Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Etudes bibliques

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UN TÉMOIGNAGE DE L'AMITIÉ


Au IIIe siècle, Origène écrivait: «Bien qu'il y ait quatre évangiles, j'estime quant à moi que les prémices de l'Évangile (entendons «la fine fleur»), c'est celui de Jean... Le sens de cet évangile, nul ne peut le percevoir s'il n'a reposé sur la poitrine de Jésus, reçu de Jésus Marie pour mère. Pour le comprendre il faut devenir en quelque sorte un autre Jean, au point de mériter d'être pour Marie un Jésus de remplacement.»

Il est difficile d'exprimer en termes plus saisissants comment l'ouvrage du «disciple bien-aimé», jailli d'une expérience intime et des profondeurs de 1 amitié, n'est perceptible dans toute sa densité qu'au sein d'une expérience analogue. L'amitié permet une connaissance de l'ami, non seulement en raison des confidences dont elle le fait bénéficier, mais plus encore en raison d'une connaissance intuitive due à certaines affinités.

Dans le coup de lance donné par le centurion au Christ déjà mort sur la croix, Jean (chap. 19, vers, 37) voit la réalisation de la prophétie de Zacharie (chap. 12, vers. 10): «Ils regarderont celui qu'ils auront transpercé.» L'évangile de Jean permet de regarder le Christ comme de l'intérieur. Cependant, parmi les faits et gestes du Christ, l'auteur a fait un choix; il le précisera lui-même au dernier verset du dernier chapitre: «Il y a encore beaucoup d'autres actions que Jésus a accomplies.» Et ce choix est établi en fonction de ce que Jean veut mettre en lumière dans la personnalité de son Maître.

Ainsi les miracles de Jésus sont-ils choisis et placés sous une dénomination très caractéristique: ce sont des «signes». Pour Jean, ils appartiennent moins au «merveilleux» qu'au «signifiant». Si le Christ guérit l'aveuglé-né, c'est qu'il est «la Lumière du monde». S'il ressuscite Lazare, c'est qu'il est «la résurrection et la vie». S'il multiplie les pains, c'est qu'il s'offre lui-même comme le vrai «pain de vie», descendu du ciel. S'il guérit le paralytique même le jour du sabbat, c'est que, Verbe créateur, à l'instar du Père, il ne cesse d'agir partout et en tout, pour conserver toute créature dans l'existence qu'il lui a conférée. S'il chasse les vendeurs du Temple, c'est qu'en son corps sacré existe plus que le Temple (chap. 2, vers. 19-21), et que c'est désormais sur le Fils de l'homme qu'on verra les cieux ouverts (chap. 1 , vers. 51).

À travers tous ces signes, ce que cherche à déchiffrer l'évangéliste, c'est le «Moi» du Christ. Ce «Moi» si fortement proclamé dans les affirmations les plus solennelles de Jésus; «Je suis la Lumière», «la Voie», «la Vie».

Le Christ de Jean est le Christ aux richesses insoupçonnées: la Samaritaine ne pense tout d'abord qu'à sa cruche qu'il faut remplir à nouveau chaque jour; et les foules du bord du lac de Tibériade, à ce pain quotidien pour lequel il faut ordinairement oeuvrer dur. Cependant Jésus ne vient pas dispenser les humains des servitudes humaines, ni gaver les foules de pain et de jeux, comme les empereurs romains; mais ce qu'il propose, c'est ce que nul avant lui n'a jamais pu procurer: un assouvissement et une plénitude aux aspirations illimitées du coeur et de l'esprit des hommes. Celui qui boit de l'eau du puits aura encore soif, et celui qui mange le pain le plus succulent aura encore faim (chap. 4, vers. 13; chap. 6, vers. 35); celui qui boit l'eau que Jésus procure n'aura plus jamais soif, et celui qui mange du pain de sa table n'aura plus jamais faim.

Et même lorsque tout semble terminé, lorsque la pierre du sépulcre est roulée depuis quatre jours et que le mort «sent déjà» (chap. 11. vers. 39), lorsque paraît vaine la plainte des soeurs de Lazare – «Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort» – alors le Christ s'affirme comme l'au-delà des désespoirs: «Celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra; et quiconque vit et croit en moi, ne mourra jamais. Crois-tu cela?» Ce sont les «certitudes du Christ» dont témoigne Jean, et en énonçant chacune d'elles, il pose à nouveau à chacun la question de Jésus à Marthe: «Crois-tu cela?»

Dom J. GOLDSTAIN

©En ce temps-là, la Bible No 82


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LES PSAUMES «SELON JÉRÉMIE»


Certains psaumes qui décrivent les épreuves de la communauté juive, qui avouent les péchés d'Israël et expriment l'espérance que Dieu sauvera son peuple, paraissent bien inspirés du grand prophète témoin du châtiment de Jérusalem. Les auteurs de ces chants, composés pour la plupart durent las deux siècles qui ont suivi l'Exil, font allusion à un groupe de croyants au coude à coude face aux pervers, et persécutés comme le fut jadis Jérémie, modèle de ceux qui souffrant pour accomplir leur mission selon la volonté de Dieu.

Dès l'arrivée de la première caravane de rapatriés issus de Babylonie, en 537 av. J.-C., les populations mêlées qui occupaient la terre des ancêtres, faites d'un «reste» affadi et d'apports étrangers, cherchèrent à entraver l'effort des «revenants» purifiés par l'épreuve et décidés à rendre la cité de David à sa vocation de capitale religieuse sinon politique; encore qu'il soit alors bien difficile de distinguer nettement les deux rôles. On songera en particulier aux agissements des Samaritains qui s'opposèrent avec tant de zèle à la reconstruction du Temple de Jérusalem; ils n'étaient d'ailleurs pas les seuls.

On découvre alors, chez les psalmistes qui appartiennent à la communauté des fidèles, une parenté spirituelle incontestable avec Jérémie, disparu en Égypte depuis 580 av. J.-C. environ, victime de ceux qu'il essayait de ramener à la Loi, assure la tradition.

Pas plus que les prophètes, ils ne s'adressent en général au Dieu de la nature; comme leur mettre cependant, ils le montrent qui «fait monter les nuages des horizons de la terre, fait appeler la pluie par la foudre, tire le vent de ses trésors» Ps. 134, vers. 7; cf. JÉRÉMIE, chap. 10, vers. 13. Mais le Dieu qu'ils invoquent est d'abord celui qui se penche vers l'homme et lui propose son intimité: un Dieu à qui l'homme doit tout et à qui il est totalement dévoué, de qui chacun tient sa mission et dont la Parole est toute douceur (Ps. 118, vers. 103; cf. J., chap. 15, v. 16).

Comme Jérémie, le psalmiste est l'objet des attentions divines dès le sein de sa mère, où Dieu l'a «ourdi», «tissé», avant de le faire venir au jour (Ps. 21, vers. 10-11; Ps. 70, vers. 6; Ps. 138, vers. 13; cf. J., chap. 1, vers. 5). Il a en Dieu une confiance inébranlable: «Heureux l'homme qui met sa confiance dans le Seigneur» (Ps. 39, vers. 5; cf. J., chap. 17, vers. 7). Mais en même temps il sait que le regard divin le pénètre de part en part, qu'il scrute ses reins et son coeur, c'est-à-dire ses sentiments et ses pensées (Ps. 25, vers. 2; cf. J., chap. 12, vers. 3), que le mot n'est pas encore prononcé et que Dieu le connaît déjà (Ps. 138, vers. 4; cf. J., chap. 23, vers. 24). Il a aussi la certitude de son innocence et prend Dieu à témoin qu'il ne «s'assied pas» à côté des méchants (Ps. 25, vers. 1-5; cf. J., chap. 15, vers. 17). Il a toutefois conscience de son état de pécheur: l'auteur du psaume 50 dit que «son péché est sans cesse devant lui», mais c'est pour demander à Dieu de le purifier et de créer en lui un coeur pur (cf. J., chap. 17, vers. 1-9). Quant à la réussite des méchants, elle demeure un problème pour le psalmiste comme pour le prophète: «Leur oeil est enfoui dans leur graisse...» (Ps. 72 vers. 4-12. cf. J., chap. 5, vers. 28; chap. 1 2, vers. 1-2).

Comme Jérémie encore, son lointain disciple est en butte aux tourments. Il entend formuler les mêmes menaces: «Ils tenaient conseil contre moi...» (Ps. 30, vers. 14; cf. J., chap. 20, vers. 10), et se sent, comme lui, abandonné par ses amis les plus intimes. Il reprend alors les images de son maître: le «filet» et surtout «la fosse» bien sûr (Ps. 39, vers. 3; cf. J., chap. 38).


Une foi inébranlable jusque dans les prières les plus plaintives

Certes les auteurs de tels chants apparaissent bien pessimistes. Mais le prophète ne disait-il pas, avec l'exagération utile pour retenir l'attention des distraits, qu'il était impossible de trouver à Jérusalem un homme qui recherche la vérité?

Les psalmistes ne parlent pas autrement (Ps. 34, vers. 10-12; cf. J., chap. 5, vers. 1). Ils ont aussi la larme facile et la plainte leur est habituelle: «Gémissant jusqu'à l'épuisement... je baigne ma couche de mes pleurs» (Ps. 6, vers. 7 ou Ps. 21, vers. 1 5; cf. J., chap. 45, vers. 3). «Ma vie se consume dans la tristesse, mes années dans le gémissement» (Ps. 30, vers. 11; cf. J., chap. 20, vers. 18).

Mais ils ne manquent pas d'ajouter dans les termes mêmes du prophète persécuté qui continue ainsi à chanter sa foi inébranlable jusque dans les prières les plus plaintives du psautier: «C'est pour toi que j'ai souffert l'opprobre 1» (Ps. 68, vers. 8; cf. J., chap. 15, vers. 15).

J. DHEILLY

professeur à l'Institut catholique de Paris

© En ce temps-là, la Bible No 62 page I.

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«UNE LUMIÈRE POUR LA ROUTE»


Le livre de Jérémie nous met en présence d'un homme très proche de tout homme: qui souffre et se décourage, qui renâcle devant sa mission et qui ne ménage pas ses confidences. Il a sans doute environ dix-huit ans lorsque Dieu l'appelle pour faire de lui son messager; mais aussitôt, devant une responsabilité qu'il prévoit très lourde, sa sensibilité réagit et il faut que Dieu mette toute son autorité dans la balance pour que le jeune homme accepte. Il en sera ainsi durant toute la vie du prophète: on a l'impression d'une opposition permanente entre son tempérament et la charge qu'il assume, l'humaine faiblesse et la force qui l'anime.

 

Les circonstances renforcent le pessimisme naturel de Jérémie. La réforme du roi Josias aurait pu rendre vigueur à la vie religieuse et remédier sur ce plan au règne désastreux de Manassé. Hélas! la mort du roi à Megiddo en 609 (2e ROIS, chap. 23, vers. 29) remet tout en question. Et surtout l'imprudence ou la veulerie politique de monarques comme Joakim ou Sédécias détermine les interventions des Babyloniens.

Avec la prise de Jérusalem en 586 et les déportations qui en sont à la fois le prélude et la conséquence, c'est un monde qui disparaît et qu'on ne reverra plus.


Parfois assailli par le découragement

Jérémie l'avait prévu, mais ses mises en garde répétées n'avaient pas retenu l'attention. Et lorsque le gouverneur Godolias sera assassiné (2e ROIS, chap. 25, vers. 25), un certain nombre d'habitants restés sur place s'enfuiront en Égypte, obligeant le prophète trop clairvoyant à les suivre, Il mourra sur les rives du Nil, après une existence dont l'inefficacité apparente pouvait justifier l'hésitation qu'il avait montrée quelque cinquante ans auparavant.

On n'est pas surpris de constater que le découragement l'ait assailli à certaines heures. Il n'était pour le comprendre qu'une demi-douzaine de fonctionnaires de la cour; il n'eut aucun confident sur la terre sauf Baruch, son ami, plus encore que son secrétaire; pas de véritable foyer car sa solitude était un «signe» prophétique: il semble même que sa famille d'Anatoth lui ait été partiellement hostile. Enfin sa libération sur ordre personnel de Nabukodonosor le rendit sûrement suspect à beaucoup de ses compatriotes. Comment.alors expliquer l'influence dont il a joui dans certains cercles juifs de Babylone, et plus encore dans le milieu du judaïsme palestinien après le retour de l'Exil?

C'est que dans la monotonie de cette longue plainte, un esprit nouveau se fait jour. Sans parler de la rétribution individuelle dont il proclame la nécessité sans en voir encore le mode, il annonce que l'Alliance est d'abord une relation personnelle avec Dieu, jamais remplacée par l'accomplissement de gestes extérieurs. Et par là il manifeste la valeur relative des institutions: la circoncision du coeur est nécessaire, non celle de la chair; la religion intérieure demeurera toujours possible même quand le Temple sera détruit.


Le Dieu de vie et d'amour

Mais surtout les générations suivantes ont vu dans Jérémie un homme qui traçait la voie: le voir accepter Dieu dans sa vie, accepter d'être saisi par lui au prix d'une rude souffrance, l'entendre se demander un jour si le ciel ne l'avait pas trompé, pour découvrir finalement que ce Dieu était un être vivant et aimant, c'était pour ces Juifs une lumière pour la route. N'en est-elle pas une aussi pour les hommes de notre temps?

J. DHEILLY

Professeur à l'institut catholique de Paris

© En ce temps-là, la Bible No 60 page IV.

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  LE LIVRE DE JOSUÉ: UNE DÉMONSTRATION DE LA PUISSANCE DE DIEU 


Le livre de Josué est le reflet d'un «temps fort» de l'histoire d'Israël: il raconte les débuts de la conquête de Canaan. Mais l'auteur a pour premier souci de montrer qu'en cette occasion Dieu a manifesté sa puissance en faveur de son peuple, comme il l'avait fait précédemment tout au long de l'Exode. Il insiste sur les événements qu'il considère comme essentiels et qu'il puise dans la tradition la plus ancienne: le passage du Jourdain, la prise de Jéricho, la victoire de Gabaon. Et, comme les auteurs de l'Exode, il présente les faits dans un style particulier: le genre historique revêt ici tantôt une couleur épique, tantôt une couleur liturgique, dont il faut tenir compte.

LE PASSAGE DU JOURDAIN

pose un problème sur le plan historique et sur le plan littéraire. Historiquement, que s'est-il passé? Les eaux de la rivière n'ont pu être retenues sans une raison proportionnée, que la présence de l'Arche au milieu du fleuve ne constitue pas. On a invoqué un fait qui s'est produit à une époque relativement récente: l'éboulement d'une des rives a déterminé une stagnation des eaux durant un temps assez long. Il n'est pas impossible que les Israélites aient profité d'une telle coïncidence extraordinaire pour franchir le Jourdain; il s'en faut toutefois que ce soit certain. Sur le plan littéraire, il y a dans le récit une réplique évidente du passage de la mer Rouge, adaptée à de nouvelles circonstances. En combinant les deux plans, il semble que l'on puisse dire qu'il n'y a pas eu forcément de «miracle» au sens strict où nous l'entendons (notion d'ailleurs inconnue des auteurs de l'Ancien Testament), mais que l'événement a été interprété comme un signe de la présence agissante de Dieu au milieu de son peuple.


LA PRISE DE JÉRICHO

demeure elle aussi une énigme pour l'historien. Les savants ont découvert, au cours de leurs fouilles, des enceintes successives, mais aucune (nos lecteurs l'ont appris plus haut) ne se trouve dans la couche géologique correspondant à la date approximative de la conquête israélite. Impossible donc pour l'instant de faire la liaison entre l'archéologie et la Bible. En ce qui concerne la façon dont les assaillants s'emparèrent de la ville, on remarque que les documents ne mentionnent aucune cause humaine, mais insistent au contraire sur le facteur religieux: rites de malédiction, anathème, procession liturgique autour de la muraille; l'influence directe de Dieu est partout soulignée. Quelle a donc été la part de l'action militaire? On a parlé de travaux de mine, mais on ne voit pas comment ces gens, qui sortaient à peine de la vie nomade, auraient eu l'outillage nécessaire, non plus que l'expérience requise pour de tels travaux. Là encore, le rédacteur ne s'est pas soucié de nous exposer des faits précis, mais bien de tirer une leçon religieuse.


LA VICTOIRE DE GABAON

vient enfin, avec l'histoire de «Josué arrêtant le soleil». Ici le problème est plus simple à résoudre. Pas plus que dans les deux cas précédents, on ne parlera de «miracle». Que l'on songe à la cascade de conséquences extraordinaire qu'eût introduite dans le monde physique un véritable arrêt du soleil. Dieu agit à travers ou au-delà, mais jamais contre les lois naturelles, qui sont l'expression du monde créé. À vrai dire, il suffit de lire le texte biblique, qui nous donne la référence de la citation: «Cela n'est-il pas écrit dans le Livre du Juste?» Livre aujourd'hui perdu, mais livre d'un poète qui avait donné libre cours à son imagination pour rapporter une victoire particulièrement importante. Il est donc inutile, semble-t-il, de faire intervenir la réfraction de la lumière sur les grêlons! Que l'on pense seulement au jour du débarquement allié sur les côtes de Normandie; ne l'a-t-on pas appelé: «Le jour le plus long ?» Ce jour-là aussi «quelqu'un a arrêté le soleil».

J. DHEILLY

Professeur à l'Institut catholique de Paris

© En ce temps-là, la BibleNo 17 page IV.


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«COMMENT» YAHVE A-T-IL PU LIVRER SON TEMPLE, SA VILLE, SON PEUPLE?


Toute la théologie douloureuse et interrogative des cinq poèmes regroupés sous le titre de «Lamentations de Jérémie» peut se résumer dans le premier mot du premier poème: «Eikah», Comment?... C'est l'interrogation angoissée du peuple choisi devant sa propre ruine. Comment a-t-elle été possible? Comment Jérusalem, la ville sainte, le lieu unique de la résidence divine, a-t-elle pu être livrée à la fureur des païens? Comment les païens ont-ils pu avoir raison du sanctuaire de Dieu et fouler aux pieds les parvis qui leur étaient interdits? Comment les fils d'Israël ont-ils pu être déportés comme vil troupeau? Comment la détresse de la «fille de Sion» a-t-elle pu atteindre ce degré d'horreur?... Des femmes ont mangé le fruit de leurs entrailles, des nourrissons sont morts de faim et de soif; des prêtres et des prophètes ont été égorgée: «Tu as fait de nous, au milieu des peuples, des rejetés» (chap. 3, vers 45).

Poésie douloureuse et poignante que celle de ces strophes qui, sous des formes variées et avec une puissance d'inspiration extraordinaire, posent ainsi de multiples façons une unique question.

Quatre des cinq lamentations ont conservé dans le texte hébreu une structure alphabétique, comme il en va de certains psaumes. La cinquième, dans la forme que nous lui connaissons, ne rappelle plus l'intention que par le nombre des vers qui la composent: vingt-deux, autant que de lettres dans l'alphabet hébreu. Les deux premières et la quatrième sont faites de vingt-deux strophes composant l'acrostiche par la première lettre de leur seul premier vers. Dans la troisième, les trois vers de chacune des vingt-deux strophes commencent par la même lettre. On pouvait s'attendre à ce que de telles servitudes entraînent des répétitions lassantes. Or ces répétitions contribuent ici à donner plus de majesté aux poèmes et créent une sorte d'incantation.

La ruine totale de Jérusalem en 587-586 av. J.-C. fut en vérité l'événement central de l'histoire du peuple juif.

Lors de la seconde ruine, en l'an 70 de notre ère, le renouvellement d'une même catastrophe ne prit pas l'âme juive au dépourvu. Déjà Israël avait expérimenté qu'il pouvait survivre en exil et même s'y développer sur le plan spirituel et culturel, sinon national. Au temps de Nabukodonosor, au contraire, en dépit de la longue prédication des prophètes qui avaient annoncé l'événement, ceux qui en furent les victimes se trouvèrent totalement désemparés. Il fallait qu'une «Parole de Dieu» exprimât cette immense détresse; il fallait qu'un chant, tragique et sublime, montât sur les ruines du Temple. Les «Lamentations» sont cette Parole et ce chant.

La tradition rabbinique a connu ce recueil sous le nom hébreu de «Kinoth» il est plus ancien peut-être que «Eikah», tiré du premier mot du premier poème, et qui désigne aujourd'hui l'ouvrage. Les Septante ont judicieusement traduit «Kinoth» par «Thrênoï», et la Vulgate par «Lamentationes». Mais il est certain que le titre actuel proposé par la terminologie juive est plus suggestif de l'oeuvre et de son contenu.


Chant des «Ténèbres» et chant du 9 d'Ab

Il faut avoir entendu, durant les semaines saintes de naguère, la psalmodie grégorienne du chant des «Ténèbres», et mieux encore, en hébreu, la mélopée lancinante qui meuble la nuit du 9 d'Ab (fin juillet, début août, anniversaire liturgique commun des deux destructions du Temple), pour saisir tout ce que peuvent renfermer ces déchirantes complaintes.

La terminologie courante parle des Lamentations «de Jérémie». Certes, les influences littéraires lointaines du prophète sur l'ouvrage semblent incontestables, reflétées jusque dans le style. Il est donc normal qu'en fonction de tels apparentements, le prophète ait été regardé comme l'auteur de ces poèmes, lui dont un passage des Chroniques (2e chap. 35, vers. 25) signale les «Kinoth» ou «lamentations» sur Josias, «devenues rituelles en Israël». Mais cette attribution est très discutée. Nos lecteurs liront plus loin ce qu'on en peut penser.

Quoi qu'il en soit, ce que le prophète avait annoncé et prêché à contre-courant des opinions ambiantes, le voici réalisé avec la chute de Jérusalem; Israël, à l'école du prophétisme et plus spécialement de Jérémie, se révèle ici capable de l'accepter et de le sublimer.

La parenté avec Jérémie est encore plus étroite: on a pu dire que cet ensemble de poèmes résumait son oeuvre.


Comme Jérémie lui-même...

De fait, l'auteur des Lamentations a bien des caractéristiques communes avec le grand prophète: il est seul dans les ténèbres, emmuré comme Jérémie au fond de son puits fangeux (LAMENTATIONS, chap. 3, vers. 52-54; cf. JÉRÉMIE, chap. 38, vers. 6-12); il se sent l'objet du courroux de Dieu (LAMENTATIONS, chap.3, vers.1-12; cf. JÉRÉMIE, chap. 4, vers. 8-26); un joug pèse sur sa nuque comme celui que porta un jour le prophète (LAMENTATIONS, chap. 3, vers. 15; cf. JÉRÉMIE, chap. 27, vers. 2 et suivants), sa misère a goût d'absinthe (LAMENTATIONS, chap. 3, vers. 15; cf. JÉRÉMIE, chap. 9, vers. 14 et chap. 23, vers. 15); il a perdu paix et bonheur (LAMENTATIONS, chap. 3, vers. 17; cf. JÉRÉMIE, chap. 20, vers. 9); il est la risée de tous (LAMENTATIONS, chap. 3, vers. 14; cf. JÉRÉMIE, chap. 20, vers. 7); il a l'impression que sa colère ne suscite aucun écho dans les cieux (LAMENTATIONS, chap. 3, vers.8; cf.JÉRÉMIE, chap.17, vers. 17); ses yeux ne cessent de verser des larmes sur le malheur de la fille de.Sion. (LAMENTATIONS, chap. 3, vers. 48-51; cf. JÉRÉMIE, chap. 14, vers. 17; chap. 8, vers. 23; chap. 13, vers. 17).

De cette nuit obscure jaillit cependant, au milieu de la troisième lamentation, un chant d'espoir et d'apaisement. Un peu comme Job (chap. 38, vers. 1) qui reçut la réponse divine «au sein de la tempête» sans que celle-ci s'apaisât pour autant, la «Vierge d'Israël» qui s'épanche à travers l'élégie perçoit que subsiste quelque chose quand tout semble perdu: «Non, les miséricordes de Yahvé ne sont pas épuisées... Sa compassion est neuve chaque matin...» (LAMENTATIONS, chap. 3, vers. 21 et suivants). Chaque lever du soleil au terme d'une nuit dont rien ne laissait pressentir le terme, si ce n'est l'expérience séculaire des hommes, est une nouvelle preuve de l'inépuisable et insondable richesse du coeur de Dieu. Alors les conclusions s'imposent. Elles s'énoncent en des formules lapidaires qui constituent l'essentiel du message permanent qu'il adresse, à travers les siècles, pour illuminer les «nuits» de chacun: «Yahvé est ma part... Yahvé est plein de bonté pour l'âme qui le cherche... Il est bon d'attendre en silence le salut de Yahvé.

Dom J. GOLDSTAIN

©  En ce temps-là, la BibleNo 64 pages I-II.


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LES GRANDS THÈMES DE L'ÉVANGILE DE LUC


Dans l'«Histoire de la spiritualité chrétienne», le R.P. Bouyer relève que la véritable originalité de Luc, mis à part les traits de sa psychologie personnelle qui se reflètent directement dans son oeuvre, tient dans la constance de trois grands thèmes: la pauvreté, la prière et le don de l'Esprit. Pour nos lecteurs, l'auteur tire ici de son ouvrage les remarques essentielles qui amènent à cette conclusion. 

Ainsi qu'il le dit dans son prologue à Théophile, ce «Grec» à qui l'on doit le troisième évangile a voulu se familiariser avec les milieux mêmes où le Christ avait vécu et s'était exprimé, Il n'y a pas seulement fait provision de documents. Il s'y est imprégné de ce qu'on peut appeler la spiritualité chrétienne la plus primitive, encore tout apparentée à la spiritualité des milieux juifs apocalyptiques.


La pauvreté

De là, tout d'abord, ce qu'on a appelé son «ébionisme» (*). Pour lui, la pauvreté volontaire, celle des juifs pieux nui ont tout misé sur la réalisation imminente de l'espérance eschatologique, reste la condition fondamentale pour l'accession au règne de Dieu. Lui qui a si peu de goût pour les formules violentes, il a conservé aux béatitudes la forme abrupte qui a paru trop brutale à Matthieu lui-même. Non seulement Jésus, d'après Luc, a béni les pauvres, sans autre explication, mais il a doublé quatre béatitudes, commençant par celle-là qui résume toutes les autres, de quatre malédictions opposées, la première étant un catégorique: «Malheur à vous, les riches!.. » (chap. 6, vers. 24). Seul il rapporte, sans atténuation, les paroles de Jésus: «Vendez vos biens et donnez-les en aumônes» (chap. 12, vers. 33) et ceci, qui va plus loin encore

«Quiconque parmi vous ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple» (chap. 14, vers. 33).

Bien entendu, sa délicatesse a bronché sur le mot, gardé par Matthieu, touchant les eunuques volontaires (MATTHIEU, chap. 19, vers. 12), mais il s'est rattrapé en mettant, et par deux fois, l'épouse au nombre des biens dont l'abandon est nécessaire au parfait disciple (MARC, chap. 14, vers. 26; chap. 18, vers. 29).


La prière

Pour Luc, cette «pauvreté», comme pour les juifs de Qumrân, ou, mieux encore, pour la Vierge Marie, le vieillard Siméon et la prophétesse Anne, est le support d'une foi totale, absolue en la parole de Dieu. Cette foi, c'est dans la prière perpétuelle que se trouve son expression par excellence, toujours suivant la ligne la plus pure et la plus exigeante du judaïsme palestinien au premier siècle. Luc souligne comment la prière instante, la prière inlassable, se fonde sur une certitude invincible que le coeur de Dieu n'est que miséricorde: c'est la parabole de l'ami qui n'hésite pas à aller trouver son ami de nuit, alors que celui-ci repose avec les siens, pour lui demander un service urgent, et qui l'obtiendra en effet (chap. 11 , vers. 5-8). C'est la parabole plus étonnante encore du juge inique, que l'opiniâtreté de la veuve arrive à vaincre (chap. 18, vers. 1-8): affirmation paradoxale que la prière peut tout.

Mais, plus remarquable que les enseignements positifs qu'il met dans la bouche de Jésus, est l'insistance de Luc sur la prière dont Jésus a donné l'exemple. Nul évangéliste, sauf saint Jean, ne le montre aussi souvent en prière. Qui plus est, sans cesse Luc jalonne son récit des mentions de l'action de grâces que le passage de Jésus provoque. Rien de plus remarquable à cet égard que les hymnes de Zacharie, de Marie, des anges, de Siméon, qui répondent aux grandes annonciations initiales.


L'Esprit saint

Ce lyrisme sacré apparaît comme le fruit de l'Esprit, lequel occupe chez Luc une place sans analogue. Dans son évangile de l'enfance, l'Esprit intervient sans cesse: l'Ange promet que Jean le possédera (chap. 1, vers. 15), qu'il descendra sur Marie (chap. 1, vers. 35). Il est en Élisabeth à la Visitation (chap. 1, vers. 41), et en Zacharie à la naissance du Précurseur (chap. 1, vers. 67). De même en Siméon, le vieillard qui accueillera Jésus au Temple (chap, 2, vers. 25 et 27). Jésus à plus forte raison en est rempli dès son baptême (chap. 4, vers. 1). C'est l'Esprit qui le pousse au désert, puis vers les hommes (chap. 4, vers. 14). Il ouvre la bouche à Nazareth pour citer Isaïe (chap. 6), vers. 1: «L'Esprit du Seigneur est sur moi.» Au moment capital de prononcer la grande bénédiction pour l'intime union du Père et du Fils, qu'on a appelée l'aérolithe johannique dans les synoptiques, Jésus exulte dans l'Esprit (chap. 10, vers. 21). Plus caractéristique que tout cela est peut-être la parole que Luc met dans la bouche du Sauveur, lui faisant dire qu'à ceux qui prient Dieu donnera l'Esprit saint (chap. 11 , vers. 13) ; dans un texte parallèle, Matthieu promet seulement «de bonnes choses» (MATTHIEU, chap. 7, vers. 11 ). Enfin, la promesse ultime de Jésus quittant les siens n'est-elle pas de leur envoyer l'Esprit (chap. 24, vers. 49 , cf. Actes des apôtres, chap. 1, vers. 4)?

par le R. P. Louis BOUYER de l'Oratoire

© En ce temps-là, la Bible No 79


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UN LIVRE DE MISÉRICORDE ET DE JOIE


LE troisième évangile est attribué à saint Luc par la tradition unanime. Il se présente comme un confluent de sources nombreuses: non seulement l'auteur a bénéficié de compositions antérieures plus ou moins complètes, mais il a connu les évangiles de Matthieu et de Marc; en outre, pour ce qui lui appartient en propre, il apparaît bien qu'il ait mené une enquête serrée auprès de certains «témoins oculaires»: on pensera à bon droit à la Vierge elle-même, à la famille de Jean-Baptiste, aux femmes qui ont suivi Jésus durant sa vie publique. À cet apport s'ajoute ce que vaut à Luc un contact prolongé avec saint Paul: l'apôtre a déterminé chez lui une mentalité universaliste, particulièrement sensible dans certaines pages de son évangile. Il en résulte une oeuvre qui, tout en gardant les caractères fondamentaux de la «Bonne Nouvelle», revêt certains traits originaux. On en relèvera trois.

Jésus est venu pour les pécheurs. Il est en relations constantes avec eux, il agit envers eux avec bonté, il rappelle la miséricorde et la patience de Dieu à leur égard. Et il ne s'agit pas seulement des Juifs: les païens eux-mêmes peuvent avoir confiance, car Dieu ne leur en veut pas d'être restés si longtemps loin de lui; le Père aura toujours les bras ouverts pour accueillir l'enfant prodigue. L'évangile de Luc comporte précisément un groupe de récits qu'on appelle les «paraboles de la miséricorde».

La «Bonne Nouvelle» rayonne la joie. Car la venue du Messie n'apporte ni ennui ni tristesse, mais bien l'épanouissement de l'homme. L'Esprit saint, qui a consacré Jésus pour sa mission, est à l'origine de la proclamation du message: «Un sauveur vous est né.» Et il répand la joie chez tous ceux qui vivent dans l'intimité de Jésus. Aussi, dès le début, Luc place-t-il sur les lèvres de la Vierge les accents joyeux du Magnificat, et Jean-Baptiste tressaille-t-il d'allégresse dans le sein de sa mère. Durant la vie publique du Christ, les disciples envoyés en mission reviennent dans la joie et Jésus n'hésite pas à parler de la joie du ciel pour un pécheur qui retourne à Dieu.

Enfin une large place est faite à la femme dans le récit évangélique. Nombreuses sont celles que l'on rencontre en feuilletant les pages de l'ouvrage. Voici Marie, la Vierge, toute de grâce et de délicatesse, comme l'a peinte un Fra Angelico; à côté d'elle Élisabeth, qui l'accueille en sa maison d'Aïn-Karim; la vieille Anne, qui ne tarit pas d'éloges sur l'enfant qu'elle vient de croiser au Temple; les soeurs de Lazare aux tempéraments si opposés. Luc encore a gardé les noms des femmes qui aidaient le groupe apostolique: Madeleine, Jeanne et Suzanne; il a pourtant préservé l'anonymat de celle qui parfuma les pieds de Jésus au cours du repas chez Simon.

Voilà qui contribue à renforcer le caractère pleinement humain de ce livre rédigé par un «gentil», le seul des quatre évangélistes qui ait été païen de naissance, et que beaucoup considèrent comme le plus accessible aux hommes de notre temps.

J. DHEILLY

Professeur à l'Institut catholique de Paris

© En ce temps-là, la Bible No 78


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MARC EST AUSSI LE PLUS SPONTANÉ DES TÉMOINS


Nos lecteurs savent que Marc tient beaucoup plus aux moyens qui lui permettent de transmettre un message direct qu'à l'élégance du style qui porte sa pensée. À première vue, son récit paraît parfois gauche, maladroit, tantôt obscur à force de concision, tantôt redondant et prolixe; ici surchargé de détails inutiles, là silencieux sur des points importants; il arrive que la phrase soit coupée d'une incise explicative (chap. 6, vers. 14-16; chap. 7, vers. 18-19 ou 25-26; chap. 13, vers. 10-14; chap. 14, vers. 36) nu qu'à l'inverse elle s'achève brusquement en une chute pleine de sens (chap. 5, vers. 23; chap. 6, vers.8-9; chap. 11, vers. 32; chap 12, vers. 40). Les pages qui suivent complètent ce «second» évangile dont saint Augustin et après lui Bossuet considéraient l'auteur comme «le plus divin des abréviateurs». En possession du texte complet, on s'apercevra qu'en fait il est au contraire, des trois synoptiques, le seul à n'abréger jamais en tout cas les scènes, les événements et les dialogues qu'il rapporte. Quelques exemples montreront qu'il vaut de l'apprécier par soi-même tout au long des seize chapitres de l'ouvrage.

Malgré la pauvreté de son vocabulaire, Marc sait toujours trouver le mot qui rend toute la spontanéité de l'action ou la fraîcheur de l'image. Parle-t-il du regard de Jésus? Il «se promène» sur l'assistance ou inspecte «tout autour de lui» (chap. 3, vers. 5, 34; chap. 5, vers. 32; chap. 10, vers. 23; chap. 11. vers. 11). Des cieux d'où tombe la divine Parole? Ils «se fendent» (chap. 1, vers. 10) alors qu'ils «s'ouvrent» chez Matthieu...

Marc retient toujours le détail, la nuance qui touche à coup sûr. Sans doute tient-il beaucoup de Pierre dans le sillage de qui il vécut, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'il fut, non certes au nombre des Douze, mais parmi les disciples, lui-même témoin plus ou moins proche de nombreux épisodes. Seul, il se souvient que Jésus a désigné du nom de petite fille l'enfant qu'il allait ressusciter (chap. 5, vers. 41) et, seul, il entend des parents éplorés s'écrier: «Ma petite fille est au plus mal» (chap. 5, vers. 23 et chap. 7, vers. 25). Il est aussi le seul à signaler les autres barques qui accompagnent celle du Christ; le coussin sur lequel il dort à la poupe (chap. 4, vers. 36, 38), le bout d'oreille que Pierre tranche au serviteur du grand prêtre (chap. 14, vers. 47).

Les précisions concernant le temps ou l'espace accusent la vigueur du souvenir, qu'il soit personnel ou enregistré, du témoignage de Pierre: le soir venu, lorsque fut couché le soleil (chap. 1, vers. 32); au matin, encore en pleine nuit (chap. 1, vers. 35).

En expliquant comment le figuier en feuilles annonçant l'été est à l'image des signes avant-coureurs du dernier jour, Marc ajoute: «Comprenez qu'il est proche, à vos portes» (chap. 13, vers. 29). La hâte d'Hérodiade à obtenir la tête du Baptiste est soulignée: «à l'instant» (chap. 6, vers. 25).

On entend chez lui mieux qu'ailleurs certains propos des interlocuteurs du Christ; ainsi du préambule à la question concernant le tribut à rendre à César (chap. 12, vers. 14), et qui, à travers le piège de la flatterie sans doute, trahit le dépit qu'ont ses adversaires de ne rien avoir à reprocher jusqu'ici à Jésus.

Des séquences singulièrement pittoresques s'animent aux yeux du lecteur: ainsi des quatre hommes qui transportent un paralytique (chap. 2, vers. 3-4) ou de ce même paralytique, guéri, qui prend son grabat devant tout le monde (chap. 2, vers. 12); du possédé de Gérasa qui vit parmi les tombeaux jour et nuit et passe son temps à pousser des cris et à se meurtrir avec des pierres (chap. 5, vers. 5); de Jésus qui prend les enfants dans ses bras avant de les bénir comme il est dit dans les autres évangiles (chap. 10, vers. 16); ou encore de l'aveugle à la sortie de Jéricho, qui crie d'autant plus qu'on veut le faire taire, est finalement appelé par le Sauveur et auquel un dit alors: «Courage! Lève-toi! Il t'appelle!» (chap. 10, vers. 49-50)... Autant de petits chefs-d'oeuvre de vivacité.


L'observateur sensible au pittoresque est de plus psychologue

Au-delà des attitudes extérieures, Marc est capable de pénétrer et d'évoquer dans un langage juste les sentiments de ses personnages. Il montre le Maître regardant avec colère les fourbes scandalisés de le voir guérir un jour de sabbat profondément attristé de l'endurcissement de leur coeur (chap. 3, vers. 5). Et lorsque Jésus annonce pour la première fois son destin tragique, l'évangéliste ajoute qu'il tenait ce langage avec assurance (chap. 8, vers. 32). Les traits psychologiques abondent en ce qui concerne le Christ: son irritation (chap. 1, vers. 43; chap. 8, vers. 12; chap. 10, vers. 14), sa tendresse (chap. 9, vers. 36; chap. 10, vers. 16 et 21). Le Maître, chez Marc, apparaît conditionné par son environnement: au point de ne pouvoir faire aucun miracle s'il se sent en milieu hostile (chap. 6, vers. 5); Matthieu chap. 13, vers. 47) disait seulement qu'il n'en fit pas alors beaucoup.

Le jeune homme riche ayant provoqué la sympathie du Christ, nous lisons que celui-ci l'aima; et constatant a recul de l'appelé devant les exigences du renoncement total, Marc relève très judicieusement: car il avait de grands biens (chap. 10, vers. 21-22). Lors de la troisième annonce de la Passion enfin, il traduit fort bien l'atmosphère d'angoisse qui pèsera sur la marche à la mort vers la cité «sainte»: «Ils étaient en chemin, montant à Jérusalem; Jésus marchait devant eux. Ils étaient profondément troublés et ceux qui suivaient avaient pour...» (chap. 10, vers. 32 et suiv.).

Le milieu où évoluent les protagonistes, les «petits rôles», voire les «figurants», n'est pas abandonné aux locutions neutres: Les foules accourent (chap. 9, vers. 24), pressent Jésus (chap. 5, vers. 24 et 31), elles l'entourent et l'assiègent (chap. 2. vers. 4; chap. 3, vers. 32), le bousculent (chap. 3, vers. 10), au point qu'un n'a même plus le temps de manger, remarque une fois l'évangéliste (chap. 3, vers. 20)!

Les démons crient, hurlent, supplient (chap. 1, vers. 26; chap. 5, vers. 7-13). L'effroi et la stupeur saisissent les témoins des actes prodigieux accomplis par le Christ (chap. 4, vers. 41; chap. 5. vers. 42). Mais les siens veulent se saisir de lui estimant qu'il s'égare, qu'il a perdu le sens (chap. 3, vers. 21). On comprend, on entend, on voit la vie de tout ce monde.

Certains passages laissent même percer une pointe d'humour. Celui par exemple où les Géraséniens, craignant pour leurs troupeaux, prient Jésus de quitter leur territoire après l'aventure des porcs noyés dans le lac (chap. 5, vers. 14-17); ou encore celui où, avec une insistance dont Luc qui est médecin (Épître aux Colossiens, chap. 4, vers. 14) se garde bien, Marc souligne l'inefficacité des hommes de l'art dans le cas de l'hémorroïsse, et surtout le fait qu'à se remettre en leurs mains, la malade avait dépensé tout son avoir tandis que son état empirait (chap. 5, vers. 26).

Tout est dit sans que le lecteur ait le temps de souffler, au rythme de l'existence que mène le Christ, vie harassante qui ne connaît pas de répit. Les épisodes s'enchaînent, hâtivement liés, qui entraînent d'un pas rapide vers le dénouement suprême.

Peut-être est-ce une chance que Marc ait si peu apprêté sa rédaction. Chez lui le goût de la synthèse pas plus que la rhétorique ne sont venus retoucher les splendides aspérités du témoignage primitif. Les imperfections du récit et de la langue font mieux ressortir l'originalité du témoin. L'art aurait peut-être tout gâté. De ce point de vue Marc est le plus précieux des trois synoptiques.

Dom J. GOLDSTAIN

© En ce temps-là, la Bible No 77


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LE 4 ÉME LIVRE DU PENTATEUQUE. COMPLEXE, MAIS D'UNE PRÉSENTATION FORT VARIÉE

La désignation courante du quatrième livre du Pentateuque, aritmoï en grec, numeri en latin, NOMBRES en français, n'est pas originelle; elle vient du traducteur grec, qui a sans doute voulu ainsi souligner la dominante extérieure de l'ouvrage: les précisions numériques visant les différents recensements du peuple, la matière des sacrifices, les temps exigés par la liturgie, les dimensions du territoire des tribus.

On n'oubliera pas ce qui a été dit pour la composition générale du Pentateuque. 

On retrouve ici en effet les documents de base qui constituent les sources yahviste (IX. s. av. J.-C.) et élohiste (VIII. s. av. J.-C.). On pensera aussi aux cercles sacerdotaux de l'exil qui ont retravaillé ces données anciennes à la lumière des prophéties d'Ezéchiel donnant ainsi une première édition globale de ce livre que nous appelons les Nombres (VIe s. av. J.-C.). Une seconde et dernière édition a été faite à l'époque d'Esdras (IVe s. av. J.-C.).

Aux yeux du lecteur moderne non averti n'apparaît pas de lien bien logique entre les éléments fort différents qui composent le texte que nous lisons aujourd'hui. À la base il y a des événements historiques visant la période comprise entre l'étape du Sinaï et le séjour aux plaines de Moab. Des codes législatifs ont trouvé là leur point d'insertion, ce qui peut être déjà déroutant: enfin le rédacteur sacerdotal a sans doute voulu sauvegarder les traditions anciennes et souvent s'est contenté de les juxtaposer. Seuls les spécialistes peuvent tenter d'y voir clair.

Mais pour tous, si les textes législatifs apparaissent dans leur austérité didactique, avec leur technicité et leurs répétitions, les textes narratifs sont généralement fort attachants. Certes, ils mentionnent des événements qui appartiennent au tissu historique de la vie d'Israël, mais la présentation en est variée.


Un mélange de prose et de poésie.

La révolte de Coré (chap. 16) est un des nombreux incidents de ce genre qui marquèrent le séjour au désert et que l'on a déjà rencontrés au livre de l'Exode: le refus d'Edom de laisser passer Israël sur son territoire (chap. 20) est non moins vraisemblable. Mais la conquête de la Transjordanie (chap. 21-24) mérite de retenir l'attention. Il y a là un mélange de poésie et de prose, où l'on trouve des éléments qui remontent bien au début de la conquête.

Quant au récit de l'intervention du devin Balaam, il témoigne d'un travail littéraire important: on se contentera de noter le genre littéraire dit populaire qui permet de faire parler une ânesse, et, au chapitre 24, la relecture discrète d'un vieux texte et son application à la dynastie de David (spécialement au verset 17).

Dans un autre domaine il faudrait relever enfin l'état défectueux du texte actuel lui-même à certains endroits. On a ainsi beaucoup souligné la disproportion entre les deux coups de baguette donnés au rocher par Moïse et la punition qui lui est infligée: ne pas entrer dans la Terre promise (chap. 20).

Un assez grand nombre d'auteurs pensent que le verset 12 a sa place ailleurs: au chapitre 14: son déplacement expliquerait, ici du moins ce qui fait obstacle à la réflexion de l'homme moderne.

© En ce temps-là, la Bible


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LA SECONDE ÉPÎTRE DE PIERRE



1.) INTRODUCTION:

II Pierre 1: 1 -2

A.) L'AUTEUR:

«Simon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus-Christ...», v. l:

– Simon: nom de naissance de l'apôtre, vient en premier et rappelle la grâce de Dieu qui cherche et sauve ce qui est perdu, transforme des hommes sujets à la faiblesse, de lâches renégats en témoins courageux.

– Pierre: serviteur et apôtre de Jésus-Christ, n'oublie pas ce qu'est Simon, fils de Jonas. Il s'adresse à des hommes qui, étant tentés, peuvent tomber, mais étant tombés peuvent être rétablis, comme il l'a été lui-même, par le Seigneur Jésus-Christ. Rétabli spirituellement et moralement; plus encore: rétabli dans une charge au sein de l'Église. Cf. Jean 1: 42; Luc 22:31-34, 54-62; Jean 21: 1 5-19.


B.) LES DESTINATAIRES:

II Pierre 1: 1 b 

– Comme dans sa première épître, Pierre s'adresse ici aux croyants dispersés en Asie Mineure, Cf. l Pierre 1:1 et Il Pierre 3:1.

– Ils ont reçu la foi, don de Dieu, d'un prix infini, puisque son fruit est la vie éternelle; «une foi du même prix que la nôtre», car elle comporte les mêmes effets. Notons l'humilité de Pierre qui ne se prévaut ni de sa qualité d'apôtre, ni de celle de témoin oculaire de la vie et du ministère du Seigneur. Cf. l Cor. 1:30-31, où le «bien-aimé frère Paul» (II Pierre 3:15-16) exprime cette même vérité.


C.) LA NATURE ET LE BUT DE SES ÉCRITS:

a.) Nature: Les épîtres de Pierre appartiennent au groupe d'épîtres dites générales (ne s'adressant pas à des Églises distinctes).

Ce sont des épîtres expérimentales: nature pratique, et en relation étroite avec les expériences antérieures de Pierre.

Dans sa première lettre, celui qui s'était autrefois insurgé contre la souffrance (Cf. Mat. 1 6: 21 -23), montre que le serviteur est appelé à passer par le chemin de souffrance dont le Maître a laissé l'exemple.

Dans sa deuxième lettre, celui qui n'avait pu veiller une heure avec son Sauveur dans le jardin de Gethsémané, et l'avait ensuite renié devant les hommes, insiste sur la nécessité de la vigilance.

b.) But Ces deux épîtres, écrites à la fin de la vie d'un apôtre prêt au martyre, ont un but semblable: affermir des croyants dispersés parmi les populations païennes de l'Asie Mineure et exposés à la tribulation, les exhorter à la vigilance en les prévenant des dangers spirituels et moraux qui les guettent, selon l'ordre du Seigneur en Luc 22:32.


D.) LA SALUTATION:

II Pierre 1:2

– L'apôtre exprime un voeu: «Que la grâce et la paix vous soient multipliées», mais aussi le moyen de le voir exaucé: «Par la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur». Il s'agit ici de la «pleine connaissance» de Dieu et de Jésus, la connaissance du coeur.

– Notons que la seule foi valable est celle qui confesse Jésus venu en chair et fait Seigneur par Dieu le Père, Cf 1 Jean 2:22-23; mais remarquons, selon ce dernier texte, que la négation du Sauveur et de son oeuvre conduit à la ruine et au châtiment. II Pierre 2:1 le confirme.


E.) LE PLAN DE L'ÉPÎTRE

L'épître se divise en trois parties, correspondant aux trois chapitres.

– Le chapitre premier montre comment le croyant, en vertu même de l'abondance de la grâce, doit tendre à progresser dans sa vie chrétienne. Le devoir de Pierre consiste à tenir en éveil les enfants de Dieu. L'autorité de son témoignage se fonde sur ce qu'il a vu de la majesté de Jésus-Christ, la transfiguration confirmant elle-même l'inspiration divine de la parole des prophètes.

– Le chapitre deux est une révélation de la nature des dangers qui menacent l'Église: faux docteurs, hérésie, corruption morale. Si Dieu sait délivrer les justes, il sait réserver les injustes pour être punis au jour du jugement.

– Le chapitre trois censure les moqueurs qui nient l'avènement de Jésus-Christ et la fin du monde. Pour les croyants, la certitude de ces événements est un stimulant de leur vigilance et une incitation constant à croître dans la grâce et dans 1a connaissance de Celui qui revient.


II.) LES RESSOURCES DE LA GRÂCE DIVINE:

II Pierre 1: 3-11

A.) INTRODUCTION:

– Le thème du chapitre premier s dégage nettement de ces huit versets. L'apôtre montre comment le croyant, en vertu même de l'abondance de la grâce, doit tendre progresser dans sa vie chrétienne Cf. l'enseignement admirable d'équilibre de Paul dans l'épître aux Romains: après avoir affirmé que «là où le péché a abondé, la grâce a surabondé», Rom.5:20 l'apôtre prévient l'abus de la grâce et ajoute aussitôt: «... Demeurions-nous dans le péché, afin que la grâce abonde? Loin de là!.. Rom.6:1-2. La grâce de Dieu est au contraire, le stimulant le plu puissant de la sanctification

L'apôtre Jean confirme cette vérité: «... Quiconque a cette espérance en lui se purifie, comme lui-même est pur», Cf. l Jean 3:2-3.

– les versets 3 à 11 se divisent en deux parties bien distinctes:

versets 3-4: les ressources divines surabondantes de Celui qui nous a appelés.

versets 5-11: la responsabilité du croyant dans l'exploitation de ces ressources pour échapper à la corruption du monde, vaincre convoitise et affermir sa vocation en Christ.

Le lien de pensée est lumineux: puisque vous avez tout à votre disposition pour vaincre, il vous faut vaincre et non être vaincus. Avec le vouloir, Dieu accorde le pouvoir à ceux qui laissent le champ libre au Saint-Esprit, Cf. Poil. 2: 12-16.


B.) LES RESSOURCES DIVINES SURABONDANTES DE CELUI QUI NOUS A APPELÉS

v. 3-4:

– La «divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété»: D'emblée l'apôtre nous place devant un don gratuit, total, suffisant. En Christ, nous

sommes comblés, Cf. Col. 2: 9-10. L'Écriture place la vie spirituelle avant la piété, car la piété est la manifestation de cette vie intérieure de l'âme qui a sa source en Dieu. Cette vie est dans Son Fils et celui qui a le Fils a la vie, Cf. I Jean 5:II-12.

Mais cette vie nouvelle s'exprime, Cf. II Cor. 4:13. L'apôtre Paul en est l'exemple vivant: quelques jours après sa rencontre avec Jésus sur le chemin de Damas, il «prêcha dans les synagogues que Jésus est le Fils de Dieu», Actes 9:20.

– Comment cette vie nous est-elle donnée? «... Au moyen de la connaissance de Celui qui nous a appelés par sa propre gloire et par sa vertu...», verset 3 b. Cf. l Jean 5:12, Jean 14:6.

– Non seulement tout est en Lui, mais tout vient de Lui. Il nous a aimés le premier. Il a pris l'initiative de notre salut. De notre côté, nous n'avons fait que répondre à l'appel de Sa grâce. La perfection de Ses oeuvres et de sa force nous assurent de sa part les plus grandes et les plus précieuses promesses.

Ces promesses ont trouvé leur accomplissement à Golgotha où quelque chose de définitif s'est passé à l'égard du péché, du monde et du diable, Cf. II Cor. 1:20.

– Ces promesses accomplies renferment toute l'oeuvre de la grâce, de son commencement à son aboutissement. Reçues dans nos coeurs par la foi, elles nous unissent à celui qui les a accomplies et nous rendent participants de la nature divine, Cf. Jean 1: 11-13, Cal. 3:26-27.

D'autre part, régénérés par la semence incorruptible de l'Évangile, nous ne succombons pas à la corruption qui a son siège dans notre propre convoitise. Unis à Celui qui est la vie, la vérité, la paix, la joie, l'amour, la justice, nous fuyons cette corruption qui existe dans le monde et triomphe de ceux qui refusent de croire au Fils de Dieu. Cf. l Jean 3:9 et II Pierre 2:14.


C.) LA RESPONSABILITÉ DU CROYANT DANS L'EXPLOITATION DE CES RESSOURCES

v. 5-11

– «À cause de cela même...» verset 5: cette expression souligne le lien de cause à effet entre ressources divines et responsabilité du croyant à leur égard.

La surabondance de la grâce engage ma responsabilité et devient le mobile premier de ma séparation d'avec le péché, de mon refus de l'oisiveté, de la passivité et de la stérilité. Autant il est certain qu'en dehors de la vie de Dieu les choses ne peuvent qu'empirer, autant il est normal que le chrétien croisse dans la grâce et la connaissance de Dieu. Méditer II Tim. 3: 10-13 et Apoc. 22:10-12.

– La foi est le don initial, la racine de la vie chrétienne. Cette vie de la foi, Dieu veut l'entretenir et II le fait si je me soumets à Ses appels, Ses avertissements, Ses exhortations. De plus, la vraie foi engendre des oeuvres qui attestent sa réalité. Cf. II Pierre 1: 5-1 1 et Jacques 2: 14-26.

– Avec la foi, «produisez» donc la vertu, c'est-à-dire la force d'âme, le courage chrétien qui affrontent la difficulté et l'épreuve.

Avec le courage, recevez la science, le discernement de votre devoir et, exerçant la maîtrise de vous-même, de vos réactions (la tempérance) supportez avec patience ce qui vous est contraire. Maintenez cette attitude en regardant à Dieu que vous craignez et respectez: la piété vous aidera à rester dans l'amour fraternel, mais aussi à faire preuve de charité à l'égard de tous les hommes.

– Ou bien la foi est agissante et les progrès sont là (verset 8), ou bien la foi est passive et le développement normal du chrétien est arrêté (verset 9). Au lieu de la clairvoyance c'est la myopie, au lieu de la tempérance la faiblesse devant les passions, au lieu de la sanctification la tolérance d'anciens péchés qui reprennent du terrain, toutes choses qui affaiblissent sa vocation. Or, cette vocation est l'effet et la preuve de l'élection (Cf. verset 10). Notre persévérance prouve notre élection et la foi se fortifie en proportion de notre fidélité. Mais elle s'affaiblit et s'obscurcit dans la désobéissance.

– Appliquons-nous donc à affermir notre vocation et notre élection, verset 10. Lisons la Parole, mettons-la en pratique. Veillons et prions afin de ne pas tomber en tentation. Fixons les regards sur Celui qui nous a délivrés de la culpabilité et de la puissance du péché. Confessons le Seigneur devant les hommes. Et courons dans la carrière qui nous est ouverte.

– Alors nous pouvons être assurés qu'en faisant ainsi, l'entrée dans le royaume éternel nous sera pleinement, litt. richement accordée, verset 11. (Cf. par contraste, Lot en Gen. 1 9: 16 et 1 Cor. 3: 1 0-1 5).

Jean-Jacques Dubois


La Bonne Nouvelle 4/92

 

2 ème partie

III.) L'ÉPANOUISSEMENT DE LA FOl VERS LE BUT FINAL

II PIERRE 1: 12-21

A.) PIERRE REGARDE COMME UN DEVOIR LE FAIT DE TENIR LES CROYANTS EN ÉVEIL PAR DES AVERTISSEMENTS

II Pierre 1:12-15

– Connaissant la faillibilité et la vulnérabilité du chrétien, Simon Pierre n'estime pas superflu de répéter des choses sues. Il n'oublie pas son expérience d'autrefois en Gethsémané, Mat. 26:36-41, ni le reniement qui suivit. cf. l Cor. 10:12.

– L'apôtre écrit à des croyants dispersés au sein des païens; affermis dans la vérité présente, c'est-à-dire celle de l'Évangile. Fondés sur Christ, ils sont appelés à persévérer en Christ, à triompher des dangers spirituels et moraux qui les entourent. L'humilité et la vie d'étroite dépendance de Dieu sont leur protection. N'ayant pas encore remporté le prix, ni atteint la perfection, il leur reste à courir pour tâcher de le saisir, cf. Phil. 3:12. Seuls ceux qui se croient déjà au but ne peuvent plus faire aucun progrès!

– Jusqu'à son martyre très proche, l'apôtre ne cessera pas d'inciter à la vigilance ses frères en la foi, versets 13 et 14. Plus que cela, sa vocation laissera des traces, des fruits après l'extinction de sa vie physique. cf. le verset 15, qui peut confirmer la thèse généralement admise, que Marc a transcrit, dans l'Évangile qui porte son nom, les souvenirs que Pierre, témoin oculaire de la vie de Christ, lui communiqua.


B.) L'AUTORITÉ DU TÉMOIGNAGE APOSTOLIQUE

– Elle se fonde sur ce que Pierre a vu de la majesté du Seigneur, la transfiguration confirmant l'inspiration divine des prophètes, versets 16-21, cf. Marc 8:38 – 9:9.

– Plusieurs passages de l'Écriture nous montrent que Pierre a une haute conscience de sa qualité de témoin oculaire de la vie de Jésus jusqu'à son ascension glorieuse. cf. Actes 1: 2 1 -22; 10:39-43. Luc, au début de son Évangile, l'auteur de l'épître aux Hébreux et l'apôtre Jean insistent également sur le caractère unique du témoignage transmis par «ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement et sont devenus des ministres de la Parole», cf. Luc 1:1-4; Héb. 2:1 -4; 1 Jean 1: 1-4. La concordance et la solidité de leur témoignage devraient faire réfléchir ceux qui ne reconnaissent pas de réalité historique à l'Évangile.

– Les avertissements de Pierre ne sont pas des paroles en l'air. Il se réfère à des faits: la glorieuse transfiguration de Jésus-Christ, à laquelle il assista, fut un présage et un gage de l'avènement du Seigneur.

Non seulement il vit de ses propres yeux la majesté du Fils de Dieu, mais encore il entendit la voix du Père rendre témoignage à ce Fils bien-aimé. Quel homme oserait mettre en doute ce témoignage? cf. l Jean 5:9-10.

– La puissance et l'avènement du Seigneur sont l'un des pôles de la révélation prophétique, cf. l Pierre 1: 10-21.

La manifestation anticipée de cette gloire (la transfiguration) rendit cette parole prophétique encore plus certaine à l'esprit de ces témoins oculaires. Il était donc bien de lui prêter d'autant plus attention, verset 19, et de réfuter les moqueurs, cf. II Pierre 3:4.

Cette lampe de la parole prophétique brille dans l'obscurité de ce monde. elle éclaire notre sentier et nous permet de marcher droit jusqu'à l'apparition du jour, c'est-à-dire, jusqu'au moment où se lèvera le soleil de la justice, cf. Mal. 4:1-2.

Dieu a déjà fait briller la lumière dans nos coeurs depuis que nous sommes venus à Christ. Bientôt l'espérance et la réalité se confondront. L'étoile du matin se lèvera invinciblement dans nos coeurs quand le rejeton de David descendra lui-même du ciel. La certitude et l'imminence de son avènement sont un appel pressant à marcher dans l'amour et la sainteté. cf. Rom. 13: 11-12. – Puisque l'apôtre vient de faire allusion, verset 16, à ceux qui s'attachent à des fables plutôt que de prêter attention à la parole prophétique, il éprouve le besoin de conclure ce premier chapitre par deux affirmations capitales. La première concerne l'interprétation de l'Écriture et la deuxième son inspiration.

L'interprétation de l'Écriture ne doit pas être soumise au jugement humain qui varie d'un individu à un autre. L'Écriture procède de Dieu et non de l'homme. Ceux qui ont été des instruments de sa rédaction ont parlé de la part de Dieu, emportés par le souffle du Saint-Esprit, verset 20-21. Les prophètes ont écrit sous l'inspiration de l'Esprit et les lecteurs des prophètes ont besoin de l'illumination de l'Esprit pour interpréter correctement les prophéties. cf. Jean 16:12-14.


CONCLUSION

Pierre parle donc avec toute l'autorité d'un apôtre du Seigneur Jésus-Christ, d'un témoin de l'accomplissement des prophéties divines. L'autorité de son témoignage va peser de tout son poids face aux tromperies et aux menées des faux docteurs dont il dénonce les mauvaises oeuvres et annonce la ruine au chapitre 2.

La Bonne Nouvelle 5/92


3 ème partie

IV L'ATTITUDE QUE DOIVENT PRENDRE CEUX QUI ATTENDENT L'AVÈNEMENT DU SEIGNEUR

INTRODUCTION

– Tout le chapitre 3 converge vers un événement que les moqueurs nient et auquel les chrétiens croient et se préparent: l'avènement de Jésus-Christ. Plus de seize passages du N.T. en parlent, et tout un livre, l'Apocalypse, gravite autour de ce fait et des perspectives qu'il ouvre, glorieuses pour les enfants de Dieu, terribles pour «ceux qui ne connaissent pas Dieu et ceux qui n'obéissent pas à l'Évangile de notre Seigneur Jésus», cf. II Thess. 1:8. Lire Mat. 24:3; l Cor. 1 5:23: 1 Thess. 4:15-18; 5:23; II Thess. 2:1 – 8; II Tim. 4:8: 1 Jean 2:28.

– Contraste frappant entre les chapitres 2 et 3: l'accent de sévérité dont l'apôtre use à l'égard des impies fait place au ton affectueux de l'exhortation, adressée aux «bien-aimés». v. 1, 8, 14, 17. Nuance très importante pour l'intelligence du texte et que l'on retrouve dans Jude et Héb. 6:4-10. comme il est consolant de savoir que «le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent...», II Tim. 2:19, et qu'il ne se trompera sur le cas d'aucune créature au jour des rétributions, selon Rom. 2:7-8.

– Le chapitre 3 est composé de deux parties distinctes: v. 1-10: Censure des moqueurs qui nient l'avènement de Jésus-Christ. v. 11-18: Exhortation aux chrétiens à croître dans la connaissance de Christ, la perspective de l'avènement du Seigneur et de la fin du monde d'à présent étant le meilleur stimulant de leur vigilance.


l.) CENSURE DES MOQUEURS QUI NIENT L'AVÈNEMENT DE JÉSUS-CHRIST, v. 1-10

A.) Après la digression du chapitre 2 (cf. 1: 13 et 3:1), Pierre rappelle le but de ses deux lettres éveiller par des avertissements la saine intelligence des croyants.

– Il s'agit de cette intelligence spirituelle qui permet de discerner les choses les meilleures et de laisser de côté celles qui ne sont pas utiles, qui ne concourent pas à notre avancement dans la foi, cf. Phil. 1:9-11.

– Dans le fond, l'apôtre ne cherche pas à leur communiquer de nouvelles connaissances, mais à leur faire discerner les signes des temps et la volonté de Dieu. Au lieu d'aspirer à plus de connaissance, regardons si nous marchons d'une manière digne de la connaissance que nous possédons déjà. Seule une plus grande mesure d'obéissance ouvre légitimement la voie à l'augmentation de la connaissance. Ainsi, la connaissance conduit à la croissance, cf. Col. 1: 9-1 1.

– C'est en les ramenant sur le terrain de la parole des prophètes et des apôtres que Pierre éveille leur intelligence.

L'expression le «commandement du Seigneur et Sauveur, enseigné par vos apôtres» peut désigner l'ensemble de son enseignement ou son ordre particulier de veiller en attendant sa venue, cf. Mat. 24:33-35, 42-44.

– Répéter les mêmes choses aux mêmes personnes est une preuve d'amour, cf. Phil. 3:1. Le prédicateur ne prêche pas ce qu'il veut, mais ce qu'il peut, le message étant souvent limité par le niveau de connaissance et d'obéissance des auditeurs. Lire 1 Cor. 3:1-3.

B.) L'avènement du Seigneur est certain, même si les moqueurs le nient et se persuadent que les choses continueront sans changement. Ces gens repoussent la pensée de la mort, du jugement, de la fin d'un monde auquel ils se cramponnent.

L'argument n'est d'ailleurs pas nouveau, cf. Eccl. 8:11. Au lieu de voir dans la patience de Dieu une occasion de salut, ils Le défient par leur attitude, cf. Es. 5:18-25.

Mais cette dernière est de mauvaise foi. En effet, ils ignorent volontairement ce qui est arrivé au monde d'autrefois par le déluge. Or Dieu est le maître des éléments, puisqu'Il est le Créateur et que tout est venu à l'existence par le seul pouvoir de sa Parole, cf. Ps. 33:9; Gen. 1: 3; Job 34:13-14; Ps. 33:6; 104:29-30; Jean 1: 1-3; Héb. 1:2. Qu'il retire aux cieux et à la terre d'à présent le support de cette Parole créatrice et conservatrice, et voilà que s'amorcera la plus formidable désintégration cosmique préludant à la création de nouveaux cieux et d'une nouvelle terre, cf. v. 10-13. Dans un raccourci saisissant, Pierre embrasse tout le processus d'événements déclenchés par l'avènement du Seigneur et qui culmineront dans le jugement dernier et la fin du monde post-diluvien, cf. Apoc. 20:1 1 et 21: 1.

C.) Quant aux bien-aimés, leur devoir est de comprendre que pour le Dieu d'éternité, le temps ne compte pas. v. 8.

Ce qui paraît un retard n'est que l'effet de la bonté de Dieu, qui patiente, cf. Rom. 2:4-8. Si le passé nous pèse, si le futur nous remplit d'appréhensions réfugions-nous en Celui dont la bonté est éprouvée et qui demeure le même, Héb. 13:8, Ps. 90.


II.) LES CHRÉTIENS EXHORTÉS À CROÎTRE DANS LA GRÂCE ET DANS LA CONNAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST

– «Puis donc que toutes choses doivent se dissoudre, quels ne devez-vous pas être par la sainteté de la conduite et par la piété...»  Le monde (l'univers) actuel est réservé pour le feu, car il est de la justice et de la sainteté de Dieu de faire disparaître tout ce qui a été pollué par le péché.

Mais celui que nous attendons n'aura plus besoin d'être détruit, car la justice y habitera. Ce but ultime de l'oeuvre de Christ, l'état de félicité éternelle dans un univers de gloire, a été révélé aux prophètes, cf. Es. 65:17; 66:22. La gloire de cet état futur est telle qu'elle incite le croyant à s'y préparer en se séparant du mal, par amour pour Dieu. La patience de Dieu permet aussi à l'Église, à l'épouse de Christ, de se revêtir d'un fin lin, éclatant et pur, pour le jour des noces de l'Agneau, Apoc. 19:7-8; II Cor. II:1-2; Eph. 5:27: Jude 24. Paul et Pierre traitent de ce sujet délicat, l'avènement du Seigneur qui devient facilement la proie des ignorants qui tordent le sens des Écritures. Et en effet, que de sectes ont altéré les vérités qui s'y rattachent.

Le témoignage de Pierre à l'égard des lettres du «bien-aimé frère» Paul (il les place au rang des «autres Écritures») est très précieux si l'on pense à l'incident de Gal. 2:1 1-14: Dieu assure l'infaillibilité des écrits d'hommes faillibles!

– l'Épître se termine par un rappel à la vigilance, v. 17-18. Ceux qui sont avertis ne doivent pas subir l'influence des impies, mais rester fermes dans leur position spirituelle. Le secret de la victoire réside dans la croissance, car celui qui n'avance pas recule. Dieu veut que nous devenions des hommes mûrs en Christ, capables de discernement. C'est ce dont le monde et l'Église ont besoin.

En conclusion, Pierre s'est acquitté de sa mission: affermir ses frères en butte aux attaques du malin. Quel message actuel!

Jean-Jacques Dubois

©La Bonne Nouvelle 1/93 

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LE CHANT DES SACRIFICES DES FÊTES, DES SAISONS...


Si les psaumes constituent ainsi que nous l'avons dit, le principal recueil de prières de l'Ancien Testament, il y a certes d'autres «prières» dans la Bible: nous avons vu Abraham, Jacob, Moïse, Salomon s'adresser à Dieu, et nous trouverons de semblables adresses chez les prophètes. Mais c'est bien dans le psautier qu'on rencontre la prière qu'on pourrait appeler à l'état pur, hors du contexte historique si l'on tient compte de toutes les transpositions nécessaires précédemment évoquées.

Il s'agit avant tout d'un recueil dont les différentes pièces ont servi à la liturgie d'Israël: le chant des psaumes accompagnait l'offrande des sacrifices au Temple de Jérusalem, ou soulignait certaines cérémonies particulières lors des grandes fêtes du peuple de Dieu.

Au temps de la saison des pluies, le psaume 64 (65 de l'hébreu) était une prière de remerciement que l'on adressait au Ciel: faute d'eau la terre eût été improductive; les ondées étaient au contraire comme une visite bienfaisante du Tout-Puissant: «Visite la terre, arrose-la, donne lui l'opulence, le ruisseau de Dieu est plein d'eau... baigne-la d'averse et bénis sa germination

Le Psaume 66 (67 de l'hébreu) était utilisé par la liturgie lorsque la récolte était faite:... La terre a donné ses fruits, que Dieu, notre Dieu, nous bénisse»


Psaumes du «Hallèl» et psaumes «des montées»

Les Psaumes 112-117 (113-118 de l'hébreu) composent un petit ensemble appelé le Hallèl (moi hébreu qui signifie «chanter la louange», que l'on retrouve dans Alléluia, «louez le Seigneur») et destiné à être psalmodié à certaines fêtes. Ainsi le 14 du mois de Nisan, à midi, on exécutait le Hallèl dans le Temple, lors de l'immolation des agneaux de la Pâque.

Le soir du même jour, en famille, ces psaumes étaient psalmodiés par tous, durant le repas pascal: les psaumes 112-113 (113 et 114 de l'hébreu), au moment où l'on buvait la deuxième coupe, après le récit des événements de l'Exode; les psaumes 114-117 (115-118 de l'hébreu) au moment de la dernière coupe. Ainsi comprend-on la parole des évangélistes qui clôturent ainsi le récit de la Cène: «Ayant chanté des psaumes, ils sortirent vers le mont des Oliviers» (Matthieu chap. 26, vers. 30; Marc. chap. 14, vers. 26)...

On récitait également cet ensemble psalmique le jour même de la Pâque (151 jour de Nisan), le jour de la Pentecôte, le jour de la Dédicace, et durant l'octave de la fête des Tentes. Lors de cette dernière solennité, le psaume 117 (118 de l'hébreu) constituait une liturgie importante. Qu'on se reporte aux versets 25-26: on ira tout d'abord une demande de salut «De grâce, Seigneur, donne le salut! En réalité il s'agit d'une acclamation rituelle: Hosanna! à laquelle répond la bénédiction prononcée par les prêtres, tandis qu'ils processionnaient autour de l'autel: «Au nom du Seigneur, béni soit celui qui vient!» Au même moment la foule agitait les rameaux qu'elle portait à la main (palmes, branches de saule et de myrte).

Un autre groupe de psaumes était destiné aux pèlerins qui «montaient» au Temple de Jérusalem. Ce sont les «cantiques des montées»: 119-133 (120-134 de l'hébreu).

On finit par attribuer en propre à chacun des jours de la semaine une «prière» particulière: ce sont, dans l'ordre, les psaumes 23, 47, 81, 93, 80 1 , 92, et 91, celui qui est composé «pour le jour du sabbat» (dans le texte hébreu: 24, 48, 82, 94, 81, 93 et 92).

J. DHEILLY Professeur à l'institut catholique de Paris

© En ce temps-là, la BibleNo 45 page II.


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LES GENRES LITTÉRAIRES DU PSAUTIER


Dire que les psaumes constituent un remarquable monument de la poésie d'Israël est exact. Mais la «Poésie» est un monde, et l'art des poètes s'y exprime sur des sujets forts divers, avec des techniques variées et bien des nuances: «les Nuits» de Musset ne ressemblent guère au «Cid» de Corneille, et pas davantage aux poèmes de Prévert. Le recueil d'oeuvres poétiques qu'est le psautier n'est pas fait non plus d'éléments rigoureusement homogènes. On discerne parmi les 150 morceaux qui le composent des caractères littéraires relevant de plusieurs «genres», sur lesquels nos lecteurs trouveront dans ce numéro et le suivant les quelques indications utiles à la bonne intelligence des textes.


LES PSAUMES LITURGIQUES

déjà évoqués précédemment (en page 11) étaient, comme le mot l'indique, utilisés dans le service du Temple ou de la synagogue. Certains ont été composés directement pour cet usage; d'autres, improvisés par de pieux Israélites qui exprimaient dans ces chants leurs sentiments personnels, ont été ensuite adoptés par la communauté et adaptés à la liturgie. Aux psaumes plus spécialement marqués d'une «couleur» liturgique et que nous avons déjà signalés (psaumes des principales fêtes, Hallèl, et psaumes «des montées»), ajoutons deux bons exemples: le psaume 23 (24 de l'hébreu) qui rappelle le transfert de l'Arche à Jérusalem sous le roi David, et le psaume 86 (87 de l'hébreu),où la ville sainte est proclamée patrie religieuse de tous les hommes.


LES PSAUMES DE LOUANGE

sont les plus nombreux: environ 20 % du psautier. Leur objet est multiple. Tout d'abord Dieu est loué parce qu'il n'a cessé de mettre sa toute-puissance de salut à la disposition de son peuple, malgré les infidélités nombreuses de ce dernier: ce sont les psaumes dits historiques (par exemple: Ps. 77, 105, 113; c'est-à-dire 7 8, 106, 114 de l'hébreu).

Souvent le regard du poète sacré s'étend à la dimension du monde, et c'est la louange de Dieu pour la création (Ps. 8, 18, 28, 103; soit dans l'hébreu: 8 également, 19, 29 et 104). À d'autres moments, il se fixe sur Dieu même: c'est alors l'hymne à sa puissance (Ps. 32; 33 de l'hébreu), à sa connaissance infinie (Ps. 138; 139 de l'hébreu), ou à son amour des pauvres (Ps. 112; 113 de l'hébreu)

Ailleurs, le psalmiste fait encore appel à la nature (Ps. 1 48), ou à tous les instruments de musique (Ps. 150) afin que le Seigneur soit loué magnifiquement. Parfois enfin, il scrute le futur et, dans la vision qu'il en a, perce l'annonce prophétique de la souveraineté de Dieu s'exerçant sur l'humanité entière et la nature elle-même: on a alors les psaumes du règne de Dieu (Ps. 46, 92, 95-98; c'est-à-dire 47, 93, 96-99 de l'hébreu).

Dans tous ces chants le désintéressement de la prière est total: celui qui prie fixe son attention sur Dieu seul: ce qu'il est et ce qu'il fait célèbrent l'espérance qui n'a cessé de se préciser et de s'intensifier depuis la promesse faite à David par Nathan (2e Samuel, chap. 7). Il était bien sûr normal qu'elle s'exprimât à travers le psautier. Cependant elle apparaît moins souvent qu'on ne l'a pensé dans un passé proche, où l'on se plut à interpréter dans le sens messianique de trop nombreux passages. Il a donc semblé utile de signaler ici ceux qui témoignent vraiment sur ce point de la loi d'Israël, et de l'Église chrétienne.

Le psaume 2 proclame la relation particulière du Messie avec Dieu; le Nouveau Testament y verra l'annonce de la filiation divine de Jésus-Christ. Le psaume 44 (45 de l'hébreu), expression du thème biblique de l'amour conjugal, célèbre les épousailles du Messie avec le peuple choisi... Le psaume 71 (72 de l'hébreu) marque la sagesse, la paix et l'universalisme du royaume messianique. Les psaumes 88 et 131 (89 et 132 de l'hébreu) commentent la prophétie de Nathan, et le psaume 109 (110 de l'hébreu) annonce les prérogatives sacerdotales du Messie. Il en est d'autres assurément, comme le psaume 21 (22 de l'hébreu), qui exigent d'être médités à la lumière de la révélation ultérieure. Nous y reviendrons dans un prochain article sur les psaumes et le Nouveau Testament.

Mais ces quelques remarques permettent de constater déjà que les chants messianiques constituent un groupe vraiment à part, en raison de l'enthousiasme qui s'y fait jour. À l'origine prières pour le roi du moment, pour sa puissance et ses victoires, ou pour la joie d'un mariage princier, ils sont ensuite devenus, à la période tardive du Judaïsme, des prières d'attente passionnée, toutes tendues vers l'avenir.


LES PSAUMES D'ESPÉRANCE

comptent assurément parmi ceux qui touchant le plus grand nombre. Le psalmiste a connu comme nous les éprouves de la vie; à certains moments malgré la prière qui lui était adressé: «Dieu restait muet», il semblait «détourner son visage» (PSAUME 12). Et cependant s'exprime dans les chants du psautier une confiance inaltérable (PSAUMES 45 et 120). L'espérance n'est cependant pas toujours facile; on remarque par exemple dans les psaumes 41-42. Le découragement est parfois plus fort; il faut une lutte sévère «Espère en Dieu» traduit le sursaut d'une volonté aux abois. Ailleurs encore, ce sont les terreurs de la nuit, la maladie ou la famine, voire la chaleur torride de midi (PSAUME 90) qui fournissent 198 images de tourments redoutés. Mais le psalmiste affirme aussitôt: «Aucun mal ne t'atteindra.» si l'on veut connaître la raison dernière d'une telle certitude, il faut lire les psaumes qui parlent de l'intimité du fidèle avec Dieu. On peut certes les mentionner sous une rubrique distincte mais on ne saurait les négliger. Le lévite affirmait que le Seigneur était sa part d'héritage (PSAUME 15): comment aurait-il pu connaître l'abandon? Tel autre psalmiste priait ainsi: «Mon âme a soif de toi... Ta miséricorde est meilleure que la vie» (PSAUME 62). Chacun connaît aussi le Psaume qui commence par ces mots: «Le Seigneur est mon berger» (PSAUME 22) et qui montre Dieu conduisant son fidèle dans les routes de la vie ou lui offrant une délicate hospitalité. Ne touche-t-on pas ici à la racine de l'espérance? Peut-être sera-t-on plus sensible encore à l'abandon con.fiant du juste comparé à celui du tout petit qui s'endort sur le soin de sa mère (PSAUME 130).


LES PSAUMES DE REMERCIEMENT

pourraient être répartis en diverses catégories, suivant la nature ou l'objet de l'action de grâces. Il arrive que l'autour utilise une expression triomphale pour signaler l'ampleur de l'éprouve à laquelle Dieu l'a fait échapper (PSAUME 17). De son côté celui du psaume 66 remercie pour la récolte qui vient de s'achever. Ailleurs le remerciement se confond avec la joie ressentie lors du pardon de la faute (PSAUME 31).


LES PSAUMES DE SOUFFRANCE

expriment parfois seulement la plainte angoissée du psalmiste en face de la maladie (PSAUMES 87 et 101) ou d'une éprouve morale présentée comme un abandon de Dieu: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?» (PSAUME 21). Lors d'une détresse nationale (défaite ou catastrophe naturelle), la lamentation revêt une expression collective (PSAUMES 59 et 73). Tout naturellement voisinent avec ces prières les psaumes de demande: le psautier renferme beaucoup d'appels au secours. Mais parfois aussi l'excès de la souffrance et le caractère outrancier de l'Oriental déterminant ce que nous appelons des «malédictions» (PSAUME 136 par exemple). Mentionnons encore parmi les chants des Amos en peine, le groupe que l'Église chrétienne appelle depuis saint Augustin, «les psaumes de pénitence». On y découvre une conscience très vive du péché et d'ardents appels à la miséricorde divine. Les plus connus sont ceux qu'une habitude séculaire chez les chrétiens dénomme le «Miserere» (PSAUME 50) et le «De Profundis» (PSAUME 129).


LES PSAUMES D'ENSEIGNEMENT ET DE MÉDITATION

appartiennent au genre sapiential: le bonheur des méchants ou la brièveté de la vie sont des sujets de réflexion de caractère universel (PSAUMES 48 et 72). Mais le juif pieux médite aussi sur la Loi de Moïse: il la considère comme la sagesse suprême et ne se lasse pas de déclarer qu'elle est sa vie (PSAUME 118). Le psaume 14 est un petit code de morale, et le psautier commence avec un chant sur le thème des deux routes (celle des pécheurs et celle des justes). C'est à l'occasion de pareilles méditations que s'ouvrent des perspectives annonçant déjà le Nouveau Testament: «Un jour tu me recevras dans la gloire» (PSAUME 72, vers. 24).

Ainsi apparaît la prière d'Israël sous ses formes chatoyantes et multiples. Ce bref aperçu ne suffit naturellement pas à en exposer tous les aspects, mais peut aider le lecteur à discerner comment la personnalité des psalmistes se dégage de leurs oeuvres; il ne s'agit pas d'exercices d'école, mais de sentiments humains qui s'expriment devant Dieu: «que ma prière soit comme un encens «devant Toi!» (PSAUME 140, vers. 2.)

© En ce temps-là, la Bible No 45 page IV. No 46 page IV.


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