LES
AVENTURES DE DAVID METTENT AUSSI EN SCÈNE UN PERSONNAGE
INVISIBLE Le nom de David à peine prononcé, nous percevons en écho celui de Goliath. Nous pensons alors à cette fameuse lutte entre pot de fer et pot de terre; combat inégal où, contre toute attente, mais conformément aux préférences de Yahvé, la victoire revint au plus démuni, au plus vulnérable. David tua Goliath, – et il dansa devant l'Arche: voilà ce qui d'abord nous revient en mémoire, et nous nous croyons tout à fait quittes envers l'Histoire sainte... Mais, à relire le texte sacré, nous trouvons tout autre chose. La Bible nous présente, à partir de l'onction du fils de Jessé et jusqu'à son accession au trône de Juda, une véritable épopée, à la fois grandiose et tendre, qui évoque l'Iliade et fait pâlir la Chanson de Roland. On s'étonne tout à coup de constater que les aventures du jeune David, berger, musicien, guerrier, et finalement roi, aient si rarement servi de prétexte à des reconstitutions cinématographiques. Car le premier livre de Samuel offre tous les éléments indispensables au succès d'une superproduction extraordinaire: rivalités, haines, amitiés, trahisons, malentendus, poursuites dignes des meilleurs westerns, bagarres individuelles, batailles rangées, musique, danses et, bien entendu, séquences amoureuses autour de plusieurs jolies filles, sans omettre l'intermède shakespearien de l'évocation d'un spectre par l'entremise d'une sorcière en transe; enfin, en guise de happy end, le sacre et le triomphe du vainqueur magnanime.
Tout au plus pourrait-on reprocher au scénario d'être trop riche: l'accumulation des péripéties justifierait une projection en plusieurs épisodes, dans la tradition des feuilletons de grande classe. Le coeur des masses d'aujourd'hui battrait pour le jeune et beau David, comme jadis Israël. Et quel acteur de composition ne rêverait d'interpréter le rôle de Saül? L'art dramatique de tous les temps a rarement proposé un caractère aussi complexe, aussi tourmenté, et cependant aussi humain. Voilà un homme qui, après avoir assumé la fonction royale et connu les faveurs mystiques de son Dieu, sent tout à coup que cette grâce lui échappe, que le divin lui retire son amitié. Déçu, inquiet, puis saisi d'une insupportable angoisse, partagé entre l'affection qu'il porte à David, et la jalousie que lui inspirent les exploits du jeune berger, l'amour que lui voue le peuple. Tantôt sincèrement amical, voire paternel, et tantôt saisi d'une irrésistible soif de meurtre, ballotté par des vagues de sentiments contraires, aimant et détestant tout ensemble son loyal ennemi, obligé de se défier de ses propres enfants qui protègent son rival, ne sachant plus à qui demander conseil, abandonné de Yahvé lui-même, il ne trouve enfin de solution à ses tragiques tourments que dans le suicide... Jamais un comédien ne rencontrerait meilleure occasion de montrer son génie. D'autres personnages interviennent, non moins rigoureusement typés: Jonathas, fils respectueux de Saül, mais ami inconditionnel de David, pris entre deux feux et soumis à un débat cornélien, Mikol, sa soeur, épouse de David, petite bourgeoise qui, plus tard, reprochera à son mari de se donner en spectacle (2e Sam., c. 6, v. 20-23), Nabal, le paysan avare et ivrogne, et Abigaïl, la femme avisée; Goliath même, brute obsédée, énorme robot sans coeur, ni cervelle... On parle souvent du caractère fruste des récits sacrés, parce que le style en est parfois naïf, taillé à l'emporte-pièce. Mais l'histoire de David contredit cette impression elle annonce déjà Hamlet et Macbeth, le Cid et Ruy Blas. Cependant elle surpasse ces chefs d'oeuvre en ce qu'elle comporte un personnage de plus, dont l'invisible présence se fait constamment sentir: Dieu.
© En ce temps-là, la Bible No 22 pages I- II. Retour----------------------------------------------------------- |
La personnalité même de David domine tout le premier livre des Chroniques. Parce qu'il a connu un destin prodigieux, une vie aventureuse et tourmentée tant sur le plan social que moral et spirituel, ce personnage pleinement humain dans les triomphes comme dans les déboires apparaît comme l'homme «total»: celui qui rassemble en un seul la diversité d'une multitude. Certes ses vertus et même sa faute, que veut ignorer le Chroniste, atteignent une intensité grandiose, inaccessible au grand nombre. Mais ce guerrier farouche qui est aussi un «prêtre», cet homme d'action qui est aussi un poète, ce grand pécheur, modèle des repentis, reste pour tous un fascinant exemple, un de ceux que le temps ne saurait vieillir.
Du jour au lendemain, par sa victoire sur Goliath, le petit pâtre de Judée devint le héros de son peuple. Aujourd'hui général de l'armée royale, acclamé par les foules, le protégé, l'ami du souverain, il est demain le hors-la-loi qu'on traque, bon à tuer à vue. Puis le chef de bande affamé des déserts et des montagnes devient le roi de tout Israël, et construit un empire. Il pratique l'amour des ennemis à un degré rarement égalé, et pourtant, tous les lecteurs des livres de Samuel le savent, il est aussi l'exemple de la précarité de toute vertu humaine: la mesure de sa faute n'est dépassée que par celle de sa propre pénitence. Dans son âge mûr et sa vieillesse, sa vie est une suite de drames familiaux: il voit l'un de ses fils en assassiner un autre; il est expulsé de son palais par ce fils rebelle, il erre sur les routes du désert de Judée. Il ne retrouve son trône qu'au prix de la vie de son enfant. Même sur son lit de mort il doit encore mater la rébellion.
Du sang sur les mains, la charité au coeur Face à ces situations si tragiques et si diverses, il conserve une sorte d'aisance. Ce sont les sorts qui lui sont faits, souvent contradictoires, qui modèlent peu à peu sa personnalité: il est celui qui sait jouer de la harpe et manier la fronde; celui qui épouse une princesse ou devient un proscrit; celui qui contrefait le fou chez un prince ennemi ou se lamente sur la mort de son propre roi. Il compose des poèmes ou fait la guerre, réalise l'union des tribus turbulentes et leur donne une capitale, rêve de bâtir un Temple à l'Éternel, rend la justice,... et convoite une femme dans l'ombre; celui qui danse devant l'Arche, et celui qui pleure, en fuite, sur une colline. C'est un homme qui a du sang sur les mains et cependant la charité plein le coeur. Il a poussé à l'extrême toutes ces expériences et leur a communiqué à toutes une qualité spirituelle qui n'appartient qu'à lui. C'est ce qui compte. Plus, finalement, que l'histoire qu'on peut faire de son règne: car très vite il ne restera pour ainsi dire rien de ses conquêtes militaires, et le royaume de Juda lui-même disparaîtra, fût-ce après quatre siècles. Mais l'élan qui a surgi du moindre de ses actes nous emporte aujourd'hui encore à la lecture de sa vie ou à l'écoute de ses chants, entendus à travers les psaumes. Cet aspect, d'emblée positif, est le seul qu'ait retenu l'auteur des Chroniques. Mais l'Écriture est un tout et ne prive pas ses lecteurs de tous les temps de la part d'ombre de cette vie multiple, intensément vécue: le moment du péché, l'adultère qui entraîne le meurtre (2e Samuel, chap. 11)
Riche d'enseignement jusque dans sa faute Par quel mystère ce juste, comblé de bénédictions divines, destiné à être l'ancêtre du Messie, a-t-il pu succomber à un tel égarement? Plus qu'elle ne s'intègre dans l'histoire de David, on dirait que cette faiblesse s'y superpose, comme pour servir une leçon que Dieu voudrait en outre donner: elle démontre que la vigilance est sans cesse nécessaire, même à un juste, et surtout à un roi, c'est-à-dire à qui détient le facile pouvoir de satisfaire ses passions. Elle souligne aussi qu'un péché, eût-il les pires conséquences, peut être racheté par un repentir sincère: car cet écart d'un instant n'a pas plus dépossédé David de la bénédiction divine que le péché du veau d'or n'avait, dans le désert, frustré Israël des privilèges de son élection. Par Dom Jacques Goldstain © En ce temps-là, la Bible No 20 page I. I
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LA
FUITE DE DAVID DEVANT SON FILS (à travers le troisième psaume)
Le psaume 3 est le premier psaume s'attachant à décrire la destinée humaine. Le titre est déjà très évocateur: Psaume de David quand il fuyait devant son fils Absalom. On y trouve tout à la fois la plainte, l'angoisse: «Oh! comme ils sont nombreux tous mes oppresseurs» le désespoir: «Ils disent qu , i 1 n'y a plus d'espoir, que Dieu m'a abandonné» et la révolte: «Tu ne peux pas me laisser aux mains de mes ennemis, tu dois briser les dents de mes ennemis.» Ainsi les ennemis de David, les ennemis du Juste, de celui qui se plaint à Dieu, sont considérés comme des bêtes féroces. Car il est vrai que souvent l'homme est un loup pour l'homme. On y trouve aussi la confiance du Juste en ce salut qui ne peut pas manquer de venir. Absalom s'est révolté contre son père. Considérant peut-être que David était devenu trop vieux pour diriger le char de l'État, il a essayé de le remplacer mais d'une manière violente. Il a fomenté une révolte, et David a été obligé de fuir, entouré d'une poignée de fidèles. Un fils rebelle... D'après ce psaume: «lis sont nombreux ceux qui sont postés contre moi», on comprend que David a en face de lui une très forte armée. En effet, Absalom est jeune, il est décrit dans la Bible comme un beau jeune homme ayant de très longs cheveux. C'est peut-être un des premiers hippies de l'histoire, dans la mesure où, outre sa chevelure, il est un fils révolté contre son père, comme les hippies. Absalom est donc très populaire tandis que David, le vieux roi, n'a plus qu'une poignée de fidèles. On sait que Joab, malgré les ordres contraires du roi, tuera Absalom. Cette histoire est donc une de ces tragédies que David a vécues, un des moments où, parvenu au soir de son existence, il a tout vu remis en question. Ce qui est curieux, c'est la place de ce psaume, juste après l'introduction générale, alors que l'histoire d'Absalom se passe à la fin de la vie de David. D'autres psaumes pourtant concernent des événements qui se situent tout au début de l'existence de David, lorsqu'il était, lui aussi, comme Absalom, jeune et beau; lorsqu'il battait les Philistins, ou lorsqu'il était traqué par le roi Saül. La tradition juive explique cet apparent manque de chronologie en disant que ce psaume est extrêmement important. Dans le psaume précédent on parlait des guerres messianiques, et le psalmiste disait aux nations: «Pourquoi vous révoltez-vous?» Il y a une révolte des nations contre Dieu. Peut-être vivons-nous aujourd'hui dans la même situation. Nous éprouvons le sentiment que les temps messianiques se préparent, alors précisément que le monde rejette la souveraineté de Dieu. En effet, notre siècle est un siècle où pour beaucoup Dieu est mort ou en tout cas contesté. Il y a alors un rapprochement à faire entre le problème général qui se pose à l'humanité, à savoir celui d'accepter le rapport de paternité de Dieu, et le problème qui s'est posé à David qui, lui aussi, a vu son autorité contestée. On comprend mieux la place de ce psaume. ... et l'humanité en révolte L'expérience qu'a connue David dans sa vie personnelle et familiale, c'est une expérience cosmique. L'histoire d'un père contre lequel son fils se révolte, c'est l'histoire de l'humanité et de la révolte de l'humanité contre son père, contre Dieu. C'est pourquoi il était nécessaire de placer ce psaume en tête du recueil de psaumes. Le Talmud, en particulier, parle d'une discussion qui eut lieu un jour entre un hérétique et un rabbin. L'hérétique disait: «Vos psaumes sont en désordre puisqu'ils commencent par l'histoire d'Absalom; ils auraient dû commencer par celle de Saül.» Et ce rabbin lui a répondu «C'est volontairement que ce psaume a été placé là parce qu'on peut se demander s'il est possible que des élèves, que des serviteurs, se révoltent contre leur maître.» Arrivera-t-il un temps où le monde connaîtra une contestation de Dieu très violente? Eh bien, oui, car on a vu un fils se révolter contre son père. Sachez donc que l'humanité se prépare des temps difficiles. «On voit que, il y a déjà 2 000 ans, on donnait à ce texte de la révolte d'Absalom un sens profondément symbolique. Il est d'ailleurs un autre symbole intéressant, dans le nom même d'Absalom, qui se dit en hébreu «Absalom», «père de la paix». Ce nom est révélateur. Il indique que la reconnaissance de la paternité, humaine ou divine, est une source de paix. Normalement, le père est là précisément pour donner la paix. C'est en cela que le sens symbolique de ce psaume de la révolte d'Absalom contre David ouvre une perspective messianique.
Un père déchiré On peut comprendre alors ce qui a toujours paru paradoxal aux rabbins qui ont eu à commenter par les mots: «Cantique de David», alors qu'on devrait dire: «Élégie de David». Comment un homme peut-il chanter lorsque son fils se révolte contre lui? Des explications contradictoires ont été ici données par le Talmud, qui montre que c'est à la fois un bonheur et un malheur. Bonheur, parce que David savait qu'un jour il aurait à expier ses fautes. Selon la tradition juive, il a été rassuré de penser que celui qui se révoltait était son fils, car lui aurait de la compassion pour son père. Il y a des relations affectives entre un père et un fils, entre parents et enfants, qui sont les plus naturelles et qui doivent permettre d'estomper les conflits. Mais, d'un autre côté, le Talmud dit: «Il n'y a rien de pire pour un père que de savoir que celui qui le chasse de son foyer c'est son fils.» Aussi David était-il partagé entre des sentiments de joie – au demeurant très relative – et de désespoir. Ce psaume est à la fois une élégie et un cri d'espoir. par le Rabbin Josy EISENBERG © En ce temps-là, la Bible No 24 pages I-II. -----------------------------------------------------------
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LE
ROI DANS LA RUE SOUS LES YEUX DE SON PEUPLE
C'est un spectacle unique dans l'histoire que donne ce roi d'Israël lorsque, dans la rue et au milieu de son peuple, il imagine de danser devant l'arche où, invisiblement, trône le Seigneur. Sans doute d'autres rois, chez les peuples païens, ont-ils jadis, au cours de cérémonies ou de sacrifices, exécuté sur une musique sacrée des marches solennelles et même des danses. Mais ils ne faisaient que se soumettre à une obligation rituelle pour appeler sur le peuple la protection d'une puissance inconnue. La danse de David est gratuite. De telles évolutions étaient minutieusement réglées: elles étaient censées reproduire les mouvements des corps célestes, les astres, la croissance de la végétation ou les fabuleuses aventures de personnages divins. David, lui, n'obéit qu'à son propre enthousiasme. La danse du roi de Juda et d'Israël ne comporte pas de figures. Elle n'imite rien. Le souci même de l'esthétique paraît être étranger au danseur: il tourne, pour s'alléger du poids des choses, et bondit en cadence pour obéir à une joie mystérieuse. Il traduit spontanément par l'élan de son corps cette jubilation intérieure dont nous entendons l'écho dans les psaumes. Cette scène nous paraît d'autant plus extraordinaire que David jouit alors du neuf prestige de sa royauté: d'ordinaire, les rois, surtout de cette époque, ont un farouche souci de dignité formelle. Comme se dénuderait un homme de rien Devant l'incompréhension de Mikol sa femme, qui se moque de lui, David doit faire un bref commentaire de son geste: il a voulu s'humilier, dépenser en hommage cette vie qu'il sent bouillonner en lui, en s'épuisant à danser de toutes ses forces. Et, pour mieux ce faire, il a quitté son vêtement d'apparat, «il s'est dénudé devant ses servantes et ses serviteurs, comme se dénuderait l'un des hommes de rien». C'est précisément pour cette humiliation volontaire que Mikol «méprise son époux dans son coeur» (21, Samuel, c. 6, v. 16): David s'est abandonné à sa joie sans façon et sans retenue, comme un homme du commun. Mikol n'a pas compris que David n'a pas dansé devant le peuple, mais devant Dieu: «Je m'ébattrai en présence de Yahvé» (28 Samuel, c. 6, v. 21). C'est en présence du Dieu vivant qu'il s'est abaissé, qu'il s'est – selon le double sens du mot hébreu qagal – rendu à la fois plus léger et plus insignifiant. C'est pour lui la chose la plus naturelle du monde. Oui, il a mis sa plus grande joie à se séparer de tout ce qu'il a: de son manteau royal pour un simple pagne de lin, et de sa «majesté» pour la spontanéité d'un «homme de rien». Il se dépouille ainsi de tous les prestiges qui lui ont ouvert, parmi les hommes, le chemin du trône. Le vaillant guerrier à la démarche imposante saute éperdument; celui dont l'Écriture vante la beauté s'agite dans des bonds et des virevoltes; devant son Dieu, l'auteur des psaumes se met au rang d'un baladin. David n'a dansé que pour Dieu. Il n'est pas un Néron qui sollicite en histrion l'admiration populaire. Il n'a pas voulu se donner en spectacle, comme Mikol semble l'avoir cru. Mais, le peuple est là, qui le regarde. Le témoignage si saisissant qu'il donne de sa foi en la présence divine frappe l'imagination des assistants. Après avoir mené bien souvent ses hommes sous les flèches de l'ennemi, il les mène aujourd'hui – comme roi d'Israël – à la rencontre du Dieu vivant. Certes il y a des mouvements de surprise et sans doute quelques rires des snobs, ce qui mortifie Mikol. David n'y prend même pas garde. Il est roi; il s'abaisse devant le maître de tout sous les yeux de tous, et par cet abaissement même il entraîne tout son peuple vers son Dieu. Dom J. GOLDSTAIN © En ce temps-là, la Bible No 23 page IV.
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David, à travers son histoire mouvementée, apparaît facilement comme un modèle de pénitence, ou comme un modèle de courage et de ténacité. Nous avons souligné plusieurs fois la profondeur de son sens religieux. Faut-il aller jusqu'à voir en lui un modèle de sainteté? À vrai dire, c'est comme tel que l'acceptent les traditions juives et chrétiennes. Peut-être, avant tout, à cause du caractère messianique que revêt son personnage dans l'une et l'autre tradition: c'est de sa lignée que doit naître le Messie, et les victoires de David annoncent celles du Messie sur les ennemis de Dieu. Mais l'élection singulière que traduit son destin présuppose à elle seule une amitié avec Dieu qui implique la sainteté. Un premier aspect de la psychologie de David c'est sa bonté foncière qui lui fait aimer ses ennemis les plus proches et leur pardonner les agissements les plus perfides. Il se refuse à voir un criminel en son fils Absalom, alors que, sur le plan politique, sa passivité durant la révolte semble gravement répréhensible au regard des exigences du pouvoir. Et lorsqu'on lui apprendra la mort de ce fils rebelle, David regrettera de n'avoir pu mourir à sa place. Dans sa jeunesse déjà, il avait lutté avec l'énergie du désespoir pour maintenir avec Saül des liens d'amitié et quand il a l'occasion de se débarrasser de son persécuteur il se garde d'attenter à sa vie alors que tout son entourage estimait qu'il fallait en finir avec lui et le tuer. David, lui, ne songe qu'à gagner son coeur par sa propre magnanimité. Enfin, au moment où il apprendra la mort de Saül, il se lamentera au lieu de se réjouir, et fera même mettre à mort l'homme qui se vantera d'avoir sur la demande explicite de Saül, mis fin à ses jours (2e Samuel, chap. 1), tant cette nouvelle n'est pas pour lui une bonne nouvelle (2e Samuel, chap. 4, vers. 10). David pleurera aussi la mort d'Abner qui avait pourtant soutenu l'action de Saül contre lui: il refuse alors de prendre toute nourriture jusqu'au coucher du soleil (2e Samuel, chap. 3, vers. 35). Les exécutions qu'il n'a pas voulues se poursuivent: David apprend la mort d'lshboseth, seul fils survivant de Saül; à nouveau il se lamente et même se montre singulièrement rigoureux envers ceux qui pensent avoir gagné ses grâces en le vengeant dans la descendance de son rival (2e Samuel, chap. 4 vers. 9-12). Non sans raison, les Pères de l'Église ont exalté la bonté de David qui apparaît principalement dans cet amour des ennemis qui le caractérise, comme une anticipation étonnante de la perfection évangélique, en un temps où la vengeance était non seulement légitime mais souvent estimée. Par ailleurs David accepte l'adversité avec patience et en silence. Il ne se révolte jamais, il accepte toutes les souffrances comme une expiation. Sa réaction, si elle existe, est tout intérieure. Son fatalisme apparent cache une lutte profonde au secret de son âme.
«Laissez le maudire si Yahvé le lui a commandé.» Lorsque Shimeï maudit David en lui lançant des pierres et que l'un de ses gardes du corps veut abattre ce «chien crevé», le roi l'en empêche parce qu'il n'est pas sûr que Yahvé n'ait pas ordonné à Shimeï d'agir ainsi: «Laissez-le maudire, si Yahvé le lui a commandé. Peut-être Yahvé considérera-t-il ma misère!... » (2e Samuel, chap. 16, vers. 12). Le fait que déjà son fils se soit révolté semble avoir amené David à accepter toutes les avanies venant d'autres. Et lorsque, plus tard, le même Shimeï viendra demander grâce, et que l'entourage du roi voudra l'abattre, David à nouveau s'interposera afin que «quelqu'un ne meure pas ce jour-là en Israël» (2e Samuel, chap. 19, vers. 23). Si quelqu'un veut se joindre à lui, durant sa vie errante, il l'en dissuade, ne voulant pas l'entraîner à affronter les périls qui le menacent (2e Samuel, chap. 15, vers. 20); il préfère l'intérêt des autres au sien propre. Plus tard, il ne veut pas boire l'eau d'un puits situé à l'entrée du Bethléem, que trois de ses «preux» sont allés puiser au péril de leur vie afin de désaltérer leur roi. Il en fait une libation à Yahvé, offrant avec elle à Dieu le sang ainsi risqué pour lui-même (2e Samuel, chap. 23, vers. 17). Respectueux de la vie, il est généreux aussi. Lorsque les combattants refusent de partager le butin avec ceux qui, trop fatigués, sont restés au camp, David exige que tout soit partagé entre tous, et que «telle soit la part de celui qui combat, telle la part de celui qui reste près du camp». C'est là une règle «qui est encore observée aujourd'hui», dit le 1er livre de Samuel (chap. 30, vers. 21-25).
Avant la lettre «pauvre en esprit» À travers tous les aléas de son destin, David demeure conscient de sa fragilité il a le sentiment aigu de sa faiblesse (2e Samuel, chap. 4, vers. 39) et aussi du fait que seule l'action de Dieu peut le sauver; comme au moment de son combat avec Goliath (1er Samuel, chap. 17, vers. 40 et suivants). Son refus de l'armure de Saül, sans doute trop lourde et trop embarrassante, est symbolique: il refuse de placer surtout sa confiance dans les moyens des hommes. De nombreux psaumes et passages des prophètes mettront ce refus en valeur. Ce geste et la douleur sincère de son repentir après son péché caractérisent David. Son péché même lui fait prendre conscience, et de façon aiguë, de se fragilité morale, en sorte qu'il est réellement le type achevé de ce «pauvre» spirituel dont ses psaumes exprimeront si souvent la prière et les aspirations. Ces aspects si variés et si riches de la personnalité du «saint roi» montrent que ce n'est pas à tort qu'on lui prête cette «sainteté». Ses fautes ne sauraient la ternir, mais la rendent seulement plus humaine et plus accessible à l'imitation. Dom J. GOLDSTAIN © En ce temps-là, la Bible No 24 pages V- VI. ----------------------------------------------------------- |
DÉBORA:
LE SALUT PAR LES FEMMES Rôle central de deux femmes, action discrète du juge, répétition du récit sous forme poétique, telles sont les particularités du troisième cycle des juges. Rappelons que l'auteur des Juges expose trois siècles d'histoire au travers de différents cycles d'oppression/libération. Fixées à sept (le nombre de la plénitude), chaque scène complète le tableau par quelques touches. L'apport constant d'éléments nouveaux maintient l'intérêt du lecteur et enrichit la compréhension globale de cette période. Le rythme de la narration, de tumultueux (5 versets pour le cycle d'Othniel: Jug 3.7-11) et soutenu (19 versets pour le cycle d'Ehud: Jug 3.12-30), devient calme avec Débora (55 versets: Jug 4-5). Le torrent initial se transforme en rivière de plaine, avec un méandre même, puisque l'auteur s'arrêtera pour reprendre une deuxième fois, mais sous forme poétique (chapitre 5), le récit de Débora. Débora à la tête de l'État Une femme juge. Voilà de quoi surprendre. Si on exclut l'abominable reine Athalie salie a jamais par son acharnement à détruire la lignée messianique pour usurper le trône royal (2 Rois 11. 1-16), la situation de Débora est unique. Elle est la seule femme dans les Écritures à avoir été un leader politique. Lorsqu'on est sensible aux innombrables enseignements bibliques sur les rôles respectifs de l'homme et de la femme, la position de Débora à la tête de la nation, ne peut que refléter un malaise profond. La situation est anormale, les équilibres brisés, l'harmonie rompue. Péché il y a, mais à qui la faute: usurpation féminine ou irresponsabilité masculine? Aucun doute n'est permis: Débora est exempte de tout blâme. À l'opposé d'une militante d'un mouvement féministe, aucune contestation des rôles ne se manifeste chez la femme de Lappidoth. Chef de la nation, elle ne cherche aucune gloire personnelle. Devant une victoire décisive et assurée (Dieu est de nouveau avec Israël), elle préfère s'effacer et appeler un homme (Barak) pour prendre le commandement des forces armées, consciente que la gloire rejaillira sur le vainqueur. Mais voilà: Barak l'appelé, hésite. Indigne de la gloire du héros (Barak n'est pas une «baraque»), il devra laisser les honneurs du champion à quelqu'un d'autre, à une personne animée d'une foi exemplaire: en l'occurrence une autre femme (Jaël). Bien qu'étant le meilleur des hommes de sa génération (Débora ne l'a-t-elle pas choisi? N'est-il pas le seul homme cité en exemple au chapitre 5?), Barak est frappé du mal rongeant la gent masculine de son époque: hésitation, tergiversation, vacillation, flottement, tâtonnement, renoncement. La lâcheté masculine pousse Débora «à porter les pantalons». Aucune usurpation, simplement un vide à remplir, temporairement, puisque à tous moments elle est prête à s'effacer. En plus de l'effort pour passer le flambeau à Barak, l'auteur relève l'attitude humble du juge de deux manières. La femme de Lappidoth siège sous un palmier (Jug 4.5). En indiquant que Débora ne juge pas à découvert, l'auteur veut-il symboliser la soumission de cette femme à Dieu? D'autre part, l'auteur consacre peu de place à Débora, comme pour marquer l'effacement volontaire de cette femme. Contrairement à Ehud, vers qui tous les regards convergeaient, Débora agit dans les coulisses, et si elle est contrainte à faire une apparition publique, ce n'est que l'instant d'un éclair, à l'image d'ailleurs de cet orage imprévu (Jug 5.4, 21) qui s'est abattu sur le champ de bataille. Un rapprochement entre les deux moyens de libération envoyés par l'Éternel (une femme juge et l'orage estival) mérite un bref arrêt. Dans les deux cas le libérateur est inhabituel: une femme juge; un orage hors saison. Dans les deux cas le libérateur agit avec rapidité: Débora n'apparaît sur scène que l'espace de deux paroles; l'orage surprend les troupes ennemies par sa soudaineté. Enfin, les deux libérateurs symbolisent la bénédiction par la fertilité: une épouse probablement mère de famille; l'eau en abondance à un moment où l'on en manque le plus. Une deuxième héroïne Comme pour confirmer l'attitude exemplaire de Débora, une deuxième femme s'élève au-dessus de la mêlée. La notion de dualité dans la pensée hébraïque est fondamentale. La répétition indique l'emphase, la solennité, l'assurance, la certitude. Les en vérité, en vérité ou saint, saint, saint nous sont familiers. Dans le domaine juridique, un double témoignage était nécessaire avant toute condamnation. Le courage d'une deuxième femme dans un contexte de faiblesse masculine, confirme les propos sur Débora et Barak. Ces personnes représentent plus que des individus particuliers; ils reflètent deux tendances: les forts par nature (les hommes) sont lâches, alors que les faibles (les femmes) sont fermes. C'est sur deux héroïnes que Dieu peut s'appuyer pour sauver le peuple. Gloire aux femmes, honte aux hommes! Quelques traits de plume suffiront à notre écrivain pour situer l'arrière-plan de la deuxième femme: Jaël est l'épouse de Héber le Kénien. L'information doit être d'importance, puisque l'auteur nous la donne deux fois (4.17; 5.24). Descendants du beau-père de Moïse, les Kéniens s'étaient intégrés au peuple élu. Malheureusement, le mari de Jaël – détaché de son clan (Jug 4.11), mais lié avec un roi païen (Jug 4.17) – semble avoir fait marche arrière. Les relations entre Héber et Israël se sont refroidies. Dans un temps de tiédeur spirituelle pour Israël, Jaël est l'une des dernières à rester bouillante pour l'Éternel. Comme Débora, elle «portera les pantalons» l'espace d'un instant, le temps d'un coup de marteau. Pour remplir le vide créé par l'effacement masculin, démunie de toute arme, elle saisit pieu et marteau pour clouer au sol Sisera, le général cananéen. Par son engagement, Jaël rappelle aussi Ehud, le deuxième juge (Jug 3.12-30). Les différences sont minimes. Qu'il s'agisse d'un homme haut placé (Ehud) ou d'une femme insignifiante (Jaël), d'une épée enfoncée à l'horizontale dans le corps du roi Eglon ou d'un pieu martelé à la verticale dans la tête du général Sisera, d'une visite dans la ville fortifiée de l'ennemi ou d'une invitation dans la tente vulnérable d'une fidèle, les paramètres majeurs sont les mêmes: un combat solitaire, des paroles séductrices pour endormir la méfiance de l'oppresseur, un coup décisif et mortel porté au chef ennemi. Si l'auteur s'était limité à suggérer la fidélité d'Ehud (voir étude sur «Ehud: la fidélité au zénith»), il proclame haut et fort le comportement irréprochable de Jaël: Bénie soit entre les femmes Jaël, femme de Héber, le Kénien! Bénie soit-elle entre les femmes qui habitent sous les tentes? (Jug 5.24). En dehors de Marie, mère de Jésus (Luc 1.42), aucune autre femme n'a reçu un tel témoignage! Entre la crainte et le courage L'évaluation de Barak n'est pas aussi flatteuse. Alors que deux femmes sont fidèles, le meilleur des hommes hésite. Il a peur de l'ennemi et n'accepte d'engager le combat que si Débora la mère (Jug 5.7) lui tient la main. Faut-il s'étonner que la gloire du héros lui ait échappé ! Mais si Barak est faible, il n'est pas sans mérite. Si hésitation, tergiversation, efforts pour échapper à l'appel, animent notre homme au début, le courage l'emporte à la fin: la mission est acceptée, les troupes sont menées au front. Barak a fini par donner le bon exemple. Lorsque l'auteur reprend le récit au chapitre 5, Barak partage le podium du vainqueur avec Débora (Jug 5.1,12). Le livre des Hébreux présente aussi Barak comme un champion de la foi (Héb 11.32). Avec le temps, les hésitations sont oubliées; seuls restent les exploits: un encouragement pour les multitudes de fidèles «pas toujours fidèles». Les hésitations de Barak sont les nôtres, mais aussi celles de son époque. Dans le cantique de la victoire, notre écrivain relève l'engagement (après hésitations) des chefs et de plusieurs tribus. Les chefs étaient sans force en Israël (Jug 5.7), mais des chefs se sont mis à la tête du peuple en Israël (Jug 5.2) et le coeur de Débora est aux chefs d'Israël, à ceux du peuple qui se sont montrés prêts à combattre (Jug 5.9). Sur les dix tribus concernées (Juda et Siméon étaient trop au sud), six se sont engagées (Ephraïm, Benjamin, Manassé [Makir], Zabulon, Issacar et Nephthali: Jug 5.13-15a, 18) et quatre sont lamentablement restées en retrait (Ruben, Gad [Galaad], Dan et Aser: Jug 5.15b-17). Répétition du récit Avant de conclure, deux remarques d'ordre littéraire doivent encore être faites. La première concerne le parallélisme entre les chapitres 4 et 5. Pourquoi rapporter deux fois les mêmes événements? À l'inverse d'un libéralisme stérile et entêté qui se borne à «discerner», dans toute répétition, une pluralité de sources contradictoires (ne répétera-t-on jamais assez comment cette voie est fausse et sans issue?), la reprise d'un événement fait partie intégrante d'une pensée hébraïque friande d'images et de comparaisons. Reprise n'est pas redite: deux témoignages valent mieux qu'un; une image en complète une autre. L'essence de la poésie hébraïque repose sur les comparaisons d'idées: parallélismes synonymique, antithétique, climatique, et ceci au niveau des mots, des phrases, des paragraphes, des chapitres, voir de livres entiers. Ils foisonnent dans le texte sacré. Pour le cycle de Débora, le parallélisme convient à merveille. L'auteur ne veut-il pas exprimer des contrastes entre hommes et femmes, juge et peuple, force et faiblesse, crainte et courage, doute et foi, asservissement et libération? Pourquoi ne pas renforcer les dualités des attitudes, par des dualités sur le plan littéraire? Les chapitres 4 et 5 reflètent deux genres littéraires (prose et poésie), deux points de vue (pendant et après le combat), deux évaluations de Barak (blâme et louange). Il ne s'agit pas de sources contradictoires, mais d'une plume chevronnée qui sait adapter son style au message proclamé, tout en intégrant à son oeuvre le poème de notre juge-compositeur. Les sentiments des fidèles Si le poème du chapitre 5 permet de contraster la prose du chapitre précédent, il favorise aussi la communication de sentiments. La poésie, par ses combinaisons judicieuses de mots et d'images, crée une dynamique propice à l'expression de sentiments parfois explosifs. Souvent ignorés dans nos cultures occidentales, les sentiments font partie intégrante de la vie. La tristesse devant l'oppression ou la joie de la libération doivent pouvoir se manifester. Deux autres techniques littéraires permettent d'exprimer des sentiments de soulagement lorsque la justice divine se réalise: le sarcasme et le ridicule. Le sarcasme marque le renversement des choses: grotesque est la chute du méchant dont la force n'a pu tenir un instant devant le courroux divin. Ainsi, l'opprimé et le persécuté jubilent à la lecture du sort de Siséra: le pillard assoiffé de richesses (Jug 5.30) perd son bien le plus précieux (la vie); celui qui commande aux autres de mentir (Jug 4.20), se voit trompé l'homme qui voulait dominer le corps des femmes (allusion au viol en Jug 5.30), finit aux pieds d'une femme (Jug 5.27); celui qui voulait pénétrer dans le corps des femmes parla violence, se fait transpercer la tête par un objet qui soutient les habitations des femmes (un pieu). Le ton sarcastique qui décrit le sort du méchant est une constante dans le livre des Juges. Pour rappeler le destin de deux des trois oppresseurs qui précèdent le cycle de Débora, on peut relever qu'Adoni-Bézek est frappé du châtiment infligé à ses victimes: amputation des pouces des mains et des pieds (jugement qu'il approuve sans la moindre critique: Jug 1.7). Quant à la mort d'Eglon, elle est des plus grotesques. Affronté par un égal (contrairement à Siséra qui est tué par une femme insignifiante), le roi de Moab est pourfendu horizontalement. La fin de la scène est imprécise: il sortit par derrière (Jug 3.22). De qui ou de quoi s'agit-il? (1) D'Ehud qui en combattant rusé se serait échappé par une issue secondaire. (2) De l'épée qui, après avoir pénétré dans l'adversaire, sort dans son dos. (3) Des excréments d'Eglon. Le gros qui s'empiffrait au détriment des pauvres (son tour de taille approchait les 1,50 mètres), éclate sous l'épée. Sujet à des problèmes de constipation (comme le suggère la longue attente des serviteurs: Jug 3.24), le voilà délivré de son mal puisque ses excréments se répandent au dehors! De son côté, Ehud profite du quiproquo créé par l'odeur pour s'échapper et organiser ses troupes. Quelle que soit l'explication (l'auteur a peut-être pensé à toutes ces possibilités), le lecteur sourit devant le sort réservé au méchant. Le sarcasme est un genre littéraire particulièrement bien adapté pour relever le sort de l'homme impitoyable. Que la ruine atteigne (les méchants) à l'improviste, qu'ils soient pris dans le filet qu'ils ont tendu, qu'ils y tombent et périssent! Et mon âme aura de la joie en l'Éternel, de l'allégresse en son salut (Ps 35.8-9). Daniel Arnold © Promesses 1992 – 3 / No 101 ----------------------------------------------------------- |
Ce que le char et les chevaux de feu qui emportent Élie vers le ciel doivent au genre littéraire qui est celui de l'histoire populaire concerne les exégètes. Le lieu où le prophète a pu être transféré corps et âme est l'affaire des commentateurs. Il reste au traducteur à rendre fidèlement le texte de l'Écriture. L'exclamation d'Élisée voyant s'éloigner son maître, au verset 12 du chapitre 2 de ce 2e livre des Rois, par exemple, lui pose un petit problème. «Mon père! char d'Israël et ses cavaliers», écrit l'hébreu; «... et son cavalier» ou «son cocher», «son conducteur», proposent en grec la Septante et en latin la Vulgate. Les chars de combat, avec leurs équipages, constituaient on le sait le fer de lance des armées au temps des rois, où vivaient Élie et Élisée. Que la puissance du prophète Élie, dans le combat qu'il mena au service de Dieu, ait été comparée par Élisée à celle de cette arme redoutable sur un champ de bataille s'explique parfaitement. Il semble que l'hébreu l'admette ainsi. Les versions grecque et latine, en employant un singulier pour désigner qui dirige le «char», paraissent indiquer qu'Élisée parle d'Élie en un sens très personnel et non seulement de sa puissance combative. Israël est un char dont Élie est le guide: ce guide dont le disciple déplore le départ, mais qui reviendra pour «guider» le peuple de Dieu aux grands moments de l'histoire du salut. Nous avons suivi cette interprétation. Ce n'est là sans doute qu'un détail, comme il n'en présente beaucoup «d'un verset l'autre». Mentionner tel ou tel ne fait que souligner combien les différentes versions du texte biblique diffèrent peu sur l'essentiel, mais combien aussi ce texte est riche d'enseignements jusque dans ses nuances.
© En ce temps-là, la Bible No 34 page IV. -----------------------------------------------------------
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ESDRAS:
CELUI QUI CONSTRUISIT LE MUR
Ce fut une chance pour le second État juif qu'un grand nombre d'exilés ne soit pas retourné sur la Terre ancestrale dès que l'édit de Cyrus leur en donna la possibilité. On crut bien en effet, dans la première moitié du VIe s. avant notre ère, que la communauté «nationale» constituée au retour de l'exil dans la région de Jérusalem, allait mourir d'une lente consomption à l'ombre du second Temple. Mais demeurait en Mésopotamie une puissante «réserve» d'Israël, souvent tenue en grande estime par les successeurs de Cyrus. C'est d'elle que vint le salut. Pour les Perses eux-mêmes, la Palestine offre un intérêt stratégique suffisant pour que tout ce qui peut contribuer à y consolider la situation soit jugé important. Les intérêts spirituels du peuple choisi et les intérêts temporels de l'empire où il se trouve administrativement intégré semblent alors se rejoindre parfaitement. Néhémie, haut fonctionnaire à la cour de Suse, fut envoyé à Jérusalem en mission officielle, tout comme le prêtre Esdras, lui-même conseiller du gouvernement royal. Quel qu'ait été l'ordre, discutable on le sait, de leurs missions respectives, il n'est pas impossible que les deux hommes, l'un et l'autre aussi fidèles à leur Dieu qu'à leur suzerain perse, aient eu à travailler ensemble. Il est certain en tout cas qu'ils oeuvrèrent dans le même sens, et chacun selon son génie propre et les fonctions qu'il occupait. Celles de Néhémie, qui a donné son nom au livre qu'on va lire, paraissent plus assurées que celles d'Esdras, qui a donné le sien au livre précédent: il recevra la charge de gouverneur, et il apparaît bien que l'élévation de la «petite Judée» de cette époque en province autonome corresponde en effet au séjour qu'il y fit. Rappelons que ce territoire, celui de l'ancien royaume de Juda, dépendait jusqu'alors du gouverneur de Samarie, qui ne vit naturellement pas d'un très bon oeil le rival nouveau promu. Sommairement, l'envoyé d'Artaxerxès Longuemain, maître du Moyen et du Proche Orient, se heurtait en Palestine, vers 446 av. J.-C., à des difficultés de même nature que celles que connut, avant ou après lui, Esdras; et déjà, sous Cyrus, le premier groupe de rapatriés dont Sheshbassar était le chef. Mais Néhémie disposa pour en venir à bout de plus d'autorité et de plus de puissance. Bien sûr on le voit d'abord comme «le constructeur de la muraille»; en fait celle-ci pouvait être le souci principal de tout autre fonctionnaire civil ou militaire, responsable d'une position comme celle que tient Jérusalem. Cependant, pour ce «gouverneur» qui tient sa mission autant du Ciel que du roi, le rempart de la ville sainte doit protéger aussi la Foi et la Loi, et pas seulement comme le ferait une défense symbolique: on fermera par exemple les portes pour rendre plus effective l'observance du Sabbat. Mieux que tout commentaire, le texte sacré lui-même détaillera son ouvrage. La «nuit du 4 août» des exploiteurs Remarquons seulement que son activité comme restaurateur de l'ordre moral et de la justice sociale fut encore plus importante que son activité de bâtisseur, quoique moins souvent mentionnée par les historiens hâtifs. Donnant lui-même l'exemple d'un désintéressement total, Néhémie jouira d'un prestige assez grand pour convoquer le peuple en une assemblée qui paraît jusqu'alors unique en son genre: ce sera la «nuit du 4 août» des trop riches, des créanciers, des exploiteurs. Comme Esdras, il s'en prendra aux mariages avec des étrangères païennes, sources de tant d'égarements; et c'est de cette époque que date dans le judaïsme, le refus formel des mariages mixtes, encore que la Loi du Sinaï ne les interdise pas explicitement. Avec Esdras peut-être, et même probablement, il va enfin faire renouveler l'Alliance, comme jadis Josué l'avait fait par deux fois. Ce fut sans doute au mois de Tishri, en 444 av.J.-C., que l'acte en fut solennellement dressé et signé. Il marqua réellement la naissance du Judaïsme post-biblique. Quiconque assiste à un service synagogal le jour du Sabbat ne peut s'empêcher de revivre à travers la liturgie dont il est témoin la description de cette grande assemblée que nous a laissée le livre de Néhémie. Tout y est: depuis l'estrade surélevée, la Bima, du haut de laquelle est lu le Livre saint, jusqu'au bedeau (lointain suppléant des lévites) qui fait taire les bavards, afin que tous entendent la parole de Dieu, en passant par les notables qui, sur l'estrade, entourent le lecteur. À travers l'autobiographie qu'il nous a léguée, Néhémie apparaît comme l'un des personnages les plus sympathiques de l'Ancien Testament. Émotif jusqu'à l'explosion, il n'est cependant pas un impulsif: ses actes, en général, sont le fruit d'une mûre réflexion. Quelque peu «content de lui», il a le sens des hommes et paye de sa personne. D'une éloquence brève, il sait faire vibrer la corde sensible de son auditoire. Optimiste, il ne se laisse jamais décourager. On ne saurait le séparer d'Esdras, car les deux hommes se font valoir l'un l'autre. Ce dernier est, comme Néhémie, un meneur d'hommes, mais apparemment plus intransigeant: il se montre par exemple plus absolu dans l'affaire de la réforme des mariages. Sa foi est aussi grande, mais pas dépourvue d'inquiétude: dès son départ, il avertit ceux qui vont le suivre des périls qu'ils vont affronter. Tandis que Néhémie, accepta l'escorte offerte par le roi des Perses sans que sa confiance dans la protection divine lui paraisse diminuée pour autant, Esdras se fie à la pénitence et au jeûne pour s'assurer un surcroît de faveur divine. En apprenant la multiplication des erreurs de son peuple, il déchire ses vêtements et jeûne à nouveau. Sa lecture de la Loi arrache des pleurs à ceux qui l'écoutent. Mais Néhémie, lui, rappelle tout le monde aux réalités et rend à tous courage pour l'action. Esdras est d'abord un ascète, un contemplatif. Néhémie un actif, mais qui sait aussi puiser sa force dans la prière: son livre lui-même est plein de courtes invocations à Dieu, enchâssées dans la trame du récit. L'un a surtout marqué de son empreinte l'évolution religieuse de la communauté judéenne. L'autre, l'évolution politique et sociale. Après eux, pendant plus de deux siècles, le rideau tombe sur l'histoire de la «petite Judée». Lorsqu'il se relèvera pour nous, ce sera sur un peuple farouchement monothéiste, fidèle aux coutumes et à la foi qui le distinguent des autres. Tous les actes de l'existence sont chez lui gouvernés par la Tora à laquelle il s'efforce d'obéir à la lettre. L'oeuvre d'Esdras et de Néhémie aura été durable. Dom J. GOLDSTAIN © En ce temps-là, la Bible No 34 page IV. ----------------------------------------------------------- |
Job, Rahab, cf. Josué 2 Ruth, Naaman cf. 2 Rois 5. Des étrangers qui ont été mêlés d'une manière ou d'une autre à l'histoire d'Israël. Ces deux hommes et ces deux femmes, pour illustres qu'ils soient, ne doivent pas masquer la masse des étrangers qui vivaient en Israël, dont le nombre atteignait au temps du roi Salomon quelque cent cinquante-trois mille six cents cf. 2 Chroniques 2 / 16-17. Les émigrés ont fourni le gros bataillon de la main d'oeuvre lors de la construction du Temple (cf. l Chroniques 22 / 2; 2 Chroniques 8 / 7-8), chiffre impressionnant par rapport à la population totale d'Israël de l'époque. Quel a été le statut de ces étrangers en Israël? Comment celui-ci devait-il se situer par rapport à eux? Quel a été le sens de leur présence en Israël? Quel avenir leur promettaient les prophètes, à eux qui séjournaient en Israël comme à tous les étrangers qui vivaient au loin? cf. Ésaïe 57 /19 Telles sont les questions que nous nous poserons, nous qui sommes concernés, de près ou de loin, par ce qui se passe aujourd'hui en Israël, entre Israéliens et Palestiniens, comme en France, entre Français et immigrés. QUESTION DE VOCABULAIRE D'emblée il nous faut observer que la Thora parle de différents types d'étrangers en usant d'un vocabulaire précis pour distinguer les étrangers établis en Israël des étrangers lointains: – gér: du verbe gûr qui signifie demeurer comme étranger dans un pays. Le verbe fait souvent suite au nom comme pour souligner la vie de cet étranger en Israël. Exode 12 / 48, 49; Lévitique 16 / 29;17 / 8, 10, 12; 18 / 26; 19 / 33, 34; 20 / 2; Nombres 9 / 14, 15, 16, 26, 29; 19 /10; Josué 20 / 9; Ezékiel 20/ 9; 47 / 22 Nous le traduirons par résident ou émigré. – tôsâb: du verbe yàásab qui signifie séjourner dans un pays qui n'est pas le sien. Quelquefois, ce nom est suivi par le verbe gûr dans la même intention, semble-t-il Lévitique 25 / 6, 45. Nous le traduirons par passager ou hôte. gër et tôsàb dont le sens est proche l'un de l'autre, se trouvent associés dans plusieurs passages. Genèse 23 /4; Lévitique 25 / 23, 35, 47; Nombres 35 / 15 – nékâr et nokrî: deux adjectifs substantivés découlant de la même racine et qui désignent le véritable étranger, celui qui habite dans son propre pays 1 Rois 8 / 41. Nous le traduirons pas étranger. – zut: qui désigne également l'étranger établi chez lui. Nous le traduirons par étranger ou inconnu. La proximité de sens de ces deux derniers vocables fait qu'on les retrouve associés dans beaucoup de textes Psaumes 69 / 8; 81 /9; Job 19 / 15; Proverbes 2 /16; 5 / 10, 20; 7 / 15; 20 /16; 27 / 2, 13; Ésaïe 28 / 21; 61 / 5; Jérémie 5 / 19; Lamentations 5 / 2; Abdias 11. Mis à part leur emploi particulier dans un certain nombre de passages: Pour décrire les laïcs qui ne sont pas de la descendance d'Aaron (Exode 29 / 33; 30 / 33; Lévitique 22 / 10, 12, 13; Nombres 1 / 51; 3 / 10, 3 8; 17 / 5; 18 / 4, 7; cf. 25 / 5), – le feu irrégulier (Lévitique 10 / 1; Nombres 3 /4; 26 / 61), – l'encens profane (Exode 30 / 9); – la femme adultère (Proverbes 2 /16; 5/ 3, 20; 6 / 24; 7/ 5; 22 / 14; 23 / 27), – les idoles (Genèse 35 / 2, 4; Deutéronome 31 / 16; 32/ 12, 16; Josué 24 / 20, 23; Juges 10 / 16; 1 Samuel 7 / 3; 2 Chroniques 14 / 3; 33 /15; Psaumes 44/ 21; 81 / 9; Ésaïe 2 / 25; 43 / 12; Jérémie 3 /13; 5 / 19; 8 /19; Ezékiel 16 / 32; Osée 5 / 7; Daniel 11 / 39; Malachie 2 / 11), – des personnes (Genèse 31 / 15; Job 15/ 19; 19/ 15) – et des choses (2 Rois 19 / 24; Psaumes 137 / 4; Proverbes 23 / 33; Osée 8 / 12; Sophonie 1 / 8) – inconnues ou mauvaises (Ésaïe 17 / 10; Jérémie 2 / 21), – ou tout simplement autrui (1 Rois 3 / 18; Proverbes 14 / 10; 27 / 2). Ces mots qualifient parfois des individus Genèse 17 / 12, 27; Juges 10 / 16; Ruth 2 / 10; 2 Samuel 15 / 19; 1 Rois 11 / 1 , 8; Esdras 10 / 2, 10, 11, 14, 17, 18, 44; Néhémie 9 / 2; 13 / 26, 27, 30; Ecclésiaste 6 / 2, mais plus souvent des peuples étrangers considérés dans leurs rapports conflictuels avec le peuple d'Israël. Les étrangers sont alors assimilés à des ennemis païens, orgueilleux et menaçants 2 Samuel 22 / 45, 46; Psaumes 18 /44-45; 54 / 5; 109 / 11; 144 / 7, 11; Ésaïe 1 / 7; 2 / 6; 25 / 2, 5; 29/ 5; Jérémie 5 / 2, 19, 51; 30 / 8; Lamentations 5 / 2; Ezékiel 7 / 21; 11 / 9; 2 8 / 7; 30 / 12; 31 / 12; Osée 7 / 9; 8 / 7; Abdias 11. pour connaître la pensée de la Thora sur l'étranger, il est donc nécessaire de garder à l'esprit la distinction entre ces deux catégories d'étrangers. L'EXEMPLE D'ABRAHAM L'histoire d'Israël commence avec l'appel que Dieu fait à Abraham à quitter son pays natal pour un pays qu'il ne connaît pas encore. L'appel de Dieu prend ainsi la forme d'un exil. Genèse 12 / 1 -5 Abraham arrive au pays de Canaan que Dieu promet de donner à ses descendants. Genèse 12 / 6-9 Suite à une famine qui sévit dans le pays, il part pour l'Égypte pour y séjourner. Genèse 12 /10 Il revient en Canaan où Dieu conclut avec lui une alliance dans laquelle il lui annonce que sa descendance sera émigrée dans un pays qui n'est pas le sien, Genèse 15 /13 Abraham s'en va résider à Guérar dans le sud du pays, Genèse 20 / 1 où il scelle un pacte de non-agression avec Abimélek, roi des Philistins. Genèse 21 / 23, 34 à la mort de Sara à Hébron, il sollicite des habitants du pays de lui vendre une propriété funéraire pour enterrer sa femme. Ceux-ci se montrent généreux à son égard et veulent lui en faire cadeau. Abraham refuse en confessant qu'il est parmi eux comme «un émigré et un hôte». Genèse 23 / 4 Cette confession d'Abraham relative au pays qu'il pouvait considérer, en vertu de la promesse divine, comme le sien a de quoi nous surprendre. Elle nous révèle le noble caractère du patriarche. Il n'avait pas abandonné sa terre natale en vue de posséder un autre pays en échange. On pourrait penser qu'il attendait que Dieu lui-même réalise sa promesse. Mais au-delà de ce détachement et de cette patience, cette attitude nous montre comment le Père des croyants se situait en face de Celui-là même qui l'avait appelé. Se reconnaître sur terre comme un émigré et un hôte dans la maison de Dieu, est la marque distinctive de la foi en Dieu à qui tout appartient et devant qui l'homme n'est qu'un simple passager. LES ISRAÉLITES: DES ÉMIGRÉS ET DES HÔTES Après la mort de son père, Isaac part à Guérar pour séjourner chez le roi Abimélek. Genèse 26 /1-3 Puis il retourne à Hébron où il sera enterré. Genèse 35 / 27 Jacob son fils s'en va résider chez son oncle Laban, en Mésopotamie; Genèse 32 / 5 il ne revient en Canaan que des années plus tard. Genèse 31-33 Comme Abraham, Jacob et ses fils sont contraints d'émigrer en Égypte, Genèse 47 / 4. mais cette fois-ci ils ne verront plus le pays promis. Leurs descendants vivront et mourront loin de ce pays. Des centaines d'années plus tard, surgit Moïse qui, chacun à son tour, s'enfuit d'Égypte pour aller se réfugier à Madian. Là, il donne à son fils le nom de Guershôm car, dit-il, «je suis devenu un émigré en terre étrangère» Exode 2 / 22; 18 / 3 doublement, aurait-il pu ajouter! Cette condition d'émigrés qui était celle de tous les Patriarches en Canaan, Exode 6 / 4 et de tous les Israélites en Égypte, Deutéronome 26 / 5 a-t-elle pris fin avec la conquête par ceux-ci du pays promis? Dans un sens, oui, puisqu'ils se trouvaient désormais dans le pays que Dieu, par pure générosité, avait promis à Abraham de leur donner. Le pays était-il pour autant devenu le leur? Voici comment la Thora justifie la loi du jubilé relative au rachat des propriétés en Israël: «La terre du Pays ne sera pas vendue sans retour, car le pays est à moi; vous n'êtes chez moi que des émigrés et des hôtes» Lévitique 25 / 23 (TOB). Autrement dit, cette loi était destinée à rappeler aux Israélites que leur conquête du pays promis ne faisait pas d'eux les propriétaires de ce pays, ils en étaient les gestionnaires. Quelle leçon d'humilité, que nous ferions bien de méditer. Du coup, cette loi plaçait les Israélites dans la juste perspective de leur relation à Dieu. Abraham, leur père, était bien plus qu'un exemple: un modèle, non seulement pour eux, mais pour tous ceux, chrétiens et musulmans, qui se réclament de lui. LE STATUT DE L'ÉMIGRÉ EN ISRAËL Établis dans le pays de Canaan, la vie communautaire des Israélites était placée sous l'autorité de la loi mosaïque. Vu le nombre important des émigrés parmi eux, il aurait été surprenant qu'ils soient ignorés par cette loi. Examinée de près, celle-ci s'avère en réalité extrêmement précise en ce qui concerne le statut de l'émigré vivant en Israël. La célébration de la pâque représentait pour tout Israélite la commémoration de l'événement fondateur d'Israël – Il aurait par conséquent été naturel de réserver cette célébration aux seuls Israélites. Et pourtant, mis à part les étrangers de passage, Exode 12 /43, 45; Deutéronome 14 / 21; 15 / 3; 17 / 15; 23 / 21 tous les émigrés qui avaient lié leur destin à celui d'Israël, ce dont la circoncision était le signe, pouvaient participer à la Pâque. La législation qui valait pour Israël valait aussi pour eux. Exode 12 / 19, 48, 49; Nombres 9 / 14; cf. 2 Chroniques 30 / 25 Il en était de même de toutes les autres lois: – Le sabbat, Exode 20 / 10; Deutéronome 5 / 14 dont la raison était de permettre à l'émigré de se reposer. Exode 23 / 12 Les produits de l'année sabbatique devaient nourrir les Israélites aussi bien que les émigrés. Lévitique 25 / 6 – Le jour des expiations. Lévitique 16 / 29 – Les offrandes. Lévitique 17 / 8; 22 / 18; Nombres 15 / 14-16 – L'interdiction de consommer du sang. Lévitique 17 / 10-13 – La pureté légale. Lévitique 17 / 15; Nombres 19 / 10; Deutéronome 14 / 21 est le seul texte qui associe l'hôte et l'étranger – L'idolâtrie et le blasphème. Lévitique 20 / 2; 24 / 1 6 – Le repas sacré. Lévitique 22 / 10 qui exclut l'hôte au même titre que l'Israélite «laïc» – L'incapacité de paiement des dettes. Lévitique 25 / 35. Notons que ce texte assimile explicitement l'émigré et l'hôte au frère – L'esclavage. Lévitique 25 / 44-46 permet aux Israélites d'avoir des serviteurs parmi les enfants des hôtes, tout comme Lévitique 25 / 47-54 autorise un émigré ou un hôte à avoir des serviteurs parmi les Israélites à condition qu'ils leurs garantissent le droit de faire racheter à tout moment et, en tous cas, d'être libérés l'année du jubilé – L'expiation des fautes. Nombres 15 / 26 , 29 , 30 – Les villes de refuge. Nombres 35 / 1 5; cf. Josué 20 / 9 – La loi du talion. Lévitique 24 / 22 De l'ensemble de ces lois, il ressort que les émigrés étaient étroitement associés, sinon intégrés, à la vie nationale d'Israël. L'acte solennel qui scellait cette association était sans doute leur participation à la conclusion de l'alliance Deutéronome 29 / 10; cf. Josué 5 / 33 confirmée par leur engagement à respecter la loi. Deutéronome 31/ 12; cf. Josué 8 / 35. Notez les conséquences de la violation de la loi par Israël sur l'attitude de l'émigré (Deutéronome 28 /43) et de l'étranger (Deutéronome 29 / 21) Comme celle-ci était à la fois une constitution religieuse et un code civil, cet engagement signifiait une double allégeance: au Dieu d'Israël aussi bien qu'à la nation d'Israël. «TU AIMERAS L'ÉMIGRÉ COMME TOI-MÊME...» La Thora favorisait, certes, l'intégration de l'émigré dans la communauté d'Israël. Elle n'en soulignait pas moins la précarité de sa condition. Cela est indiqué par le fait que ses commandements qui concernent l'émigré sont souvent les mêmes que ceux qui concernent soit le pauvre, Lévitique 19 / 10; 23 / 22; cf. Ezékiel 22 / 29 soit le lévite, Deutéronome 26 / 11 soit la veuve, Deutéronome 24 / 17 soit la veuve et l'orphelin, Exode 22 / 20-21; Deutéronome 10 / 18; 24 /17, 19, 20, 21; 27/19; cf. Psaumes 94 / 6; 146 / 9; Jérémie 7 / 6; 22 / 3; Ezékiel 22 / 7; Malachie 3 / 5 soit le lévite, la veuve et l'orphelin, Deutéronome 14 / 29; 16 / 11, 14; 26 / 12, 13 soit le pauvre, la veuve et l'orphelin. cf. Zacharie 7 / 10 La situation de toutes ces personnes était fragile. Aussi la Thora leur réservait-elle une attention et une protection à la mesure des difficultés qui étaient les leurs. Mais les commandements touchant l'émigré que la Thora prescrit aux Israélites ont ceci de particulier, c'est que les Israélites étaient eux-mêmes des émigrés en Égypte. Exode 22 / 20; 23 / 9; Lévitique 19 / 34; Deutéronome 10 / 19; 1 6 / 12; 23 / 8; 24 / 1 8, 22; 26 / 5 Ils sont donc mieux à même de s'identifier aux émigrés et «d'éprouver ce qu'ils éprouvent». Exode 23 / 9 Aussi ne doivent-ils pas exploiter l'émigré ni l'opprimer, Exode 22 / 20; 23 / 9; Lévitique 19 / 33; Deutéronome 24 / 14, 17 mais rendre la justice entre leurs frères et les émigrés sans faire preuve de partialité dans leur jugement. Deutéronome 1 / 16-17 S'ils méconnaissent le droit de l'émigré, ils tomberont sous la malédiction de la loi. Deutéronome 27 / 19 Dans la vie, tout n'est pas simplement affaire de justice. Dieu aime l'émigré et ne fait acception de personne; Deutéronome 10 / 18-19 il doit en être de même pour les Israélites: «cet émigré installé chez vous, vous le traiterez comme un indigène, comme l'un de vous; tu l'aimeras comme toi-même...», Lévitique 19 / 34; cf. Ezékiel 47 / 22 si du moins ils veulent se conformer à Dieu en prenant pour modèle l'amour qu'il a pour eux. Ils seront généreux envers les émigrés, les feront profiter de leur dîme triennale, Deutéronome 14 / 29; 26 / 12-13 leur laisseront le surcroît de leurs récoltes, Lévitique 19 / 10; 23 / 22; Deutéronome 24 / 19, 21; 26 /11 et les associeront à leurs fêtes. Deutéronome 16 /11, 14 Ce sera, en somme, leur manière de confesser qu'ils sont eux aussi des émigrés au regard de Dieu. LA PRIÈRE DE L'ÉMIGRÉ, SON INTERCESSION EN FAVEUR DE L'ÉTRANGER Les Psaumes nous font entendre l'écho de la Thora dans l'âme de l'Israélite fidèle. Celui-ci reconnaît sa faiblesse inhérente à sa condition d'émigré sur la terre. Cela l'amène à demander à Dieu de lui révéler ses commandements afin qu'il suive le droit chemin. Psaumes 119 / 19 Il le supplie d'exaucer ses prières et d'entendre son cri car, avoue-t-il: «je ne suis qu'un émigré chez toi, un passager comme tous mes frères». Psaumes 39 / 12 Ne se faisant aucune illusion sur sa misère devant Dieu, rejeté par les siens parce qu'il demeure attaché à lui, le psalmiste laisse éclater sa souffrance du fait qu'il est devenu «un étranger pour ses frères, un inconnu pour les fils de sa mère». Psaumes 69 / 8 Le voilà dans une situation où il ne lui est pas difficile de s'identifier à l'émigré de son pays, qui, comme lui, subit l'injustice des hommes qui «massacrent la veuve et l'émigré, et assassinent les orphelins». Psaumes 94 / 6Aussi en appelle-t-il au Dieu de justice et de compassion qui «protège les émigrés, soutient l'orphelin et la veuve, mais déroute les pas des méchants». Psaumes 146 / 9 A la veille de son «départ» et au moment où les préparatifs pour la construction du temple sont achevés, David adresse à Dieu une prière qui exprime la position de l'homme par rapport à Dieu dans une conscience parvenue à son paroxysme: Et maintenant, notre Dieu, nous te rendons grâces et nous louons le nom de ta splendeur; car qui suis-je et qui est mon peuple pour que nous ayons le pouvoir d'offrir des dons volontaires comme ceux-ci? Tout vient de toi, et ce que nous t'avons donné vient de ta main. Car nous sommes des émigrés devant toi, des passagers comme tous nos pères; nos jours sur la terre sont comme l'ombre, et sans espoir. 1 Chroniques 29 /13-15 Qui dira mieux la nudité et l'évanescence de l'homme au miroir de la générosité et de l'éternité de Dieu? Dans sa prière d'inauguration du Temple, Salomon rappelle la fidélité de Dieu à ses promesses concernant Israël. sa prière, qui exalte la majesté divine, s'élevant un instant au-dessus de la terre d'Israël, embrasse d'un regard l'étranger venant d'un pays éloigné pour prier Dieu dans cette Maison: Toi écoute depuis le ciel, la demeure où tu habites, agis selon tout ce que t'aura demandé l'étranger, afin que tous les peuples de la terre connaissent ton nom, que, comme Israël ton peuple, ils te craignent... 2 Chroniques 6 / 32,33; cf.l Rois 8 / 41-43 cette lueur d'universalisme deviendra dans le message des prophètes un faisceau de lumière qui illuminera les émigrés d'Israël aussi bien que les étrangers lointains. LA BONNE NOUVELLE DES PROPHÈTES AUX ÉMIGRÉS ET AUX ÉTRANGERS Rappelant l'égalité devant la loi de l'Israélite comme de l'émigré, cf. Ezékiel 14 / 7les prophètes dénoncent l'oppression de l'émigré en Israël, Ezékiel 22 / 7, 29; Zacharie 7 / 10 et font retentir l'appel à faire valoir la justice à son égard. Jérémie 7 / 6; 22 / 3 Malachie annonce la venue du Seigneur en personne pour juger ceux qui violent le droit de l'émigré au mépris de la loi divine. Malachie 3 / 5 Mais les prophètes ne font pas que rappeler les commandements de la Thora. Ezékiel assure les émigrés qu'ils hériteront le pays au même titre que les Israélites. Ezékiel 47 / 22, 23 Ésaïe annonce aux émigrés Ésaïe 14 / 1 aussi bien qu'aux étrangers Ésaïe 56 / 3 qu'ils seront pleinement incorporés au peuple de Dieu. Ils viendront tous prier dans Sa maison qui sera appelée «Maison de prière pour tous les peuples». Ésaïe 56 / 6-7; cf. Ezékiel 44 / 9; Joël 4 / 17 Ils participeront à la construction d'une nouvelle Jérusalem et à la célébration de ses offices. Ésaïe 60 / 10 Ils paîtront ses troupeaux et travailleront sa terre, Ésaïe 61 / 5 dans la joie et dans la paix. Ésaïe 62 / 8; cf. Osée 7 / 9; 8 / 7 La ville sera définitivement libérée de tous ses ennemis et ses habitants «serviront le Seigneur leur Dieu et David, leur roi que j'établirai sur eux». Jérémie 30 / 8 PERSPECTIVES CONTEMPORAINES Le débat sur l'immigration est devenu d'une brûlante actualité en France. La revue des textes bibliques sur l'émigré fait apparaître que la Parole de Dieu appelle les croyants à adopter une attitude hospitalière vis-à-vis des immigrés, empreinte d'un véritable esprit de charité au meilleur sens de ce terme. Loin d'exploiter la précarité de leur situation, celle-ci constitue un motif supplémentaire pour respecter leurs droits et se montrer bienveillant envers eux. Cette attitude d'ouverture et d'accueil contraste avec le comportement de repliement sur soi, de suspicion et de rejet auquel l'homme n'est que trop tenté de céder face à ce qui lui est étranger. Si je me contente de côtoyer l'immigré, je risque fort de ressentir sa présence comme une menace de ma propre existence. Si, en revanche, je fais l'effort de le rencontrer, je découvre, sous sa figure d'étranger, un prochain qui est pour moi comme un appel de Dieu à élargir mon horizon et à vivre avec ce frère notre commune humanité dans une plus large dimension. Comment, par ailleurs, ne pas faire le rapprochement entre l'enseignement remarquable de la Thora sur l'émigré, donné précisément à Israël, et la situation actuelle des «étrangers» en Israël. Je mets intentionnellement les guillemets, car l'ironie de l'histoire est telle que les Palestiniens sont assimilés par les Israéliens à des étrangers par rapport à leur terre natale. Le poids de l'histoire est-il devenu si lourd que ce renversement de situation ne soulève guère notre indignation? La responsabilité de ceux qui aiment Israël ne consiste-t-elle pas justement à lui rappeler, comme les prophètes d'autrefois, l'enseignement de ses propres Écritures? Les prophéties messianiques qui abolissent la distinction entre les Israélites et les émigrés doivent-elles rester lettre morte jusqu'à la venue du Messie? Ne constituent-elles pas plutôt une directive, à suivre d'ores et déjà en vue d'annoncer le règne messianique? La mission des chrétiens qui attendent le retour du Christ, est bel et bien d'inscrire dans le temps présent le sens de l'histoire que dévoilera ce retour. En serait-il autrement de ceux qui nous ont transmis l'espérance messianique? Enfin, la présence des émigrés est en soi> pour les croyants, un signe. Le signe que les croyants sont eux-mêmes des émigrés devant Dieu. Autrement dit que leur existence est passagère comme l'ombre ou le souffle et que les biens mis à leur disposition sont l'expression de la générosité de leur Créateur. Se souvenir de son statut d'émigré sur la terre, c'est pour le croyant, non seulement agir en conséquence envers l'immigré qui vit dans son pays, c'est aussi s'émerveiller devant le paradoxe de la grandeur de la vocation que Dieu assigne à son humble créature humaine: À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles, que tu fixas, qu'est donc le mortel, que tu t'en souviennes, que tu le veuilles visiter? À peine le fis-tu moindre qu'un dieu; tu le couronnes de gloire et de beauté, pour qu il domine sur l'oeuvre de tes mains, tout fut mis par toi sous ses pieds (Psaume 8 / 4-7). Georges Chawkat Moucarry © Ichthus 1985-5 (No 132) Retour-----------------------------------------------------------
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GÉDÉON:
LE PRINCIPE DE LA VICTOIRE
Les enseignements de l'Ancien Testament
I. Remarque préalable L'histoire de Gédéon occupe une place centrale dans la période des juges, entre Josué, le successeur de Moïse, et Saül, le premier roi d'Israël. Cela se passe au 12e siècle av. J.-C. L'histoire de Samson, autre juge bien connu, se situe au 11e siècle. Le problème numéro un de la période des juges est l'idolâtrie (Baal, Astarté) et la souveraineté du Seigneur sur son peuple élu, le peuple de l'alliance. N'est-ce pas souvent aussi notre expérience, peuple de la nouvelle alliance? Comme dans toute la Parole, le sacrifice est la condition à partir de laquelle Dieu fait grâce. Tous les sacrifices de FAT préfigurent le sacrifice suprême du Christ à la croix, qui a valeur universelle.
Il. Rappel d'événements antérieurs Ils se trouvent au 6e chapitre du livre des Juges. 1. Dieu veut sauver Israël; il envoie un ange à Gédéon: Dieu est avec toi! De là l'injonction de Dieu: Va avec la force que tu as, à savoir la force de Dieu, non la sienne propre. Et nous? Paul écrit à Timothée: Fortifie-toi dans la grâce qui est en Jésus-Christ! Nous aussi, comme Gédéon, sommes pauvres et sans force par nous-mêmes. 2. L'offrande que Gédéon veut déposer devant l'Ange est préparée selon l'instruction de celui-ci; les ingrédients sont ceux d'un repas, mais l'Ange en fait un sacrifice. Le tout est consumé par le feu, qui est signe de jugement et de purification; le feu indique aussi que Dieu agrée l'offrande de Gédéon (cf. Lév 9.24). L'Ange dit à Gédéon: Sois sans crainte, tu ne mourras pas; c'est l'effet qu'a aujourd'hui le Christ offert comme sacrifice à la croix pour quiconque croit en lui. 3. Gédéon doit purifier sa propre maison, qui est encore celle de son père. Il y renverse les idoles et les brûle sur un autel qu'il bâtit à l'Éternel: c'est l'effet que la croix doit avoir dans la vie du croyant. Mais l'effet sur les contemporains est tout autre: tuons Gédéon! Suivre le Seigneur peut être dangereux; il y a un prix à payer. 4. Gédéon fut revêtu de l'Esprit de l'Éternel. Dans FAT, l'Esprit de Dieu (jamais nommé «Saint-Esprit») «revêtit» certains hommes ou «fut sur eux» pour les habiliter à agir avec puissance, tels Jephté, Samson et David. 5. Le signe que Gédéon demande à Dieu par l'intermédiaire de la toison de laine ne veut pas dire qu'il doute de Dieu; il doute de lui-même. La rosée sur la toison signifie peut-être la bénédiction de Dieu sur Gédéon (je reconnaîtrai que tu sauveras Israël), tandis que la rosée autour de la toison (sur tout le terrain) signifierait la bénédiction de Dieu sur tout Israël. Ainsi aussi, toute une église peut-elle être bénie par un seul de ses membres. Pour résumer: Gédéon a reçu une parole de Dieu; Dieu a revêtu Gédéon de son Esprit; Gédéon a prié avec foi et a reçu une réponse. C'est là aussi notre équipement pour combattre Satan: la Bible – l'Esprit – la prière. III. La démarche de Gédéon Elle illustre le principe de la victoire, comme un examen du texte de Juges sept nous le fait voir. Une partie du texte sera reproduite au fur et à mesure du développement. 1. Disponibilité ... Gédéon et tout le peuple qui était avec lui se levèrent de bon matin et campèrent près de la source de Harod (v. 1). Il faut se préparer pour la bataille; il n'y a pas de temps à perdre! Et Gédéon ne campe pas n'importe où, mais à l'endroit de la source. Buvons-nous à cette source d'eau vive qui coule de la personne de Jésus? Boire de cette eau assouvit à tout jamais la soif de tout notre être qui soupire après la présence de Dieu et la relation d'amour avec lui, que nous nous en rendions compte ou non. Les paroles que je vous dis sont Esprit et vie. Cette déclaration de Jésus nous invite à boire à pleins traits à la source de la Parole vivante. 2. Discernement L'Éternel dit à Gédéon: Le peuple que tu as avec toi est trop nombreux pour que je livre Madian entre ses mains, – Israël pourrait en tirer gloire contre moi... Publie donc ceci: Que celui qui est craintif et tremblant s'en retourne... 22 000 hommes parmi le peuple s'en retournèrent, et il en resta 10000 (v. 2-3). Les deux tiers des hommes convoqués ont peur et sont inutilisables. Si beaucoup de chrétiens sont inutilisables, c'est que la puissance de l'ennemi les impressionne plus que les promesses de Dieu. Voici leur raisonnement: «Il faudrait être au moins aussi nombreux que l'ennemi!» Non! Il faut abandonner la religion du nombre, surtout quand elle est au prix de la vérité, qu'elle se nomme multitudinisme, syncrétisme ou oecuménisme. 3. Triage L'Éternel dit à Gédéon: Le peuple est encore trop nombreux. Fais-les descendre vers l'eau, et là je t'en ferai le triage... l'Éternel dit à Gédéon: Tous ceux qui laperont l'eau avec la langue comme lape le chien, place-les à part de tous ceux qui se mettront à genoux pour boire. Ceux qui lapèrent l'eau... furent au nombre de 300... L' Éternel dit à Gédéon. C'est par les 300 hommes qui ont lapé que je vous sauverai et livrerai Madian entre tes mains. Que tout le reste du peuple s'en aille chacun chez soi... Le camp de Madian était au-dessous de lui dans la vallée (v. 4-8). 300 sur 32 000, ce n'est même pas 1 % Qu'avait-il de particulier, ce centième de tous les hommes? Ces 300 ne lâchèrent pas leurs armes; ils restèrent vigilants. Le Seigneur veut des serviteurs vigilants. Mais comment choisir? De la manière la plus impopulaire qui soit: par des exigences précises. Il n'y a pas d'Évangile facile! L'Évangile a ses lois, ses ordres, et aussi ses promesses. Dieu veut des décidés. La vraie bataille se livre à l'intérieur. Si je suis prêt à consacrer de mon temps, de mes forces, de mes aises, de mon argent, de ma liberté, pour servir le Seigneur, donc pour le glorifier, alors tout est résolu. La victoire passe par la croix pour vivre la vie en Christ. 4. Voir et croire L'Éternel dit à Gédéon pendant cette nuit-là: Lève-toi, descends au camp, car je l'ai livré entre tes mains. Tu écouteras ce qu'ils diront, et... tes mains seront fortifiées... Il descendit avec Poura, son serviteur, jusqu'aux avant-postes du camp... Voici qu'un homme raconta un rêve à son camarade:... un pain d'orge roulait dans le camp de Madian; il a heurté la tente et elle est tombée... Son camarade répondit: Ce n'est rien d'autre que l'épée de Gédéon, homme d'Israël... Dieu a livré entre ses mains Madian et tout le camp (v. 9-14). L'ennemi est innombrable, alors qu'Israël ne compte que 300 hommes. La victoire est logiquement du côté du grand nombre. C'est ce que voient les yeux de la chair. Pourtant, en écoutant ces deux hommes de la grande armée, on constate qu'ils ont peur. L'un rêve de Gédéon et du Dieu d'Israël, et ils ont peur. Les sceptiques qui s'affichent incrédules, les athées, sont souvent hantés par l'idée de Dieu. Ne nous laissons pas impressionner par ce qu'ils font ou disent (Voltaire, Sartre...). Seul leur nombre les rassure: ils sont la majorité. Ils marchent par la vue. Ne marchons pas par la vue: elle nous montre une armée invincible. Marchons par la foi: elle nous montre le petit nombre, mais Dieu est avec eux. Je n'ai jamais vu Jésus-Christ, mais je crois en lui. Sa parole et ses promesses me suffisent. Je vois la réalité avec les yeux de l'Esprit. La rencontre avec Jésus met la réalité dans sa vraie proportion. Un détail significatif: l'armée de Gédéon est une armée de serviteurs. Tous servent un Maître, un Seigneur, et l'un l'autre. Tandis que dans l'armée madianite, ils sont camarades: tous sont égaux, il n'y a pas de maître (pourtant il y en a un, à leur insu: Satan).
IV. Les sept principes de la victoire En réalité, la victoire a déjà été remportée par Jésus-Christ, mais elle doit pouvoir se manifester dans notre vie. 1. Faites comme moi! Lorsque Gédéon eut entendu l'explication du rêve, il se prosterna, revint au camp d'Israël et dit: Levez-vous, car L'Éternel a livré entre vos mains le camp de Madian... Il remit à tous des cors et des cruches vides, avec des torches dans les cruches. Il leur dit: Vous me regarderez et vous ferez comme moi... Vous direz: pour l'Éternel et pour Gédéon (v. 15-17)! Nous prosternons-nous quand le Seigneur nous a donné une révélation par sa sainte Parole? Il s'agit en premier lieu d'une attitude intérieure d'adoration; mais rien ne doit nous empêcher de nous mettre à genoux comme l'apôtre Paul (Eph 3.14). L'apôtre Paul nous invite à plusieurs reprises à faire comme lui, voire même comme le Seigneur: Vous êtes devenus nos imitateurs et ceux du Seigneur (1 Thes 1.6). Soyez donc les imitateurs de Dieu... et marchez dans l'amour (Eph 5.1). Ayant reçu, par le Saint-Esprit, l'amour de Dieu (Rom 5.5), c'est dans l'exercice de son amour que nous sommes invités à imiter Dieu, le Seigneur, et non dans l'exercice des miracles qui étaient les signes de sa messianité, comme ils furent après la Pentecôte les signes qui authentifiaient les apôtres (par définition: ceux qui avaient vu le Seigneur, dont Paul fut le dernier; il le dit en 1 Cor 15.8, où le texte grec porte: en tout dernier, il s'est fait voir à moi comme à l'avorton). Être semblable à son Fils est même le but que Dieu a en vue pour chacun qu'il a prédestiné à être son enfant (Rom 8.28). 2. Sonnez du cor! Quand je sonnerai du cor... vous sonnerez aussi du cor tout autour du camp et vous direz: Pour l'Éternel et pour Gédéon (v. 18)! – si la trompette rend un son incertain, qui se préparera au combat (l'apôtre Paul dans 1 Cor 14.8)? Le témoignage chrétien doit être clair et distinct, en premier lieu en ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ, notamment sa divinité, la valeur expiatoire de sa mort et la réalité de sa résurrection physique, qui est le gage de la victoire. Aussi Paul termine-t-il son grand chapitre sur la résurrection par cette affirmation: Grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ (1 Cor 15.57). En sonnant du cor (ou de la trompette, selon d'autres versions), les 300 engagent le combat. Ils ont pris une position stratégique autour du camp de l'ennemi. Sommes-nous toujours conscients que l'annonce du salut par Jésus-Christ nous engage dans un combat? Et qu'il importe que chacun soit là où le Seigneur veut le placer? D'autant plus que notre combat n'est pas contre la chair et le sang, mais contre... les dominateurs des ténèbres d'ici-bas, contre les esprits du mal dans les lieux célestes (Eph 6.12). C'est un combat à mort, ne l'oublions jamais. Et les seules armes offensives que nous ayons: l'épée de l'Esprit, qui est la Parole de Dieu. Priez en tout temps dans l'Esprit... avec une entière persévérance (Eph 6. 17-18). Nourris de la Parole et persévérants dans la prière, après avoir revêtu les armes défensives énumérées par Paul juste avant dans Eph 6, conscients que la victoire est donnée par Jésus-Christ, les forces du mal seront vaincues. Y croyons-nous? Voici la victoire qui triomphe du monde: notre foi (1 Jean 5.4). 3. Brisez les cruches! .... aux abords du camp... ils sonnèrent du cor et brisèrent les cruches... (V. 19). Paul compare les chrétiens à des vases de terre (2 Cor 4.7). Ils doivent être brisés. Nos coeurs de pierre doivent être brisés: L'Éternel est près de ceux qui ont le coeur brisé (Ps 34.19). Qu'est-ce à dire? Ceci: nos plans et nos volontés doivent être brisés par ses plans et ses volontés. Car l'Évangile de Jésus-Christ est l'Évangile de la mort à soi-même. 4. Saisissez les torches! Les trois colonnes sonnèrent du cor et brisèrent les cruches; ils saisirent de la main gauche les torches... (v. 20). La cruche de notre égo-centrisme une fois brisée, nous pouvons montrer la lumière du Christ. Vous brillez comme des flambeaux dans le monde, portant la parole de vie (Phil 2.15-16). Tout chrétien né de l'Esprit est fait pour être allumé, pour être vu, pour briller! Autrefois, vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur (Eph 5.8). Les torches consistent en résine accumulée. Il nous faut avoir accumulé quelque chose. On ne confie pas des tâches importantes à des débutants. Accumuler de la résine, cela commence par du lait, puis du pain, enfin de la viande. C'est une image de la nourriture spirituelle contenue dans les Écritures. Que chacun de nous s'examine. Le Seigneur devrait-il nous adresser ces paroles qui se trouvent en Héb 5.13-14? Quiconque en est au lait n'a pas l'expérience de la parole de justice, car il est un enfant. Mais la nourriture solide est pour les hommes faits, pour ceux qui, par l'usage, ont le sens exercé au discernement du bien et du mal. 5. Proclamez son nom! Vous direz. – pour l'Éternel et pour Gédéon (v. 20)! Ils proclament leur foi tout haut. Gédéon était le sauveur d'Israël envoyé par Dieu, un des nombreux avant-coureurs du Sauveur. Proclamons donc bien haut: «Pour Dieu et pour Jésus-Christ!» Ou en aurions-nous même un tout petit peu honte? Je n'ai pas honte de l'Évangile: c'est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit (Rom 1.16). À Timothée, Paul précise qu'il n'a pas honte de souffrir à cause de l'Évangile: car je sais en qui j'ai cru (2 Tim 1. 12). Jésus-Christ, mon Seigneur et mon Dieu (Jean 20.28)! Osons le déclarer devant le monde incrédule qui nous entoure! Ce monde n'a pas honte de publier et de vendre sa littérature souvent insalubre et d'une immoralité malsaine partout. Et nous? 6. Chacun à sa place! Ils restèrent chacun à sa place autour du camp, et tous les hommes du camp se mirent à... prendre la fuite (v. 21). Chacun reste là où Dieu le place. Les femmes ne doivent pas prendre la place des hommes; et les hommes doivent prendre leur place. Les jeunes ont leur place: ils ont de l'ardeur mais manquent d'expérience. Les plus âgés ont leur place: ils sont plus pondérés et ont des responsabilités convenant à leur maturité spirituelle. La devise dans l'Église de Jésus-Christ n'est pas: «Place aux jeunes!» – mais: «Chacun à sa place!» Aux plus âgés, il est enjoint de ne pas mépriser un frère encore jeune ayant reçu un ministère particulier, tel Timothée (1 Tim 4.12). Aux jeunes, il est dit: Obéissez à vos conducteurs et soyez-leur soumis (Héb 13.17). 7. Laissez Dieu agir. Les 300 hommes sonnèrent donc du cor et, dans tout le camp, l'Éternel tourna l'épée des uns contre les autres. Les hommes du camp s'enfuirent... (v. 22). Alors que les incrédules sont dans l'incertitude, s'agitent et ne savent à quoi s'attendre, les chrétiens, forts des promesses reçues, s'attendent à l'action de Dieu. Et il agit, et comment! Les ennemis s'entre-tuent dans leur refus de Dieu. Cela doit susciter dans le coeur du chrétien un grand amour pour ce monde qui se déchire. Mais bien avant, le coeur du Père a souffert à voir le monde aller à sa perte, tellement qu'il a accompli le sacrifice suprême: Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle. En fin de compte, c'est là le témoignage bouleversant de ceux qui portent le flambeau de l'Évangile de Jésus-Christ. Jean-Pierre Schneider Remarque: Pour certaines des pensées de cette étude, je me suis inspiré de notes prises au cours d'une prédication donnée par Maurice Ray dans les années soixante. © Promesses 1990 – 4 / No 94 Retour-----------------------------------------------------------
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GÉDÉON:
LUMIÈRES SUR UN COMBAT NOCTURNE (Juges 7)
Pour trouver des principes divins, il suffit de chercher ceux du monde, puis de prendre leur opposé. Une maxime à méditer! En commençant par les béatitudes, bien des textes bibliques semblent la confirmer. À Gédéon, Dieu demande de suivre une stratégie aux antipodes du bon sens: pour vaincre une multitude tu réduiras tes troupes au minimum. Conseil surprenant. Autre étonnement dans ce combat décisif contre les Madianites: épées, lances, boucliers, frondes, chevaux, chars, sont remplacés par des trompettes, des cruches vides et des torches. De quoi dérouter non seulement les Madianites, mais tout stratège militaire. Même le lecteur familier avec le miraculeux des Écritures saintes reste perplexe devant la voie suivie par Gédéon. Comment comprendre la réduction de l'armée? Quel sens donner aux instruments de la victoire? Seule une réponse à ces questions fera sauter le double verrou de ce récit énigmatique. De trente-deux milles à trois cents La raison invoquée pour réduire le nombre des combattants est donnée par Dieu: si Israël gagne, il pourrait en tirer gloire contre moi et dire: C'est ma main qui m'a sauvé (7.2). Le problème d'Israël à l'époque des juges est du domaine de la foi. Au lieu de placer sa confiance dans les paroles de l'Éternel, le peuple élu la met dans les choses visibles. Lorsqu'il sent la victoire à sa portée, il engage les hostilités pour chasser les habitants du pays, mais quand l'ennemi est mieux armé, Israël recherche des solutions de compromis. La cohabitation semble préférable à la défaite. Mais ces ententes amicales sont en horreur à l'Éternel qui le leur fait bien comprendre (2.1-5). Israël doit conquérir tout le pays. Peu importe la force respective des armées en présence, puisque c'est Dieu qui décide de l'issue des combats; c'est lui qui désigne vainqueurs et vaincus. Pour Israël, un succès avec une armée imposante ne résoudrait, qu'un mal secondaire (la domination des Madianites). Le problème principal resterait (l'incrédulité envers l'Éternel). Or le peuple élu doit apprendre à vivre parla foi. Dieu l'aidera en donnant une victoire où la part de la foi sera immense et la part de la force humaine insignifiante. La diminution des forces armées se fera en deux étapes. La première réduction purge les troupes de Gédéon de tout craintif. Voilà une des plus sages mesures que peut prendre un général. Mieux vaut être accompagné de dix milles vaillants que de trente-deux mille hommes dont les deux tiers sont craintifs. La peur est un fléau des plus contagieux. Un petit groupe en contamine rapidement toute une troupe. Dans son testament spirituel, Moïse avait déjà recommandé de dispenser de l'armée non seulement tout craintif (Deut 20.8), mais aussi ceux qui risquaient d'être indécis, soit tout homme en passe de jouir d'un bien nouveau important tel que maison, vigne ou épouse (Deut 20.5-7). Si les années modernes faisaient bien de se laisser instruire par la sagesse divine lors d'un enrôlement, les églises devraient aussi veiller à ne pas contraindre les fidèles à des efforts d'évangélisation (ou toute autre action) sous prétexte d'un engagement communautaire. Imposer un combat difficile aux coeurs indécis produit plus de tort que de bien à la troupe. L'histoire de Gédéon offre d'ailleurs une deuxième illustration de ce principe. Après la victoire sur Madian, les craintifs reviennent et provoquent des remous. Ainsi, les hommes d'Ephraïm absents lors du combat décisif, mais présents dès que la victoire est assurée, rejettent immédiatement le blâme de leur absence sur le juge dans un effort d'auto-justification (8.1). Seules la sagesse et l'humilité de ce dernier évitent de graves troubles (8.2-3). La deuxième réduction limite les effectifs de dix mille à trois cents. Le critère de sélection est plus difficile à comprendre. Pourquoi ne garder que ceux qui lapent l'eau comme des chiens? Par deux fois, les autres guerriers sont décrits comme ayant mis les genoux à terre (7.5,6). Dans cet acte, aucune faute morale, aucun relâchement dans la vigilance, mais un geste qui rappelle l'humiliation présente. Et comme Dieu veut donner la victoire par ceux qui ne plient pas le genou devant l'ennemi, il utilisera le symbole du genou plié pour limiter le nombre des vaillants. L'intelligence au service de la foi Réduite à trois cents, l'armée de Gédéon est prête pour le combat. Sans arme, cette poignée de combattants est forcée de dépendre entièrement de Dieu. Lui seul peut donner la victoire. Le succès sera celui de l'Éternel. Israël ne peut que s'attendre à son Dieu. Celui-ci utilisera, néanmoins, trois cents hommes, ainsi que l'intelligence de leur chef, car la foi que Dieu désire n'est synonyme ni de passivité ni de stupidité. Au contraire, la foi biblique engage tout l'homme: coeur, âme et pensée (Mat 22.37). Aucune opposition entre foi et raison. Dieu s'adresse à tout l'être qu'il a créé. Gédéon incarne foi et sagesse. En fin stratège, il place l'attaque au moment où la vigilance de l'ennemi est au plus bas. Au commencement de la veille du milieu (7.19) situe l'action vers minuit, soit lorsque le sommeil est le plus profond. Une précision supplémentaire nous est donnée: comme on venait de relever les gardes (7.19). Ce moment est particulier, car en plus du sommeil général, il est marqué par (1) des gardes qui tombent de sommeil (ceux qui viennent de veiller), (2) des gardes encore mal réveillés (ceux qui doivent prendre leur tour de garde), (3) des mouvements d'hommes (les uns allant se coucher, les autres à leur poste). Ce moment est propice pour jeter la confusion. Morts de fatigue ou mal réveillés, les gardes ne disposent pas de tous leurs moyens.... Crainte paralysante ou foi agissante Gédéon a conduit le peuple sur la bonne voie; il a donné l'exemple en abattant l'autel de Baal et en précédant ses troupes au combat. Parce que des vaillants l'ont suivi, la victoire sur l'ennemi a pu être obtenue. Combien avons-nous besoin d'entendre cette leçon aujourd'hui ! Tellement souvent, nos regards s'arrêtent sur la puissance de l'adversaire ou sur la faiblesse de nos moyens. Avons-nous oublié les paroles de Christ avant son ascension: Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde (Mt 28.20)? Paul n'a-t-il pas dit qu'il pouvait faire toute chose par celui qui le fortifie (Phil 4.13)? Que Dieu nous aide à ancrer notre vie dans ses promesses, plutôt que dans les apparences d'un monde en perpétuel changement. Qu'il nous aide à suivre Gédéon dans la brèche qu'il a ouverte. Daniel Arnold © Promesses 1992 - 3 / No 101 ----------------------------------------------------------- |
JACOB:
PROCÈS DE RÉHABILITATION Les enseignements de L'ANCIEN TESTAMENT
Et si nous parlions un peu de Jacob, fils d'Isaac? «Ah oui! dites-vous, Jacob le trompeur! » – non! vous vous trompez. Il y a de nos tromperies dont Jacob aurait rougi... Tenez: c'est un fait que la Bible n'énonce jamais le moindre reproche au sujet de Jacob. Pourtant, il en est peu qui soient autant malmenés que lui, et cela dans la plupart des commentaires, où il est régulièrement traité de trompeur, de maniganceur, de fin rusé, et que sais-je. Par contre son frère, que la Bible traite de méprisant, de débauché et de profanateur, c'est le gars sympathique, le bon type qui va à la chasse et apporte à son père du gibier qu'il prépare en venaison succulente, alors que son frère est le faiblard fourré dans les jupes de sa mère. J'ai mis du temps à découvrir la valeur que DIEU attribue à ces deux frères, et je suis arrivé à des conclusions souvent étonnantes. Non, ce n'est pas Esaü qui est estimable, voir louable, mais Jacob; et ce dernier n'est pas déplaisant et méprisable, mais son frère. C'est là le jugement de la Bible. Vous connaissez cette parole choquante: J'ai aimé Jacob et j'ai eu de la haine pour Esaü, paroles de Malachie que Paul rappelle aux Romains. Voyons comment la parole de Dieu évalue Jacob et Esaü. J'imagine que vous connaissez les faits saillants de leur histoire, aussi me bornerai-je à des citations révélatrices ici et là. Cela n'empêche pas que vous relisiez Genèse 25.19-28.22, lecture qui vous demandera un quart d'heure. Gen 25.21-23 montre que Dieu révéla à Rébecca que le plus grand des deux enfants dans son sein, Esaü, serait le serviteur du plus petit, Jacob. Rébecca n'aura pas manqué d'en informer Isaac. Dieu avait donc choisi Jacob dès avant sa naissance. Gen 25.27-28 décrit Esaü et Jacob. Esaü était un habile chasseur, épithète qui a la connotation de rusé. Esaü chassait pour le sport, car les nombreux troupeaux fournissaient toute la viande nécessaire. Esaü suivait les traces de Nimrod, vaillant chasseur contre l'Éternel (trad. litt.). Jacob, lui, est qualifié de tranquille, litt. intègre, même mot employé pour Job: un homme intègre et droit (Job 1.1). Jacob savait qu'il hériterait des promesses. Esaü aussi, de même qu'Isaac. Dieu avait exprimé sa volonté. Pourtant Isaac préférait Esaü pour une raison de gourmandise: parce qu'il avait du goût pour le gibier (qu'Esaü lui apprêtait). Isaac avait probablement déjà annoncé qu'il donnerait la bénédiction du premier-né à Esaü, qui ne s'y intéressait que par le côté matériel, alors que Jacob désirait avant tout les privilèges spirituels qui s'y attachaient. Esaü a montré le peu de valeur qu'il attachait au droit d'aînesse en l'échangeant contre une soupe aux pois! Jacob, connaissant la cupidité d'Esaü, lui fit faire un serment. Esaü n'était aucunement obligé de jurer. Vu que Jacob était près des tentes, il y avait assez de possibilités pour Esaü d'apaiser sa faim en faisant quelques pas de plus. – La Bible ne condamne jamais Jacob pour cette action, alors qu'elle condamne Esaü: C'est ainsi qu'Esaü méprisa le droit d'aînesse (Gen 25.34); ce reproche est répété dans Héb 12.16. Quelles furent les raisons qui poussèrent Jacob à acquérir le droit d'aînesse, tout à fait légitimement d'ailleurs? D'une part, il savait par Rébecca que Dieu l'y avait prédestiné d'autre part, il manquait de foi, tout comme Abraham, qui crut devoir aider l'accomplissement de la promesse par Agar. Jacob devait encore apprendre l'efficacité de la prière de la foi. Ne sommes-nous pas tous logés à la même enseigne? Le moment vient où Isaac se sent vieux (il a cent ans... mais il ne mourra qu'à 180 ans), et il veut bénir Esaü. Il ne dit rien à Rébecca, qui sait quel choix Dieu a opéré. Alors Rébecca s'affole: «Ça y est, il va bénir le faux!» Que faire? Prier, bien sûr; faire confiance à Dieu, qui saura bien accomplir son plan. Mais voilà – combien de fois n'avons-nous pas agi ainsi, alors qu'il fallait prier et croire?... Rébecca a toujours agi rapidement. Elle fait valoir son autorité maternelle et dit à Jacob: Fais ce que je te commande (27.8). Elle persuade Jacob de se faire passer pour Esaü. Jacob est réticent: il ne veut pas passer aux yeux de son père pour un trompeur (27.12), litt. un moqueur. Jacob ne veut pas que son père pense qu'il se moque de sa cécité, car il l'aime et le respecte. Rébecca pensait-elle vraiment qu'Isaac se laisserait induire en erreur si facilement? Où voulait-elle provoquer un choc en faisant réaliser à Isaac, qu'elle aimait, qu'elle mettait même son amour en jeu pour que s'accomplisse le plan de Dieu à l'égard de Jacob? Encore une fois, je constate que Dieu n'a jamais adressé de reproche à Rébecca ou à Jacob pour leur action. Au contraire, la suite montre que Dieu y mit sa bénédiction. 1 Sam 16.7 dit: L'homme regarde à ce qui frappe les yeux (ici l'expédient trompeur né du désespoir), mais l'Éternel regarde au coeur (ici l'intention de faire réussir le plan de Dieu). C'est pourquoi Jésus avertit de ne pas juger les autres, car Dieu seul connaît le mobile de leurs actions. Telle «belle action» peut être pourrie, alors que telle autre action paraissant répréhensible peut découler d'intentions louables. Non, il n'est pas question de minimiser l'acte de tromperie exécuté par Rébecca et Jacob. Jacob sera trompé à son tour et ne manquera pas de faire la relation entre son acte et les conséquences. Ce qu'un homme sème, il le moissonnera. Je vous rappelle cependant un incident dans l'Exode. Les sages-femmes, qui avaient reçu l'ordre de tuer tous les bébés israélites mâles à leur naissance, n'en firent rien. Quand Pharaon les interrogea, elles racontèrent un mensonge flagrant (Ex 1.19); et le v. 20 dit: Et Dieu fit du bien aux sages-femmes (= il les bénit). Il faut en conclure que leur action avait donc eu l'approbation de Dieu. Oui, Dieu a une mesure souveraine, la sienne. De même Rahab, la prostituée de Jéricho, avait menti concernant les espions juifs – et elle est mentionnée parmi les héros de la foi dans Héb 11! Le fait de sauver les espions de la mort pesait plus lourd que le mensonge qui leur sauva la vie. Quand Isaac se rendit compte qu'il avait béni Jacob, le texte dit: il tressaillit d'un grand tremblement, très fort (trad. Chouraqui). Car il se rendit tout à coup compte que Dieu l'avait empêché de bénir Esaü, son préféré, contrairement à la volonté de Dieu. Il avait évité de justesse une très grande désobéissance envers Dieu. Quant à Jacob, qui dut quitter son pays pour fuir la colère d'Esaü, qui voulait le tuer, il était loin de penser qu'il resterait pendant vingt ans à l'étranger! Mais tel fut le résultat du manque de foi de Rébecca et Jacob. Gardons-nous, à notre tour, de «faire arriver» ce que le Seigneur lui-même accomplira à son heure. Combien de fois le Seigneur n'a-t-il pas tourné en bien ce que nous avions mal fait? Ce n'est pourtant pas une raison pour dire que la fin justifie les moyens. Mais retenons: Dieu regarde au coeur, aux mobiles; il les voit, lui – pas nous. C'est pourquoi: grande prudence dans nos jugements! Isaac comprit que le porteur de la promesse devait épouser une croyante. Esaü avait pris deux femmes hittites, donc païennes, ce qui provoqua de la friction dans la famille. Isaac invoqua maintenant la bénédiction d'Abraham sur Jacob: une descendance nombreuse et la possession du pays promis. Jacob est donc en fuite pour Harân, à 800 km de Beer-Chéba et de sa famille. Après une centaine de kilomètres à dos d'âne ou de chameau, il arrive à Béthel (= maison de Dieu) où Abraham avait bâti un autel. Peut-être qu'une des pierres de cet autel lui a-t-elle servi d'oreiller. C'est là que Dieu lui apparaît pour la première fois et lui parle dans un rêve extraordinaire. (N'allons pourtant pas croire que nos rêves ont normalement une signification profonde!)
Arrêtons-nous à ce rêve de Jacob. L'échelle qu'il voit est hors du commun. Ce mot hébreu n'est jamais utilisé ailleurs dans la Bible; Chouraqui le traduit par escalier. Il représente la communication intense qui existe entre le ciel et la terre. Des myriades d'anges viennent sur la terre pour y exercer les ordres de Dieu et remontent au ciel faire leur rapport. Ne sont-ils pas tous des esprits de Dieu, envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut? (Héb 1.14). Dans Apocalypse 19.10 & 22.9, l'ange révèle à Jean qu'il est son compagnon de service, et celui de ses frères les prophètes, et de ceux qui gardent les paroles de ce livre, à savoir la Bible. Le rêve de Jacob symbolise donc une merveilleuse réalité! Jésus s'y réfère en parlant avec Nathanaël: Vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le fils de l'homme (Jean 1.51). Ici Jésus s'identifie avec l'échelle, le moyen par lequel il est possible de monter au ciel: il est le seul médiateur entre Dieu et les hommes, étant entré, lui Dieu, dans la sphère terrestre en tant qu'homme pour racheter le monde par son sang. Dans son rêve, l'Éternel renouvelle à Jacob la promesse faite à Abraham, puis à Isaac (Gen 28.13-14). Et Dieu ajoute une quadruple promesse personnelle à Jacob, étonnante en vue de ce qui a été la raison de sa fuite (v. 15): – sa présence continuelle; – sa protection partout; – son retour dans son pays; – de ne jamais l'abandonner. N'y a-t-il pas là une résonance toute messianique, qui nous rappelle la promesse du Christ à ses disciples: Je suis avec vous tous les jours, jusqu'à l'achèvement de l'âge? Dieu est et a toujours été un Dieu d'amour qui fait grâce à ses élus. Que fit ce Jacob béni de l'Éternel, à son réveil? Il offrit un sacrifice d'huile sur sa pierre-oreiller, n'ayant pas de brebis sous la main. Puis il fit un voeu à l'Éternel. Il ne s'agit pas là d'un «marché» comme on l'a dit, mais d'un voeu de fidélité envers Dieu. L'usage de l'hébreu offre une traduction alternative: Puisque Dieu est avec moi, puisqu'il me donne nourriture et vêtement, puisque je retournerai en paix à la maison de mon père, alors l'Éternel sera mon Dieu; puis il promit la dîme de tout ce que Dieu lui donnera (28.20-22). On le voit: Jacob prit les promesses de Dieu à la lettre! Sa promesse était volontaire, la loi concernant la dîme n'ayant pas encore été donnée. Il aura peut-être pensé à la dîme qu'Abraham avait donnée à Melchisédek. On discerne trois éléments dans cette prière exemplaire de Jacob 1. foi absolue en la promesse de Dieu; 2. voeu de fidélité envers Dieu; 3. don volontaire selon les biens reçus. Cet homme de foi nous interpelle: 1. Jusqu'où va ma foi en la parole de Dieu? Est-elle entière et sans réserve? 2. Suis-je fidèle au Seigneur aussi quand cela déplaît à mon entourage? Mon obéissance est la pierre de touche de ma foi. 3. Comment est-ce que j'exprime ma reconnaissance envers Dieu? Par le don de mes biens? de mon temps? de mes capacités, physiques ou autres? par le don de MA PERSONNE? Je reprends le fil de l'histoire dès Gen 29. Jacob avait 77 ans, selon la chronologie exacte de la Genèse, lorsqu'il fuit en Mésopotamie, et près de 100 ans quand il retourna à Beér-Chéba. On oublie souvent l'extrême vigueur des patriarches! Après 800 km de voyage, Jacob tomba pile sur le puits où il rencontra Rachel, membre de sa famille précisément. Dieu l'avait manifestement conduit là. Jacob, à la vue de cette fille d'une grande beauté, éclata en sanglots, tellement il était émotionné de ce concours de circonstances incroyables. On comprend l'étonnement de Rachel... La réception de Laban fut des plus cordiales. Jacob dut relater ce qui s'était passé depuis le départ de Rébecca, soeur de Laban, 100 ans auparavant. Etrange pour nous dont la vie est tellement plus courte! Laban comprit vite que Jacob était travailleur. Sept ans de travail pour sa fille était tout à l'avantage de Laban. Nous ne savons pas quand il conçut l'idée de tromper Jacob en lui donnant Léa au lieu de Rachel. Mais les deux filles avaient passé l'âge normal du mariage, et Laban comptait sur l'amour de Jacob pour Rachel: encore sept ans de travail non rémunéré! Léa, qui aimait Jacob, se prêta à la supercherie de son père. Jacob, qui en voulait certainement à Laban et à Léa, se sera souvenu de la duperie qu'il avait pratiquée sur son père. Il n'a jamais rien reproché à Léa, qui se révéla douce et tendre. À remarquer que Laban obligea Jacob de devenir bigame, puisqu'il lui donna Rachel une semaine plus tard. Gen 29.31-30.24 nous montre les difficultés de la bigamie. Les noms que Léa donna à ces quatre fils indiquent qu'elle était une femme de prière (Siméon veut dire exaucement, Juda louange). Rachel, elle, accuse Jacob de sa stérilité, qui s'exclame: Suis-je à la place de Dieu? Elle a recours à la vieille méthode de Sara: avoir un enfant par sa servante. Jacob ne semble pas avoir été contrarié d'aller d'une femme à l'autre, étant d'une grande virilité. Même que la monogamie était la pensée de Dieu à la création, Dieu ne blâme pas Jacob; au contraire, ses douze fils sont la souche qui donnera naissance au peuple de Dieu, objet de son amour et de son alliance de promesses. Dieu est souverain et ses voies nous dépassent. Nous arrivons à Gen 30.25-43. Jacob a servi Laban pendant quatorze ans, ce qui représente le prix pour Léa et Rachel (une dot à l'envers telle qu'elle est toujours pratiquée en Afrique). Il n'a rien qui lui appartienne en propre. Pour se faire un troupeau à lui, il propose à Laban, dont il a fort accru le bétail par son savoir-faire, six ans de travail supplémentaire. Étant un païen mystique, Laban croit que Jacob a usé de sortilèges pour accroître son bétail (v.27: nachach = appris par enchantement); il mélange ses connaissances occultes avec ce qu'il sait de l'Éternel par Jacob et pense en profiter. La proposition de Jacob lui permet d'acquérir des troupeaux sans rien devoir à Laban, qu'il sait intéressé et trompeur. Le salaire de Jacob se constituera des animaux les moins désirables parce que tachetés. La plupart des moutons sont blancs et des boucs noirs, tandis que les bovins sont bruns. Jacob n'utilisant pour les accouplements que des bêtes de couleur unie et similaire, Laban y voit son avantage. Or, parmi les enfants de parents aux yeux bruns, il y en aura souvent aussi aux yeux bleus. En génétique, on parle de caractères dominants (les yeux bruns des parents) et de caractères récessifs (les yeux bleus en témoignent). Il y aura moins d'enfants aux yeux bleus qu'aux yeux bruns, donc, dans le cas des bêtes de Laban moins de naissances de bêtes tachetées que de bêtes unies: tout à l'avantage de Laban! La critique usuelle à l'égard de Jacob est donc déplacée. Si, contre toute attente, il y a beaucoup plus d'animaux tachetés qu'unis, il faut croire que Dieu lui-même est intervenu pour bénir Jacob. Détail curieux: bien que la vue de branches pelées ne semble pas pouvoir influencer le pelage des bêtes, elles entrent en chaleur à la vue de ces branches ou parce que leur suc donne à l'eau une vertu aphrodisiaque, et le troupeau de Jacob prend de l'ampleur. Que Jacob ne choisisse que des bêtes vigoureuses pour l'accouplement peut être compris comme une compensation de toutes les années pendant lesquelles Jacob a travaillé uniquement pour l'enrichissement de Laban. Jacob ne sait rendu compte que plus tard que c'était l'Éternel qui l'avait fait prospérer. Les événements suivants se trouvent dans Gen 31.1-32.24. Dieu lui-même ordonne à Jacob de partir, qui, connaissant Laban et la jalousie de ses fils à son égard, sait qu'on ne le laisserait pas partir avec tout le bétail qu'il a acquis honnêtement. Jacob profite donc de partir pendant que Laban et ses fils sont occupés à la tonte des brebis. On pourrait raisonner que Jacob aurait pu faire confiance à Dieu... Mais Dieu ne nous interdit pas d'utiliser notre intelligence. La suite prouve d'ailleurs le bien-fondé des craintes de Jacob. Il n'y a pas de raison de douter de la véracité du rêve que Jacob relate à ses deux femmes (Gen 31.10-13). Dieu dit: J'ai vu tout ce que Laban t'a fait Car Laban, voyant le troupeau de Jacob prospérer, changea souvent les dispositions pour contrecarrer ce développement. Alors Dieu fit échouer ses manigances et dit à Jacob comment il devait procéder. Le comportement de Jacob est honnête; Dieu ne bénit pas le malhonnête, que je sache. Léa et Rachel ont remarqué le contraste entre l'honnêteté de Jacob et la perfidie de Laban, qui non seulement a demandé un prix exorbitant pour elles, mais ne leur a rien donné en propre! Elles sont du côté de Jacob, considérant ses richesses en troupeaux acquis par son travail comme une juste récompense. L'incident des théraphim que Rachel a volés à son père et qui donne à Laban l'excuse de traiter Jacob de voleur, montre l'attachement de Rachel au paganisme paternel. Laban l'Araméen est furieux quand il apprend que les troupeaux de Jacob, pourtant acquis légitimement, se trouvent à 150 km, au delà de l'Euphrate, et vont lui échapper. On peut s'imaginer ses plans meurtriers, vu que Dieu lui interdit de toucher à Jacob. Devant la mauvaise foi flagrante de Laban, Jacob se fâche: tout ce qu'il a dû encaisser pendant ces vingt ans sort maintenant de son coeur. Laban ayant tout fait pour empêcher Jacob de s'enrichir, Jacob attribue sa réussite à Dieu. Laban change de sujet – manière facile de s'en tirer. Il a l'effronterie d'insinuer qu'il doit se protéger contre Jacob par un pacte de non-agression! Jacob est d'accord pour se protéger, lui. Après avoir offert un sacrifice à l'Éternel, il invite tout le monde à un repas fraternel. Grâce à ce geste conciliant, on se sépare en paix. Laban n'est plus mentionné dès lors dans le récit biblique. – Poursuivons dans Gen 32. Quant à Jacob, des anges l'accompagnent; invisibles aux autres, lui les voit. Il y a maintenant deux camps (sens du mot Mahanaïm): le camp de Jacob et celui des anges. Quel encouragement de savoir que Dieu le protège! Mais cela ne le dispense ni de prendre des mesures de sécurité, au cas où Esaü aurait encore de l'animosité, ni de demander la délivrance à Dieu. Sa prière est exemplaire, basée qu'elle est sur les promesses (la Parole) de Dieu; je n'en cite que cette phrase: Je suis trop petit pour toute ta bienveillance; ce sont les paroles d'un homme humble. Après avoir pris toutes les précautions qu'il juge nécessaires, Jacob retourne de l'autre côté du gué de Yabboq pour être seul avec Dieu. En ce point, il y aurait de quoi imiter Jacob... Jacob resta seul. Alors un homme se battit avec lui jusqu'au lever de l'aurore. Ce texte (Gen 32.25-33) est un des plus difficiles à comprendre. Certains pensent que Jacob s'est battu avec un homme, d'autres avec un ange, ou encore que c'est une allégorie de la bataille spirituelle de Jacob. Il me semble pourtant clair que ce texte veut être compris littéralement. Sinon, quel sens donner au nerf sciatique touché par l'ange et qui incapacitera Jacob dès ce moment? Cette lutte de Jacob est le point culminant de sa vie, tout comme le sacrifice d'Isaac dans la vie d'Abraham et d'Isaac lui-même. En réduisant Jacob, dont la force physique est exceptionnelle, à l'impuissance, Dieu veut l'obliger à ne compter plus que sur sa puissance. Le prophète Osée dit de Jacob: Il lutta avec Dieu dans son âge mûr (Jacob avait alors 90 ans); Il lutta avec un ange et fût vainqueur (12.5). Jacob savait lui-même que Dieu l'avait rencontré là: J'ai vu Dieu face à face, dit-il. Or personne ne peut voir Dieu et vivre, nous dit la Bible. Il s'agit donc d'une christophanie, d'une apparition de Christ sous forme humaine avant son incarnation. Vous secouez la tête? Je vous rappelle que Dieu – Père, Fils et Saint-Esprit – existe en dehors du temps qui est le nôtre, mais qu'il intervient dans le temps. Osée précise encore que Jacob pleura et demanda grâce. Alors Dieu lui accorda la bénédiction que Jacob avait toujours tant recherchée. Nous pouvons en tirer un enseignement: Dieu désire que nous persistions dans la prière, comme le fit remarquer Jésus (Luc 18.7): Dieu ne ferait-il point justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit? Jacob veut dire celui qui supplante; dès lors, son nom sera Israël (= il lutte – Dieu). On comprend son nom aussi d'après les deux mots dont il est dérivé: Sara-el (lutter comme un prince-Dieu) qu'on peut rendre par un prince avec Dieu. L'expérience de Jacob est si extraordinaire qu'il demande à savoir le nom de cet ange, qui lui répond: Pourquoi demandes-tu mon nom? car Jacob le sait déjà l'homme ne lui a-t-il pas dit: Tu as lutté avec Dieu... et tu as été vainqueur! Les douleurs sciatiques qui lui rappelleront toujours que Dieu lui avait seulement permis de vaincre. Dieu le créateur qui prend la peine de rencontrer un homme et de lutter avec lui: cela montre l'importance que Dieu attache à chaque individu sur le chemin de la sanctification, à tel point qu'il s'en occupe personnellement. Le peuple juif porte le nom d'Israël depuis 37 siècles; il témoigne du caractère et de la puissance de Jacob. Comment se fait-il qu'on ait tellement dénigré cet homme? J'avoue humblement que, suite à l'enseignement reçu, c'était un homme ravili dans ma propre pensée. Il a fallu une étude approfondie des textes bibliques pour que je puisse découvrir la valeur exceptionnelle de Jacob qui, après tout, figure parmi les héros de la foi énumérés dans Héb 11 : C'est par la foi que Jacob, au moment de mourir, bénit chacun des fils de Joseph, et qu'il se prosterna au chevet de son lit. Jean-Pierre SCHNEIDER © Promesses 1988 - No 83 - 84 ----------------------------------------------------------- |
Étude sur la vie des 12 apôtres: 9 -10 – 11 Nous avons déjà étudié ensemble 8 des 12 apôtres qui furent douze Juifs choisis et mis à part par Jésus le Messie d'Israël. Nous avons cherché dans les pages du livre de la nouvelle Alliance le profil et le caractère de ces hommes si différents les uns des autres mais qui furent unis pour tout quitter et suivre le Messie. Ce que nous savons d'eux avec certitude se trouve dans la Bible et nous avons mis de côté «aspect parfois légendaire que nous a laissé sur eux la tradition des hommes si fertile en inventions de toutes sortes. Nous croyons que ce que la Bible nous révèle sur eux est pleinement suffisant et nous permet de les connaître tels qu'ils furent réellement. Il nous reste dans 4 noms: Jacques fils d'Alphée, Simon le Zélote, Jude et Judas l'Iskariot. Nous étudierons ensemble les trois premiers et nous garderons, pour la prochaine fois, Judas de la ville de Kérioth, celui qui trahit son Maître. JACQUES Nous ne savons que très peu de choses sur Jacques dont le père se nommait Alphée. On l'appelle aussi Jacques le mineur, peut-être à cause de sa petite taille. Il n'est pas, comme certains l'ont pensé, un des frères du Messie; il nous est rapporté que ses frères ne croyaient pas en lui. (Jn 7:5). Matthieu et Luc nous racontent de quelle façon Jésus vint au monde; c'est par la puissance de l'Esprit de Dieu que cet enfant fut conçu. Un ange du Seigneur apparut à Joseph pendant un songe et lui dit: «Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre Marie comme épouse car l'enfant qui a été engendré en elle vient de «Esprit Saint. Elle mettra au monde un fils et tu lui donneras le nom de Yeshoua car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés». Tout cela arriva ainsi pour que s'accomplisse ce que Dieu avait déclaré à l'avance par le prophète Esaïe: «Voici, une jeune fille vierge deviendra mère, elle donnera le jour à un fils auquel on donnera le nom d'Emmanuel. Ce nom hébreu signifie: Dieu est avec nous!» Es. 7: 1 4; Mt. 1: 18-24. La Bible nous dit que Joseph, homme respectant Dieu, agit comme l'ange le lui avait ordonné et prit Marie comme épouse mais il n'eut pas de relations conjugales avec elle jusqu'à ce qu'elle eut mis au monde cet enfant de la promesse. Après cette naissance, Marie et Joseph eurent au moins 4 fils et 2 filles dans les conditions normales et naturelles d'un couple. Les noms des 4 frères de Jésus nous sont rapportés: Jacques, Joseph, Simon et Jude et il est aussi question des soeurs de Jésus qui devaient donc être au moins 2. Mt. 12: 46-50; 13: 54-56. L'apôtre Jacques, fils d'Alphée, n'était donc pas un frère de Jésus mais il le devint. En effet, après la résurrection, Jésus apparut à Marie de Magdala et lui dit cette parole: «... Marie! ... va dire à mes frères que je monte vers mon Père qui est aussi votre Père et vers mon Dieu qui est aussi votre Dieu». Jn. 20:17 Ainsi les apôtres furent appelés – mes frères – par le Messie. Ce Sauveur vint au milieu du peuple d'Israël comme Dieu l'avait promis à nos pères et à nos prophètes; c'est par Lui que Dieu fait la paix avec les hommes pour que tous puissent venir à lui et être sauvés. Les promesses de Dieu se sont incarnées, le Messie est venu au milieu du monde... et ceux qui ont mis leur confiance en Lui ont ainsi reçu le privilège de devenir enfants de Dieu... parce que réconciliés avec le Créateur... par le moyen de la foi. Esaïe 28: 16; Joël 2: 32; Habacuc 2: 1-4 Jacques fils d'Alphée fut l'un des 12 apôtres, son nom est inscrit dans le Livre de la Vie, il est devenu l'un des 12 fondements de la Jérusalem céleste qui seule a le droit d'être appelée: la ville éternelle. JUDE Nous ne savons pas grand-chose non plus sur la vie de Jude qui est aussi appelé Thaddée. Dans la liste des apôtres il est soigneusement différencié de Judas l'Iskariot, Jude fut l'un de ceux qui, comme Abraham son père, quitta tout pour s'engager sur le chemin que Dieu lui montra. Il devint ainsi un ambassadeur du Royaume de Dieu auprès des 12 tribus et auprès de toutes les nations, même celles qui sont les plus lointaines. Il marcha aux côtés du Messie sur les chemins d'Israël et dut apprendre à persévérer... ce ne fut pas toujours facile mais Jude avait compris la nécessité de s'engager totalement si l'on veut parvenir au but. De cet apôtre Jude, nous connaissons une question qu'il posa à son Maître. Jésus avait dit à ses disciples: «si vous m'aimez vous obéirez à tout ce que je vous commande de faire et moi je demanderai à mon Père de vous donner un Consolateur qui vous défende, qui vous conseille et qui demeure toujours avec vous... Je ne vous laisserai pas seuls comme des orphelins avec ce monde, je reviendrai vers vous. Dans peu de temps le monde ne me verra plus mais vous, vous me verrez parce que je suis vivant et que vous aussi vous vivrez. ... Mon Père aimera celui qui m`aime; et moi je l'aimerai aussi et je me manifesterai à lui». Alors l'apôtre Jude demanda: «– Seigneur, comment se fait-il que tu te feras connaître à nous et non au monde?». En hébreu, le verbe – connaître – a un sens beaucoup plus fort qu'en français. Connaître c'est avoir une relation intime et profonde, c'est pénétrer, savoir. . . Alors Jésus répondit à Jude, aux apôtres et à nous tous au XXe siècle: «si quelqu'un m'aime il mettra en pratique ce que j'ai dit et mon Père l'aimera; mon Père et moi viendrons vers lui et nous établirons notre demeure en lui... ». C'est exactement ce que le prophète Ezéchiel avait annoncé: «– Je ferai une Alliance éternelle avec eux, une Alliance de Paix... Ma demeure sera au milieu d'eux, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple». Ez 37:26-28. Bien des obstacles peuvent nous empêcher d'aller au Messie! Puissiez-vous, chers amis, être prêts à partir comme le firent Abraham. Moïse et tant d'autres. Le Messie veut vous donner sa paix, une paix que ce monde ne peut ni vous donner ni vous enlever. Si vous avez le désir au fond de votre coeur de suivre notre Messie ne soyez pas inquiets, ne soyez pas effrayés... il vous accompagnera tous les jours de votre vie et même à chaque heure, il sera là... Cette expérience vous pouvez la réaliser maintenant si vous venez à lui avec humilité et si vous invoquez son Nom. Vous recevrez aussi la merveilleuse espérance de participer à son Royaume lorsqu'il reviendra; cette espérance est plus précieuse que tous les trésors de la terre réunis. Comme Jude, comme Jacques et Simon, que vous soyez Juifs ou habitants des Nations, Dieu vous appelle à le suivre. SIMON LE ZÉLOTE Arrêtons-nous encore un instant auprès de Simon le Zélote qui se trouve, lui aussi, sur la liste des 12 apôtres. Nous ne saurions pratiquement rien de lui si ce terme – le Zélote – n'avait pas quelque chose d'important à nous apprendre. Le mot Zélote vient du grec, l'équivalent en araméen est: – le Cananite – du verbe – kan'ân – qui signifie – celui qui a du zèle –. À l'époque où Israël était occupée par les armées romaines, les Zélotes formaient un parti politique très actif. Ces lsraélites, extrêmement patriotes, estimaient que la fidélité aux traditions juives face à l'idolâtrie et à la puissance des Romains nécessitait l'emploi de la force et de la violence. Ainsi les Zélotes prirent part à plusieurs révoltes armées contre l'occupant, ils étaient partisans d'une résistance à tout prix. La violence de ces hommes contribua beaucoup à la guerre qui survint plus tard et qui aboutit au siège et à la prise de Jérusalem ainsi qu'à la destruction du Temple. L'apôtre Simon était donc l'un de ces zélotes. Lorsqu'il rencontra le Messie il fut certainement, dans un premier temps, révolté par ce qu'il entendit mais l'enseignement de l'Amour et de la Vie devint plus fort que celui de la haine et de la mort. Il crut et Jésus l'appela à être un Messager du pardon et de la paix. Il apprit du Messie que nous devons aimer nos ennemis, que nous devons bénir ceux qui nous maudissent, faire du bien à ceux qui nous haïssent et que nous devons prier pour ceux qui nous persécutent. Mi. 5:43-44. Par sa nature et son caractère Simon était juste le contraire mais l'Esprit de Dieu lui donna la force de suivre ce chemin étroit. UN CHEMIN EST OUVERT En face du chemin que Dieu ouvre devant chacun de nous – car nous sommes tous appelés –, nous sommes effrayés par notre faiblesse, notre lâcheté, notre misère... mais nous avons vu ensemble que les apôtres furent des hommes semblables à chacun de nous. Ils ont ouvert leurs oreilles pour entendre, leur coeur pour être purifiés et le Seigneur les a aidés en affermissant leur volonté. Les apôtres durent apprendre à vivre ensemble et ils trébuchèrent en chemin mais ceux qui se tournèrent vers le Messie pour être relevés le furent. Au début craintifs ils devinrent, peu à peu, remplis de force, d'amour et de sagesse. Ne voulez-vous pas suivre ces enfants d'Abraham? Jacques GUGGENHEIM -----------------------------------------------------------
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JEAN:
LE DISCIPLE QUE JÉSUS AIMAIT Dans son étude sur «le quatrième évangile», le R.P. Bouyer relève que ce texte évangélique ne mentionne jamais l'apôtre saint Jean, mais parle fréquemment d'un «disciple bien aimé» de Jésus et, en quelques passages, d'un disciple anonyme (JEAN, chap. 1, vers. 35-37; chap. 18, vers. 15) qui joue un rôle de premier plan et qui paraît ne faire qu'un avec ce «bien-aimé». Il note aussi qu'une tradition antique d'une rare continuité reconnaît en lui Jean, fils de Zébédée, et l'autour du dernier évangile. Le mystère qui environne celui-ci n'est d'ailleurs pas entièrement dissipé par cette hypothèse généralement admise. Mais les réflexions qu'on va lire tendent à jeter elles-mêmes une lumière sur «l'évangéliste de la Lumière» qui s'accorde étonnement avec le personnage de l'apôtre préféré. Jean appartenait au petit groupe qui dans l'intimité du collège apostolique, était avec Jésus plus intime encore. C'est à lui, à Jacques et à Pierre que le Christ révélera dans la Transfiguration quelque chose de sa divine nature. Mais son oeil n'était pas encore fait à la lumière céleste – il voulait bien être assis à la droite du Seigneur, mais il ne pouvait partager son calice, – et lorsque, à Gethsémani, il est appelé, encore avec Jacques et Pierre, à veiller une heure dans l'agonie de Jésus, pas plus qu'eux il ne le peut Pourtant, quelques instants plus tôt, son intimité terrestre avec Lui avait atteint son sommet – à la Cène, au moment où Jésus instituait le banquet eucharistique qui devait jusqu'à la fin des temps nourrir les siens de son amour, Jean reposait sur son sein. Mais l'amour de prédilection que Jésus avait pour Jean, non que ce fût la perfection plus haute de Jean qui le provoquât, mais au contraire, comme le dit Bossuet, cet amour plus intime qui en était la source, cet amour de prédilection, l'avait touché davantage qu'il ne pouvait le lui sembler à lui-même; et, après la dispersion des disciples, il la rappela au calvaire pour l'unir aux souffrances du Seigneur et pour qu'il reçût de lui comme un don suprême sa Mère, la Bienheureuse Vierge Marie. Jusqu'à ce tardif retour on eût pu croire que l'intimité de Jésus lui avait été de peu de fruit. Mais Jean éprouverait mieux que personne la vérité de cette parole de son Seigneur qu'il nous a lui-même conservée: «L'Esprit vous fera ressouvenir de toutes choses.» Après la Pentecôte, une fois que l'Esprit serait descendu sur lui, il reverrait ces instants dont il n'avait pas connu le prix alors qu'ils s'écoulaient et lentement il apprendrait à en découvrir toutes les richesses dans le souvenir. Lors de la dispersion des apôtres à travers le monde, Jean n'avait pas été mis par la Providence au nombre des grands missionnaires, ni des grands bâtisseurs d'Églises. Sa vocation serait, et de plus en plus, pour une oeuvre intérieure. Au milieu de l'effervescence de vie de l'Église primitive, il devait rester le «témoin fidèle», celui qui attesterait comme «ayant vu de ses yeux, entendu de ses oreilles, touché de ses mains», et comme approfondissant par la foi chaque jour davantage le mystère de Celui qu'il connaîtrait «selon l'Esprit» d'aussi près qu'il l'avait connu «selon la chair». Alors que tous les autres apôtres périraient martyrs peu de temps après leur maître, lui resterait le dernier, prolongeant par une exceptionnelle longévité la calme flamme que Dieu avait mise en lui pour que les autres puissent venir et «se réjouir à sa lumière». C'est une image singulièrement impressionnante que celle de ce vieillard sur lequel le temps pouvait paraître sans prise, au point que «certains croyaient qu'il ne mourrait point». Au milieu de générations nouvelles qui avaient cru par ceux que le Christ avait envoyés, il demeurait le dernier de ceux qui avaient cru par Lui. Il semble que Dieu n'avait pas voulu pour Jean d'autre vocation que de garder le dépôt sacré de tout ce qu'il avait connu de Lui par les sans et de l'éclairer par l'Esprit. Il échappe au supplice, pas aux persécuteurs Mais il importe de suivre la courbe qui va du jeune Galiléen bouillant et impétueux au vieillard serein qui laisse à l'Église, au terme de sa vie, le trésor inappréciable que saint Clément d'Alexandrie appellera l'«évangile spirituel». D'après la tradition, il vint à Rome peu après la Pentecôte. Sous Domitien, il aurait été plongé dans de l'huile bouillante, mais Dieu qui le destinait à un autre «témoignage» l'en aurait délivré en changeant cette huile en rosée. Exilé à Patmos, n'ayant devant lui que le ciel et la mer, il y écrit l'Apocalypse. Dans ce livre étrange, où des îles résonnantes d'hymnes angéliques et resplendissantes d'une lumière incréée semblent voguer dans une paix immuable sur les plus épouvantables chaos, nous voyons apparaître les thèmes qui se dégageront lentement du concert fantastique et finiront par remplir seuls l'âme de l'apôtre. C'est l'agneau immolé mais glorieux dans le soin du Père, ce sont les fleuves d'eau vive, c'est la consommation de toutes choses dans l'unité. À Éphèse, avec la mère du Christ Après Patmos s'écouleront les longues années paisibles d'Éphèse. C'est là que se réalisera la double promesse du Christ sur la croix: «Femme, voici ton Fils... Voici ta Mère.» Celle qu'Élisabeth avait proclamée «bénie entre toutes les femmes» celle qui dès la crèche «gardait toutes ces choses et les repassait dans son coeur », lui communiquerait cette paix et cette clarté souveraines qu'elle avait reçues en elle avec le Verbe de Dieu. L'apôtre, en donnant à la Mère du Sauveur cette manne cachée promise à celui qui vaincra, retrouverait ces sentiments qui étaient dans le Christ alors que lui-même reposait sur son sein et qu'il recevait de lui cette manne donnée pour la première fois aux hommes. L'amour qui du coeur de Dieu s'était incarné au coeur de l'Homme Jésus se répandrait dans le coeur de son disciple, et il expirerait avec le nom de cet amour sur les lèvres, après avoir fait connaître aux hommes comment «Jésus ayant aimé les siens dans ce monde les aime jusqu'à la fin». Recueillant tous les fruits de la maturité, voyant venir la lumière du soir, d'un soir sans déclin, dans le définitif apaisement de cette merveilleuse vieillesse il dut réunir l'essence de ses catéchèses dans l'évangile, puis y mettre, comme la clef d'un jardin fermé, ce prologue où le temps est envahi par l'éternel. Après, son oeuvre est achevée. Il n'a plus qu'à lancer dans son épître le dernier cri de la foi fondée sur la vérité inébranlable du Christ venu en chair, et puis aller rejoindre, le dernier, celui à la Résurrection duquel il avait cru le premier. par le R. P. Louis BOUYER de l'Oratoire © En ce temps-là, la Bible No 81
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JEAN-BAPTISTE
NE CONNAISSAIT PAS JÉSUS AVANT DE LE BAPTISER DANS LE
JOURDAIN?
Jean-Baptiste a déclaré à deux reprises ne pas connaître Jésus avant Son baptême dans le Jourdain (Jean 1, 31.33), bien qu'étant parents et que les deux mères, Élisabeth et Marie, fussent très attachées l'une à l'autre. Cependant, Matthieu 3, 14 laisse supposer qu'il connaissait Jésus comme membre de la famille et qu'il L'estimait hautement: «Mais Jean s'y opposait en disant. – C'est moi qui ai besoin d'être baptisé Par toi, et tu viens à moi!» Ces paroles montrent clairement que Jean voyait en Jésus un homme enveloppé de la grâce de Dieu, avec pour conséquence qu’il se considérait indigne de Le baptiser et souhaitait bien plutôt être baptisé par Lui. Mais avant le baptême, il ne Le connaissait pas comme le Fils déclaré du Très-Haut. Et ici vient se poser la question: Était-il bien nécessaire que Jésus se fît baptiser par Jean, et pourquoi? Le Seigneur répondit en termes simples: Laisse faire maintenant, car il est convenable que nous accomplissions ainsi tout ce qui est juste» (Matth. 3, 15). La question de savoir ce qui se serait passé si Jésus n'avait pas été baptisé par Jean amène la réponse qui, elle seule, peut nous éclairer. En cas d'absence de baptême, trois choses d'une importance capitale ne se seraient pas produites; les voici: 1.- Les cieux se sont ouverts sur Jésus (v. 16). 2.- L'Esprit Saint est descendu sur Lui comme une colombe(v. 16). 3.- Une voix du ciel prononça ces mots: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection» (v. 17). Nous avons donc là des signes venus du ciel, qui indiquèrent à Jean qui était l'Oint de Dieu: «Je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser d'eau, celui-là m'a dit. Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et s'arrêter, c'est celui qui baptise du Saint-Esprit. Et j'ai vu, et j'ai rendu témoignage qu'il est le Fils de Dieu» (Jean 1, 33-34). C'est ainsi que Jean affirma avant le baptême: «je ne le connaissais pas...» Certes, comme déjà écrit, il connaissait Jésus comme parent, mais pas encore comme le Messie qui devait être confirmé par un signe en provenance du ciel. Tout cela se produisit devant des témoins qui entendirent la voix venant des cieux: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection» (v. 17). Le baptême par Jean était très important aux yeux de Jésus, parce que c'était Dieu Lui-même qui l'avait envoyé pour accomplir ce service (Jean 1, 33). C'est dans ce cadre que Celui promis par Dieu devait paraître sur la scène, confirmé qu'Il serait par l'Esprit Saint et la voix du ciel, comme Dieu l'avait révélé à Jean. Par cette attitude de soumission de Jésus, tout se mit à s'accomplir de merveilleuse façon. Tout était maintenant clair pour Jean: il Le «connaissait» désormais avec certitude, il annonça dès lors avec assurance que Jésus était le Fils de Dieu pour, ensuite, prononcer cette formidable parole: «Voici l'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde» (Jean 1, 29.34.36). C'est ainsi que le baptême de Jésus – que Jean, en un premier temps, a voulu Lui refuser – est devenu un événement important et un lien entre le service de précurseur de Jean et le service public de Jésus une circonstance par laquelle le Seigneur s'est fait connaître à Jean et s'est manifesté à Israël (Jean 1, 31). Les premiers disciples de Jésus étaient auparavant des disciples de Jean, qui, par le service et le témoignage de ce dernier, furent préparés et conduits vers Lui. Quand, par la suite, de plus en plus de gens se tournèrent vers Jésus, Jean dit humblement: «Il faut qu'il croisse, et que je diminue» (Jean 3. 30). Malgré ce témoignage évident concernant le Seigneur, Jean fut plus tard gagné par le doute quand il se retrouva en prison. Il envoya donc ses disciples à Jésus pour Lui demander: «Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre?» (Matth. 11, 3). Sa propre situation difficile l'amena à douter, ce qui peut se comprendre. Cela nous montre une fois de plus que nous devons accorder notre confiance à la Parole de Dieu plutôt qu'aux circonstances qui nous visitent. La démarche d'obéissance de Jésus que constituait le baptême nous montre quelle profonde bénédiction repose sur l'obéissance. Le baptême de la foi appelle une bénédiction spirituelle plus grande encore; de la part de Dieu, il affermit et renforce cette foi. Vu ainsi, le baptême des bébés prive l'homme qui vient à la foi de cet important don spirituel et de la joie de cet événement. C'est pourquoi il est faux d'affirmer: «Le baptême des enfants me suffit.» Car il convient que nous aussi accomplissions toute justice!
© Nouvelle d'Israël 03 w 1999 ----------------------------------------------------------- |