Bifurcation (la)

Lorsqu'on observe une voie de chemin de fer, on est frappé de voir le changement de direction se produire insensiblement; les rails de la voie nouvelle s'appliquent d'abord avec exactitude contre les rails de l'autre; puis, par une courbe très douce, ils s'en écartent peu à peu; à quelques mètres la courbe s'accentue, les deux voies s'éloignent, prennent des directions différentes et dans la suite, il n'est pas possible de deviner que l'une est issue de l'autre.

Sur la route de notre vie normale, il peut se produire aussi des bifurcations qui nous entraîne loin de notre direction primitive; le changement initial est presque imperceptible; comme les rails de la ligne nouvelle, les principes qui surviennent pour modifier notre orientation, se greffent insidieusement sur les premiers principes; ils paraissent même en faire partie un instant; puis, si nous adoptons, ils nous emmènent loin du point de jonction, ils nous dirigent vers d'autres buts et nous sommes amenés à penser, à sentir, à agir autrement que nous le faisions auparavant.

Plus tard, quand nous considérons la route abandonnée, nous constatons que nous en sommes très loin; l'effort nécessaire pour la retrouver nous apparaît supérieur à nos forces, le plus souvent nous y renonçons. Et voilà le jeune, la jeune fille, si pleins de bonnes intentions, si fermement décidés, au début, à suivre la voie tracée, désemparés, découragés peut-être, dévoyés et perdus, simplement parce qu'ils n'ont pas pris garde à la bifurcation.

Heureux celui qui, dans un cas pareil, reconnaît le faux aiguillage et la manoeuvre fatale! Il pourra, s'il connaît Dieu comme Père et Jésus-Christ comme Sauveur, revenir avec l'aide divine en arrière, repentant et confiant. Il s'humiliera des fautes passées, en recevra le pardon, quittera la "voie large qui mène à la perdition" pour retrouver "le chemin étroit qui mène à la Vie". Et cet écart de la voie droite lui servira de leçon pour l'avenir; il deviendra plus prudent, plus circonspect, moins présomptueux, moins sûr de soi.

L'expérience faite lui sera salutaire, car dans la grande école de la vie, l'élève intelligent profite de tout. Il ne suffit pas de reconnaître que l'on est dans une mauvaise voie et d'être seulement rempli de bonne volonté, de bonnes intentions pour s'en sortir, "le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions" a dit Luther. Ce qu'il faut c'est un sérieux retour sur soi-même, une conversion réelle. Il faut prier comme le Psalmiste: "Sonde-moi, ô Dieu ! connais mon coeur; éprouve-moi et connais mes pensées. Regarde si il y a en moi quelque voie détournée et conduis-moi dans la voie éternelle" (Psaume 139:23).

Il faut craindre le Mal, le haïr, le fuir, en un mot le délaisser, en criant à Celui qui seul peut nous accorder la force de la vaincre, et cela, jour après jour. Plus nous aurons conscience de notre propre faiblesse à cet égard, plus nous aurons recours à la prière et à la lecture quotidienne des Saintes Écritures: "Comment un jeune homme rendra-t-il pur ses voies ? Ce sera en y prenant garde selon Ta Parole", lisons le beau Psaume 119, dont on ne saurait trop recommander la lecture à chacun.

Pour la plupart d'entre nous, le fait de bifurquer sur une mauvaise voie se manifeste peu à l'extérieur; il est rare que nous osions, avec éclat, modifier notre façon d'être et de vivre; nous n'abandonnons pas ouvertement l'ordre pour le désordre, la sagesse pour la frivolité, l'apparence religieuse pour la bruyante dissipation. Les barrières du respect humain, de notre milieu, de notre réputation, nous tiennent assez bien dans le sillon voulu.

Mais la bifurcation est à l'intérieur, au fond de notre coeur. Ce sont nos sentiments, nos résolutions, nos projets, nos intentions qui dévient, dans le silence de l'intimité. Notre foi a baissé, notre spiritualité est en diminution, précisément parce que nous avons négligé de nourrir notre âme du pur aliment de la Parole de Dieu et délaissé la prière. Nous n'avons pas cultivé la communion avec Dieu, nous ne l'avons pas fait intervenir dans notre vie, en un mot nous avons suivi la voie qui nous paraissait bonne, facile, sans nous en remettre simplement à notre Père Céleste. Alors celui-ci a permis des contrariétés, des déceptions, des revers, afin de nous arrêter avant qu'il ne soit trop tard.. L'épreuve, les difficultés se sont dressées sur notre chemin; l'amertume nous a saisis, mais le Seigneur veille sur nous. Si nous changeons, lui demeure fidèle et s'il frappe, s'il corrige, c'est parce qu'il aime, c'est parce qu'il veut ramener la brebis égarées au bercail. "Car celui que le Seigneur aime, il le discipline et il fouette tout fils qu'il agrée" (Hébreux 12:6).

Pour ce qui est de notre vie publique, nous aurons peut-être de multiples déceptions dans la pratique de l'honnêteté, dans l'exercice de ce que nous croyons être le devoir. Nous verrons autour de nous le succès obtenu par des gens sans conscience. Il y aura, au fond de notre coeur, de la jalousie, du dépit, un vague sentiment que nous dupes et victimes.

Alors le tentateur cherchera à nous faire abandonner l'effort qui ne nous rapporte pas assez, pur nous faire adopter le cynisme qui procure d'autres gloires et profits, pour nous faire perdre de vue notre vocation d'étrangers, de pèlerins, dans un monde qui a rejeté notre Seigneur et Maître et le rejette encore. Et vite, nous serions tentés de nous laisser envahir par l'amour du luxe, par l'égoïsme, par l'arrivisme qui sont à l'ordre du jour. Nous continuerions à bifurquer dans la mauvaise voie si le seigneur ne nous arrêtait Lui-même.

Ce dépit qui nous attend tous, à notre heure, insidieux et perfide conseiller, conduit à l'amertume, et si l'amertume nous saisit, nous changeons de direction.

 

Jeunes gens qui êtes dans la bonne voie et désirez y rester, surveillez bien vos découragements; ils sont dangereux. C'est par eux que nous risquons le faux aiguillage et la fatale manoeuvre. Quand l'évidence nous prouve que la vertu n'a pas toujours une récompense immédiate, ou du moins, n'a pas la récompense extérieure et éclatante que nous escomptions, disons-nous que notre intention a été mercenaire et notre vertu intérieure; et loin de nous abandonner au découragement, haussons nos coeurs vers celui qui a passé ici-bas "faisant du bien", méconnu, méprisé, rejeté en retour.

Continuons à pratiquer la vertu pour elle-même et non pour les avantages qu'elle pourrait procurer, Faisons-le dans la crainte et pour l'amour de ce divin modèle qui nous a tracé la voie, la seule voie droite où la bénédiction d'En-Haut pourra nous suivre jusqu'à la vie éternelle.

 

"Heureux l'homme qui craint l'Eternel et qui marche dans ses voies" (Psaumes 128:1)

S. C. Dossier " Le Réverbère"

La Bonne Nouvelle 6/90

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