Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Etudes bibliques

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ÉPÎTRE À L'APÔTRE PAUL


Nous sommes privilégiés et reconnaissants de posséder au moins treize lettres d'inspiration divine signées de Paul. Elles nous sont données pour notre instruction, pour notre salut, pour notre édification, et comme directive pour notre vie chrétienne personnelle et collective.

Par contre, nous ne possédons aucune lettre qui lui ait été adressée. Celle que nous reproduisons ci-dessous est quelque peu fantaisiste, mais, malheureusement, elle n'est pas tout à fait imaginaire pour autant. Elle se fait l'écho d'une mentalité qui s'installe sournoisement dans divers milieux évangéliques. Elle doit souligner l'opposition fondamentale entre ce qui vient d'une intelligence soumise à l'inspiration divine et ce qui vient d'une sagesse purement humaine. Celle-ci substitue à l'exigence des principes divins éternels, transmis par l'apôtre dans ses écrits, le laxisme d'une politique opportuniste. Une telle mentalité prépare les hommes aux mirages humanistes et aux compromis du New Âge plutôt qu'aux combats spirituels de la fin des temps.

Le langage quelque peu caricatural des accusateurs de Paul dans ce texte pourrait être ressenti par certains de nos lecteurs comme irrespectueux envers Paul et la Parole de Dieu. Mais ce langage est précisément destiné à mettre en lumière l'arrogance et la désinvolture des critiques de Paul ainsi que la folie d'une prétendue sagesse que Jacques qualifie de «terrestre, chamelle, diabolique» (3: 15). Puisse le lecteur ne pas se méprendre sur l'attitude réelle du vrai rédacteur qui est, quant à lui, absolument convaincu que l'enseignement de Paul donné sous l'inspiration du Saint-Esprit commande un profond respect et exige une soumission inconditionnelle!

Que Dieu accorde à ses enfants sincèrement désireux de lui plaire de discerner les dangers actuels souvent subtils et à prendre les dispositions qui s'imposent avant qu'il ne soit trop tard!

F Buhler


Cher frère Paul,

Nous avons longtemps hésité à t'écrire, mais en raison de ton comportement récent, nous ne pouvons plus nous taire, car tu mets la vocation et même l'existence de l'église en péril. Nous ne comprenons vraiment pas comment, toi, qui as tant reçu du Seigneur pendant de si longues années, tu ignores maintenant les intérêts les plus élémentaires et les plus élevés de l'oeuvre, notamment l'unité de l'église et son influence dans le monde.

Tu voudras bien nous excuser si nous sommes obligés de dire des choses qui te feront de la peine, mais tu comprendras que des intérêts supérieurs sont en jeu.


Trop de doctrine!

Tu insistes beaucoup trop sur la doctrine (Tite 2: 10), tu vas jusqu'à l'appeler saine (Tite 1: 10) et bonne (l Tim. 4:6). Tu devrais plutôt t'appliquer à pratiquer l'amour que tu as si bien décrit (l Cor. 13) et que tu appelles «une voie par excellence» (I Cor. 12:31).


Et les injustices sociales?

Tu ne combats même pas les injustices sociales. À plusieurs reprises, tu vas jusqu'à demander aux esclaves d'être soumis à leurs maîtres (Eph. 6: 5-8; Col. 3:22) et tu exiges qu'Onésime, qui aurait pu vivre en liberté et te rendre des services, retourne chez son maître Philémon qui était pourtant chrétien (Phil. 12). Aux gens qui sont odieusement exploités par leurs maîtres, tu leur demandes de se contenter de la nourriture et du vêtement, alors qu'ils devraient avoir des augmentations de salaire et davantage de congés payés Il Tim. 6:8). Que fais-tu donc des droits de l'homme et du citoyen?


Et l'Art?

Nous avons aussi de la peine à comprendre ton opposition à l'introduction de l'art dans l'église, que ce soit l'art oratoire (l Cor. 2: 1) ou l'art dramatique. La seule fois que tu mentionnes l'art, c'est pour décrire le paganisme des Athéniens (Actes 17:29). C'est vraiment dommage! Tu devrais, au contraire, encourager nos chanteurs et nos acteurs en soulignant leurs mérites. Ils se dévouent par de nombreuses et fatigantes répétitions. Pas une seule fois tu les mentionnes. Tu dis même que chacun pouvait chanter dans son propre coeur (Col. 3:16). Tu ne comprends donc pas que nous avons dans la musique et dans le théâtre de puissants moyens d'évangélisation qui aident ou même remplacent l'action du Saint-Esprit. D'autres églises, plus avancées dans ce domaine, nous montrent l'exemple à suivre. Elles ont même des troupes spécialement formées pour cela. Il y a des stages appropriés qui comblent les lacunes de ton propre enseignement dans ce domaine. Tout compte fait, tu es un rabat-joie, tu ne veux pas que nos gens s'épanouissent dans une créativité musicale et théâtrale qui met l'homme ou la femme en valeur et qui honore indirectement leur créateur. Par contre, tu ne te prives pas d'insister sur le fruit de l'Esprit. C'est toujours la même chose.


Un trouble-fête

Par tes prescriptions, tu nous gâches même nos pique-niques que tu voudrais supprimer! (l Cor. 11: 22, 34). Tu es vraiment un trouble-fête. Tu écris que le royaume de Dieu, c'est la joie (Rom. 14:17) et tu veux nous priver de cette joie. En outre, tu te permets de nous juger et de nous critiquer au point d'affirmer que nous sommes pires que les gens du monde (I Cor. 5: 1) et tu as le toupet de l'écrire dans une lettre qui a franchi les mers et les siècles Il Cor. 1:2). C'est de la médisance pure et simple.


Pourquoi se singulariser?

Nous prions que Dieu te montre l'erreur de tes voies, qu'il t'ouvre les yeux pour que tu voies les choses raisonnablement comme nous qui avons appris à vivre avec notre temps au lieu de te singulariser par des exigences qui sont depuis longtemps dépassées. Nous te faisons d'ailleurs humblement remarquer que nous sommes unanimes dans notre prise de position à l'égard de ces choses, alors que toi, tu es seul; tous l'ont abandonné, même Démas (Il Tim. 4: 10). Tu vois où ça te mène. Tu fais inutilement le vide autour de toi.


De vieilles rengaines!

S'il te plaît, cesse de nous culpabiliser et de troubler notre conscience et notre paix en nous disant ce qui ne va pas ou en nous exposant ta vieille rengaine des exigences de Dieu. Tu reviens toujours avec ton dada. Parle-nous donc des choses positives, de l'amour, de la paix, de la joie, de l'unité de l'esprit, de la bienveillance et de la miséricorde de Dieu qui nous prend tels que nous sommes.

Nous ne nous lasserons pas nous-mêmes d'en parler en temps et hors de temps. Toi, tu dis que l'essentiel, c'est la gloire de Dieu (I Cor. 10:31). Qu'est-ce que cela signifie? C'est une formule pieuse et une notion tout à fait théorique. Pour nous, l'essentiel est d'être sauvés et appréciés par nos frères et nos concitoyens. C'est beaucoup plus tangible et pratique dans ce monde où nous vivons et ce point de vue se répand de plus en plus dans toutes les églises, ce qui prouve bien que nous marchons dans la bonne direction.


Pas jeter de discrédit

Par ailleurs, tu n'as pas le moindre tact et même tu violes le secret professionnel sans vergogne en publiant au grand jour tes différends personnels avec Hyménée et Alexandre (I Tim. 1: 20). Tu cites même leurs noms. Non content de cette première gaffe, tu remets cela dans ta deuxième lettre à Timothée où tu ajoutes encore le nom de Philète (Il Tim. 2:17) et tu reviens sur Alexandre (Il Tim. 4:14). Pour te disculper, tu diras sans doute que tu as écrit confidentiellement et cette excuse a l'apparence de la vérité, mais tes lettres ont quand même été accueillies dans le canon. Elles sont allées aux extrémités de la terre et elles subsisteront jusqu'à la fin des temps. C'est un vrai scandale! Et ces chères soeurs Evodie et Syntyche (Phil. 4:2) qui ont rendu service à tous et qui sont considérées par tous, pourquoi signales-tu leur différend dans une lettre à toute l'église? Tu détruis l'unité de l'Esprit et tu blesses la charité la plus élémentaire; n'as-tu pas écrit toi-même que la charité excuse tout (I Cor. 13:7) et qu'elle couvre une multitude de péchés, (peut-être autant que l'hypocrisie). Tu fais comme Jean qui s'est permis de critiquer Diotrèphe (III Jean 9, 10), ce frère doué et dévoué qui s'occupe de tant de choses, engagé qu'il est dans toutes les activités de l'église. Maintenant, à cause de Jean, son nom est hypothéqué jusqu'à la fin des temps.

C'est très grave de porter ainsi atteinte à la réputation des frères. Il est vrai qu'il a chassé quelques personnes de l'église, mais ces gens suscitaient des problèmes en mettant son autorité, bien affirmée par lui-même, en cause. Ils ne méritaient donc pas d'être membres et on peut se réjouir qu'ils soient partis. Tu t'es aussi permis, en son temps, d'attaquer en public le frère Pierre auquel Christ avait pourtant donné les clefs du royaume (Mat. 16:19). Tu l'as culpabilisé et humilié devant tous (Gal. 2:14); tu as jeté sur lui un terrible discrédit en le faisant passer pour hypocrite. Tu relèves aussi le péché du frère (fort heureusement, tu ne le nommes pas) qui vit avec la femme de son père (I Cor. 5: 1), alors que sur la même page tu écris «Tout est permis» (I Cor. 6: 12). Si tu estimes réellement que tout est permis, pourquoi énumères-tu dans ce contexte et tout au long de la même lettre ainsi que dans toutes tes autres lettres tant de choses qu'il ne faut pas faire. Sois donc logique! En ce qui nous concerne, tu nous as aussi tous dénigrés en nous traitant de charnels et de querelleurs (I Cor. 3:1; 6:9-11) et pour comble de maladresse, tu dénigres encore spécialement nos braves soeurs en écrivant qu'il est honteux pour une femme d'avoir les cheveux coupés (I Cor. 11: 6) ou de prier la tête découverte (I Cor. 11: 5).


S'adapter!

Souvent tu nous rabâches les mêmes choses (Il Cor. 11: 16); Gal. 1: 9; Phil. 3: 1). Avant que tu ne parles, on sait déjà ce que tu vas dire. Tu fais comme Pierre avec ses marottes (Il Pierre 1: 12-15). Parle-nous plutôt de choses agréables à entendre (Il Tim. 4:3). Si tu nous flattes, cela nous fera du bien et nous encouragera à t'écouter avec plus d'attention. Et n'utilise pas trop le patois de Canaan; les gens d'aujourd'hui ne comprennent plus les termes que tu emploies; il faut que tu t'adaptes à la mentalité moderne, sinon le Saint-Esprit ne peut pas agir. Nous acceptons encore qu'on nous parle, même avec solennité, de la nécessité de la soumission à Dieu et de l'obéissance à sa volonté à condition qu'on ne précise pas à quoi il faut se soumettre. Ce serait du légalisme qu'il faut éviter à tout prix!


Être plus tolérant!

Dans plusieurs de tes sermons rapportés par le Dr. Luc et dans divers passages de tes lettres, tu parles de la création. Tu ne sais donc pas que nos savants ont résolu le problème de nos origines d'une manière beaucoup plus plausible. En effet, dans toutes nos écoles et dans les ouvrages et revues scientifiques on enseigne l'évolution. Dans la plupart de nos églises, cet enseignement est maintenant considéré, sous une forme appelée élégamment «créationnisme progressif», comme une interprétation valable de Genèse 2:7. Tu ne voudras certainement pas aller à l'encontre de notre élite, ni de la majorité de tes frères. D'ailleurs, c'est une question tellement secondaire, ça ne préoccupe personne. Il n'y a que l'inspiration des Écritures, l'introduction du péché et de la mort dans le monde, la question de la rédemption et d'autres doctrines du même genre qui sont en jeu. Laisse donc tomber la question qui risque de diviser l'église et de gêner considérablement notre communion fraternelle avec des chrétiens d'autres milieux qui sont beaucoup plus tolérants. Tant pis pour l'inspiration des Écritures; l'essentiel est que cette doctrine soit mentionnée dans notre confession de foi à laquelle on pourra toujours se référer, en cas d'embarras. Bien sûr, tu nous diras que Moïse en parle; c'est vrai, mais c'est dans l'Ancien Testament dans un passage symbolique (Gen. 1:3) qui, selon nos meilleurs théologiens, est un vrai chef-d'oeuvre de rédaction avec une structure en chiasme qu'il faut savoir interpréter à la lumière des procédés littéraires et des résultats acquis de la science.


Dieu regarde au coeur!

Avec tout cela, tu ne te considères pas comme le premier venu. Tu encourages le culte de la personne, au point de laisser un clan se constituer dont les membres disent: «Moi, je suis de Paul» (I Cor. 1: 12). Tu vas même jusqu'à dire: «Je glorifie mon ministère» (Rom. 11: 13) et tu parles d'un sujet de gloire auquel tu ne veux pas renoncer (I Cor. 9:15). Tu pourrais faire preuve d'un peu plus d'humilité, d'autant plus que certains frères ne reconnaissent pas ta qualité d'apôtre (I Cor. 9:2) et, de ce fait, n'acceptent pas de suivre tes préceptes vieillots. Nous comprenons fort bien ces amis. En fait, tu te mêles de choses qui ne te regardent pas. Tu insistes trop sur l'extérieur, sur la coiffure (I Cor. 11: 6, 14), sur le couvre-chef (I Cor. 11: 4, 5), sur les vêtements et les bijoux (I Tim. 2:9). Pierre tombe dans le même travers que toi. Il parle des ornements d'or (I Pierre 3:3) comme toi tu parles d'or et de perles (I Tim. 2:9). On dirait que vous vous êtes entendus là-dessus, malgré le fait que vous n'étiez pas toujours d'accord sur le comportement à adopter. Auriez-vous puisé vos idées à la même source? 

Tu ne nous feras tout de même pas croire que vous avez été tous les deux inspirés par le Saint-Esprit qui ne se préoccupe pas de ces bagatelles. Mais non content de parler toi-même de ces choses, tu excites encore Tite à faire de même (Tite 2:3). Qu'est-ce que cela peut vous faire si telle soeur utilise du fard pour ses yeux, du rouge pour ses lèvres, pour ses ongles ou pour ses orteils. Cela n'est pas nouveau et cela ne fait de mal à personne, bien au contraire. Une soeur sera un meilleur témoin de Christ, si elle est attrayante. Si une soeur peut se donner meilleure allure que ce que Dieu a fait pour elle, pourquoi devrait-elle hésiter? Dans ce domaine de la présentation, les Témoins de Jéhova ont parfaitement raison. Nous avons même des précédents bibliques comme Jézabel, la bonne reine qui a su si bien s'occuper des intérêts de son mari (Il Rois 9:30). Et les prophètes parlent aussi de ces choses (Es. 3:16-24); Jér. 4:30; Ezéch. 23:40). Quant à nous, nous pouvons affirmer, sans présomption, que dans le domaine des vêtements, du fard et des bijoux, nous sommes bien plus spirituels que toi et Pierre en rappelant que Dieu ne s'intéresse pas à ces choses extérieures, mais qu'il regarde au coeur.


Ne pas faire jaser!

Permets-nous d'aborder encore un sujet très délicat qui concerne ta vie privée. Il y a des personnes bien pensantes qui se demandent quelles sont tes relations avec les femmes que tu as la naïveté de mentionner dans Romains 16. D'accord, certaines d'entre-elles sont tes parentes, mais quand même! Tu devrais prendre garde de ne pas faire jaser les gens, que ce soient ceux de l'église ou ceux de la rue.


Ne pas être trop exigeant!

Quant à nos femmes, tu sais, elles ne veulent pas être des moutons de Panurge en imitant les soeurs que tu cites comme modèles (Tite 2:3). Elles préfèrent de beaucoup suivre l'exemple moderne de femmes dans le vent qui s'inspirent des revues de mode et des posters des salons de coiffure. C'est ridicule, en effet, de se singulariser par une tenue ou une coiffure qui porte le discrédit sur l'Évangile. De toute façon, il ne faut pas que tu sois trop exigeant, sinon d'autres vont suivre l'exemple de Démas qui t'a abandonné par amour pour le présent siècle (Il Tim. 4: 10) et qu'est-ce que tu auras gagné? Il vaut mieux que nous soyons nombreux et tolérants que peu nombreux et fidèles.


L'unisexe!

Par ailleurs, tu insistes lourdement sur la différence des sexes. Tu insinues même qu'il s'agit d'un ordre créationnel. Pourtant, dans une de tes lettres tu dis bien qu'il n'y a plus ni homme, ni femme (Gal. 3:28). Nous sommes bien d'accord avec toi là-dessus. La femme est aujourd'hui l'égale de l'homme lorsqu'elle ne lui est pas supérieure. Elle s'est enfin libérée de la tyrannie masculine et des notions périmées d'autrefois. C'est pourquoi nous saluons la mode unisexe et ne voyons pas du tout d'un mauvais oeil que les femmes adoptent des tenues et des allures masculines, et que les hommes s'efféminent. Si on réagit contre les nouvelles tendances dans le monde et dans le monde religieux, cela déplaira à notre jeunesse et nous la perdrons. Ce serait bien dommage! Il vaut mieux adopter une politique appropriée et faire des compromis que d'appliquer des principes qui font fuir les gens. Les magnifiques formules «La fin justifie les moyens», «L'unité et la paix à tout prix» sont toujours valables.


Place aux jeunes!

Et pourquoi insistes-tu sur les devoirs à l'égard des vieillards (I Tim. 5: 1; Phil. 9) alors que l'avenir est aux jeunes? Ici, tu fais aussi comme Pierre qui demande aux jeunes de se soumettre aux anciens (I Pierre 5: 5). Tu n'aurais pas réagi aux choses et aux gens de la même manière lorsque tu étais plus jeune. Alors tires-en les conséquences et fais place aux jeunes qui sont en prise directe avec le monde. C'est l'avenir de l'église qui est en jeu.


Il faut tout relativiser!

Cela dit, nous ne nous lassons pas de te répéter que nous t'aimons beaucoup. Comme tu nous le rappelles, tu es notre père spirituel (l Cor. 4:15). Nous souffrons de te voir prendre certaines choses tellement à coeur. Tu te prives volontairement et inutilement de l'approbation des frères et soeurs qui ont heureusement compris qu'il fallait relativiser les préceptes légalistes de la lettre, car la lettre tue (Il Cor. 3:6), et plutôt se conformer au siècle présent (Rom. 12:2) pour pouvoir mieux influencer le monde dans lequel ils vivent.


La majorité a toujours raison

Cher Paul, nous espérons que nous aurons pu te convaincre du bien-fondé de nos observations qui sont loin d'être des critiques, puisque nous affirmons, sans nous lasser, que nous ne devons pas nous juger les uns les autres. Nous espérons, en outre, que tu accepteras aussi, pour la satisfaction et le bien de tous, de mettre de l'eau dans ton vin et de nous laisser tranquilles avec ton légalisme, sinon, sache qu'étant la majorité et unanimes, nous avons de toute façon raison et nous ne changerons pas d'orientation, quoi qu'il arrive.

Tes frères bien conscients de leur responsabilité dans le progrès de l'Évangile


P.S. Les sous-titres sont de la rédaction de la B.N.

© La Bonne Nouvelle No 3 / 1990

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PAUL: MARQUES D'UNE VRAIE CONSÉCRATION

Il y a peu de temps la prédication d'un de mes amis a été pour moi un grand encouragement de poursuivre inlassablement le chemin que Dieu a tracé pour moi. Chacun d'entre nous a sa propre route à poursuivre avec l'aide du Seigneur. Quatre qualités ont été développées par Dieu dans la vie de l'apôtre Paul au cours de ses voyages missionnaires pour implanter de nouvelles Églises:


HUMILITÉ, ENDURANCE, CONSTANCE ET PUISSANCE

En lisant par exemple Actes 14, il est frappant de retrouver ces quatre traits de caractère dans la vie du grand apôtre et de son compagnon Barnabas. Malgré tous ses succès, Paul a toujours su rester humble. Il a aussi su accepter les circonstances défavorables, payant de sa personne. Il ne se trouvait chez lui ni orgueil spirituel, ni esprit de supériorité, ni auto-satisfaction, le Seigneur veillant sur lui par des afflictions qui devaient lui rappeler que seule «sa grâce lui suffisait» (2 Cor 12.1-10). Le psalmiste avait, lui aussi, constaté que les épreuves sont envoyées par Dieu pour produire l'humilité (Ps 119.71,75).

L'extraordinaire endurance de l'apôtre Paul pendant ses voyages nous étonne et nous interpelle. Lapidé et laissé pour mort à Lystre, il poursuit le lendemain sa route sur Derbe avec Barnabas. Cette ville était à environ 50 km de Lystre. Il s'acquitte ainsi avec une fidélité remarquable de sa mission envers le Seigneur. Qui d'entre-nous connaît encore cette endurance stimulée par une foi vibrante en notre Seigneur Jésus-Christ mort et ressuscité pour tous ceux qui doivent hériter du salut! Notre jeune génération occidentale habituée à vivre douillettement est mal préparée à faire certains sacrifices pour Jésus-Christ. Dès qu'il s'agit du sport ou d'un voyage autour de la terre, l'énergie ne manque pas, et on est même prêt à certains sacrifices; mais quand il s'agit de faire un effort suivi dans le cadre de nos églises locales, est-on prêt à en faire autant? Beaucoup de responsables d'églises et d'oeuvres chrétiennes sont las de lutter contre la paresse, le laxisme, la loi du moindre effort. Aidons-nous les uns les autres à éduquer notre jeune génération de chrétiens dans nos églises à plus de discipline, d'endurance et de virilité. La tâche sera d'autant plus aisée si les parents élèvent leurs enfants dans le respect de l'autorité parentale.

La constance et la fermeté sont-elles discernables dans notre caractère? Au nom de l'amour de Dieu, beaucoup de choses sont admises au détriment de la vérité. Aurions-nous oublié que nous devons aimer dans la vérité? Nous sommes vite prêts à changer d'avis, suivant les courants qui traversent nos églises. Nous ressemblons parfois au caméléon qui change de couleur à l'approche d'un danger. Les Galates, qui pourtant couraient si bien, s'étaient brusquement arrêtés à cause de faux docteurs entrés dans leur église.

Tel n'était pas le cas de Paul, qui tenait ferme dans toutes les tribulations (2 Cor 11.16-32). C'est un exemple de constance remarquable. Aurions-nous peut-être à revoir les fondements de notre foi? Parfois celle-ci est basée plutôt sur nos traditions évangéliques que sur la parole de Dieu, seules normes de notre vie pour rester constants en Christ notre rocher. Quant à la «Puissance», c'est un concept souvent mal saisi et mal vécu. Certains évitent d'en parler, d'autres s'en vantent. Quelquefois on a l'impression que le monde évangélique veut coller cette étiquette sur des milieux charismatiques, peut-être par frustration de ne «rien avoir vécu de particulier» Non, la puissance de Dieu est l'apanage de tout chrétien qui veut suivre le Seigneur coûte que coûte. Paul, dans sa grande faiblesse, faisait pourtant l'expérience de la puissance de Dieu (2 Cor 12.9-12). Il exhorte les Éphésiens à se saisir de «la puissance qui agit en nous»; par elle, Dieu «peut faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons» (Eph 3.20-21). Tout chrétien a reçu, avec le Saint-Esprit, ce potentiel de la puissance de Dieu en Christ pour vivre, témoigner et souffrir en parfaite communion avec le Seigneur Jésus-Christ (Phil 3).

Que Dieu nous préserve de tout orgueil caché. Qu'il nous remplisse d'endurance, de constance et de puissance, afin que nous puissions accomplir avec fidélité «les oeuvres bonnes que Dieu a préparées d'avance, afin que nous y marchions» (Eph 2 10).

Henri LÜSCHER

©  Promesses 1988 - 2 / No 84


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PAUL: UNE DÉCISION CRUCIALE


Chaque décision ferme est l'expression d'un choix parmi plusieurs possibles. Des options différentes se présenteront d'elles-mêmes au dépens des autres. Avant d'arriver à Corinthe, Paul prit une décision résolue: «J'ai décidé, dit-il de ne savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié». (1 Cor 2.2). Quelque part derrière la décision de Paul se cachait donc une alternative: la tentation de prêcher Christ sans la croix, ou alors ne pas prêcher Christ du tout mais plutôt la sagesse du monde.

Pourquoi Paul devait-il prendre une telle décision en arrivant à Corinthe? Qui étaient ces Corinthiens qui l'intimidaient au point qu'il vint vers eux «dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement»? (1 Cor 2.3). Quelles objections avaient-ils envers le message du Christ et de la croix?

Je crois très important d'approfondir ces questions car, se faisant, nous mettrons à jour les principales objections que l'Évangile soulève aujourd'hui. Nous verrons clairement aussi pourquoi nous avons besoin d'adopter une décision semblable à celle que Paul prit il y a plusieurs siècles.


Une objection intellectuelle

La première objection à laquelle Paul dû faire face est d'ordre intellectuel. – La folie de Christ crucifié – . Il avait déjà rencontré cette objection à Athènes (Actes 17) et les Philosophes de là-bas ne l'avaient pas ménagé.

Ils l'avaient appelé «picoreur» (spermologos) car ils pensaient qu'il prenait de-ci de-là des fragments de connaissance et qu'il n'avait pas en tête d'idée originale.

Ils le raillaient: «Qu'est-ce que veut dire ce picoreur?» et lorsqu'à la fin de son discours il parla de la résurrection des morts, il se moquèrent et rirent aux éclats. [...]

Il y a peu de doute que les Corinthiens réagirent de la même manière quand Paul a prêché Christ et la croix. D'ailleurs Paul nous dit que la croix était une folie pour ceux qui périssaient (1 Cor 18.23).

Pour les Juifs incroyants il était inconcevable que le Messie meure sur un bois, lieu de la malédiction divine; pour les grecs incroyants, il était grotesque qu'un Dieu immortel puisse mourir.

Inutile de préciser que le message du Christ et de son sacrifice est du point de vue intellectuel autant détesté aujourd'hui qu'il l'était au premier siècle à Athènes ou à Corinthe. Ce message est qualifié de primitif, injuste, immoral, barbare et non crédible.

Nietzsche qui vénérait la puissance, détestait Jésus pour sa faiblesse et il réserva ses invectives les plus amères pour la conception chrétienne d'un Dieu qui serait «Dieu des malades, Dieu béquille» ainsi que pour le Messie qu'il rejette avec mépris comme «Dieu sur la croix».

Le professeur Alfred Ayer, philosophe de la linguistique à Oxford, a dit qu'il y a de bons arguments pour considérer le Christianisme comme la pire des religions d'importance historique. Pourquoi? Parce que, dit-il, elle repose sur les doctrines conjointes du péché originel et de l'expiation vicaire qui sont méprisables intellectuellement et outrageantes moralement. [ ... ]

N'espérez pas être un prédicateur à la mode si vous prêchez Christ crucifié. La croix du Christ est encore folie aux yeux du sage selon ce monde.


Une objection religieuse

Une deuxième objection était d'ordre religieux: c'est le caractère exclusif de l'Évangile. Corinthe n'était pas moins idolâtre qu'Athènes [...] On y honorait plusieurs dieux, et ces dieux se toléraient réciproquement en une amicale coexistence. Les Corinthiens n'auraient pas élevé d'objection si les chrétiens s'étaient contentés d'ajouter Jésus à leur panthéon. Il n'y avait pas de limite au nombre de dieux qu'ils étaient prêts à adorer.

Mais l'apôtre Paul avait autre chose en tête. Il voulait que Corinthe, avec tous ses habitants et tous ses dieux, se prosterne et adore le seul Jésus. Il vint à Corinthe pour annoncer Jésus comme l'unique Sauveur des pécheurs et le seul Seigneur à adorer. Il déclara que bien qu'il y ait plusieurs «dieux» et plusieurs «seigneurs», il n'y a en fait qu'un Dieu, le Père, par qui et pour qui toute chose existe, et il y a un seul Seigneur, Jésus-Christ, par lequel naquit l'univers et à travers lequel nous existons (1 Cor 8.56). [...]

La situation religieuse du monde n'a pas beaucoup changé. Il est vrai que les anciens dieux grecs ou romains ont été oubliés depuis longtemps, mais il y a de nouveaux dieux qui les ont supplantés.

Le caractère pluraliste de la religion en Europe va croissant. Non seulement les anciennes religions orientales connaissent une résurgence mais de nouveaux cultes émergent comme ce qu'on nomme le mouvement du «Nouvel Âge». Ce que les gens veulent en Europe c'est un syncrétisme facile, une trêve dans les conflits religieux et un amalgame de ce que chaque religion offre de meilleur.

Mais nous, chrétiens, nous disons non! Nous prétendons que Jésus-Christ est unique et définitif, car il n'a ni successeur, ni semblable, ni rival.

Il est le seul médiateur entre Dieu et l'homme, homme lui-même, qui donna sa vie en rançon pour la multitude. (1 Tim 2.5-6) et il n'y a de salut en aucun autre (Actes 4.12). Il a été élevé pour que tout genou fléchisse devant lui et que toute langue le confesse comme Seigneur (Phil. 2.9-11).

Cette prétention à l'exclusivité concernant Jésus provoque aujourd'hui un profond ressentiment. Elle est considérée comme intolérablement intolérante et comme la marque d'une excessive étroitesse d'esprit.


Une objection personnelle

En troisième lieu, il y avait une objection de type personnel, à savoir la résistance à l'abaissement de l'orgueil humain.

L'idée que les êtres humains sont parfaitement capables d'accomplir leur propre salut est commune à toutes les religions – excepté le christianisme. Par l'accumulation de leurs mérites ils peuvent gagner le salut qu'ils recherchent. Or cette doctrine d'un salut par soi-même est très flatteuse pour notre estime personnelle, très séduisante pour l'orgueil humain. Les Corinthiens ne faisaient pas exception: Ils étaient très fiers de leur ville, de leur commerce, de leur prospérité, de leur bien-être, de leur intelligence, de leur culture et de leur religion. [ ... ]

Quand Paul arriva, il eut l'effronterie de dire à ces fiers Corinthiens que ni leur sagesse, ni leur richesse, ni leur religion, ni rien ne pouvait les sauver du jugement de Dieu, excepté Jésus-Christ. Ils ne pouvaient en rien contribuer à leur salut, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle Christ était mort pour eux; sans lui ils périraient.

Pour qui Paul se prenait-il pour insulter les Corinthiens de cette manière?

La croix était une retentissante humiliation pour un peuple orgueilleux. Elle l'est aujourd'hui encore. Comme Emil Brunner l'a dit dans son ouvrage «Le Médiateur», dans toutes les autres religions «il est épargné à l'homme l'humiliation finale de savoir que le Médiateur devra subir le châtiment à sa place... il n'est pas mis radicalement à nu». Mais l'Évangile nous met à nu et nous déclare «en faillite». La seule manière de venir à Christ, c'est les mains vides, dans l'attente de la grâce.

Christ est mort pour nous. S'entendre dire cela est une offense pour notre orgueil car nous ne pouvons pas gagner notre propre salut.


Une objection éthique

Quatrièmement, Paul rencontra une objection d'ordre moral, liée à l'appel à la repentance et à la sainteté.

Corinthe était un centre commercial florissant. Elle commandait les routes du commerce vers le nord, le sud, l'est et l'ouest. La ville était pleine de marchands, de voyageurs et de marins. Étant étrangers dans cette ville étrange, ils se souciaient peu de retenue morale. De plus la déesse Aphrodite, que les Romains appelaient Vénus, la déesse de l'amour, rassemblait ses courtisans dans son temple sur l'Acro-Corinthe.

Elle encourageait la promiscuité sexuelle parmi ses adeptes en fournissant même un millier de prostituées qui marchaient la nuit dans les rues de Corinthe. [ ... ]

Dans une ville immorale comme Corinthe, vous pouvez difficilement vous attendre à ce que les gens accueillent l'Évangile de Christ, avec ses appels à la repentance, ses avertissements à ceux qui se livrent à de telles pratiques et par conséquent n'hériteront pas du royaume de Dieu (1 Cor 6.9). Avec encore son insistance sur le fait qu'après la justification vient la sanctification et avec la sanctification vient la glorification, lorsque le mal aura été aboli.

Le monde actuel n'est pas plus complaisant envers l'Évangile que ne l'était Corinthe. En effet ne dit-il pas: «Des absolus moraux, cela n'existe pas. Il n'y a pas de morale sexuelle, tout au plus des préférences sexuelles: Si cela vous tente, faites-le. Ce n'est qu'une affaire de mode, ce sont les manières d'aujourd'hui. De plus, nous savons de nos jours qu'il est mauvais de se retenir et que la permissivité est bonne. Le christianisme avec toutes ses interdictions est l'ennemi de la liberté.»

Telle est l'objection morale à l'Évangile que nous rencontrons aujourd'hui.


Une objection politique

En dernier lieu s'élevait une objection politique: la souveraineté de Jésus-Christ. Il y avait beaucoup de ferveur patriotique, voire même de fanatisme politique dans l'empire romain. Les procurateurs romains loyaux l'encourageaient et agissaient avec violence pour briser toute tentative de rébellion contre Rome. La Palestine le savait à ses dépens.

Il est bon de se souvenir que Jésus a été condamné dans un tribunal romain pour un délit politique – sédition – pour avoir prétendu qu'il était un Roi alors qu'il n'y avait qu'un seul Roi, César.

Paul et Silas à Thessalonique ont été accusés de défier les décrets de César en disant qu'il y avait un autre roi qui s'appelait Jésus (Actes 17.7).

Ces accusations étaient-elles fondées ou infondées?

Les deux à la fois, suivant comment vous les comprenez. Ni Jésus, ni les apôtres n'ont fomenté une rébellion armée contre Rome. Ils n'étaient pas des Zélotes, ils ne croyaient pas en la violence. Mais ils proclamaient que Jésus était Roi et que Dieu l'avait élevé au-dessus de toute les principautés et puissances dans le ciel et sur la terre, et qu'il dominait même César.

Les premiers chrétiens refusaient de répandre l'encens sur le feu qui brûlait devant le buste de César et de dire «César est Seigneur».

Non, disaient-ils «Jésus est Seigneur». Ils étaient prêts à être jetés aux lions plutôt que de renier l'autorité suprême de Jésus.

De nos jours encore, la chose essentielle qu'un régime totalitaire ne peut supporter est de se voir refuser la soumission totale qu'il exige.

Les chrétiens doivent se soumettre à l'État tant que leur conscience le leur permet; mais bien sûr, la désobéissance civile existe dans la Bible. Si l'État nous commande de faire ce que Dieu interdit, ou nous interdit de faire ce que dieu demande, nous devons désobéir à l'État pour obéir à Dieu. Nous ne pouvons pas adorer l'État, faire à son égard acte d'allégeance inconditionnelle.

Jésus est mort et ressuscité afin d'être Seigneur des vivants et des morts. Il nous a sauvés et fait siens, de manière à ce que nous lui donnions notre allégeance suprême. Nous ne la donnerons pas à l'État, ni à personne d'autre.

Voici donc cinq objections à l'Évangile de Christ et de Christ crucifié, objections que Paul s'attendait à rencontrer à Corinthe. Il savait que son message serait considéré comme stupide intellectuellement – incompatible avec la sagesse –; religieusement exclusif – incompatible avec la tolérance; personnellement humiliant – incompatible avec l'estime de soi; moralement exigeant – incompatible avec la liberté et politiquement subversif – incompatible avec la loyauté envers César.

Rien d'étonnant à ce Paul ait à prendre une décision. Rien d'étonnant à ce qu'il soit venu à Corinthe dans la faiblesse, rempli de peur et de tremblements. Il devait prendre une décision positive pour prêcher Christ, l'Évangile de Dieu concernant Jésus-Christ et particulièrement sa crucifixion, et il devait prendre une décision négative contre la sagesse du monde et toutes les alternatives terrestres à l'Évangile.

Ces Corinthiens du 1er siècle sont représentatifs: le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui est tout aussi hostile à l'Évangile. Nous nous abusons nous-mêmes si nous imaginons que nous pouvons rendre populaire l'Évangile authentique.

Ne vous méprenez pas sur le sens de mes paroles: l'Évangile véritable est une musique aux oreilles des pécheurs qui savent qu'ils sont moralement en faillite et n'ont rien à offrir en compensation.

Il promet le repos à celui qui est faible, la paix à celui qui est dans la crainte, le pardon au coupable et la liberté à ceux qui sont en esclavage. Mais pour les orgueilleux, il ne sera jamais populaire.

L'Évangile est trop simple en une époque de rationalisme, trop étroit à l'âge du pluralisme, trop humiliant à l'âge de la confiance en soi; trop exigeant à l'âge de la permissivité et trop peu patriotique à l'époque des nationalismes aveugles.

Nous devons prendre ainsi une décision entre la sagesse du monde, qui est folie aux yeux de Dieu, et la folie de la croix qui est la sagesse de Dieu. Paul a pris sa décision.

Nous devons prendre la nôtre. Qu'allons-nous partager avec nos amis? Le véritable Évangile ou un évangile qui a été corrompu dans le but de satisfaire l'orgueil humain? Nous ne pourrons pas échapper à cette décision.

Dr John Stott

«Car j'ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié.» (1 Cor 2.2)

Avec la permission de Dr. Stott.

Extraits d'un exposé biblique que John Stott a donné à Wurzburg, Pâques 1988, au Congrès Européen de l'IFES, consacré à l'évangélisation, paru dans IFES Overview 88/89 sous le titre «Crucial Decision». Ce texte a été traduit par Louis Jeanjean (Lausanne).

© Promesses 1989 – 4 / No 90


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PHILIPPES: IL ATTENDAIT CELUI DONT MOÏSE ET LES PROPHÈTES ONT PARLÉ


Étude sur 12 Juifs: les apôtres. Philippe


SUIS-MOI

Philippe, l'un des 12 apôtres, était de Bethsaïda, ville du bord du lac de Galilée d'où sont venus également André et son frère Simon-Pierre. Philippe porte un nom grec qui signifie – l'amateur de chevaux –. Jésus venait de rencontrer André, Pierre et Jean. S'étant mis en route pour aller en Galilée, il rencontra Philippe et lui dit tout simplement: «Suis-moi!» (Jn 1: 43).

Philippe devait être l'un de ces nombreux fils d'Israël qui attendaient et espéraient ardemment la venue d'un libérateur. Le pays tout entier était occupé par les armées romaines puissantes, cruelles, et idolâtres. Philippe, et tant d'autres Juifs de son temps, savaient que des promesses avaient été annoncées par les prophètes et ils espéraient leur accomplissement: la venue du Sauveur, du Messie d'Israël.

Lorsque Jésus fut désigné par Jean le Baptiste comme «l'agneau donné par Dieu afin d'ôter le péché du monde», Philippe, comme d'autres, pensèrent à l'agneau de la nuit de Pâque en Égypte et ils espérèrent en une délivrance immédiate. Ils étaient prêts à se battre et à suivre un chef, leur Roi, qui les conduirait à la victoire, à la libération de l'occupant romain.


UNE VOIX DANS LE DÉSERT

Certaines réponses de Jean-Baptiste avaient dû émouvoir les Israélites qui l'écoutaient car des rabbins lui avaient demandé: «Qui es-tu?» et le prophète avait répondu: «Je suis la Voix de celui qui crie dans le désert: préparez un chemin bien droit pour le Seigneur» (Jn 1: 19-23). En effet le prophète Ésaïe, des siècles auparavant, avait annoncé la Voix qui proclamerait: «Ouvrez dans le désert un sentier pour I'ÉTERNEL et dans les lieux arides une route pour notre Dieu». . En hébreu ce texte utilise 2 noms très importants qui désignent Dieu dans la Tora, les 5 premiers livres de la Bible. Tout d'abord: I'ÉTERNEL, YAHWE ou YAHOUE, qui désigne particulièrement Dieu faisant Alliance avec son peuple durant la nuit de Pâque et, au Sinaï, proclamant les dix Commandements. Le second nom c'est ÉLOHIM, nom employé dans le livre de la Genèse (1: 1) pour désigner Dieu créant les cieux et la terre. Ainsi, le prophète annonce qu'une Voix se fera entendre pour que les hommes, et particulièrement les enfants d'Israël, préparent le chemin où I'ÉTERNEL Dieu de l'Alliance, et ÉLOHIM Dieu Créateur, puisse marcher.

Jean le Baptiste affirma son rôle de précurseur et il décrivit ainsi le Seigneur venant faire sa moisson: «il tient en sa main la pelle à vanner afin de séparer le grain de la paille... il amassera le blé dans son grenier mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteindra jamais» Mt 3:1-12

C'est en ces mots, propres au langage des prophètes d'Israël, que Philippe entendit Jean désigner Jésus. Puis il rencontra le Messie qui l'appela et lui demanda de le suivre, de devenir l'un de ses disciples. Très peu de temps après, Philippe rencontra Nathanaël et lui dit: «Nous avons trouvé celui dont Moïse a parlé dans le livre de la Loi et dont les prophètes ont aussi parlé. C'est Jésus, le fils de Joseph, de la ville de Nazareth» (Jn 1:45)

Comme André, Pierre, Jacques et Jean, Philippe fut un Juif qui reconnut en Jésus le Messie tant attendu par Israël. Non seulement il crut en lui mais il quitta tout pour le suivre et pour annoncer courageusement à ses compatriotes cette bonne nouvelle: «nous avons trouvé le Messie!»


À L'ÉPOQUE DE PESSA'H

Quelques jours avant Pessa'h, la Pâque, Jésus monta à Jérusalem et la foule qui était venue nombreuse pour la fête sortit à sa rencontre. Ils prirent tous des branches de palmier et s'écrièrent: «Hosanna! (ce qui veut dire: sauve-nous, nous t'en prions!) Béni soit celui qui vient au Nom du Seigneur, que Dieu bénisse le Roi d’Israël!» (Jn 12: 12- 15; Ps 1 18:25-26)

Puis Jésus trouva un ânon, le petit d'une ânesse, et s'assit dessus. Philippe vit ainsi devant ses yeux se réaliser une prophétie inscrite dans le livre du prophète Zacharie, chapitre 9: «Sois transportée d'allégresse, fille de Sion! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem! Voici ton roi vient à toi. Il est juste et victorieux, il est humble et monté sur un ânon, le petit d'une ânesse.» (Zach 9: 9; Jn 12: 14) Et le prophète ajoute: «Il annoncera la paix aux Nations... depuis le fleuve jusqu'aux extrémités de la terre. Et pour toi (Israël), à cause du sang de ton Alliance, je retirerai tes captifs de la fosse où il n'y a point d'eau». (Za 9:10-11)

Philippe et les autres disciples étaient là mais ils ne comprirent pas ce qui était en train de s'accomplir sous leurs yeux. Plus tard, lorsque Jésus fut glorifié par sa mort sur la croix, par sa résurrection, et sa montée dans les cieux à la droite de Dieu, ils se rendirent compte que de nombreuses prophéties s'étaient réalisées sous leurs yeux!

Lorsque nous lisons ces récits du livre de la nouvelle Alliance, nous pouvons peut-être penser avec regret: j'aurais voulu être présent, voir et entendre ces choses! Mais nous aussi nous pouvons vivre ces événements du passé car chaque fois qu'un homme ou une femme, Juif ou non-Juif, ouvre la Bible pour y chercher l'enseignement de Dieu, Dieu est là. Il a formé pour chacun, des projets de paix et d'espérance. «À ceux qui le chercherait de tout leur coeur, il a promis de se laisser trouver.» (Jér 29:11-14; Mt 7:7-8)


LES «GRECS» AUSSI

C'est ce jour-là que quelques «Grecs», sans doute des prosélytes convertis au Judaïsme, ou des Juifs vivant dans le monde grec, s'approchèrent de Philippe. Ils étaient montés à Jérusalem à l'occasion de la fête de Pâque et ils demandèrent à Philippe: «Nous voudrions voir Jésus». Philippe et son ami André allèrent dire au Maître que des «Grecs» désiraient le voir et lui parler. Jésus répondit alors: «L'heure est maintenant venue où le Fils de l'homme va entrer dans sa gloire. En vérité, je vous le dis: si le grain de blé que l'on a jeté en terre ne passe pas par la mort, il reste ce qu'il est: un grain unique. Par contre, si ce grain meurt, il donnera naissance à d'autres grains, il portera du fruit en abondance». (Jn 12: 20-25)

Le Messie a voulu dire par là, aux Juifs, aux Grecs, aux apôtres, et aussi à nous au XXe siècle, que celui qui s'attache à préserver sa vie la perdra mais celui qui est prêt à la perdre pour le Royaume de Dieu la conservera pour l'éternité. Le Messie nous appelle à le suivre, à devenir ses disciples. Bien des craintes peuvent nous retenir de croire en lui et de nous lever. La tradition peut nous en empêcher car souvent elle a transformé les Paroles de Dieu en paroles d'hommes. La Bible est comparée à l'eau d'une source limpide, et la tradition à l'eau des citernes pourrissantes. (Jér 2:13; 17:13) Ce qui peut aussi nous empêcher de croire et d'obéir, c'est la peur des difficultés qui ne manqueront pas de surgir le long du chemin qui s'ouvre devant nous.


VOIR ET CONNAÎTRE

«Efforcez-vous de franchir la porte étroite», vous ferez alors de merveilleuses découvertes: vous pourrez ainsi contempler Dieu! Oui, vous apprendrez à le connaître dans son amour et son intimité; il deviendra votre Ami, il sera votre Père. Les «Grecs» voulaient voir le Messie, et les apôtres étaient anxieux de ce qui allait arriver. Jésus leur dit: «Ne soyez pas inquiets. Vous avez confiance en Dieu, ayez aussi confiance en moi. Si vous me connaissiez; vous connaîtriez aussi mon Père. Et maintenant déjà vous connaissez le Père et même vous l'avez vu!» Alors Philippe intervint et demanda: «Martre, montre-nous le Père et nous serons satisfaits!»

Philippe et les apôtres qui avaient vu le Seigneur faire tant de miracles en purifiant des lépreux, en rendant la vue aux aveugles, en ressuscitant même des morts, pensaient que le Maître allait ouvrir pour eux une fenêtre du ciel afin qu'ils puissent apercevoir I'ÉTERNEL sur son trône, au milieu des puissances célestes. Mais Jésus répondit à Philippe et aux apôtres: «Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe! Celui qui m'a vu a vu le Père. Comment dis-tu: montre-nous le Père? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ?... » (Jn 14: 8-11)

A la fin de cette rapide étude sur Philippe, nous retiendrons le désir qu'il eut de voir et de connaître la face de Dieu. Il avait à la mémoire les promesses des Écritures faites à nos pères Abraham, Isaac, et Jacob, ainsi qu'aux prophètes d'Israël. Avec le Messie il espérait voir non seulement les promesses d'amour et de pardon se réaliser mais il voulait voir aussi le visage de Dieu. Le Messie répondit à Philippe et aux apôtres: «Celui qui m'a vu a vu le Père!»


CONTEMPLER TA BONTÉ!

Jésus nous apprend tout ce que nous pouvons connaître de Dieu. Un jour nous le verrons dans Sa Gloire! Mais avant l'heure de son Retour, tant que les cieux et la terre subsistent, c'est lui qui nous révèle la face de Dieu. Il nous faut venir à lui avec humilité, animés d'un ardent désir de recevoir la Vérité. Le Messie Jésus est l'exaucement de la prière que fit le roi David dans le magnifique Psaume 63:

«O Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche! mon âme et mon corps ont soif de toi... je veux te contempler pour voir ta puissance et ta gloire. Oui, ta bonté vaut mieux que la vie!»

Avec Philippe et tous ceux qui ont cru, ne voulez-vous pas entrer dans l'intimité de Dieu, contempler sa puissance et sa gloire? Il vous offre son pardon et sa paix, il tourne sa face vers vous et comme à Philippe, il vous dit: «Suis-moi!» Demandez la force et le courage pour le suivre, il a le pouvoir de le faire.

Jacques GUGGENHEIM

© Le Berger d'Israël No 446


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LES PHILISTINS, LES PLUS REDOUTABLES ENNEMIS D'ISRAËL


Les Philistins, dont le héros le plus célèbre est bien sûr le vaniteux Goliath, et l'héroïne Dalila, la belle traîtresse, étaient redoutés et détestés dans l'Antiquité biblique. Aujourd'hui encore, ils semblent faire l'objet d'une réprobation générale. Qui n'a entendu dire d'un individu particulièrement vulgaire et inculte: «Quel philistin!» Qu'a donc fait ce peuple pour mériter cette réputation universellement péjorative?

La Bible parle pour la première fois des Philistins dans la Genèse (chap. 26, vers. 1 à 15): «Isaac se rendit à Gerar, chez Abimélek, roi des Philistins.» Mais il semble qu'il y ait là un anachronisme: il n'y avait pas encore de Philistins dans le sud de la Palestine au temps d'Isaac. Ils s'y trouvaient au temps de Josué (chap. 13, vers. 3). D'où étaient-ils venus?

Le Deutéronome (chap. 2, vers. 23) les a appelés les «Caphtorim»: venus de Caphtor. Et on lit au chapitre 9, verset 7, du prophète Amos: «N'ai-je pas fait sortir Israël d'Égypte et les Philistins de Caphtor?» Mais les savants ne sont pas tous d'accord pour situer «Caphtor». Certains cherchent encore cette contrée en Cappadoce. D'autres, plus nombreux désormais, estiment qu'il s'agit de la Crète ou en tout cas d'un ensemble égéen dont la Crète fait partie.

Quoi qu'il en soit, brusquement, au 14e siècle avant notre ère, un peuple inconnu déferle sur les côtes de l'Asie Mineure. Descendant du Nord, une horde armée jusqu'aux dents, accompagnée d'étranges chars à boeufs où s'entassent femmes et enfants, avançait implacablement. Après son passage, tout n'était que désert, dévastations fumantes. C'était l'invasion des «peuples de la mer». Parmi ces peuplades guerrières, une tribu allait jouer un rôle capital: celle des Philistins.

Sous leurs coups, le puissant empire hittite tombe; Chypre est occupée; sur l'Euphrate, Karkemish est prise; les ports phéniciens d'Ugarit, Byblos, Sidon et Tyr se soumettent, au moins pour un temps.

Alors les vainqueurs marchent vers l'Égypte. Mais Ramsès III (1198-1166 av. J.-C.) est décidé à défendre son royaume à tout prix. Fiévreusement, il organise la résistance et décrète une mobilisation générale. Les bas-reliefs du temple d'Amon, à Médinet-Habou, nous montrent la bataille sans merci qui suivit: les groupes de chars égyptiens ont pénétré dans les colonnes ennemies où règne un affreux désordre;pêle-mêle, soldats, femmes et enfants sont massacrés au milieu des chars à boeufs entravés. Les Égyptiens ont gagné sur terre. Sur mer, ils ne tarderont pas à repousser aussi les navires de ces terribles ennemis.

Les Philistins sont décimés. Mais ils parviennent à se regrouper, et quelques années plus tard, ils se massent sur le littoral cananéen de Jaffa au nord, à Gaza au sud. Ils s'établirent là dans cinq métropoles, leur «Pentapolis»: Eqron, Gath, Azoth, Askalon et Gaza. Seules les trois dernières villes, qui renaissent aujourd'hui à leur ancienne activité ont été identifiées. Chaque cité et le territoire qui l'entourait étaient placés sous le gouvernement d'un seigneur libre et indépendant. Cependant, dans les domaines politique et militaire, les cinq gouverneurs agissaient en commun. Il n'est donc pas étonnant que ce front uni ait réussi, pendant de nombreuses années, à battre les tribus peu organisées d'Israël.

C'est à Azoth que l'on a entrepris les fouilles archéologiques les plus importantes. Elles ont mis à jour une véritable forteresse. Les maisons y sont construites en briques, et l'on vient de dégager un édifice singulier dont la destination n'a pas encore été précisée. Cet édifice présente un mur nettement incurvé: peut-être s'agirait-il des vestiges du célèbre temple de Dagon où reposa l'arche d'alliance: «Les Philistins emportèrent l'arche de Dieu, et ils la placèrent dans le temple, et l'installèrent à côté de Dagon» (le, Samuel, chap. 5, vers. 2).


Alors un métal précieux: le fer

La cité philistine, située à quelques kilomètres de la côte, disposait d'un port assez important: aujourd'hui Ashdod-Yam où l'on a également découvert d'imposantes fortifications du 9e s. av. J.-C. Les faces intérieures et extérieures de la muraille de la ville étaient recouvertes d'un glacis de terre épais de trois mètres qui assurait la construction en dur. Celle-ci, faite de briques d'argile séchées au soleil, reposait à même le roc. À l'extérieur, le glacis était large de 20 mètres à la base! Il devait empêcher l'ennemi d'approcher de la ville et d'utiliser des béliers.

Les tombes des guerriers philistins sont alors richement garnies: on y a retrouvé des armes, de larges épées, des outils, des bijoux... de fer!

Le fer était en effet, en cette période, un métal précieux, et les Philistins l'extrayaient eux-mêmes selon les procédés hittites. Les princes philistins, exploitant le secret des vaincus, s'assuraient un monopole de la métallurgie et réalisaient ainsi de magnifiques affaires. Durant les premiers temps de leur vie sédentaire dans les montagnes, les Israélites étaient beaucoup trop pauvres pour acheter des objets fabriqués avec ce matériau rare. Le manque d'instruments aratoires, d'armes de fer, et de clous pour la construction des maisons, leur était un lourd handicap. Lorsque les Philistins eurent étendu leur occupation à la région montagneuse, ils tentèrent d'interdire aux enfants d'Israël la fabrication d'armes ou d'outils selon la technique nouvelle (le, Samuel, chap. 13, vers. 19).


Israël faillit devenir «un peuple d'esclaves»

Au 11e siècle avant J.-C. les Philistins sentirent se réveiller leur appétit de conquête et voulurent déloger les Israélites des collines où ils vivaient. Non seulement ils infligèrent à leurs adversaires une sévère défaite, mais on sait qu'ils capturèrent l'arche d'alliance (1er Samuel, chap. 4. vers. 11). Ils avaient atteint leur but: les collines furent occupées, Israël désarmé, des postes de surveillance installés. Les vestiges de ce temps troublé attestent que l'invasion philistine s'accompagna de destructions et d'horreurs. Silo et Débir notamment furent détruites de fond en comble.

Certes le premier livre de Samuel (chap. 7, vers. 1 3) nous dira alors: «La main de Yahvé fut contre les Philistins tous les jours de Samuel.» En réalité, le dernier grand Juge réussit seulement à les maintenir hors du territoire qu'il «jugeait» directement et qui ne s'étendait guère qu'à celui de Benjamin, bien que son autorité morale apparaisse reconnue par l'ensemble des tribus. Quand Samuel, devenu vieux, s'entendra demander un roi par les anciens, le peuple d'Israël ploie encore sous le joug, en passe de devenir un peuple d'esclaves. Saül, oint au nom de Dieu par Samuel, sera celui à qui il est dit: «Tu délivreras le peuple de Yahvé de la main des ennemis qui l'environnent» (1er Samuel, chap. 10, vers. 1).

Le nouveau roi d'Israël constitua une petite armée: trois mille hommes (1er Samuel, chap. 13, vers. 2) puis, par plusieurs victoires tactiques, il affaiblit les Philistins. Mais ce fut surtout David, l'adolescent aux mains nues, qui infligea à leur champion gigantesque et bardé de fer une première défaite humiliante (1er Samuel, chap. 17). Devenu roi, il vint à bout des ennemis irréductibles. Il les contint dans la plaine côtière où ils continuèrent à vivre indépendants, mais leur menace ne pèsera plus guère sur les rois d'Israël. Salomon aurait même recruté ses «suisses» parmi les Philistins: une garde personnelle. Et lorsque Ézéchias, roi de Juda, aura encore affaire à eux, il les battra «jusqu'à Gaza», dévastant tout leur territoire.

À la fin du 7e siècle, Azoth tombe aux mains des Égyptiens après un long siège. Puis, en 604, c'est Nabuchodonosor qui pille Askalon et emmène les prisonniers à Babylone.

La Bible, quant à elle, citera les Philistins une dernière fois lorsqu'ils aideront les Assyriens dans leur lutte contre les Maccabées (les Maccabées, chap. 3, vers. 41 et chap. 5, vers. 68). Mais il s'agit alors d'une peuplade hellénisée. Que reste-t-il aujourd'hui de ce peuple de guerriers qui fit trembler les nations, qui fut assez fort pour abattre l'immense empire hittite et qui imposa sa terrible loi à tous les peuples d'alentour? Rien ou presque. Sauf un nom tiré du leur, le nom d'un pays que nous rappelle chaque jour la plus brûlante des actualités: LA PALESTINE, pays des «Pélistim» (Philistins).

M.C.HALPERN

© En ce temps-là, la Bible No 21 pages II- III.


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PROPHÈTES: LES PLUS ANCIENS DE LA GRANDE LIGNÉE PROPHÉTIQUE


Contemporains d'Isaïe, prophètes en Juda, Amos et Osée commencèrent semble-t-il avant lui leur ministère, mais dans le royaume du nord; le premier vers 750, le second cinq ou dix ans plus tard. La situation au milieu de laquelle ils évoluent est donc identique. Sur le plan politique, c'est une période de grandeur: l'Israël de Jéroboam Il a retrouvé les frontières du royaume de Salomon, excepté bien sûr les territoires qui constituent «Juda». Sur le plan religieux, c'est l'idolâtrie qui l'emporte, les Israélites espérant d'ailleurs apaiser leur propre Dieu par une liturgie somptueuse qui se déploie au temple de Béthel. Sur le plan social, il suffit de parcourir le recueil d'Amos pour déceler bien vite l'avidité et l'injustice des classes élevées, sans oublier leur mépris pour les pauvres et les faibles.

Amos est de Téqoa, près de Bethléem. C'est un bouvier qui transhume avec les troupeaux, du Néghev à la montagne de Juda, au rythme des saisons, et qui pique les fruits du figuier sauvage appelé sycomore pour hâter leur maturation. Homme des solitudes, réfléchi mais d'expression brutale, il ne ménage pas ses auditeurs. Ses oracles nous sont parvenus dans un texte qui compte parmi les mieux conservés de la Bible. Ils sont orientés principalement vers la conversion.

Le prophète part des bienfaits accordés par Dieu au peuple choisi au cours de son histoire; l'affirmation est nette: «Je n'ai connu que vous parmi toutes les familles de la terre» (chap. 3, vers. 2). En face de ce privilège divin, la réaction d'Israël fut l'infidélité: son peuple s'est détourné de Dieu pour pratiquer «le mensonge». c'est-à-dire l'idolâtrie.

Aussi le Seigneur va-t-il sanctionner cette attitude par un «jugement». D'où la conclusion: Dieu demande la conversion, qui consiste à revenir à lui. Pour cela, il faut avoir au fond de soi-même la faim et la soif de la Parole divine, il faut chercher la source de toute vie: «Cherchez-moi et vous vivrez.» On voit la richesse de cette théologie:

Déjà le thème du petit «Reste»

L'enseignement d'Amos comporte en outre deux notions largement exploitées après lui, et par les «grands» prophètes: celle du «Reste» et celle du «Jour de Yahvé». La première sera à l'origine d'un thème appelé à un grand développement: le «Reste» est un groupe d'hommes qui seront à la fois les survivants du châtiment divin et l'élite religieuse des «sauvés». Quant au «Jour de Yahvé», il désigne une époque de châtiment qui, peu à peu, sera mise en relation avec la fin des temps.

Osée, fils de Bééri, appartenait peut-être à la bourgeoisie agricole de Samarie. Il aima passionnément son infidèle épouse. Que celle-ci le trompât aurait pu demeurer un secret bien gardé au fond du coeur du prophète. Au contraire, il intègre le fait à sa prédication et, à la lumière de la Révélation, y découvre le reflet des relations entre Dieu et son peuple.

L'Alliance se manifeste à travers le lien mutuel des époux. La femme d'Osée a trahi son mari, comme Israël son Dieu. L’amour d'Osée est signe de l'amour de Dieu. Les exigences de l'Alliance n'étant pas respectées, Dieu va prendre des sanctions, dont celles d'Osée à l'encontre de sa femme constituent un nouveau signe.

Ces sanctions amèneront plusieurs réflexions chez les Israélites: vanité des cultes agraires, nostalgie de la fidélité de jadis. L'enlèvement du confort («Je la conduirai au désert»: chap. 2, vers. 1 4) déterminera une disposition favorable à la conversion: de même qu'Osée reprendra sa femme, Dieu acceptera le repentir d'Israël; et de nouveau il apportera une dot: la justice et le droit, l'amour et la tendresse, enfin la fidélité (chap. 2, vers. 15-22). L'amour mutuel reprend alors sa vigueur d'antan (chap. 2, vers. 24).

J. DHEILLY

Professeur à l'Institut catholique de Paris

©En ce temps-là, la Bible No 70


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PROPHÈTES: TROIS SIÈCLES DE L'HISTOIRE DU MONDE, UN SEUL INSTANT DE L'HISTOIRE DU SALUT


Seul l'ordre traditionnel amène à présenter ensemble dans ces pages des prophètes qui livrèrent leur message à des époques très diverses, réparties en fait sur trois siècles, avant et après l'Exil.

ABDIAS, «petit» prophète par excellence puisque le travail de ses oracles ne comprend que 21 versets, fait la preuve que l'inspiré, choisi pour être le héraut de Dieu, demeure un homme: son élection divine ne le sépare ni de ses tendances propres, ni de l'éducation qu'il a reçue, ni de l'influence du milieu où il vit. Ce «serviteur de Yahvé» (tel est le sens de son nom) prophétise au Ve siècle av. J.-C., alors que les exilés sont rentrés depuis peu, et reste profondément blessé par l'attitude des Édomites lors de la prise de Jérusalem: n'ont-ils pas fait cause commune avec les assiégeants, et même occupé le sud du royaume de Juda? Très nationaliste, de tempérament vindicatif, il entrevoit la ruine prochaine d'Édom et s'en réjouit; et lorsque sa vision s'étend jusqu'au «jour de Yahvé» (cf. Amos), il annonce en termes particulièrement vifs que le peuple de Jacob aura sa revanche sur le peuple d'Ésaü.

JONAS est un homme, mais surtout «un livre», et il convient de distinguer l'un et l'autre. L'homme fut prophète dans le royaume d'Israël, au VIIIe siècle avant notre ère, au temps de Jéroboam Il (783-743). Seul d'ailleurs, le 2e livre des Rois (chap. 14, vers. 25) mentionne son activité. Or, au Ve siècle, un auteur inconnu utilisa ce souvenir et attribua fictivement à ce prophète une aventure extraordinaire mais exemplaire. Que des mythes grecs, indiens, égyptiens ou assyro-babyloniens, qui présentent quelque analogie avec ce récit, aient ou non facilité la tâche du conteur sacré l'histoire de ce rescapé avalé par un poisson énorme et qui continue de vivre dans ses entrailles, occupé à chanter des cantiques, tient assurément du merveilleux. L'accumulation de miracles offerte au lecteur, y compris la conversion immédiate des habitants de Ninive à la parole de Jonas, paradoxalement vexé du résultat obtenu, oriente vers un genre littéraire qui n'est pas précisément celui de la prophétie. Mais c'est un enseignement qui court, non sans une pointe d'humour, à travers tout le recueil.
On y verra avant tout l'affirmation que les annonces de châtiment faites au nom de Dieu ne sont pas absolues: la conversion peut les rendre caduques. L'universalisme du salut est, lui aussi, nettement indiqué: si la sollicitude du Créateur s'étend même aux animaux (chap. 4, vers. 11), comment ne pas conclure que Dieu aime tous les hommes comme ses enfants, fussent-ils païens. Or, Israël est précisément appelé à devenir le missionnaire du vrai Dieu; ainsi songe-t-on déjà à la parole bien claire que prononcera le Christ: «Allez, enseignez toutes les nations.»

MICHÉE ramène au siècle où Amos et Osée prophétisaient en Israël, mais son apostolat s'exerça dans le royaume de Juda, sous les rois Achaz et Ézéchias (736716 et 716-687 av. J.-C.). On retrouve chez lui bien des traits rencontrés chez Amos: la justice envers les petits et les pauvres; le «Jour du Seigneur» où Dieu se manifestera au milieu de phénomènes cosmiques; le «Reste», auquel est promis le royaume. Le messianisme de Michée n'a pas l'ampleur de celui d'Isaïe, mais il renferme un élément original: Bethléem est le lieu où naîtra le Messie. Enfin le prophète propose la formule de la vie religieuse authentique: accomplir la justice, aimer avec tendresse et marcher humblement avec Dieu.

NAHUM, Judéen du Néghev, qui se manifesta vers 620 av. J.-C., annonce le nationalisme exacerbé d'Abdias. Mais, au lieu de l'appliquer à Édom, c'est à Assur qu'il s'en prend: avec une joie passionnée il annonce la ruine prochaine de Ninive (612). L'extraordinaire poésie de ce court ouvrage lui fait une place toute spéciale parmi les oeuvres prophétiques.

HABACUC enfin est, comme Nahum, un contemporain de Jérémie. Il situe le problème du mal au plan international. L'Assyrie, ennemie de toujours, n'est pas encore réduite par la coalition des Babyloniens, des Scythes et des Mèdes; elle continue ses exactions et ses rapines. Le prophète se pose donc la question: Comment Dieu peut-il permettre cela? Comment la justice de Dieu s'accorde-t-elle avec le triomphe des païens? Et la réponse vient, en termes généraux: tandis que l'impie succombera, le juste vivra grâce à sa fidélité seule lui est demandée la patience.

J. DHEILLY


© En ce temps-là, la Bible No 71


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PROPHÈTES: UN ANONYME, DERNIER PROPHÈTE DE L'ANCIEN TESTAMENT


Les quatre livres prophétiques appelés en dernier dans l'ordre traditionnel ne sont pas eux non plus classés selon la chronologie; et c'est sans doute cinq auteurs inspirés qu'il faudrait présenter ici, car le plus long de ces ouvrages a pour lui seul deux auteurs au moins, et de deux époques. Mais le temps et les noms des messagers ont bien pou d'importance en regard des «paroles d'éternité» du message.

La prédication de SOPHONIE se situe au Vlle siècle avant notre ère, sous Josias: quelques années avant la réforme religieuse du pieux roi, donc entre 640 et 625. À Isaïe, ce prophète a emprunté l'idée de l'abaissement de l'orgueil humain, qu'il combine avec le thème du «Reste», déjà proposé par Amos. Il aboutit ainsi à la perspective que «le royaume» comprendra seulement les «pauvres de Yahvé» (en hébreu: anawim). Mais pour en arriver là, il fait passer l'idée de pauvreté du plan sociologique (absence de biens) au plan spirituel: le pauvre est celui qui reconnaît sa misère intérieure devant la richesse de Dieu; celui qui, dans l'épreuve, accepte la volonté divine sur lui tout en demandant au Seigneur son salut.

AGGÉE, ZACHARIE et MALACHIE sont d'un autre âge: tous trois ont exercé leur mandat au retour de l'Exil; les deux premiers vers 520 av. J.-C., le troisième vers 450. Aggée et Zacharie sont orientés vers la reconstruction du Temple; ils chargent leur message d'espérance messianique et voient la réalisation de celle-ci à travers Zorobabel, prince descendant de David et chef civil de la communauté juive renaissante en Judée

LE LIVRE DE ZACHARIE est un cas particulier, pas plus compliqué à vrai dire, et probablement moins, que le livre d'Isaïe par exemple avec ses deux, et même trois auteurs principaux: il comprend deux parties très distinctes. Seuls les huit premiers chapitres sont l'oeuvre du prophète de la fin du Vle siècle.

Dans un avenir indéterminé y est envisagée la conversion des païens et la venue de Dieu dans son Temple de Jérusalem qui va être reconstruit; désormais la Palestine sera bien la «Terre sainte» parce qu'elle sera purifiée de tout péché.

Quant aux chapitres 9 à 14, ils sont d'un anonyme, qu'il faut dater au plus tôt de la fin du IVe siècle et peut-être même d'une époque beaucoup plus tardive. Leur auteur est en tout cas antérieur à l'Ecclésiastique (vers. 200) qui mentionne les douze petits prophètes (chap 49, vers. 10) après Jérémie et Ézéchiel, mais postérieur à Joël (vers. 400). C'est dire qu'il est le dernier des prophètes de l'Ancien Testament. Après lui, aucune voix prophétique ne retentira plus jusqu'à Jean Baptiste.

L'ouvrage lui-même est une compilation où l'on discerne facilement l'influence des autres inspirés: Osée, Jérémie, Ézéchiel, le Livre de la Consolation (du deuxième Isaïe), Joël. Le genre apocalyptique, qui s'affirmait déjà dans la première partie, s'épanouit ici, spécialement dans l'annonce du combat de la fin des temps, et le messianisme apparaît dans la personne d'un Messie humble et doux. Peut-être faudrait-il rattacher également le «transpercé» du second Zacharie (chap. 12, vers. 10) au thème du Serviteur souffrant (Isaïe, chap. 53). Le Temple enfin est dans ces oracles appelé à devenir le centre spirituel de l'humanité, désormais convertie au vrai Dieu; ainsi s'imposera une sacralisation complète des hommes et des choses en Israël.

MALACHIE ramène un siècle et demi au moins en arrière (vers 450). L'auteur de cet ultime recueil du livre commun aux juifs et aux chrétiens est très marqué par le Deutéronome et met l'accent sur le culte. Mais il centre son message sur l'avènement du Messie: ce sont les infidélités des prêtres qui l'empêchent jusqu'ici. Le «jour du Seigneur» sera préparé par un messager; alors le culte sera transformé spirituellement: c'est déjà le culte universel (chap. 1 vers. 11) en esprit, et en vérité, dont parlera le quatrième évangile Jean, chap. 4, vers. 23). L'attitude morale du juste doit être une préparation à ce «jour»: d'où la condamnation des divorces et le rejet des mariages mixtes (croyants et païens). Une finale ajoutée tardivement compare enfin à Élie le messager des derniers temps.

J. DHEILLY

© En ce temps-là, la Bible No 72


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PROPHÈTES: «UN AUTRE S'INSTALLE» DANS LA VIE DU PROPHÈTE


Le message le plus éloquent des prophètes est le témoignage de leur vie. Serviteurs de la Parole, Ils ont fait l'expérience d'une rencontre. Tous ont pu dire: Un autre s'installe dans ma vie et dispose de moi.

La Révélation dont sont bénéficiaires ceux que Dieu a choisis pour parler en son nom n'est pas ressentie d'abord comme l'énonciation d'une idée, pas même comme la communication d'un esprit, mais bien plutôt comme la découverte de «l'Autre»: le divin partenaire à qui ils sont livrés avant de devenir les dépositaires de son message.

Aucune image ne s'impose comme pleinement satisfaisante pour exprimer ce qui survient. Chacun en risque cependant une nouvelle. Pour Amos, Dieu et le prophète tiennent l'un à l'autre comme le lion à sa proie et l'oiseau à son piège (chap. 3, vers. 3-8). Osée a tenté une description plus précise: celle de lutteurs qui s'empoignent, évoquant le mystérieux combat de Jacob avec l'Ange au gué de Jabboq (GENÈSE, chap. 32, vers. 24-26). Jérémie, lui, compare sa rencontre avec Dieu à celle des amants: «Tu m'as séduit, Yahvé, et j'ai été séduit; tu as été plus fort que moi, et tu l'as emporté» (chap. 20, vers. 7).

L'empoignement et l'embrasement d'amour, la violence pathétique et la séduction sont ainsi les symboles qui paraissent les plus adéquats pour décrire l'expérience prophétique à ses débuts.

Elle est aussi la manifestation d'un plan divin préétabli d'une prédestination: «Yahvé m'a appelé dès ma naissance, dès le ventre de ma mère il a marqué mon nom», dit Isaïe (chap. 49, vers. 1). Quant à Jérémie, la parole du Seigneur lui fut adressée en ces termes: «Avant même de t'avoir formé dans un sein, je te connaissais, et avant même que tu n'en sortes, je t'avais consacré» (chap. 1, vers. 5). Cette «saisie» projetée par Dieu depuis toujours transformera l'existence de l'élu, en bouleversant son déroulement normal au moment où la Parole divine fait irruption dans le destin du Prophète. Elle agit en perturbatrice au point de rendre méconnaissable celui qu'elle visite.


Il devient parfois sa propre contradiction

On a pu parler, à ce sujet, d'altération. Un homme devient «autre»: il est arraché à sa famille, à son milieu, à ses conditions de vie, à sa propre mentalité, à son tempérament. Il est comme soustrait à son propre moi et ne se reconnaît plus lui-même. Il devient parfois sa propre contradiction, dit ce que jusqu'alors il n'a jamais pensé, annonce ce qu'il a toujours redouté, accomplit ce qui lui a toujours répugné, subit ce qu'il ne peut pas ne pas réprouver: Jérémie doit se dépouiller de son amour et n'avoir ni femme, ni fils, ni fille (chap. 16, vers. 1). Isaïe doit se dépouiller de ses vêtements: durant trois ans il marche dévêtu, lui dont la notabilité est connue de tout Jérusalem; et cela afin d'être un signe vivant pour l'Égypte et l'Éthiopie (ISAÏE, chap. 20). Ézéchiel, ce prêtre scrupuleux qui n'a jamais permis à ses lèvres de goûter aux nourritures interdites, doit manger une galette impure (chap. 4, vers. 12). Osée, ce prophète de l'Amour divin, doit faire l'expérience cruelle de ce que l'amour humain a de plus décevant (chap. 1, vers. 2) et parfois de plus sacrilège, dans l'adultère et la prostitution.

Tout se passe comme si «l'Esprit» voulait, ne serait-ce qu'à certains moments et à titre d'épreuve briser ce qu'il y a de plus personnel dans le prophète.

L'histoire du premier roi d'Israël, qui à sa manière est lui aussi choisi pour devenir le «héraut de Dieu», fournit un exemple qui incitera les témoins de sa transformation à poser la bonne question: «Qu'est-il arrivé au fils de Qish? Seul est-il aussi parmi les prophètes?» (1er SAMUEL, chap. 10, vers. 11). Rappelons le fait: dans la tribu de Benjamin, un villageois perd un jour ses ânesses et envoie son fils pour les retrouver. Lorsque celui-ci revient, ses proches ne le reconnaissent plus, son père n'est plus son père; il obéit à une puissance paternelle supérieure, obscure mais inexorable. C'est qu'entre temps il a été visité par l'esprit de Yahvé il est «changé en un autre homme» (au même chapitre de 1er SAMUEL, vers. 6).

Chaque «prophète» au sens plus classique témoigne de cet arrachement qu'opère en lui sa vocation.

Le cas d'Élisée est particulièrement significatif. L'Esprit saisit ce paysan en plein labour, dans le cadre familier de son activité quotidienne. Tout d'abord Élisée ne comprend pas ce qui lui arrive; il ne se doute pas de la portée qu'a pu avoir le geste d'Élie le couvrant de son manteau. Il invoque encore ses attaches familiales, demande à rester le fils de ses parents dans la tendresse d'un dernier baiser. Mais l'appel est absolu. L'acceptation ne peut être partielle, il faut choisir sans esprit de retour. Sentir sur ses épaules le manteau d'Élie ou bien n'est rien, ou bien pulvérise «le vieil homme». Élisée n'est plus fils: il n'ira pas embrasser ses parents. Il n'est plus paysan: il brûlera ses boeufs avec le bois de sa charrue. C'est un autre Élisée, qui sera désormais le compagnon d'Élie.

C'est aussi un autre Amos que l'élection introduit dans l'histoire: «Je n'étais ni prophète, ni fils de prophète, j'étais berger, dit-il (AMOS, chap. 7, vers. 14-15), et je cultivais les sycomores; c'est Dieu qui m'a pris de derrière le troupeau et c'est Dieu qui me dit: Va, prophétise à mon peuple Israël 1»

L'appel divin procède par paradoxe. De bergers et de paysans il fait tout aussi bien des messagers de l'unique Parole, que de notables, de lévites ou de prêtres: Élisée et Amos, à côté d'Isaïe, de Jérémie et d'Ézéchiel.

P. CRISOLIT

© En ce temps-là, la Bible No 61 page IV.


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PROPHÈTE: UN PROPHÈTE POUR SECOUER LES GENS PIEUX


Un prophète, c'est connu, n'est pas populaire, surtout dans son pays. Les prophètes de l'AT, toujours à l'affût d'une infidélité, avaient fort à faire avec le peuple d'Israël. Sans cesse, et à tous les niveaux, ces serviteurs de Dieu hors du commun ont rappelé les exigences de Dieu et de sa loi, dénoncé avec vivacité le péché et proclamé avec ardeur le pardon de Dieu pour quiconque s'humilie et croit. Mais le peuple a préféré suivre les faux prophètes.

De nos jours, les prophètes sont rares. Le ministère de prophète tel que l'AT l'enseigne n'existe plus, car la révélation est complète. Nous entendons par «prophète» un homme choisi par Dieu et qui est porteur d'un message particulier (repentance de l'Église, réveil). Ainsi William Booth, le fondateur de l'Armée du Salut, est considéré comme un prophète des temps modernes (G. Brabant, «William Booth», éditions «Je Sers», Paris, 1929). Le prophète ne peut, en aucun cas, prédire l'avenir ou compléter la révélation. Son message s'adresse uniquement à l'Église, c'est-à-dire aux croyants, et son contenu est le rappel de la loi de Dieu, autrement dit, de la volonté pour son peuple.

Les responsables du peuple d'Israël ne brillaient pas pour leur fidélité. Ésaïe les compare à des chiens muets! Ses gardiens sont tous aveugles, sans intelligence; ils sont tous des chiens muets, incapables d'aboyer; ils ont des rêveries, se tiennent couchés, aiment à sommeiller (Es 56.10). Un chien qui n'aboie pas quand le danger est là n'est plus un chien! Le parallélisme avec nous est saisissant. Nous laissons au lecteur le soin d'aller plus loin dans ses réflexions... et, peut-être, d'aboyer!

Une chose est évidente: L'Église a besoin de prophètes pour secouer les «gens pieux», pour leur rappeler que Dieu est un Dieu trois fois saint et que sa volonté est immuable et éternelle. Dieu ne veut pas que son peuple soit dans l'ignorance, mais soit au contraire rendu intelligent. L'apôtre Paul le dit clairement: Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l'intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu: ce qui est bon, agréable et parfait (Rom 12.2).

Si Dieu nous donne une intelligence renouvelée, c'est pour s'en servir! Et réfléchir. Les apôtres étaient des hommes de réflexion. Ils savaient tenir un discours, réfuter les erreurs de leur temps et exposer les vérités chrétiennes.

L'Église a tenu des siècles durant à tous les assauts de l'Ennemi parce qu'elle comptait en ses rangs des docteurs (connaisseurs et enseignants de la Parole) et des apologètes qui savaient prendre les armes de la Parole et de l'Esprit pour réfuter les fausses doctrines. Tout combat chrétien exige, qu'on le veuille ou non, un sérieux effort de réflexion. De là débouchent nécessairement l'action et l'engagement. Réfléchir avant, agir ensuite, et non l'inverse!

Si les chrétiens se mettent à réfléchir, à «réflexionner» bibliquement, alors l'Église connaîtra véritablement un renouveau spirituel.

«Actualités évangéliques», décembre 1989, avec la permission de Paul Ranc, éditeur


©  Promesses 1991 - 1 / No 95


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VRAIS ET FAUX PROPHÈTES


Les prophètes bibliques entrent souvent en conflit avec ceux qu'ils estiment être de faux prophètes: menteurs, fanfarons, hommes sans foi (SOPHONIE, chap. 3, vers. 4), parfois adultères ou ivrognes (JÉRÉMIE, chap. 23, vers. 14, chap. 29, vers. 23; ISAÏE, chap. 28, vers. 7), ou encore hommes d'argent qui brandissent la menace de guerre si on ne les paie pas (MICHÉE, chap. 3, vers. 5-11), courtisans adulateurs du roi ou du peuple (ISAÏE, chap. 30, vers. 10, JÉRÉMIE, chap. 5, vers. 31; MICHÉE, chap. 2, vers. 11). Par leurs fallacieux oracles ces imposteurs endurcissent les méchants dans leur perversité (JÉRÉMIE, chap. 23, vers. 14; ÉZÉCHIEL, chap. 13, vers. 22); ils les entraînent à oublier le nom de Dieu (JÉRÉMIE, chap. 23, vers, 27); ils égarent le peuple (JÉRÉMIE, chap. 23, vers. 22; chap. 29, vers. 8; ÉZÉCHIEL, chap. 13, vers. 10). Il valait donc de se garder de tels messages... et d'abord de ceux qui las portaient.

Sauf le cas très exceptionnel où un «mauvais» fut, comme Balaam par exemple (Nombres, chap. 23-24), contraint de transmettre la Parole de Dieu, l'orthodoxie de l'enseignement habituel constituait en Israël le critère majeur permettant de discerner ce qui venait vraiment d'En-Haut. Les principes déjà énoncés dans le Deutéronome (chap. 13) restent par ailleurs significatifs: entre le prodige annoncé ou réalisé et le contenu du message, le plus important est le contenu du message. Si ce dernier incite le peuple à aller vers d'autres dieux, c'est qu'en dépit de tout «prodige» le «prophète» est un imposteur.


Les «bons» sont souvent des prophètes de malheur»

Ceux qui, se donnant à tort ou à raison pour inspirés, eurent à se prononcer sur des crises au développement incertain, se sont tout naturellement divisés en deux classes: les uns annonçaient un dénouement heureux, les autres un dénouement tragique.

À peu d'exceptions près, la Bible identifie les faux prophètes avec les prophètes des bonnes surprises et les vrais avec ceux qui prophétisent le malheur. Les premiers ont beau jeu de faire leur cour aux rois et de rassurer la foule en présentant la paix et le bonheur comme conséquences nécessaires de l'Alliance avec Yahvé (Michée, chap. 3, vers. 11; cf. Jérémie, chap. 23, vers. 17; chap. 28, vers. 2 et suivants): ils oublient, ou feignent d'oublier, que celle-ci exige une fidélité réciproque entre «alliés», et le respect du code moral dont elle fut assortie au Sinaï. Les seconds rappellent ces exigences et, dès lors, il devient inévitable qu'ils aient à avertir du pire le peuple infidèle s'il ne se convertit.

Discerner la vraie de la fausse prophétie fut certainement un des problèmes les plus ardus qui se posèrent aux Juifs des VIlle au Ve siècles avant notre ère, car les prophètes étaient légion, comme il y paraît dans les textes bibliques.

Peut-être peut-on tirer du livre de Jérémie de quoi éclairer quelque peu le jugement sur ce point. Mais les signes proposés sont au premier abord assez déroutants.

Ainsi le chapitre 28 met en scène Hananias. A priori rien ne permet de douter de la sincérité de ce prophète de cour qui s'emploie à soutenir «le moral» de ses contemporains et particulièrement du roi. Toutefois la tradition héritée du passé veut que le prophète de paix soit «un menteur en sursis». Il n'est pas difficile de regarder, et de faire admettre, ce qui est agréable comme venant de Dieu: la victoire, la paix et la prospérité, mais avoir à tenir comme permises par lui, et à faire accepter comme telles, la défaite et la captivité, par exemple, demande au contraire un bien pénible effort et s'avère déchirant, car le ministère prophétique ne désolidarise pas les inspirés de leur peuple et de ses intérêts.

«Les prophètes qui furent avant moi et avant toi, dit Jérémie à Hananias, ont prophétisé la guerre, la souffrance, la famine...» En effet, Nathan, Élie, Amos, Osée, Isaïe, Michée, Hulda, ont plus souvent annoncé des châtiments que des réjouissances et les «délivrances» qu'ils font entrevoir se situent au terme des épreuves. Jérémie s'inscrit dans cette lignée en soulignant que si la prophétie de malheur porte sa justification en elle-même, car nul ne trouve intérêt personnel à la proférer, ni joie à l'entendre, celle du bonheur doit être vérifiée par les faits: «Le prophète qui prédit la paix, c'est lorsque sa prédiction s'accomplit qu'on le tient pour un prophète véritablement envoyé par Yahvé.»

Le prophète qui prédit le douloureux passage de la justice de Dieu, au contraire, trouverait le plein succès de sa mission si le fait qu'il prophétise n'arrivait pas: écarté par le repentir de ceux qui auraient entendu la Parole.

Hélas, tout à l'inverse, le «message joyeux», mais mensonger, tel celui d'Hananias, a pour effet d'anesthésier la conscience des coupables et de leur ôter ainsi toute chance d'éviter leur perte.

Jérémie, lui, souhaiterait ardemment que le Ciel ait pu changer ses desseins quoiqu'il lui ait fait dire d'abord.

Il parle spontanément, en son propre nom, lorsqu'il répond à Hananias Amen 1 «Ainsi fasse Yahvé que les objets de la maison de Yahvé reviennent ici et tous les déportés». Mais c'est au nom de celui qui l'envoie qu'il confirmera ses sombres oracles et déclarera à l'imposteur, d’ailleurs condamné pour son mensonge: Toi, «Yahvé ne t'a pas envoyé!» (chap. 28, vers. 13)


Le bavard est suspect

L'autre critère de la prophétie véritable suggéré par Jérémie est celui de la modération dans les paroles. La prophétie bavarde est suspecte. Le vrai prophète est silencieux de nature; sans doute sa mission même implique-t-elle la parole, mais celle-ci doit demeurer sobre. C'est ce qui résulte du chapitre 23 (vers. 16-32), sorte de traité sur la loquacité révélatrice de l'imposture. Les faux prophètes sont des orateurs incontinents. Faute d'inspiration, ils volent la prophétie à d'autres. Leurs paroles ont la légèreté de la paille, par opposition à la vraie Parole qui a le poids et la densité du grain.

Le vrai prophète est celui qui sait attendre, interroger dans le recueillement, et se taire jusqu'à ce qu'il ait reçu la réponse. Ce dont Jérémie donna l'exemple après qu'Hananias ait brisé le joug qu'il portait (chap. 28, v. 11 et suivants).

Peut-être faut-il retenir que plus la révélation progresse, plus les moyens de distinguer le message et le messager authentiques du mensonge et des menteurs s'affinent; l'orientation même du propos, comme la personnalité et la moralité de celui qui le tient ont seules une véritable valeur, et non les signes extraordinaires qui pourraient être fournis par le prophète.

Celui-ci n'est pas un magicien, et pas non plus un devin: beaucoup plus sûrement qu'il ne «prédit» l'avenir, il témoigne de la Parole de Dieu.

Dom J. GOLDSTAIN

© En ce temps-là, la Bible No 62 pages III-IV


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LES SADDUCÉENS


 Dans les évangiles, il est question des «Pharisiens et des Sadducéens». Je sais ce que sont les premiers mais je ne trouve pas beaucoup de renseignements sur les deuxièmes. Qui sont-ils? Que font-ils? Question de C. Dennoncourt. Réponse de Daniel Montpetit.

 Sur le plan étymologique, le mot «sadducéen» se rapporte à Sadoq (en hébreu, saddiq signifie «juste»), un personnage de l'Ancien Testament. Au deuxième livre de Samuel, Sadoq se voit associé au prêtre Abiathar: «Sadoq et Abiathar, fils d'Abimélek... étaient prêtres.» (2 S 8,17) En raison de leur fidélité au roi, Sadoq et ses descendants formeront la famille sacerdotale la plus importante. De cette famille seront choisis les grands prêtres jusqu'à l'époque des Maccabées (vers 150 av. J.-C.). Au VIe siècle av. J.-C., le prophète Ezéchiel considère même les membres de cette caste sacerdotale comme les seuls prêtres légitimes: «Ce sont les fils de Sadoq qui, parmi les fils de Lévi, s'approchent du Seigneur pour le servir.» (Ez 40,46) Les Sadducéens, descendants de Sadoq, sont donc des prêtres qui se consacrent au service du Temple.

 Plus tardivement, vers le IIe siècle av. J.-C., les Sadducéens forment un groupe structuré. Issus principalement de familles riches, ils forment un parti sacerdotal. L'influence des Sadducéens se fait remarquer surtout au niveau du culte et de la liturgie. C'est d'ailleurs eux qui gardaient le contrôle du Temple de Jérusalem. Cependant, après la destruction du Temple en l'an 70 de notre ère, le parti des Sadducéens s'effrite et disparaît.

En ce qui concerne leurs croyances, les Sadducéens considèrent seulement la Loi écrite (les cinq premiers livres de la Bible) comme normative pour leur foi. Dans ce sens, ils se distinguent des Pharisiens qui mettent la Loi orale sur le même pied que la Loi écrite. Cette divergence est à la base de la grande rivalité qui existe entre les Pharisiens et les Sadducéens.Ainsi, les Sadducéens refusent d'observer les nombreuses règles de purification élaborées par les Pharisiens. De plus, ils rejettent plusieurs doctrines pharisiennes telles la résurrection, l'immortalité de l'âme, l'existence des anges... Les Sadducéens n'adhèrent pas à ces points de doctrine parce que ceux-ci demeurent sans appui dans la Loi de Moïse.

Le Nouveau Testament mentionne assez rarement les Sadducéens car ils ne se mêlent généralement pas aux foules. Toutefois, nous savons qu'ils s'opposent à Jésus. C'est ainsi que Jésus met les siens en garde contre les enseignements des Pharisiens et des Sadducéens (Mt 16,12). De plus, les Sadducéens se montrent hostiles aux disciples de Jésus. Ils feront incarcérer les Douze: «Le grand prêtre et son entourage (des sadducéens) arrêtèrent les Apôtres et les mirent dans la prison publique.» (Ac 5,17-18)

Daniel Montpetit

© Source: Le Feuillet biblique 1497 (1993). www.interbible.org

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SALOMON: L’ÂGE D’OR SOUS LE GRAND ROI D'ISRAËL 

Le règne de Salomon, sur lequel revient l'auteur des Chroniques avec une complaisance proche de celle qu'il accorde à celui de David, apparaît dans la Bible comme l'apogée de l'histoire humaine d'Israël. C'est un très court moment de gloire sereine, longtemps préparé et bien vite évanoui, une sorte d'âge d'or avant la difficile période du schisme et de l'exil. D'une certaine manière, tous les courants de l'histoire antérieure convergent vers cette instauration d'une royauté assurée, d'un royaume pacifié, d'un Temple somptueux et d'une prospérité sans ombre, vue à distance du moins, avant les abus de la fin du règne.

Si Salomon est appelé, selon l'étymologie de son nom, la Pacifique, c'est sans doute que sous son règne on ne connaîtra plus ces interminables guérillas de bandes semi-nomades qui défrayent la chronique dans les premières années de la vie politique de David; c'est encore qu'il n'eut pas à faire, de tout son règne glorieux, de véritables guerres; c'est enfin que chaque Israélite vécut alors sous sa vigne ou sous son figuier et que cette prospérité matérielle constitue l'aspect le plus tangible de la paix hébraïque selon la Bible: en hébreu, la racine d'où est tiré le mot de «paix» signifie originellement plénitude. Alors qu'en temps de guerre tout risque de manquer, il y a «paix» lorsque rien ne manque.

Nos lecteurs connaissent déjà les modifications essentielles que subit la société israélite à la faveur de cette paix-là: de Josué à David, une évolution continue avait mené du nomadisme pastoral au sédantarisme agricole; à partir de Salomon, la société sédentaire se diversifie par l'apparition de classes nouvelles.

Jusqu'ici le commerce était aux mains des Cananéens dont le nom a une racine signifiant en hébreu «acquérir», «commercer». Maintenant, beaucoup d'israélites quittent la terre et se mettent au commerce. La plupart de ces commerçants, d'abord fonctionnaires du roi, deviennent marchands à leur propre compte.

Et voici qu'apparaît aussi une «chevalerie», avec l'introduction du cheval dans l'armée royale. Le recrutement des cavaliers ne peut se faire que dans un milieu social aisé, capable d'entretenir une écurie. Les preux de David étaient d'origine paysanne et conservaient des attaches avec leur patrimoine rural. Ils sont pou à peu remplacés, sous Salomon, par des citadins formant une noblesse privilégiée et vivant dans l'entourage de la cour.

Enfin la politique de construction, l'intense activité économique, l'apparition des chantiers navals et de l'armement réclament une main d'oeuvre de plus en plus nombreuse et variée. Il y a désormais des marins, des maçons, des charpentiers, des forgerons', des compagnons de tous les métiers. Les besoins sont tellement massifs, qu'à la main-d'oeuvre indigène s'ajoute une main-d'oeuvre étrangère importante, surtout phénicienne. Il y a là un brassage de populations qui favorise une certaine fraternité.

Au moment où Israël s'épanouit sur le plan social et politique, il atteint un des sommets de son génie spirituel. Avec Salomon lui-même va fleurir un nouveau genre littéraire, celui de la Sagesse, avant que les écrits des prophètes, deux siècles plus tard, ne donnent à la civilisation biblique un nouveau complément.

La Sagesse semble la vocation même du grand roi. Il avait le goût inné des choses de l'esprit, et nous savons que son origine semblait le prédestiner à l'intelligence et à l'émotion artistique: David, son père, est le poète-musicien, autour de nombreux psaumes son arrière grand-père, Akitophel, le sage conseiller de David, lucide jusque dans ses errements.

Mais la Bible insiste sur le choix conscient que fit Salomon, parvenu à l'âge des responsabilités, de cette sagesse qu'il détenait naturellement par sa naissance et par son éducation. Elle sera sa vocation profonde, et s'applique d'abord aux choses les plus humbles: le fameux «jugement de Salomon» en est l'exemple où se trouve mise à jour, avec une simplicité bouleversante, la force impérieuse de l'instinct maternel. Le roi sait disserter sur les hommes et sur les choses, en paraboles et en maximes qui dénotent une connaissance profonde de la psychologie et de la morale. Cet aspect du génie de Salomon se traduit par une production abondante: la Bible lui prête 3 000 paraboles, 1 055 poèmes et dissertations dont la plus grand nombre est perdu. L'Écriture n'en a bien sûr retenu que ce qui avait valeur religieuse, et sans doute délibérément oublié ce qui était purement profane. Dans ce qui reste, tout ce qui lui est attribué n'est sans doute pas de lui, mais «de son esprit» ce qui ne fait qu'exalter son rayonnement littéraire et spirituel. Celui de la «sagesse» du roi d'Israël hors des frontières de son empire. L'épisode de la reine de Saba venue tout exprès à Jérusalem, avec sa suite, en est l'éclatante illustration.


Dans tout le pays: une spiritualité intense

Ce qui frappe, lorsqu'on compare le règne de Salomon à celui de David, c'est que la spiritualité s'y dégage des cadres étroits du culte et de la liturgie. Sous David, l'inspiration sacrée se concentra surtout dans l'entourage immédiat de l'Arche sainte; encore que les deux « voyages» de celle-ci aient pu soulever, parmi ceux qui l'entourèrent à cette occasion, un bel élan spirituel. Mais sous Salomon c'est le pays tout entier qui vibre d'une spiritualité intense. Ce n'est plus seulement le culte ou l'expérience individuelle de certains hommes supérieurs qui fournissent l'accès à Dieu, tout devient prétexte à la réflexion, à l'expression artistique et à la prière: la destinée générale de l'humanité comme la vie morale dans ses manifestations les plus quotidiennes, le spectacle de la nature vivante ou inanimée, comme l'expérience des relations humaines.

À l'époque de David encore, l'énumération des écrivains inspirés se borne à la personne du roi et à quelques lévites de Jérusalem. Au contraire, l'époque de Salomon connaît un grand nombre de sages dont la Bible fait un éloge remarquable, suggérant que l'activité intellectuelle et spirituelle du pays anime plus ou moins, par ondes concentriques, l'ensemble de l'élite, et que la sagesse d'Israël atteint alors un niveau supérieur à celles de la Mésopotamie et de l'Égypte, dont elle s'inspire cependant pour une part; ce qui n'amoindrit pas la louange, tout au contraire.

Dom Jacques GOLDSTAIN

© En ce temps-là, la Bible No 3 1 pages I-II.



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SALOMON: LA FIN D'UN GRAND RÈGNE


Le règne de Salomon fut d'un brillant éclat mais, nos lecteurs le savent, des crises graves l'ébranlèrent au cours de ses dernières années, et dès la mort du grand monarque son royaume va se briser. Aux yeux de l'historien, deux groupes de «causes» expliquent ces événements. Les unes, politiques, tiennent à l'étendue des conquêtes, à l'impossibilité de contrôler toutes les frontières, et aussi au «double jeu» diplomatique de certaines puissances voisines, particulièrement de l'Égypte. Les autres, d'ordre économique et social, sont dues à une évolution trop rapide qui avait fait d'une communauté encore patriarcale et paysanne un état fortement administré et absolutiste, et d'une petite province, un grand empire. Ce ne sont pas les seules raisons. Il en est d'un tout autre ordre.

La politique de grandeur qui est incontestablement celle de Salomon excédait de beaucoup les ressources nationales. Pour y parer, Salomon développa au maximum les échanges avec l'étranger mais aussi multiplia taxes et impôts. Il fut finalement prisonnier de l'organisation administrative qu'il avait imaginée. Les «fermiers généraux» s'attribuèrent à eux-mêmes les rentrées qui auraient dû revenir au trésor national. Faute de moyen pour payer suffisamment d'ouvriers libres pour réaliser ses grands projets de construction, Salomon dut non seulement aggraver la corvée des Cananéens autochtones, mais étendre le système aux Israélites eux-mêmes. Au début les conditions de travail restaient humaines et en accord avec les principes de la Tora, mais elles devinrent peu à peu arbitraires et dégradantes: de citoyens libres qu'ils étaient, certains furent réduits au rang de serfs royaux.

Dès lors, la communauté d'Israël se scindait. La caste privilégiée des chevaliers, fermiers généraux, prévôts des corvées, commerçants, noblesse d'épée, s'éloignait du reste de la population, faite d'ouvriers exploités, et parfois asservis, et de paysans sur qui des charges posaient de plus en plus lourdes.


Le prince de la sagesse devient roi de la folie

Les pires mesures n'obtinrent même pas le résultat escompté: on sait que Salomon dut consentir, à son créancier, le roi Hiram de Tyr (1er Rois, chap. 9, vers. 11), une concession sur le territoire national. Cette enclave phénicienne en Galilée ne fut sûrement pas appréciée non plus par la population du nord.

Mais enfin, et surtout, on assista à une crise religieuse et morale due en grande partie à la transformation inattendue de la personnalité même de Salomon. Le roi prophète, le roi pieux d'autrefois, s'enlisa peu à peu dans un polythéisme sensuel et un scepticisme désabusé qui dressèrent contre lui les milieux religieux restés fidèles à la tradition de la Tora. Par une évolution dont les étapes ne peuvent être précisées, Salomon, de prince de la sagesse, devint vraiment roi de la folie. Comme pour David, son père, la sensualité fut à l'origine de sa chute. Mais tandis que le roi David se reprit très vite après son crime, et que cette unique faute fut suivie d'une pénitence sincère, l'égarement sensuel de Salomon se transforma en état permanent. Il s'y englua et oublia bientôt ses devoirs primordiaux pour ne plus guère songer qu'au harem. Contrairement à la prescription formelle de la Loi concernant le roi: «Qu'il n'ait pas une multitude de femmes» (Deutéronome, chap. 17, vers. 17), Salomon augmenta sans cesse le nombre de ses épouses, et païennes de surcroît.

Derrière ces femmes il faut imaginer leurs esclaves et leurs servantes, leurs moeurs, leur atavisme et leurs religions, donc leurs prêtres et leurs cultes. Les idoles, vouées à l'anathème par la Loi, reçurent droit de cité auprès du roi; le Temple du Dieu unique fut flanqué de nombreux sanctuaires idolâtres qui sollicitaient les fidèles de Yahvé à «se prostituer aux idoles». Ce fut un nouveau ferment de désagrégation. Il y eut sans doute les courtisans, empressés à satisfaire les caprices du souverain et à s'attirer ses bonnes grâces; il y eut aussi la masse des opprimés qui, en s'insurgeant contre l'exploitation sociale, prit conscience de ce qu’elle luttait en outre contre l'infidélité religieuse d'où résultait l'abandon des principes de la Loi.

Ainsi se vérifie cruellement, dès le règne du troisième roi d'Israël, le danger multiforme, qu'aux dires de Samuel, cette institution présentait pour le peuple de Dieu (2, Samuel, chap. 8, vers. 11-18).

Alors que Salomon était encore sur le trône, les effets convergents de ces crises diverses amenèrent une cristallisation de l'opposition sur la personne de Jéroboam. D'abord nommé inspecteur des corvées pour les tribus d'Éphraïm et de Manassé, il se trouva bientôt à la tête de tous les mécontents. Ce parti reçut l'approbation d'un prophète: Ahiyya, qui procédera à une investiture clandestine de Jéroboam, «le meneur» (1er, Rois, chap. 11, vers. 31). Les exemples de Saül et de David nous ont appris ce que signifie une telle investiture. Il s'agit toujours d'une orientation et d'une étape décisive dans l'histoire d'Israël.


Le prophète: conscience vivante du roi et du peuple

Cette intervention d'un prophète dans la vie politique du pays met en évidence un des rôles essentiels du prophétisme biblique: il se manifeste toujours comme conscience vive de la religion ou du devoir social; rien d'autre que la charité envers Dieu et la charité envers le prochain si l'on consent à laisser à ce mot, «charité», toute sa véritable valeur et la noblesse qu'il a. Mais nulle part on ne voit le Sacerdoce réagir, fût-ce devant l'apostasie formelle du roi. Alors inféodé au système, rouage administratif du royaume, le sacerdoce est à pou près neutralisé, jugulé. Le prophète, lui, avait opté pour le risque.

Au terme du règne de Salomon l’empire d'Israël avait donc deux faces. L'une, plus voyante, était celle de l'opulence et de la jouissance, de l'indifférence morale et de l'infidélité religieuse. L'autre, obscure, mais plus réelle et plus valable parce que plus farouche, était celle d'une volonté de résistance et de révolte. Sur la première règne le lourd appareil administratif et gouvernemental; sur l'autre fermente au mouvement populaire dont Ahiyya, le prophète, se faisait l'interprète et quelque peu le garant.

C'est sur ce fond que commence la deuxième partie du premier livre des Rois, proposée ici à nos lecteurs.

Dom J. GOLDSTAIN

© En ce temps-là, la Bible No 26 pages I-II.


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SALOMON: LE «PESSIMISTE» ECCLÉSIASTE TROUVE DANS SA FOI UNE RAISON DE VIVRE


Comme la traduction grecque des Septante, la Vulgate place l'Ecclésiaste parmi les livres poétiques et sapientiaux, entre le livre des Proverbes et le Cantique des Cantiques: là où nos lecteurs retrouveront dans les pages qui suivent. Très officiellement admise par l'Église en ses conciles, l'authenticité de son inspiration divine fut jadis discutée par les rabbis de la tradition juive. Elle ne l'est plus. La Mishna, partie du Talmud où se trouve codifié l'enseignement des maîtres, précise que ce livre «souille les mains», c'est-à-dire qu'il convient de se laver les mains après l'avoir touché, comme il est prescrit de la faire après tout contact avec un objet sacré c'est donc bien que l'Ecclésiaste est considéré comme tel.

Personne ne pense plus aujourd'hui que cet ouvrage ait été véritablement écrit par Salomon, ainsi qu'a pu le laisser croire pendant des siècles l'interprétation littérale du texte, qui fait parler «le fils de David». Les experts modernes discernent dans la composition au moins trois mains différentes de celle d'un auteur principal qui écrivit vraisemblablement au Ille siècle avant notre ère. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un véritable petit chef-d'oeuvre où la philosophie du bon sens se pigmente de satire ou d'ironie et sert parfois de grands élans de piété sincère et de foi.

Sans doute l'auteur principal apparaît-il pessimiste: il a fait le tour de toutes les expériences humaines et en revient déçu, désabusé. Les quelques réflexions teintées d'un certain optimisme qu'on rencontre cependant çà et là dans le recueil sont-elles de lui? Sont-elles d'un de ses disciples qui aurait voulu tempérer l'acidité de l'ensemble? La question reste ouverte. Mais est-il si important d'y répondre? Ce qui compte est, bien sûr, le texte que nous avons aujourd'hui sous les yeux.


Ni sceptique, ni agnostique, et encore moins athée

D'une façon générale il proclame l'insatisfaction de l'homme en face de la vie: plaisir, richesse, travail, recherche de la sagesse, rien ne garantit à l'homme le bonheur. Le même sort atteint le sage et l'insensé on peut même dire qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Ainsi se trouve-t-on amené à mettre en cause la vieille solution donnée au problème de la rétribution, à savoir le bonheur terrestre du juste. Ce bonheur n'existant pas, on comprend que l'auteur se heurte à un mur.

C'est alors que la foi lui donne une raison de vivre: dans l'application que doit mettre le sage à craindre Dieu et à faire sa volonté. Voilà qui est loin du scepticisme, de l'agnosticisme, voire de l'athéisme qu'on a souvent, mais indûment, reproché à l'Ecclésiaste. On perçoit au contraire la conscience qu'il a de l'omniprésence divine jusque dans la solution humainement raisonnable qu'il propose; il faut prendre la vie comme Dieu l'a faite et s'en remettre à lui. On découvrira ainsi une formule d'existence relativement heureuse avant que ne survienne la déchéance inéluctable de la vieillesse: dans un travail modéré et des repas aussi succulents que possible, dans l'acceptation des bons et des mauvais jours, en jouissant de la douceur de la lumière, en compagnie d'une femme aimée.

Hors du contexte où elle est exprimée, une telle invite à saisir le plaisir qui passe semble annoncer la philosophie païenne des «épicuriens», sinon d'Épicure. Un rappel de la situation historique permettra, même sur ce point, un jugement plus équitable. L'auteur écrit vers 250 av. J.-C. Les Juifs sont sous la domination des Lagides, successeurs d'Alexandre en Égypte, et les influences hellénistiques parviennent jusqu'en Palestine: peut-être la civilisation grecque apporterait-elle un bonheur que ne saurait procurer la seule observation de la Loi? L'Ecclésiaste a sans doute, en fait, l'intention de s'opposer à pareille séduction et il insiste sur la nécessité d'observer les divins commandements: sans Dieu, aucun bonheur humain ne saurait satisfaire l'homme.

Il faudra encore un siècle avant que la vraie réponse ne soit donnée: celle du bonheur auprès de Dieu dans l'autre vie.

J. DHEILLY

Professeur à l'institut catholique de Paris

© En ce temps-là, la Bible No 50 page IV.


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