentrique.
Origine |
Psychothérapie en l'homme |
Cure d'âme en Dieu |
Procédé |
par méthode humaine |
par la Bible et la puissance de Dieu |
But |
l'homme autonome |
l'honneur de Dieu. |
2. LE CLIVAGE
Il est proposé de préciser en quoi consiste le contraste entre psychothérapie et cure d'âme ou, pour utiliser un terme plus récent relation d'aide. Pour ce faire, il est nécessaire d'éclairer l'arrière-plan anthropologique, car il serait naïf de vouloir analyser une méthode indépendamment de ses prémisses philosophiques. Le clivage entre les deux méthodes est dû aux différences d'origine, de procédé et de but.
A. ANTHROPOLOGIES IRRECONCILIABLES
1. L'anthropologie de la psychothérapie
Trois grands courants psychologiques ont donné lieu à trois conceptions thérapeutiques : la psychanalyse, le behaviorisme (1) et la psychologie humaniste. Ils présentent tous trois les caractéristiques suivantes : une idéologie matérialiste, un déterminisme (2) plus ou moins prononcé, une conception évolutionniste de l'origine de l'homme et une interprétation hédoniste (3) et eudémoniste (4) du sens et du but de la vie.
a) La psychanalyse
Elle se base sur une conception matérialiste de l'homme. L'âme n'est comprise qu'en tant que fonction de la matière et devrait pouvoir s'expliquer par les lois de la physique et de la chimie. L'esprit de l'homme n'est pas objet de réflexion, du moins pas en tant qu'entité existante indépendamment du corps.
La conception de Freud est typique pour l'adoration de la raison et de la science. Il est persuadé qu'on devrait pouvoir expliquer les manifestations de l'âme d'une manière strictement scientifique par les rapports biologiques de cause à effet, simplement en échangeant les termes psychologiques contre ceux de la physiologie ou de la chimie.
D'après Freud, l'âme ou la psyché est un appareil qui fonctionne selon des principes énergétiques. Elle se constitue du "ça", de "l'égo" (ou du moi") et du "sur-moi". Le "ça" représente l'ensemble des pulsions instinctives et inconscientes. Le "sur-moi" représente les motivations et actions formées par l'identification de l'enfant aux parents ou à leurs substituts. Le "sur-moi" exerce la fonction de censure contre les pulsions ou instincts du "ça" afin d'éviter la culpabilité. "L'égo" désigne la personnalité et se définit comme un équilibre entre les tendances élémentaires du "ça" et la censure sociale intériorisée du "sur-moi". La psyché est activée par la libido (5) dont le fonctionnement est conçu d'une manière mécanique. Mais ce n'est pas la volonté qui règle le mécanisme, c'est le principe du plaisir et du déplaisir.
Le déterminisme biologique, que Freud approuve, est doublé d'une psychologie de motivation hédoniste. En fin de compte, l'homme est motivé par la recherche du plaisir et l'évitement du déplaisir. Les instincts innés déterminent davantage son comportement que le milieu ambiant.
Freud a été fortement influencé dans ses théories par les ouvrages de Charles Darwin, qu'il vénérait beaucoup. Les hypothèses évolutionnistes de Darwin lui permettaient d'ignorer les réalités "Dieu" (en tant que vis-à-vis), "éternité", "esprit", entre autres. Freud niait toute destinée allant au-delà de la recherche innée de la satisfaction maximale des appétits sensuels allant de pair avec le souci de réduire au minimum toute source d'anxiété. Il y a conflit continuel entre les exigences du "ça" et les revendications du "sur-moi", entre le principe de la jouissance voluptueuse et celui de la réalité ambiante.
b) Le behaviorisme
Là aussi, la conception de l'homme est tributaire du matérialisme biologique. Comme on ne peut observer et mesurer ce qui se passe dans le domaine de l'âme et de l'esprit, on n'en parle pas. On ne se préoccupe que des réactions déclenchées par les stimuli sensoriels et psychiques.
Comme la psychanalyse, le behaviorisme est caractérisé par le déterminisme. Le comportement humain est expliqué à partir des mécanismes du conditionnement. De nouveau, c'est le principe hédoniste du plaisir et du déplaisir qui règle le comportement. Ce principe exclut pratiquement le libre arbitre.
Le behaviorisme ne se prononce pas sur la nature de l'homme. La conscience est considérée comme un réflexe conditionné. Le comportement n'est pas bon ou mauvais, mais simplement adapté ou inadapté. Mais si l'homme n'est qu'un ensemble de conditionnements, on peut le "faire". J.B. Watson était persuadé qu'on pouvait faire de n'importe quel enfant bien portant un médecin, un artiste, un commerçant, ou alors un vagabond ou un cambrioleur, irrespectivement de ses aptitudes ou dispositions.
L'homme étant pour le behavioriste, le produit d'une lente évolution, les expériences faites sur les animaux peuvent sans autre s'appliquer à des humains.
c) La psychologie humaniste
En 1962, Abraham Maslow se proposait de fonder une organisation qu'il nommait "la troisième force", par où il entendait une pensée psychologique qui se différenciait de la psychanalyse aussi bien que du behaviorisme dans le but de "ré-humaniser" la psychologie. Il s'agit d'un anthropocentrisme (l'homme est au centre de tout) qui ressent toute foi en Dieu comme une limitation de l'humanité de l'homme, dans le sens que cette foi le prive de son autonomie.
Le fondement de la psychologie humaniste est une philosophie matérialiste qui ne tient compte que du visible et de l'immanent (un au-delà de la pensée est impensable). La psychologie humaniste se distingue de la psychanalyse et du behaviorisme par un darwinisme social plutôt que biologique. Le déterminisme des humanistes est tempéré par une certaine liberté de décision qui permet à l'homme de "se réaliser". Mais comme seuls quelques privilégiés y parviennent, il y a un danger de considérer ceux qui sont "moins développés" comme étant "moins humains", pour citer le psychanalyste C.F. Graumann.
Tout cela n'empêche pas la psychologie humaniste d'adhérer au postulat de base de Jean-Jacques Rousseau: "L'homme est foncièrement bon." L'humaniste croit sincèrement en la capacité de l'individu d'extraire du significatif de l'absurde. La propension du psychologue humaniste à trouver du sens dans l'absurde est franchement phénoménale. Ainsi, malgré la prémisse que l'homme, constitué de matière uniquement, est le produit du hasard, l'humaniste va jusqu'à exprimer l'espérance d'une sorte de "salut". Charlotte Bühler et Melanie Allen, dans leur "Einführung in die humanistische Psychologie" (Introduction à la psychologie humaniste, Stuttgart 1973), à propos de l'exigence de créer des conditions de vie dignes de l'homme, s'expriment ainsi: "Cette exigence est appuyée par la psychologie humaniste dans ses principes philosophiques, psychologiques et éthiques. Elle espère contribuer à effectuer les métamorphoses (transformations) nécessaires à la survie de l'homme." Il est ensuite question de "vivre une vie comblée", résultat d'un "renouvellement de la vie", selon certains principes qui nous aident à "trouver un sens à notre vie malgré le fait que la signification dernière de la vie nous échappe"
3. METHODE DE LA CURE D'AME
Même si la Bible ne nous donne pas de méthode systématique, elle contient pourtant de nombreuses indications praticables. Ne cédons pas à la tentation d'en construire une méthode qui nous donnerait l'illusion de maîtriser les situations auxquelles nous pouvons être confrontés et de donner un enseignement structuré sur le sujet. Il est cependant possible de dégager de la Bible certains éléments de base qui réapparaissent régulièrement et qu'on peut mettre dans un certain ordre logique dont voici les étapes:
1. Sonder
C'est la phase diagnostique. Il s'agit de savoir pourquoi la personne cherche de l'aide. Il faut l'écouter, la questionner, l'observer afin de discerner comment le problème présent est survenu, ce qui le maintient et comment l'interlocuteur a cherché à y faire face.
2. Comprendre
Au fur et à mesure qu'avance le sondage, qui doit être fait avec beaucoup de soin, le conseiller se rend compte quel est le fond du problème, aidé par son expérience personnelle. La compréhension qui découle de l'information recueillie est absolument nécessaire si l'aide apportée se veut efficace.
3. Exhorter
Une fois que le conseiller a saisi la corrélation entre les différentes données, il cherchera à confronter l'interlocuteur avec le point de vue biblique. Le conseiller s'attendra à ce que le Saint-Esprit éclaire son vis-à-vis sur ses erreurs de comportement et le convainque de péché, lui montrant la marche à suivre dorénavant. IL sera peut-être nécessaire de l'avertir des suites fâcheuses qui pourraient intervenir s'il ne veut pas entendre raison.
Il va sans dire que l'exhortation doit être empreinte d'amour et de tact.
4. Réconforter
Une fois que la personne conseillée reconnaît ses torts et les a confessés, le conseiller peut l'aider à reprendre courage, car il se peut qu'elle soit abattue, qu'elle se stigmatise ou se résigne. Mais il s'agit d'aller un pas plus loin et d'éveiller l'espoir.
5. Conseiller
C'est un élément indispensable, car la personne troublée ne sait généralement pas comment s'y prendre; elle a besoin de lignes directrices. Il y a probablement des relations familiales ou sociales à régler, ou des problèmes pratiques tels que des soucis financiers ou autres.
Le but de toute relation d'aide peut ainsi être atteint : abandonner les habitudes nocives provenant souvent de travers caractériels et les remplacer par des habitudes qui caractérisent la marche spirituelle (en termes bibliques : revêtir Christ).
Il faut ici éviter le piège du légalisme et montrer à l'interlocuteur comment il est possible d'obéir au Seigneur avec joie et persévérance. Bien entendu, la manière de vivre du conseiller doit être à la hauteur des exigences d'une marche dans l'obéissance et la joie.
L'obéissance joyeuse
Cela paraît paradoxal, mais pour avoir de la joie à se soumettre au Seigneur Jésus-Christ, il faut avoir reçu la vérité évoquée dans Rom 6 : Nous savons que notre vieille nature a été crucifiée avec lui. Logiquement, dit Paul, un mort ne pèche plus, il est mort au péché et vivant pour Dieu en Jésus-Christ Le Moi crucifié ne doit plus me dominer, car maintenant ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi; le croyant est identifié au crucifié et au ressuscité, et il vit sa vie dans la foi au Fils de Dieu (Gal 2.20).
Prenons l'exemple d'un chrétien qui est devenu dépressif parce qu'il ne peut accepter d'avoir une maladie chronique. Il ne suffit pas de l'exhorter à ne pas "en vouloir à Dieu"; il faut qu'il soit prêt à abandonner son "droit à la santé" (exigence dont il n'est peut-être pas conscient) et à faire confiance à Dieu. Il vivra une libération qui lui rendra sa joie.
Ce qui précède montre bien que la cure d'âme ne saurait se conformer à une série de règles, à une méthode rationnelle, mais qu'elle dépend, en fin de compte, des directives et de l'action du Saint-Esprit. Communiquer des vérités bibliques, qui par définition doivent mener à la liberté, n'est pas premièrement du ressort d'une quelconque méthode bien rôdée. La personne en difficulté ne peut être aidée spirituellement, ne peut être amenée à faire l'expérience de la sanctification si notre témoignage n'est pas doublé par la révélation que Dieu seul peut donner.
C'est en ce point que l'incompatibilité entre la relation d'aide chrétienne et les méthodes psychothérapeutiques devient évidente. Ces dernières exigent des preuves qui doivent confirmer l'efficacité des méthodes employées, alors que de telles preuves n'ont aucun sens en rapport avec la cure d'âme.
4. BUTS IRRECONCILIABLES
A. Buts de la psychothérapie
La discussion des buts et des valeurs normatives chez les thérapeutes et leurs patients n'a été engagée sérieusement que depuis une dizaine d'années. Ils ont été très différemment formulés par les différents courants psychologiques. En voici un très bref aperçu
1. Psychanalyse
Etant orienté du côté du modèle médico-scientifique, la question du but se pose de la manière la plus simple : le malade est considéré guéri quand les symptômes ont disparu.
Chez Freud, le but est atteint quand le patient a retrouvé la capacité d'aimer, de travailler, de jouir. Il doit pouvoir se respecter, savoir qu'il est quelqu'un. Cette parole de Freud est devenue célèbre : "Wo Es war, soll Ich sein." (Le "ça" doit être remplacé par le "moi", le "ça" représentant les pulsions subconscientes, tandis que le "moi" désigne la personnalité.) Le but de la thérapie est de rendre le patient conscient de choses cachées dans le subconscient afin d'en avoir le contrôle.
Ce que cherche à atteindre le psychanalyste Alfred Adler est la réalisation du but que le patient s'est lui-même fixé, but que le thérapeute peut éventuellement l'aider à trouver. Pour Adler, le but principal est l'intégration de l'individu dans la société avec les valeurs éthiques qui lui sont propres. De ce point de vue, la consommation rituelle de cadavres humains par les cannibales serait à évaluer positivement! Cet exemple extrême montre bien combien une éthique communautaire peut être relative.
2. Behaviorisme
Cette thérapie veut premièrement éliminer des symptômes gênants tels que l'anxiété et le comportement inadapté, et stimuler un comportement positif dans la société. Vu que le but à atteindre est en fonction des symptômes du patient, la thérapie est différente pour chaque cas.
On cherche à éviter les abstractions trop générales. Ainsi, au lieu de parler d'une libération de l'anxiété, on préfère une formulation précise : "Le patient doit être amené à pouvoir prendre l'avion sans éprouver de la crainte. "
Lors d'un congrès réunissant des thérapeutes du comportement en 1984, en Allemagne, congrès placé sous le titre "Sortir de la crise", le gourou Ma Latifa fut invité à traiter le sujet "Méditation et thérapie". Autres sujets : "L'utopie, voie d'une vie meilleure", "La moitié du ciel", "Modèles de comportement, bonheur et santé". L'influence de l'idéologie humaniste n'est que trop évidente, de même que l'illusion que cette thérapie apporte le salut, alors que le behaviorisme se veut idéologiquement neutre.
3. Psychologie humaniste
Les buts se présentent plus différenciés que ceux de la psychanalyse, mais plus vagues que ceux du behaviorisme. Globalement, il s'agit de stimuler ce qu'il y a de "bon" dans la personne afin de mobiliser les forces de guérison inhérentes.
Reiner Bastine énumère les buts suivants
- mieux s'accepter avec ses faiblesses
- acquérir plus de sûreté dans le domaine des émotions, plus de contentement, plus d'équilibre
- plus de liberté intérieure, donc plus de détente
- moins d'anxiétés
- plus d'indépendance et d'initiative
- plus grande flexibilité dans la pensée et le comportement.
Même si des buts peuvent paraître parfaitement légitimes, la manière dont on croit pouvoir les atteindre sont en contradiction absolue avec la voie proposée par l'enseignement de la Bible. Car le but ultime consiste à se réaliser soi-même, à développer les potentialités du Moi - un but tout à fait égocentrique. Jusqu'où cela peut mener ressort de cette prière-incantation que formule l'initiateur de la psychologie de la forme, Fritz Perls : "Je suis moi et tu es toi. Je ne suis pas au monde pour répondre à tes attentes, et toi non plus pour répondre aux miennes. Je suis moi et tu es toi, et si le hasard veut que nous nous rencontrions, c'est merveilleux. Sinon, il n'y a rien à faire." Cette attitude risque de produire un égoïsme à outrance.
Nous constatons que tous ces courants se basent sur des valeurs très relatives. Comme l'homme est la mesure de toutes choses, lui qui est soumis aux changements culturels, ses valeurs éthiques subiront l'influence de ces changements.
Les concepts "sain" et "malade", "normal" et "anormal" sont aussi soumis à ce relativisme. Pour réduire la relativité à un niveau supportable, on part de trois critères selon lesquels une personne peut être considérée psychiquement "malade" :
1. Son comportement diffère de la moyenne statistique (critère objectif).
2. Elle est écrasée par la souffrance (critère subjectif).
3. Son état d'âme n'est pas conforme à la culture ambiante (critère socio-culturel).
Un dernier point est à considérer: l'influence inévitable du thérapeute sur le patient, qui adoptera insensiblement les valeurs éthiques du premier. Cela peut comporter des dangers.
B. Buts de la relation d'aide biblique
Le chrétien qui s'oriente vers les valeurs éthiques de la Bible ne caractérisera pas un état psychique de "maladie" ou "d'anomalie". Car notre comportement de pécheurs dévie toujours plus ou moins de ce qui, aux yeux de Dieu, serait "sain" ou "normal". Pour Dieu, seul est normal ce qui correspond à sa norme. Dans ce sens, Jésus-Christ seul peut-être considéré comme "normal". Rom 3.23 nous dit qu'il n'y a pas de distinction, tous les hommes ayant péché et étant dépourvus de la gloire de Dieu. Mais tout homme qui a reçu le salut en Christ est - toujours aux yeux de Dieu - virtuellement saint, juste et parfait, même si son comportement en est encore loin.
Le but final de tout chrétien, et donc aussi de toute cure d'âme biblique, est de devenir toujours plus semblable à Jésus dont il porte la vie en lui-même. Probablement que ce but n'est envisagé que par peu de chrétiens qui cherchent de l'aide. Leur souci est d'être délivré de leurs problèmes et de leurs symptômes afin d'être heureux, tout simplement.
Or la recherche du bonheur en soi est trompeuse, quels que soient les moyens employés. D'autre part, ceux qui cherchent à plaire à Dieu y trouvent accessoirement un bonheur d'une qualité supérieure. Selon L.J. Crabb, les thérapeutes chrétiens doivent être conscients à quel point la nature humaine est égoïste, de sorte que rien n'est plus facile que d'aider quelqu'un à atteindre un but centré sur son bonheur et son bien-être. En tant que membres du corps de Christ, nous avons à diriger les regards de l'interlocuteur sur le but biblique, qui consiste à le libérer de son égoïsme pour servir Dieu et vivre de manière à l'honorer. Les conseillers qui poursuivent ce but n'ont pas besoin de craindre l'influence qu'ils exerceront forcément sur leur vis-à-vis, vu qu'elle ne peut-être que bénéfique.
Le but de toute sanctification et donc de toute cure d'âme n'a jamais été mieux définie que par l'apôtre Paul: afin que nous servions à célébrer sa gloire (Eph 1. 12). Tout conseiller spirituel n'est qu'un instrument que Dieu utilise à cette fin. C'est pourquoi il ne considérera pas seulement l'individu, mais l'Eglise entière, car si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui, et si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui (1 Cor 12.26).
Résumé
La psychothérapie est axée sur les valeurs passagères, alors que la cure d'âme est axée en premier lieu sur les valeurs éternelles. Les bienfaits de la relation d'aide doivent aller au-delà de la vie terrestre.
Si les effets de notre intervention spirituelle perdent leur signification au seuil de la mort, notre cure d'âme a manqué le but.
Roland ANTHOLZER
(traduction adaptée par Jean-Pierre Schneider avec la permission de l'auteur et des éditeurs)
(1) behaviorisme la psychologie consiste dans l'étude du comportement
(2) déterminisme les actions humaines sont fiées par la totalité des événements antérieurs
(3) hédonisme: le principe de la morale consiste en la recherche du plaisir
(4) eudémonisme: toute l'activité de l'économie repose sur la poursuite du maximum de satisfaction
(5) libido : énergie de la personnalité, plus particulièrement celle qui stimule les pulsions sexuelles.
Promesses 1987 - No 80 - 81 -82