Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Etudes bibliques

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NIMROD, BABYLONE, NINIVE ET L'ASSYRIE


Genèse 10 v. 8-12

 Note Bibliquest: L'intérêt de cet article porte sur la source de l'autorité sur la terre, d'une part ce que Dieu a établi et d'autre part l'homme s'élevant et exerçant l'autorité sans tenir compte de Lui.

William Kelly

Bible Treasury vol. N1 p. 113, 114, 129 (1896)


Genèse 10:8-9

De la manière dont Nimrod est introduit, il ressort qu'il était plutôt un descendant de Cush qu'un fils au sens strict. Sinon pourquoi serait-il nommé non seulement après les cinq fils de Cush, mais après ses deux petit-fils par l'intermédiaire de Rahma? 

«Et Cush engendra Nimrod: lui, commença à être puissant sur la terre; il fut un puissant chasseur devant l'Éternel; c'est pourquoi on dit: Comme Nimrod, puissant chasseur devant l'Éternel. Et le commencement de son royaume fut Babel, et Erec, et Accad, et Calné, au pays de Shinhar» (Gen. 10:8-10).

Nimrod était donc un Cushite. Cela méritait d'être dit à cause du nouveau développement dont il est l'origine. Hormis ce fait qu'il était Cushite, rien n'est dit de ses relations directes, pas plus pour lui que pour ses descendants. C'est son ascendant personnel qui est mentionné en premier et, quoique bref, il suffit pour attirer l'attention, et laisser de côté les simples listes généalogiques ou l'origine des diverses races. «Lui commença à être puissant sur la terre». Ce n'est pas une question de mission confiée par Dieu ni de succession arrangée par la Providence. Son bras agissait pour lui-même. Comme d'habitude, la tradition juive est assez prolixe là où l'Écriture se tait, et elle s'efforce de gonfler les quelques faits véridiques dont elle dispose pour en faire un tableau fabuleux. D'autres font pareils, – car c'est une tendance naturelle – prétendant remonter à une tradition de la plus haute antiquité; ainsi l'astronomie arabe fait de Nimrod la constellation d'Orion, qui signifie «Géant», en Hébreu «Chesil» (Job 9:9; 38:31; Amos 5:8). Ce n'est pas la peine d'occuper nos lecteurs avec les nombreuses hypothèses bâties sur ce mot. Les curieux s'intéressant à de telles spéculations trouveront des informations dans l'ouvrage de Michaelis, Suppl. ad Lex. Hebr. N° 1192.

Il ne s'agit nullement d'un mythe dans ces courts versets de l'Écriture. Nimrod «commença à être puissant sur la terre». Ni Abel ni Seth ne l'avaient été, Énoch et Noé non plus. Ils s'étaient contentés de jouir de ce que Dieu leur avait donné. Ils regardaient vers Celui qui allait venir (Matt. 11:3). Nimrod, lui, cherchait de grandes choses pour lui-même, comme Caïn, le premier constructeur de ville des temps primitifs: Nimrod, pareillement, a été le premier constructeur de ville après le déluge, à plus grande échelle et plusieurs fois. La puissance directe était son objectif, et Dieu le laissa réussir, au moins en apparence.

Il est ajouté qu'«il fut un puissant chasseur devant l'Éternel». Il n'y a pas de raison pour supposer que ce ne soit pas à prendre au sens littéral. Cela avait tellement impressionné ses contemporains que ses prouesses de chasseur étaient devenues proverbiales: «C'est pourquoi on dit: Comme Nimrod, puissant chasseur devant l'Éternel». Il est évident qu'au cours de cette activité, il acquit l'habileté pratique et la force qu'il appliqua ultérieurement à un autre domaine autrement plus intéressant et plus lourd de conséquences.


Genèse 10:10

Il est encore plus important de noter que Nimrod a été le premier à mettre de côté l'autorité des patriarches qui avait prévalu jusqu'alors, et qui a subsisté encore ici ou là, pendant des siècles. Son ambition ne pouvait se limiter à la chasse: elle l'amena à passer des animaux sauvages à la race humaine: «Le commencement de son royaume fut Babel». Il faudra attendre le chapitre suivant pour comprendre la signification de ce fait. Nous y verrons que notre chapitre 10 n'est guère chronologique. Bien qu'il donne l'origine des races, avec leurs pays et leurs langues, il y multiplie les remarques intercalaires sur des faits intervenus bien longtemps après; cet épisode de Nimrod en fait partie.

C'est donc parmi la descendance de Cham que, pour la première fois, un royaume est apparu parmi les hommes. Dieu était bien loin des pensées de Nimrod; il ne Le cherchait pas, et Dieu ne lui donna aucune direction, si tant est qu'il en ait cherché. C'est par sa propre ambition que Nimrod conçut son projet, et il l'exécuta par la force de sa volonté, avec l'adresse et l'habileté acquises dans la chasse. Quelle différence avec la manière d'agir de Dieu, plus tard, lorsque Lui établit un roi: Israël ayant voulu avoir un roi comme toutes les nations, ils en choisirent un – Saül – qui ne regardait qu'à ses propres intérêts (1 Sam. 8) et ne délivra pas le peuple, même pas des Philistins, les ennemis de l'intérieur qui se retournèrent contre lui, pour le tuer lui et ses fils; Dieu prit alors son serviteur David dans les champs où il paissait les brebis, et fit de lui un prince sur son peuple Israël, pour leur donner la nourriture, et Dieu promit à David que sa maison et son royaume seraient affermis pour toujours devant lui – et son trône établi à jamais (2 Sam. 7:12-16).

Ces passages n'affirment pas la pérennité du royaume de David: c'est Christ ressuscité qui en est le garant, les grâces assurées de David (És. 55:3; Act. 13:34). Mais ces passages rappellent la merveilleuse préparation qui plut à l'Éternel, quand il choisit David, occupé à l'humble tâche de soigner tendrement les brebis: quel contraste avec celui qui a été le premier roi parmi les hommes, faisant ses preuves en piégeant et tuant les bêtes sauvages. La race humaine avait déjà montré son peu d'égard pour Noé, âgé, alors qu'il était le chef de tous ceux qui avaient été épargnés du déluge, et qu'en outre Dieu l'avait chargé pour la première fois de l'épée de la magistrature (Rom. 13:3-4; Gen. 9:6). Certes, par un laisser-aller insouciant, Noé avait commis une faute qui l'avait couvert de la pire honte, mais quelle méchanceté pour ses proches de l'exposer à la moquerie, lui qui avait mis tous les siens à l'abri du déluge! Bien que Nimrod ne fût pas un descendant de Canaan, c'était par une même arrogance qu'il était le premier à se constituer un royaume. Comme le prophète le dit à propos des Chaldéens: formidable et terrible, son jugement et sa dignité procédait de lui-même (Habak. 1:7).

Nimrod commença son royaume avec Babel. C'est tout à fait caractéristique. Que lui importait d'avoir commencé, par une propre volonté impie, à centraliser la race humaine, en opposition directe avec le propos divin et le commandement divin de remplir la terre (Gen. 1:28)? Que lui importait d'être abandonné par les constructeurs de Babel forcés par le jugement divin de se disperser sur la surface de toute la terre (Gen. 11:6-9)? La ville désertée, avec sa tour, convenait parfaitement à son projet d'un royaume à lui, non pas une communauté universelle. Et c'est ainsi que «le commencement de son royaume fut Babel». La réussite de son projet l'encouragea à poursuivre avec «Érec, et Accad, et Calné, au pays de Shinhar». Il n'y a aucun doute que Babel soit Babylone, et on peut estimer pareillement que Warka (Irka ou Iraq), environ 70 km à l'est de Babylone, correspond à Érec, et certainement pas à Arraca sur le Tigre comme le pense Gésenius, ni à Édesse (ou Urfah) selon les idées de Jérôme. La citation que fait Jérôme de l'opinion juive selon laquelle Accad représente Nisibis, l'ancien nom d'Acar (Rosenmuller II, 29) a par contre plus de poids. Le Talmud identifie Calné avec Niffer, à environ 95 km au sud-est de Babylone. Dans ce domaine, la tradition arabe abonde, mais elle est tellement pleine de fantaisie que ça ne vaut pas la peine de la citer.


Genèse 10:11-12

Les versets précédents nous ont présenté le fait important du premier pouvoir royal, établi par Nimrod le Cushite, fruit de la force et de la fraude exercées pour acquérir la domination d'abord sur les bêtes sauvages puis sur la race humaine, en vue de s'élever soi-même. Nous l'avons vu construire des villes en Babylonie: c'était la première fois qu'une telle activité avait lieu depuis le déluge. Il n'y a pas d'architecture plus caractéristique de la race que le style monumental massif des fils de Cham, selon ce qu'a montré Mr. Ferguson.

Ceci est confirmé par le vrai sens de Michée 5:6 qui distingue bien le «pays d'Assyrie» et le «pays de Nimrod», ce dernier étant en réalité la plaine de Shinhar. Ils étaient bien distincts et séparés par le Tigre, ou fleuve Hiddékel. Dans «ce pays» (Gen. 10:11) c'est-à-dire en Babylonie, il y avait des éléments issus de Sem et de Japheth, mais aussi de Cham, lequel était initialement prépondérant.

Le verset 11 semble relater ici un mouvement contraire – sortant de Babylone – de la part d'Assur (qui est un Sémite, et dont il est parlé ultérieurement à sa place). Une avancée parmi les hommes trouve bientôt des imitateurs. Le récit d'une nouvelle stratégie de construction de villes dans le sud est suivi par une même stratégie dans le nord, même si cela paraît être ultérieur, et non pas contemporain. La similitude des opérations des versets 10 et 11 suffit à expliquer leur rapprochement dans le même texte. 

«De ce pays-là sortit Assur, et il bâtit Ninive, et Rehoboth-Ir, et Calakh, et Résen entre Ninive et Calakh: c'est la grande ville» (Gen. 10:11-12).

Il n'est pas dit qu'Assur a été repoussé par la race de Cham, mais le texte fait plutôt comprendre que la réussite de Nimrod a donné l'exemple, et a suscité des ambitions similaires. L'on avait oublié complètement l'autorité de Noé (car il vivait encore): c'est ce qui ressort à l'évidence du récit biblique. La position du patriarche cédait le pas aux pensées et à la volonté des hommes.

De ces quatre villes du v. 11, la première ne pose aucun problème. Pourtant ce n'est que tardivement dans l'histoire que l'on entend parler de Ninive. Aux jours de Jonas, c'était une «très grande ville», à certains égards plus grande même que Babylone, la «cité d'or» au temps de sa plus grande gloire. Mais les récits humains de villes depuis longtemps disparues sont sujet à caution, car les chroniqueurs tardifs sont doués pour égarer par des exagérations. Ce dont parle la Bible à propos d'époques ultérieures, c'est une importance immense, une très grande population et une splendeur sans pareil. Les restes archéologiques exhumés récemment confirment les expressions de l'Écriture, qui se montre fiable comme toujours. Mais ne soyons pas surpris que ce qu'a fait Assur initialement ne soit qu'un petit commencement de cette course à la puissance et à la magnificence qui se manifesteront si fortement plus tard. Ce développement mènera au triomphe sur les dix tribus d'Israël et à une menace sur Juda et la maison de David, mais Assur allait se voir alors asséner un tel coup, d'origine manifestement divine, que plus jamais il ne troublerait la terre sainte. Bientôt Assur allait tomber pour ne plus se relever, quand il plut à Dieu de faire émerger Babylone de sa position de ville provinciale, – elle avait malgré tout un roi et était de temps en temps indépendante – pour en faire la maîtresse du monde, celle qui allait s'emparer de la capitale coupable des juifs, et de son roi et son peuple.

© Bibliquest

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L'ATHÈNES PAÏENNE QUE VISITA PAUL


Dans sa première épître aux Corinthiens (chap. 1, vers. 19), écrite pendant son séjour à Éphèse, Paul citera un passage d'Isaïe (chap. 28, vers. 14) annonçant l'écroulement de la «sagesse des sages» et la mise au rebut de «l'intelligence des intelligents». N'est-ce pas aux Athéniens qu'il pense? Savants et vifs, mais païens aimablement sceptiques, libertins et railleurs (ACTES, chap. 17, vers. 32), il convenait à leur intelligence de connaître du «dieu inconnu», mais répugnait à leur sagesse d'accepter la vie sortant du tombeau. Qu'eût-ce été de la «folie de la croix»!

Orgueilleuse cité que visite l'Apôtre en l'an 49 est privée d'arsenaux et de murailles, mais rayonne de tous les feux de l'esprit dans le monde soumis par le glaive de Rome, et qui pourtant demeure fasciné par le plus illustre des vaincus. «La Grèce conquise a conquis son farouche vainqueur.»

Au plan le plus noble, le prestige d'Athènes est Intact; et, si de nombreux chefs-d'oeuvre ont été prélevée sur la masse par des pillards latins, empereurs, rois, mécènes comblent de leurs libéralités les vides, en sorte que cette Ville du 1er siècle n'a guère à envier aux splendeurs du grand siècle de Périclès.

Le lieu est habité depuis des millénaires: on a récemment découvert, au flanc de la colline de l'Aréopage, des tombeaux princiers antérieurs au XIVe siècle av. J.-C. et les origines de la légende d'Érechtée, moitié homme, moitié serpent, héros qui fut «un des premiers rois» d'Athènes, se perdent dans la nuit des temps. À ce souverain fabuleux revient d'avoir institué le culte d'Athéna qui paradoxalement symbolise à la fois la sagesse et la guerre, et devra partager le patronat de la cité avec Poséidon, dieu des mors. Depuis, plus ou moins dégauchis pour convenir à un peuple raffiné, tous les dieux antiques ont été accueillis dans cet Olympe de la terre.

Paul a vu leurs adorateurs gravir l'Acropole, le rocher-forteresse qui dresse à 166 m en-dessus du niveau de la mer les marbres de ses temples blondis nous le soleil d'Athènes. Par les Propylées, entrée monumentale où veille dans l'allée sud Athéna Niké, la «victorieuse», Ils pénètrent sur les quelque trois hectares couverts de monuments aux harmonieuses colonnades, et suivent la vole sacrée jusqu'au Parthénon, la merveille des merveilles, Issu des génies combinés de Périclès et de Phidias, qui abrite la grande statue d'ivoire et d'or d'Athéna Parthénos, alors conservée comme le sont nos modernes ordinateurs: dans un air artificiellement humidifié.

Au reste, plutôt que le Parthénon, c'est le délicat Erechtéion, à l'ouest de la vole sacrée, qui offre surtout son décor aux célébrations solennelles et aux mystères. Dans ce temple-tombeau où l'on vénère les héros antiques (Cécrops, le tout premier roi mythique, aux côtés d'Erechtée), Poséidon a fait surgir «une mer» on peut en effet entendre dans ce lieu saint, le bruit des flots, quand souffle le vent du sud: grâce à l'artifice des prêtres ou à l'orientation de la construction.

Statues, autels et temples divers, dont celui qui fut consacré à Rome en l'an 27, se partagent le reste de l'aire sacrée qui domine, au sud, le théâtre de Dionysos: on y joue encore Sophocle au temps des grandes dionysies, qui furent jadis à l'origine de l'admirable essor de la tragédie grecque.

À l'ouest de l'Acropole, un autre sommet rocheux dédié d'abord à Arès, dieu de la guerre, qui sera identifié au Mors des latins, donnera son nom au Grand Conseil qui siégeait là au temps des archontes: l'Aréopage. Sous la domination romaine, cette assemblée a conservé ses pouvoirs judiciaires et exerce un contrôle, d'ailleurs fort libéral, sur les Innombrables doctrines qui alimentent la vie intellectuelle de la cité. C'est à ce titre que Paul comparaîtra devant elle. Mais à cette époque, elle siège à l'Agora: sous le portique royal dont il ne reste plus une pierre, et où Socrate rencontrait ses amis. Vaste place bordée de monuments, de colonnades, d'édifices, cet Agora reste un centre actif de la vie publique, encore que l'Assemblée du peuple, elle, ait depuis plusieurs siècles émigré sur la petite colline de la Pnyx, au sud-ouest.

La procession des grandes Panathénées, qui déroulait ses fastes de la colline du Céramique, au nord-ouest de la ville, à l'Acropole, faisait ici une importante station, pendant laquelle la statue de l'Athéna de l'Erechtéion était revêtue d'un peplos neuf tissé pendant l'année. Et toutes les magnificences païennes s'étalent à chaque occasion dans cette enceinte peuplée elle-même de temples, de théâtres et d'autels.

De toutes les villes où Paul a proclamé l'Évangile, Athènes, la subtile, sera d'abord la plus réticente: quelques Athéniens seulement se rallièrent d'emblée à la foi nouvelle, parmi, lesquels Denis, un des Aréopagites (chap. 17, vers. 34), qu'un souci de prestige !dent!fiera à tort au Moyen Âge avec le premier évêque de Paris.

Andrée NORDON

© En ce temps-là, la Bible No 85

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QUE RESTE-T-IL D'ANTIOCHE?


Rattachée à la Turquie en 1939, Antioche est devenue une paisible ville provinciale. De son passé légendaire ne subsistent que quelques ruines. Et un étonnant mélange de communautés ethniques et religieuses.


Contexte

Le village de Vakifli, dans l'ancienne Cilicie, est aujourd'hui le dernier village arménien de Turquie ou, comme le disent ses habitants, «le seul village arménien situé à l'extérieur de l'Arménie». Il se trouve juste à côté de Yoghonoluk, rendu célèbre par Franz Werfel dans son roman Les Quarante Jours du Musa Dagh, écrit le reporter Celal Baslangiç dans Radikal. Les Arméniens de cette région n'ayant pas succombé à l'«expulsion» y sont revenus pendant l'occupation française. En 1938, au moment du référendum qui a définitivement attribué le sandjak d'Alexandrette à la Turquie, tous les Arméniens de la région sont partis en Syrie, à l'exception des habitants de Vakifli. 

Hürriyet, Istanbul


Il faut avoir une bonne dose de motivation pour faire le voyage vers Antioche depuis la Syrie. Il n'y a pas d'aéroport et l'antique route est inondée en hiver. Notre autocar, où seuls huit passagers ont pris place, se fraie un chemin parmi camions et tracteurs. Même ceux qui choisissent le confort d'un taxi jaune doivent être patients. Il leur en coûte 10 euros pour les 100 kilomètres qui séparent d'Antioche la ville syrienne d'Alep. 

Fondée en 300 av. J.-C., Antioche était à l'époque romaine l'une des principales villes de Syrie et elle fut un centre de commerce important pendant des siècles. Aujourd'hui, elle s'appelle Antakya et se trouve en Turquie. C'est la principale ville du district de Hatay. À la frontière montagneuse bordée de pins, nul n'ignore dans quel pays on entre. La pente opposée est ornée de grandes lettres composées de pierre blanches formant le mot Turkiye [Turquie], avec l'étoile et le croissant turcs. 

Après une fouille de pure forme, le car poursuit son chemin le long de la frontière, délimitée par des fils barbelés. Elle présente des trous béants sans que quiconque se soucie de les combler – signe sans doute d'une amélioration récente des relations entre les deux pays. Les relations syro-turques ont en effet traversé une longue période de tensions dues à de multiples contentieux, notamment à propos de l'utilisation des ressources en eau de l'Euphrate, du soutien apporté par la Syrie aux séparatistes kurdes et de l'accord militaire signé entre la Turquie et Israël en 1996. 

La «question d'Antioche», elle, se pose depuis longtemps, précisément depuis l'époque où la France, en vertu d'un mandat de la Société des nations (SDN), contrôlait la Syrie. Conféré en 1920, ce mandat confiait à la France la tâche d'amener la Syrie et le Liban vers l'indépendance après l'effondrement de l'Empire ottoman. Une vieille encyclopédie italienne décrit alors Antioche comme «une ville du nord de la Syrie, sur la rive gauche de l'Oronte, dans une vallée très fertile, riche en sources et exposée à des pluies fréquentes. En raison de sa beauté naturelle, les Arabes la considèrent comme la seconde ville syrienne après Damas.» Durant le trajet le long de la frontière syrienne, à travers les montagnes qui mènent à Antioche, je ne peux qu'être frappé par la différence entre cette région verte et les plaines arides syriennes, qui s'étendent jusqu'à Damas. 

J'arrive à Antioche sous une averse printanière et me mets aussitôt à la recherche de l'Église catholique locale, où je suis sûr de trouver un bon lit. Le chauffeur de taxi, qui parle couramment l'arabe, m'emmène vers la colline près de la ville. Sous une pluie battante, je me retrouve devant Senpiyer Kilisesi, l'église rupestre Saint-Pierre. Il n'y a pas âme qui vive, à l'exception d'un fonctionnaire à l'air triste qui attend les rares visiteurs. Selon la tradition, cette grotte appartenait à saint Luc l'évangéliste, qui était originaire d'Antioche, et qui en a fait don aux premiers chrétiens pour qu'ils en fassent un lieu de culte. On dit aujourd'hui qu'elle est la première église de la chrétienté. En me retournant, je domine la ville entière. Mais, au lieu de contempler la légendaire Antioche grecque puis romaine, je vois une étendue de toits rouges et quelques grands immeubles modernes avec, ça et là, des minarets élancés. Plus tard, je me rendrai compte que le style architectural est identique à celui de la plupart des petites villes turques. 

Tremblements de terre et autres vicissitudes de l'Histoire ont réduit les prétentions d'Antioche: là où vivaient près de 500 000 personnes au temps des Romains, on n'en compte plus que 150 000. Jusqu'au Moyen Âge, la ville fut un carrefour commercial important, mais, de nos jours, elle arrive derrière le port tout proche d'Iskenderun – l'antique Alexandrette fondée par Alexandre le Grand. Je prends un autre taxi, qui m'emmène enfin à l'endroit où je veux aller. Il n'est pas si facile de repérer l'église catholique dans la vieille ville, car ce sont deux maisons traditionnelles transformées en lieu de culte. L'animation du grand bazar voisin me rappelle l'atmosphère typique d'une cité arabe. 

En 1920, on comptait seulement 63 000 Turcs dans la région d'Antioche, sur une population totale de 180 000 personnes, principalement des Arabes, sans oublier une importante minorité arménienne. À la chute de l'Empire ottoman, le jeune gouvernement de la République turque de Mustapha Kemal Atatürk fut attiré par cette riche vallée de l'Oronte, avec ses abricotiers, ses mûriers et ses champs de coton. Il encouragea les civils turcs à s'y installer, suivis de peu par les militaires – le tout sans rencontrer beaucoup d'opposition de la part des Français. En 1938, les Turcs représentaient déjà 63 % de la population locale. L'année précédente, la Société des nations avait décidé que cette province devait devenir autonome, sauf pour les politiques étrangère et financière, qui seraient du ressort du gouvernement syrien. Après des élections très disputées, la région fut finalement cédée à la Turquie, en juin 1939, dans un contexte de fortes tensions internationales. Aux yeux des nationalistes syriens, la sécession était due à une trahison de la France. On était à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Après la signature, en octobre 1939, du traité de l'Alliance anglo-franco-turque, l'ancienne Antioche fut sacrifiée sur l'autel des réalités modernes. 

Pendant longtemps, le «jour d'Antioche» fut célébré en Syrie et, aujourd'hui encore, on peut trouver des cartes du pays où la région figure à l'intérieur des frontières. Mais, comme je le découvre bientôt, il est trop tard pour formuler de vieilles revendications territoriales. Après l'annexion, la Turquie mena dans le district de Hatay une politique d'assimilation totale. Elle découragea l'usage de l'arabe, qui fut exclu des écoles. De plus, les arabophones de la région, qui étaient issus de différentes communautés et milieux religieux, n'ont jamais formé un front uni contre le nationalisme turc. 

Depuis des siècles, musulmans sunnites, Alévis (ou Alaouites, une secte chiite) et chrétiens coexistaient à Antioche dans un climat de tolérance, en utilisant la même langue, l'arabe. Lorsque l'administration turque s'est imposée, certaines communautés, les plus riches, ont préféré prendre le chemin de l'exil. Les musulmans sunnites partirent pour Alep, les chrétiens grecs orthodoxes pour la Syrie et l'Allemagne. Les Arméniens émigrèrent massivement au Liban. Seuls les commerçants et les artisans pauvres restèrent sur place, comme tous ceux qui n'avaient rien à vendre. 

J'étais curieuse de savoir ce qu'était devenue cette diversité religieuse dans l'Antioche moderne. Je choisis donc un guide d'un genre un peu particulier, une religieuse italienne qui vit depuis longtemps dans la ville. Non loin de l'église catholique, nous passons devant une grande mosquée; quelques rues plus loin, nous trouvons l'Église orthodoxe. «La synagogue est elle aussi toute proche», m'indique soeur Germana. Nous nous arrêtons finalement devant un immeuble blanc moderne, portant une plaque avec une inscription en anglais: «Église protestante d'Antioche. 29 juin 2000. Fondée par le révérend Sundo Kim, Séoul, Corée». «Il y avait une banque avant», m'explique ma guide. La diversité religieuse n'a pas cessé de croître, semble-t-il. 

Plus tard, en parcourant les rues, j'ai l'impression que ce sont pourtant les musulmans qui sont les plus démunis. La communauté chrétienne d'Antioche, elle, s'en sort apparemment bien. Les commerçants chrétiens n'étaient-ils pas connus jadis pour le négoce de l'or et des bijoux dans le vieux bazar? 

Parmi la communauté alaouite, qui était pauvre, certaines familles se sont converties au christianisme, sans doute attirées par les «avantages» offerts par l'Église catholique. Les Alaouites, il est vrai, partagent certaines pratiques et idées avec les chrétiens, comme le culte de plusieurs saints, et cela a pu faciliter leur conversion. 

Suna, 14 ans, née dans une famille alaouite, est devenue catholique l'année dernière. Sa soeur, âgée de 23 ans, est partie pour New York avec une famille protestante qui se charge de son éducation. Le plus jeune enfant, un garçon, dessine en silence sur une feuille de papier. Il est sourd-muet. Le père travaille dans un restaurant en Arabie Saoudite et n'est jamais à la maison. Il lui arrive de ne pas envoyer d'argent à la famille pendant des mois. Sa femme, si l'on en croit les rumeurs, fait vivre la famille d'une manière qui implique des allées et venues d'hommes dans la maison. Elle aussi s'est convertie au catholicisme et va régulièrement à l'église... Cette histoire est-elle vraie ou est-elle nourrie par de vieux préjugés? Aux yeux de nombreux Turcs sunnites traditionnels, les Alaouites ne sont-ils pas moralement suspects? 

Jadis, les Alaouites s'opposaient aux Ottomans sunnites et, afin de survivre aux fréquentes persécutions, ils adoptèrent une pratique, la takiya (garder le secret), qui leur a permis de dissimuler leur vraie foi. Plus près de nous, ils ont soutenu Mustapha Kemal Atatürk dans l'édification de l'Etat laïc turc moderne. Atatürk les a mis juridiquement sur un pied d'égalité avec la majorité sunnite. 

De nos jours, un peu partout en Turquie, sauf à Antioche, on observe des efforts en vue de faire renaître les traditions et la culture alaouites. Ici, en effet, les Alaouites arabophones n'entretiennent guère de liens avec les autres communautés alaouites de Turquie: ils sont plus proches de leurs cousins syriens. 

L'Antakya moderne ne semble pas se souvenir d'Antioche, son ancêtre. Fêtes, danses, spectacles audacieux ainsi que plusieurs scandales ont fait de cette ville un paradis notoire des plaisirs, au moins jusqu'au temps de l'empereur byzantin Justin. De nos jours, les ruelles de la vieille ville sont silencieuses et désertes la nuit. On ne célèbre plus que deux fêtes par an. Le 29 juin, on commémore saint Pierre. Toutes les autorités civiles, religieuses et militaires montent sur la colline dans l'église rupestre avec la foule des habitants – pourtant en majorité des musulmans. Et, depuis quelques années, l'arabe fait son retour dans les chansons et les discours. 

Seconde fête, le 23 juillet, qui commémore l'annexion de la ville par la Turquie. Les jeunes d'Antioche, même ceux d'origine arabe, attendent avec impatience ce jour, car la ville change alors complètement d'aspect. Dans une explosion de musique et de feux d'artifice, elle sort de sa léthargie et offre à ses habitants quelques heures de liesse. Pendant ce temps, la génération qui se souvient encore de la vieille Antioche syrienne continue lentement à disparaître. 

(Cairo Times/Courrier International) ajouté le 12/9/2002 


© Voxdei

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CORINTHE LA CAPITALE DE LA PROVINCE ROMAINE DE GRÈCE  (au 1er S.)


Après avoir fui Athènes, cette ville «vouée à l'idolâtrie», dont la SEULE vue enflammait son esprit de colère (ACTES, chap. 17, vers. 16), Paul va visiter la ville de la débauche: Corinthe, autre cité prestigieuse, capitale de la province romaine d'Achaïe, célèbre dès le Vle s. av. J.-C. pour son luxe et ses lieux de plaisir. C'est là pourtant qu'il fondera l'une des plus importantes communautés chrétiennes.

Fertile et bien irriguée, la plaine où s'éleva Corinthe fut habitée dès l'époque préhistorique, vers l'an 5 000 avant notre ère. Au début du premier millénaire, des colons doriens fondent la ville grecque au pied du mont que couronnera un jour une acropole: ce sont, dit la légende, une princesse d'Argos, Éphyra, et le brigand Sisyphe, fils d'Éole, dieu des vents, tué par le héros Thésée et condamné aux enfers à hisser éternellement sur le flanc d'une montagne un rocher qui sans cesse retombe. Au VIII, siècle av. J.-C., Corinthe fondera à son tour ses propres colonies: Corcyre (aujourd'hui Corfou), Syracuse, Potidée.

Située sur l'isthme qui relie le Péloponnèse au continent, entre ses deux ports: Lechaion, au fond du golfe qui débouche sur la mer ionienne donc l'Adriatique, et Cenchrées sur le golfe d'Égine, donc sur la mer Égée, la cité était florissante. On sait qu'aujourd'hui un canal creusé dans le roc permet une navigation ininterrompue du golfe de Corinthe à Athènes; mais les Grecs de l'Antiquité, eux, avaient déjà imaginé un ingénieux moyen pour passer de Lechaion à Cenchrées sans faire le tour du Péloponnèse: le «diolcos», large voie dallée, creusée de rainures espacées d'environ 1,50 m pour réduire les frottements, et sur laquelle on halait les navires par un système de glissière.

C'est du VI, siècle avant notre ère que date le temple le plus célèbre de Corinthe: le sanctuaire d'Apollon. Quelques-unes de ses 38 colonnes monolithiques d'ordre dorique sont parvenues jusqu'à nous. Mais on ne sait dans quel état ce rescapé de la cité archaïque se trouvait au temps de Paul.

Au Ve siècle, l'essor d'Athènes freine quelque peu celui de sa voisine de l'isthme, et la renommée de ses ateliers supplante en bien des domaines celle des artisans ou ingénieurs de sa rivale; des céramistes notamment, sinon des chantiers navals. Le grandiose théâtre, qui pouvait contenir 18 000 spectateurs, date de cette époque: mais il fut remanié sous la domination romaine. Une inscription y évoque l'aventure fameuse d'Androclès, esclave livré aux bêtes et qui fut épargné par un lion dont il avait fait son ami. En 350 avant notre ère, Corinthe retrouve sa prédominance. Le «portique du Sud», l'une des plus vastes constructions de la Grèce antique, s'élève alors sur l'agora. Curieux édifice à deux étages, il abrite dans sa moitié sud des échoppes, et surtout des tavernes dotées de petits puits qui servaient de glacières. On y a retrouvé des tables de marbre, des pois à vin, des coupes, des gobelets. Le second étage était distribué en appartements destinés aux délégués des cités-états qui en 337 se rassemblèrent dans la Ligue corinthienne, sous le patronage du roi Philippe de Macédoine. Les hôtes trouvaient donc dans ce véritable complexe touristique et commercial avant la lettre le gîte, la bonne chère et les distractions... À la même époque avait été édifié l'Asclépéion, temple du dieu grec de la médecine. Il était flanqué de l'Abaton, vaste salle où les malades passaient la nuit avec l'espoir de recevoir en songe la révélation du remède qui les guérirait; d'autres s'étendaient tout près de là, sur des bancs de pierre à côté de la fontaine de Lerne, associée aussi au culte d'Asclépios.


La nouvelle ville «fondée» par César

Sur le site de la cité antique, le touriste d'aujourd'hui, lui, ne trouve plus guère que des ruines romaines: en 146 avant notre ère, en effet, les armées de Rome, conduites par Lucius Mummius, prennent Corinthe devenue depuis une cinquantaine d'années le siège de la ligue achéenne, dernière tentative des Grecs pour reconquérir leur indépendance. Les légionnaires pillent la ville, la ravagent, l'effacent de la carte du monde. Ce n'est qu'en 44 av. J.-C. que César entreprend de fonder au même endroit une nouvelle cité: Colonia Laus Julia Corinthiensis, l'orgueilleuse capitale que connut Paul, et qui devra ensuite beaucoup de sa future splendeur à la générosité de l'empereur Hadrien.

Large voie bordée de portiques où s'ouvraient de nombreuses boutiques, la rue de Léchaion était la plus importante et la plus animée. Elle desservait notamment dans sa partie haute, proche de l'agora, sur sa rive ouest, un vaste marché et une basilique construite au 1er siècle: à l'est, des thermes, la monumentale «fontaine Pirène» dont la source débitait un mètre cube à l'heure, et le péribole d'Apollon, cour pavée où se dressait une statue du dieu.

Paul a pu voir aussi l'arc de triomphe de marbre, orné de chariots de bronze doré, qui, au terme de deux volées d'escaliers, débouchait sur l'agora romaine cernée par la basilique julienne et par le «bâtiment du sud-est» qui servait de dépôt d'archives. Le «portique du Sud», quant à lui, avait été détruit par Mummius, mais très exactement reconstruit selon le plan ancien; cependant les statues qui jadis ornaient par centaines sa terrasse avaient été emmenées en Italie par les pillards. Au centre de la belle place de deux hectares environ s'élevait le «bêma», tribune monumentale où le proconsul romain se présentait au peuple, et où Paul comparut devant Gallion (ACTES, chap. 18, vers. 12-17).

Deux cents ans après la fondation de l'Église de Corinthe, la ville fut saccagée par les barbares hérules, ravagée encore à la fin du IV, siècle par les Goths d'Alaric, et achevée par les Slaves au VIII. Jamais elle ne s'en relèvera, et seule la puissante «Acrocorinthe», la ville haute, continuera à veiller durant tout le Moyen Age sur l'entrée du Péloponnèse.

Depuis 1896, les archéologues américains ont peu à peu reconstitué le décor où vivaient, au milieu de la société la plus frivole et la plus débauchée de l'empire, ces chrétiens à qui Paul adressa quatre épîtres au moins, dont deux ont été conservées.

M.-C. HALPERN

© En ce temps-là, la Bible No 88

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LE RÉTABLISSEMENT DU LIBAN


Il est écrit dans le prophète Ésaïe 29, 17:

«Encore un peu de temps... et le Liban se changera en verger, et le verger sera considéré comme une forêt.» Verset 19:

«Les malheureux se réjouiront de plus en plus en l'Éternel, et les pauvres feront du Saint d'Israël le sujet de leur allégresse.»

En ces jours de détresse, il est bon de lire la Parole de Dieu concernant l'avenir du Liban! Un politicien israélien disait: «Dans cinq ans, le Liban sera de nouveau la perle du Proche-Orient.» Quoi qu'il arrive, de merveilleuses promesses prophétiques sont réservées au Liban – Il fait partie d'Israël!

Il est singulier, voire même remarquable, que la situation internationale ait foncièrement changé depuis l'entrée de l'armée israélienne au Liban, occupé par les Syriens et des éléments de l'OLP. Les experts européens dans la question du Proche-Orient estiment qu'il sera plus facile dorénavant de créer la paix dans cette région.

Selon les déclarations concordantes des analystes, quatre points ressortent clairement:

1. Aucun État arabe n'avait un intérêt sérieux pour la formation d'un État dirigé par l'OLP.

La plupart des gouvernements arabes craignaient plutôt l'influence de l'OLP.

2. La majorité des réfugiés palestiniens et de leurs descendants se sentait plus importunée que soutenue par les différents éléments de l'OLP. C'était en Cisjordanie occupée, – et dans les chancelleries des ministères des Affaires étrangères européennes, auprès desquelles l'OLP disposait de l'appui le plus efficace.

3. Les éléments de l'OLP n'étaient composés que partiellement de Palestiniens enthousiastes. Ils formaient plutôt un ensemble de Libanais recrutés de force et de mercenaires qui portaient l'uniforme de l'OLP presque exclusivement pour la solde, mais rarement pour des raisons pro-palestiniennes.

4. Si l'Union Soviétique s'intéresse à l'OLP pour sa cause perturbatrice, elle est loin de s'engager en faveur de Yasser Arafat. Elle n'est pas non plus prête à implanter les unités armées quittant le Liban, dans une république partiellement musulmane de l'Union Soviétique.

C'est ainsi que le Seigneur commence peu à peu à mettre de l'ordre, par Sa main invisible mais puissante et sûre, dans la confusion troublante du Proche-Orient!

Admirable est Son conseil et grande est Sa sagesse! (Es. 28, 29).

En même temps, dans le monde entier, les Juifs sont de nouveau sous une pression antisémite grandissante. Actuellement, il est extrêmement dangereux pour un Juif de vivre en France. Attribuer ces flambées terroristes d'attentats antisémites aux événements du Liban n'est qu'illusoire. La vraie raison est plus profonde:

Plus le rétablissement d'Israël se réalise dans ses Frontières bibliques, et plus la pression de l'antisémitisme mondial sur les Juifs dans la diaspora augmentera, et les contraindra, à retourner en Eretz Israël!

N'oublions pas que le déroulement de l'accomplissement prophétique inclut aussi les millions de Juifs qui se trouvent encore parmi les nations! Le Seigneur parle par le prophète Ezéchiel:

«Et ils sauront que je suis l'Éternel, leur Dieu, qui les avait emmenés captifs parmi les nations, et qui les rassemble dans leur pays; je ne leur laisserai chez elles aucun d'eux» (Ez. 39, 28).

© Nouvelles d'Israël 11 / 1982

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L'ÎLE QUI S'APPELAIT MALTE OÙ FIT NAUFRAGE LE NAVIRE DE PAUL(Actes 28-29)

 

Au cours du voyage vers Rome, une tempête jette le navire qui porte Paul et son escorte sur une île appelée, en grec, Mélitè. Ce nom, qui est celui d'une nymphe de la mer, fille de Nérée, se trouve habituellement traduit depuis quatre siècles au moins par Malte. Et non sans raison: l'autre île Mélitè, aujourd'hui Méléda, sur la côte dalmate, est très éloignée de l'itinéraire qui mène de Crète à la baie de Naples où l'Apôtre touchera l'Italie. Et si l'auteur des Actes (chap. 27, vers. 27) parle de «l'Adriatique», il n'emploie sûrement pas ce terme pour désigner, comme nos modernes géographes, le long golfe qui s'ouvre par le canal d'Otrante: pour lui, comme pour Strabon au 1er siècle, et encore pour Ptolémée au II ème la mer Adriatique est en fait la Méditerranée centrale, limitée précisément à l'ouest par Malte.

Le vent souffle où il veut: c'est le hasard, ou l'Esprit, qui fait échouer Paul sur ce minuscule archipel brûlé de soleil et battu par le ressac, à soixante milles de la Sicile, à cent quatre-vingts de la Tunisie.

L'île est habitée depuis la préhistoire: dans ses périples, Paul a pu s'étonner des insolites monuments mégalithiques, qu'on y trouve encore, labyrinthes de salles, de cours, d'escaliers, de couloirs dont les innombrables niches sont alors peuplées d'idoles féminines de pierre ou d'argile. La brillante civilisation qui les avait édifiés sombra, vers l'an 1500 avant notre ère, devant des envahisseurs venus du sud de l'Italie.

Au Vllle Siècle av. J.-C., Malte émerge de l'oubli: sur le chemin de Tyr à Carthage qu'ils viennent de fonder, les navigateurs phéniciens font escale dans ses criques abritées et prennent goût à ses rivages.


Une langue «barbare»

Quand Paul l'abordera, il n'y aura guère que 250 ans que l'île n'est plus de la mouvance carthaginoise: rien d'étonnant à ce que la plupart n'y parle ni le grec, ni le latin, mais le punique, aux consonances «barbares» (chap. 28, vers. 1) – c'est-à-dire étrangères – qu'on entend encore dans le maltais d'aujourd'hui. C'est à Malle qu'on a pu éclaircir le mystère de la langue phénicienne et commencer à la déchiffrer: grâce à une inscription bilingue, en grec et en phénicien, dédiée au dieu Malquart, trouvée sur deux «cippes», petits piliers sans chapiteau qui servaient de stèle funéraire ou de borne routière, dont l'un est conservé au musée du Louvre.

Toutefois au VII siècle et au début du Ve siècle av. J.-C., des commerçants grecs ont tenté de supplanter les Phéniciens, et l'île conservera une statue d'Hercule, des monnaies, et une inscription qui révèle le régime démocratique dont elle jouit alors: comme les cités grecques, elle possédait alors sénat, assemblée du peuple et archontes. Mais Malte retomba sous la mainmise carthaginoise. Sur un haut lieu occupé dès la préhistoire, Tas-Silg, au sud, Carthage a dédié à Astarté-Tanit un sanctuaire qui a laissé des traces: des cours, quelques salles d'un dallage remarquable, et une rampe qui reliait cette acropole au port, en contrebas: base navale, dotée d'arsenaux .

Paul n'a pas connu ce monument phénicien. À sa place, les Romains ont élevé un superbe temple à Junon (depuis l'an 218 av. J.-C., ils sont en effet maîtres de ces îlots qui constituent une position stratégique remarquable au coeur de la Méditerranée). Mais on n'y voit plus les somptueuses oeuvres d'art qui le décoraient quelques années plus tôt: en l'an 73 ou 71 av. J.-C., Verrès, proprêteur de Sicile, les a pillées. Cicéron dans ses implacables «Verrines», souligne vigoureusement que ce temple consacré à la reine des dieux avait jusqu'alors été préservé de tous outrages, même de ceux des corsaires.

Sous la petite église champêtre édifiée au XVIIe siècle, à proximité de la baie du nord-est de l'île où la tradition fixe le débarquement de Paul, et qui marquerait «le site des miracles» (ACTES, chap. 28, vers. 7-9), les archéologues italiens de l'Université de Rome on fait en 1963 une intéressante découverte: les ruines d'une spacieuse villa romaine édifiée au début du le, siècle av. J.-C., incendiée sous Auguste et reconstruite avec ses cours, son atrium et ses dépendances où l'on fabriquait l'huile d'olives.

Ils ont aussi exhumé d'émouvants vestiges: deux briques, faisant partie d'un pavement du Vle siècle, l'une gravée d'une croix, l'autre d'un poisson; deux blocs de grès, du siècle suivant, marqués de symboles identiques; une inscription de la même époque au nom de Paulus, en lettres grecques; enfin un bloc de calcaire orné de maladroits graffitis où l'on distingue un bateau échoué sur un rocher et une figure humaine qui évoque les portraits traditionnels de l'Apôtre...

Disputée aux chrétiens par les Arabes, puis par les Turcs, auxquels s'opposèrent les fameux chevaliers de l'Ordre hospitalier et militaire de Saint-Jean de Jérusalem, souverains de l'île de 1518 à 1798 date à laquelle Bonaparte s'en empara, Malte eut l'Angleterre pour dernier maître, et subit sans faiblir l'assaut des bombardiers du Reich pendant la seconde guerre mondiale: 14000 tonnes de bombes ne suffirent pas à la réduire. Indépendante depuis 1964, «la fille de saint Paul» n'a désormais plus que l'Apôtre pour suzerain.

M.-C. HALPERN

© En ce temps-là, la Bible No 86


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NINIVE LA GRANDE CITÉ DEVINT TOUT À COUP UN «DÉSERT»


il y a près de vingt-six siècles, Ninive, la capitale prestigieuse de l'empire assyrien que l'auteur du livre de Jonas avait choisie pour représenter les nations à convertir au vrai Dieu, était anéantie par une coalition de terribles guerriers, Babyloniens, Mèdes et Scythes. Ceux-ci en firent, en effet, «un endroit désolé, tel un désert» (SOPHONIE, chap. 2, vers. 13).

La vie ne reprit jamais à Ninive après le désastre de 612 av. J.-C. La glorieuse cité demeura une ruine de briques où, comme après un bombardement, quelques pans de murs se dressaient encore çà et là. Au début du siècle dernier, ses vestiges n'étaient plus que deux grands monticules, ou «tells», dont un seulement jusqu'ici, le «Quyundjik», a pu être fouillé. Long d'un kilomètre, large de six cents mètres, il est haut de près de trente mètres. Le tell «Nebi-Yunus», voisin, ne put jamais être exploré, car s'y trouvent édifiés un village et une mosquée. Au surplus, le cimetière musulman qui s'étend sur ses pentes interdit toute violation du site par les archéologues.

Dès le milieu du XIXe siècle, ces deux tells avaient attiré l'attention des archéologues. Le premier, le consul français P. E. Boita, commença les fouilles en 1842. Trois ans plus tard, l'Anglais Layard, puis Victor Place, consul de France lui aussi, prirent successivement la relève. L'exploration continua, avec des interruptions plus ou moins longues, jusqu'en 1932.

Les découvertes permettent d'affirmer que la fondation de la ville remonte au VI ou au IVe Millénaire avant notre ère. Mais la splendeur de Ninive date du règne de Salmanasar le, (1273-1244 av. J.-C.) et dura jusqu'à la chute brutale, à la fin du VIIe siècle.

Ainsi, depuis le Xllle siècle, la plupart des souverains ont doté la cité de monuments somptueux, Sargon Il (722-705) excepté, qui avait décidé de fonder une nouvelle capitale, Khorsabad, à moins de vingt kilomètres de là. Après lui, Sennakérib (704-681) revint à Ninive qui, après ces quelques années d'éclipse, reprit son rang de capitale. Durant les vingt-cinq années de son règne, ce souverain fastueux se fit construire un superbe palais dont on a découvert les restes au sud de la ville; il édifia des temples, dressa des remparts, traça des rues, créa tout un réseau de canalisations d'eau, dessina des jardins publics. Cette activité de bâtisseur sera d'ailleurs imitée par ses successeurs: Asarhaddon (681-669) et Assurbanipal (668-626 av. J.-C.) qui, lui aussi, construira un palais royal, mais au nord du site.


L'amour, la guerre... et l'écriture

Les archéologues ont aujourd'hui dégagé les deux temples principaux: l'un est consacré à Ishtar, déesse de l'amour et des batailles à laquelle la ville tout entière était vouée, ce qui ne saurait surprendre lorsqu'on connaît le goût qu'avaient les Assyriens pour la guerre. L'autre sanctuaire était celui de Nabu, «dieu de l'écriture».

La bibliothèque constituée par Assurbanipal confirme que la littérature florissait à Ninive. Des centaines de tablettes cunéiformes traitant des sujets les plus variés ont été exhumées: – plus de trois cents tablettes où étaient inscrits des présages divers, – environ deux cents tablettes lexicographiques, – une centaine de tablettes de prières et d'incantations (en sumérien et en akkadien), – cent tablettes de conjurations et de textes épiques ou sapientiaux.

Ainsi, dans la deuxième moitié du VIII, siècle av. J.-C., Ninive paraît être une métropole prestigieuse, et d'une immense étendue si l'on s'en rapporte au livre de Jonas (chap. 3, vers. 2): «Ninive était une grande ville devant Dieu, longue de trois jours de marche.»

Sur la foi de ce texte, on a longtemps cru qu'il s'agissait en effet d'une cité démesurée, au périmètre gigantesque. En fait, l'archéologie a démontré que, bien qu'importantes pour l'époque, ses dimensions n'avaient rien d'exceptionnel. Les spécialistes ont alors pensé que le verset n'était qu'amplification poétique, le livre de Jonas relevant plus du «midrash» que de l'histoire. Mais il revenait à l'assyriologue André Parrot de fournir une explication plausible: un Jonas ou tout autre visiteur pouvait mettre trois jours, non pour traverser la ville de Ninive elle-même, mais pour parcourir l'énorme agglomération, sorte de «Grand Ninive», de «région ninivite», faite d'un chapelet de cités toutes voisines, s'étendant sur une longueur de quelque quarante kilomètres, depuis Khorsabad au nord, jusqu'à Nimrud au sud.

C'était un colosse aux pieds d'argile. Pris dans le tragique engrenage de la guerre sans cesse recommencée, il ne se relèvera jamais du coup décisif que lui portèrent ses rivaux unis pour l'abattre. Et Ninive passera sans transition du faîte de la gloire à la nuit de l'oubli.

M.-C. HALPERN

©  En ce temps-là, la Bible No 71


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PATMOS «L'ÎLE DE L'APOCALYPSE»


Pour le pèlerin moderne parti à la recherche de saint Jean qui semble-t-il, gouverna les Églises d'Asie Mineure des années 60 à 100 environ, Patmos est une étape inoubliable, c’est en effet sur cette petite île du groupe des Sporades, léchée par l'écume de la mer Égée, qu'aurait été composée l'Apocalypse.

Dès le Ve siècle avant notre ère, Patmos est mentionnée par l'historien grec Thucydide. Pline et Strabon en reparlent cinq siècles plus tard. Il semble que sa population ait d'abord été composée de Doriens, auxquels vinrent s'ajouter des colons ioniens. L'isolement de cette île, l'aridité de son sol et son exiguïté (12,5 kilomètres, sur 9, 5 au maximum) la firent choisir, à l'époque romaine, comme lieu de déportation.

Parmi les condamnés, au temps de Domitien plutôt que de Néron, se trouvait Jean, déjà âgé. Sur la route qui va du golfe de Scala à la capitale Chora, une grotte conserve tout spécialement son souvenir. Elle est maintenant recouverte par un pittoresque ensemble de bâtiments conventuels des XIe et XVIe siècles blanchis à la chaux; on y montre, protégé par une grille et revêtu d'argent, un petit renfoncement où le visionnaire aurait logé sa tête tandis qu'il recevait l'inspiration. Au Vlle siècle, sous la pression des invasions arabes, Patmos se vida totalement de ses habitants. Quatre cents ans plus tard, un moine grec du Mont Athos, nommé Christodule, trouva l'île déserte et en obtint la cession d'Alexis Comnène, empereur de Byzance. Sur l'emplacement d'un antique sanctuaire à Artémis, il fonda le majestueux monastère-forteresse qui domine encore l'île. L'intérieur est orné de fresques médiévales de différentes époques et, dans l'église, de belles icônes aux ors vieillis scintillent.

Pour travailler à sa fondation, Christodule fit venir, de la capitale de l'empire, ouvriers habiles et spécialistes; or, il avait décidé d'interdire l'île aux femmes. Mais maçons et autres compagnons à pied d'oeuvre refusèrent d'entreprendre les travaux si leurs épouses ne s'installaient pas avec eux. Et, pour la première fois de sa vie, le terrible moine dut s'incliner.

Au fil des années, Patmos fut menacée successivement par les Génois, les Croisés, les Turcs; mais ce furent les Vénitiens qui, en 1207, l'arrachèrent à la souveraineté des empereurs byzantins.

En 1453, des chrétiens chassés de Constantinople par les Turcs vinrent y chercher refuge. Ce sont eux qui, au pied du monastère, édifièrent Chora, la capitale de l'île, aujourd'hui pittoresque ensemble de maisonnettes blanches aux formes cubiques, percées de minuscules fenêtres. Une fois de plus, la volonté de Christodule se trouvait bafouée: afin de sauvegarder l'austérité de la vie des moines, le patriarche avait interdit la construction de demeures privées aux abords de la grande maison et du recueillement! En 1461, le pape Pie Il Piccolomini prit Patmos sous sa protection, et brandit l'excommunication contre les pirates qui viendraient à la piller. L'histoire ne dit pas si la menace effraya les Barbaresques, principaux écumeurs de la Méditerranée sous la bannière de Mahomet, mais elle n'empêcha pas les Vénitiens de Morosini de revenir un jour dans l'île qu'ils avaient jadis perdue; non en pirates il est vrai, mais en maîtres.

En 1669, une école ecclésiastique, «la Patmiade», fut fondée dans les bâtiments qui recouvrent la grotte de l'Apocalypse. Elle connut vite une grande célébrité: des moines de tous les pays du monde chrétien venaient s'y instruire, profitant de l'extraordinaire collection des 735 manuscrits et des quelque 4 500 imprimés de la bibliothèque du monastère préservée du pillage.

Les bouleversements du monde moderne ont peu affecté les chrétiens de Patmos: marins ou paysans, tous sont restés fidèles à leur saint patron, et la plupart fréquentent encore avec fierté les trois cent soixante-cinq «chapelles» érigées en l'honneur de saint Jean sur leur minuscule îlot.

M.-C. HALPERN

© En ce temps-là, la Bible No 94


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PHILIPPES, LA PETITE «ROME» MACÉDONIENNE

Première cité du continent européen à recevoir de Paul la Bonne Nouvelle, Philippes devait son nom au roi de Macédoine, père d'Alexandre le Grand. Aux temps apostoliques, elle est une colonie romaine et les Juifs y sont fort peu nombreux: ils n'y ont même pas de synagogue, et c'est en dehors des portes de la ville, «le long de la rivière, où il semblait y avoir un lieu de prières», que Paul, encore soucieux de s'adresser d'abord aux brebis perdues de la maison d'Israël, devra les chercher le jour du sabbat, ainsi que le rapporte l'auteur des Actes (chap. 16, vers. 13).

À l'est de la Macédoine, aux frontières du pays thrace, à 15 kilomètres de la mer Égée, Philippes dut sa fortune dans l'empire, à la via Egnatia, la grande voie qui relie l'Asie à l'Italie, de Thessalonique à Dyrrachium sur la côte illyrienne, et qui la traverse d'ouest en est: les archéologues de l'École française d'Athènes, à l'oeuvre sur le site de 1914 à 1938, en ont retrouvé les traces sous le rempart byzantin.

Les premiers habitants, venus de l'île de Thasos, avaient élevé là une ville qu'ils avaient appelée Krénidès (du grec krénè: la «source»). Elle était aux mains des Thraces lorsque Philippe de Macédoine s'en empara (en 358 av. J.-C.), la débaptisa, la rebâtit et la dota notamment d'une bonne enceinte et d'un théâtre construit au pied de l'acropole; le monument fut considérablement remanié par les Romains, et dès avant la visite de Paul, mais on voit encore, sous des vestiges plus récents, le mur percé de portes qui conduisaient aux gradins des spectateurs. La scène devait être ensuite nivelée pour permettre l'aménagement du théâtre en cirque, lequel sera desservi par un couloir souterrain pour l'acheminement des fauves et des gladiateurs.

Les mines d'or et d'argent du Pangaion voisin avaient été célèbres et jadis enrichissaient les Philippiens. Mais elles étaient épuisées depuis longtemps au premier siècle, où Philippes n'était plus qu'un marché actif, une place stratégique et un important centre de romanité.

Après la mort d'Alexandre, la puissance macédonienne s'était effritée dans les intrigues de palais. Le dernier roi de Macédoine, Persée (179-168 av. J.-C.), qui avait tenté de rendre à son royaume un peu de sève, était entré en conflit avec le roi de Pergame; le consul Paul Émile en avait profité pour envahir le pays et pour s'en emparer au nom de Rome.

Les Romains divisèrent la Macédoine en quatre districts privés de tout rapport entre eux et y établirent une administration draconienne pour prévenir toute tentative d'un retour à l'indépendance. Les mariages entre habitants de districts différents étaient prohibés; il était interdit aux Macédoniens d'être propriétaires hors du district où ils habitaient; enfin les opposants à la puissance d'occupation étaient traqués et durement châtiés. Dans le premier district, le rang de capitale échut à Amphipolis; Paul fait erreur quand il dit de Philippes, alors petite bourgade, qu'elle est «la principale ville de cette région» (ACTES, chap. 16, vers. 12).


Plus «romains» que les Romains

En 42 avant notre ère, Brutus et Cassius, qui avaient assassiné César avec l'espoir de rétablir la République, affrontèrent à Philippes Antoine et Octave et y furent battus. La ville devint alors Colonia Victrix Philippensium, et fut peuplée des soldats de la garde personnelle d'Octave. Après la victoire d'Actium, en 31 avant notre ère, elle est appelée Colonia Julia Philippensium, en hommage à la mémoire de César; enfin, Colonia Augusta Philippensium en 27 av. J.-C., lorsqu'Octave reçoit le titre d'Auguste; un arc de triomphe, sur la voie Égnatienne, témoignera de l'événement.

Dès lors Philippes bénéficie du «droit italique» et ses bourgeois peuvent se dire «Romains». On y est même parfois plus romains qu'à Rome: les cultes qui n'ont pas reçu d'autorisation officielle, et le judaïsme semble ici du nombre, ne peuvent se manifester qu'en dehors des murailles et à bonne distance, fixée par les autorités.

Beaucoup de dieux, pourtant, étaient honorés dans les nombreux temples qui entouraient le forum: le dieu thrace Liber Pater, la déesse Bendis, représentée sous les traits d'Artémis ou Diane chasseresse: court vêtue, tenant un arc, et flanquée d'une biche, brandissant en sus un rameau qui était censé préserver des puissances infernales; elle faisait l'objet d'un culte orgiaque et sanglant. Divers reliefs montrent près d'elle Cybèle, assise sur un trône, ayant pour attribut un lionceau, ou encore Isis; et, aux flancs de l'Acropole, un sanctuaire abritaient d'autres dieux égyptiens.

Le forum dégagé par les archéologues français, avec ce qu'on peut deviner de ses deux temples symétriques, de ses luxueux bains romains aux pavements de mosaïques, et de ses nombreux monuments, portiques ou fontaines, n'est pas celui que connut Paul: il date des 111, et Ille siècles. La petite cité devait décliner avec l'empire romain. Mais l'essor y avait été donné au christianisme, et dès le Ve siècle s'y élevait une première basilique; au Xe siècle, Philippes était encore une métropole religieuse de quelque importance dans le monde byzantin. Elle devait faire parler d'elle jusqu'en 1208 lorsque les Lombards y furent battus par les Croisés. Au XVIe siècle, le voyageur français Pierre Belon, qui décrit ses ruines, les voit sensiblement analogues à ce qu'elles sont aujourd'hui sur le site de Filibedjik, où Paul annonça Jésus-Christ à «ses Philippiens bien-aimés» (PHIL., chap. 1, vers. 8; chap. 4, vers. 1 ).

M.-C. HALPERN

© En ce temps-là, la Bible No 90

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 THESSALONIQUE – MÉTROPOLE POLITIQUE BASTION DU CHRISTIANISME

La ville que les Européens occidentaux appellent encore le plus souvent «Salonique», alors qu'elle a retrouvé son nom antique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, vivait déjà d'une activité intense depuis près de deux siècles lorsque Paul la visita pour la première fois au cours de son second voyage missionnaire (ACTES, chap. 17, vers. 1-9). En 146 av. J.-C., les Romains en avaient fait la capitale de la province de Macédoine, lui ménageant ainsi une ère de grande prospérité et après la bataille de Philippes (42 av. J.-C.), ayant pris parti pour Octave et Antoine, les vainqueurs, elle était devenue «cité libre» à ce titre, elle possédait sa propre administration et nommait aussi ses gouverneurs: les «politarques».

Fondée en 316 av. J.-C. par Cassandre, roi de Macédoine, qui lui avait donné le nom de sa femme, soeur d'Alexandre le Grand, Thessalonique, au fond du golfe Thermaïque (du nom de Thermé, très ancienne ville disparue), assurait vers l'intérieur les relations entre le monde grec et l'Europe Centrale, et se trouvait dotée d'un port de mer très sûr à l'embouchure de l'Axios. Elle assurait en outre la principale étape sur la route impériale de l'Asie à la côte adriatique: la via Égnatia.

Tout l'Olympe y avait naturellement ses autels et les mystères de Dionysos y jouissaient d'une grande faveur; mais les Thessaloniciens avaient rapidement adopté aussi les dieux romains et même accueilli les cultes égyptiens d'Isis et Sérapis. Les Juifs en revanche y possédaient des synagogues (ACTES, chap. 17, vers. 1), ce qui explique que Paul ait préféré cette étape à celles d'Amphipolis ou d'Apollonia, par exemple, qui en semblaient dépourvues.

Les destructions successives que subit au cours des siècles cette ville, sans cesse convoitée par des envahisseurs de toutes sortes, font qu'il faut beaucoup d'imagination pour retrouver la Thessalonique que connut l'Apôtre. Les rares vestiges romains de quelque importance aujourd'hui conservés ne datent guère que du IVe siècle de notre ère.

Ainsi, du majestueux arc de triomphe élevé par l'empereur Galère pour commémorer les victoires des armées romaines sur les Perses de Mésopotamie et d'Arménie: quatre registres de bas-reliefs de marbre, sur chacun des deux piliers, illustrent ce souvenir. L'un d'eux, qui représente une scène guerrière, montre des éléphants de combat. Un arc symétrique avait été élevé un peu plus à l'est, et une veste coupole prenait appui sur l'ensemble pour recouvrir ce carrefour de la vie Égnatia et d'une des principales rues de la cité. Y débouchait en outre un vestibule monumental ouvert sur le site du palais et de l'hippodrome.

Mais sans doute Paul put-il voir les fortifications hellénistiques dont subsistent quelques blocs de pierre, notamment au niveau de la porte Eski Délik, dans les remparts du Bas-Empire (IVe siècle également) qui s'étendaient sur 8 kilomètres. La moitié environ demeure, encore fut-elle remaniée à l'époque byzantine, puis par les Turcs.

Les souvenirs byzantins sont assurément beaucoup plus riches. Thessalonique demeura longtemps, après Constantinople, la seconde cité de la péninsule: on la surnommait «l'oeil de l'Europe» et «la parure de l'Hellade». Mais elle était essentiellement un centre religieux depuis qu'en février 380, l'empereur Théodose y avait rendu officiel le «symbole de Nicée», le credo que proclame toujours l'Église romaine. Les nombreuses églises encore debout témoignent de la vocation particulière de la ville. La plus curieuse est sans doute la rotonde à huit niches qui, à l'origine, abritait le mausolée de l'empereur Galère, reliée par une vole à portiques, avant les transformations qui firent d'elle l'église Saint-Georges, à l'arc de Galère. Le monument primitif avait probablement abrité le mausolée de cet empereur. Mais, il fut dès les environs de l'an 400 consacré au culte chrétien, agrandi et orné de mosaïques à fond d'or.

Bien que récemment reconstruite, et pour la seconde fois, la basilique Saint-Démétrius mérite elle aussi une mention particulière. Autour du tombeau du martyr supplicié en 303, avait été construit au Ve siècle un vaste sanctuaire à cinq nefs et transept. Ruiné au VIII, siècle et réédifié sur un plan très proche du plan primitif, il fut incendié en 1917 et relevé de 1926 à 1948, avec les marbres, chapiteaux et colonnes retrouvés dans les décombres.


Éphémère capitale d'un royaume franc

Protecteur de la cité, saint Démétrius eut beaucoup à faire: si la capitale macédonienne résiste aux assauts des Goths aux Ille et Ve siècles, à ceux des Avers et des Slaves aux VIe et Vlle, elle fut prise pour la première fois en 904 par des envahisseurs arabes Saracènes. Au XIe siècle, les Bulgares tentèrent, sans succès, un nouveau siège. Mais Thessalonique finit par céder aux Normands de Tancrède en 1185, puis aux barons de la 4e croisade, qui en firent la capitale d'un éphémère royaume latin des Francs, de 1205 à 1223.

Menacée en 1307 par les Catalans, quelques années plus tard par les Serbes, elle est achetée en 1423 par les Vénitiens, qui ne surent la défendre contre les Turcs. Ceux-ci en prirent possession en 1430 et la ravagèrent.

Malgré ces vicissitudes, elle avait pourtant gardé jusque-là une belle vitalité: ses foires rassemblaient les négociants de toute l'Europe Centrale et ses écoles avaient grande réputation. Le rayonnement spirituel suscité jadis par saint Paul avait eu grand effet. De Thessalonique partirent, notamment au IXe siècle, les évangélisateurs des Slaves, saint Cyrille et saint Méthode, qui en même temps que l'évangile propagèrent l'alphabet grec: avec ses ajouts de quelques lettres nouvelles, il est encore employé en Bulgarie et en U.R.S.S. par exemple sous le nom d'alphabet cyrillique.

Après la conquête turque, la vie s'arrête. Le commerce périclite, les églises sont à l'abandon, la population s'amenuise. La ville se mourait lorsque, en 1492, un édit de la reine Isabelle la Catholique Chassa d'Espagne vingt mille Juifs qui trouvèrent là refuge. Leur activité et leur esprit d'initiative devaient rendre vie à Thessalonique qui connaîtra au XVIIe siècle une extraordinaire prospérité.

Redevenue grecque en 1913, la ville connut un nouveau désastre pendant la Première Guerre mondiale: le terrible incendie du 18 août 1917 ravagea le vieux quartier turc étagé sur les pentes du mont Kortish, en même temps que la basilique Saint-Démétrius. Courageusement, les Thessaloniciens surent tirer parti du désastre pour sortir des ruines, sous la direction d'un architecte français, un quartier moderne digne de la métropole du nord de la Grèce actuelle.

M.-C. HALPERN

© En ce temps-là, la Bible No 91


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LES NATIONS DE TRANSJORDANIE CONDAMNÉES PAR LES ORACLES PROPHÉTIQUES


Hors les «grandes puissances» que furent l'Égypte et l'Assyrie avant l'hégémonie de Babylone, où même le royaume syrien de Damas (Aram) qui s'avéra longtemps solide et redoutable, Israël dut affronter tout au long des siècles les peuplades de Transjordanie que la grande histoire a quelque peu oubliées aujourd'hui. La Bible porte cependant témoignage de ces luttes, et les prophètes ont proféré d'abondants oracles contre Ammon, Moab et Édom, nations impies, ennemis du peuple de Yahvé, donc de Yahvé lui-même.

Les tribus araméennes qui occupaient les territoires situés au-delà du Jourdain et de la mer Morte ne s'étaient jamais résignées à l'intrusion des clans de Ruben, Gad et Manassé (JOSUÉ, chap. 13, vers. 8-32), et guère mieux au voisinage du vigoureux petit peuple installé en Canaan. Plus ou moins organisés selon les époques, les «états» qu'elles formèrent ajustaient au gré des circonstances leurs frontières mouvantes au long de l'axe constitué par la «grand route» (NOMBRES, chap. 20, vers. 17) menant de Damas à Aqaba sur la mer Rouge, se disputant les tranches du haut plateau raviné par les failles profondes des ouadi.


Édom, parfois plus riche que Juda

Dès le XIII, siècle av. J.-C., on trouve trace du plus méridional de ces «royaumes»: celui d'Édom, bordé par le désert à l'est et qui s'étendait sur quelque 150 km de profondeur au sud de la mer Morte.

Villes et villages y poussèrent drus, dressant des maisons solidement construites en pierre, et protégés par une ligne de forteresses édifiées sur des sommets, en général assez proches les unes des autres; ainsi pouvaient-ils communiquer le jour par des signaux de fumée, la nuit en jouant de la lueur des feux.

Du XIII, au VI, siècle av. J.-C., Édom paraît avoir joui d'une économie très satisfaisante grâce à une agriculture intensive, à l'élevage, au commerce et même à l'industrie. Les Édomites en effet connaissaient l'emplacement des mines de cuivre de l'Araba et durent vraisemblablement les exploiter eux-mêmes. Il est probable que l'hostilité très marquée des Israélites à leur égard n'est pas sans rapport avec la concurrence qui opposait les voisins pour la possession de ces gisements.

Aux environs de l'an 800 av. J.-C., la domination assyrienne sur toutes les nations, de l'Euphrate à la «Grande mer», ne ruina pas les Édomites qui payaient à Assur un tribut pourtant plus important que celui qui fut imposé aux habitants de Juda: lorsque dix mines d'argent étaient exigées de ceux-ci, ceux-là en devaient douze. Ammonites et Moabites étaient, dans le même temps, taxés les uns de deux mines d'or, les autres d'une seule. L'imposition du suzerain se voulait proportionnelle à la richesse de chaque pays soumis; or celle d'Édom était la plus lourde.

Les vestiges de céramique antérieurs au VI, siècle av. J.-C., découverts sur les sites de son habitat reflètent une civilisation fort honorable: on les peut comparer aux objets de la même époque retrouvés en Cisjordanie, portant seulement la marque d'une influence assyrienne ou syrienne plus nette.


Moab, patrie de Ruth, mais aussi du sauvage Mésa

Plus au nord, sur la rive orientale de la mer Morte, le pays de Moab, patrie de Ruth, eut pour limite septentrionale l'Amon tant que la tribu de Ruben et les rois d'Israël furent assez forts pour la faire respecter, ce qui ne dura pas. Ainsi, au milieu du IXe siècle av. J.-C., vit-on le roi moabite Mésa s'affranchir de la tutelle de Joram, le successeur d'Achab, et du lourd tribut auquel il aurait été soumis: la laine de cent mille béliers ! À cette occasion les rois d'Israël et de Juda, un temps réconciliés, envahirent le pays. Ils paraissaient tout près de la victoire lorsque, en un geste barbare, Mésa sacrifia son fils aîné sur les remparts de Qir-Hérès, sa capitale (2e ROIS, chap. 3). Sans que l'on connaisse la raison exacte de leur détermination, les Israélites battirent alors en retraite et, pour commémorer la libération de Moab, fut gravée la célèbre stèle retrouvée à Diban, et conservée au musée du Louvre. Les Moabites devaient eux aussi tomber sous le joug assyrien avant d'être absorbés par les Nabatéens, d'origine arabe.


L'irréductible Ammon

Le troisième des royaumes transjordaniens contre lesquels s'en prit notamment le prophète Ezéchiel (chap. 25) était celui d'Ammon, dont les principales possessions couvraient le cours supérieur du Jabboq. Sa terre, relativement riche et fertile, était solidement défendue par un important Système de fortifications dont les plus puissantes couvraient Rabba, la capitale (l'actuelle Amman, capitale de la Jordanie). Ses ingénieurs avaient édifié la série de tours circulaires de construction mégalithique, quasiment indestructibles, dont on a retrouvé les vestiges.

On sait que l'armée de David en vint pourtant à bout (2e SAMUEL, chap. 12, vers. 26-31), mais on doute que les Ammonites soient restés bien longtemps les vassaux d'Israël. Sans doute durent-ils, au hasard d'autres guerres, payer parfois tribut aux rois de Juda; mais même après avoir subi, comme tous, la domination d'Assur, de Babylone, des Perses puis des Séleucides, on les verra encore comme les Édomites (Iduméens) en lutte contre Judas Maccabée. Les archéologues ont fouillé de nombreuses tombes autour d'Amman et leurs trouvailles: poteries de qualité, pierres sculptées, sceaux inscrits, figurines de cavaliers, montrent que ce peuple intraitable, adorateur de Molok, affamé de victimes humaines, connut aussi un confort et un développement artistique à peu près égal à celui de Moab.

Au nord du Yarmouk enfin, sur la rive orientale du lac de Tibériade et du cours supérieur du Jourdain, s'étend le pays du Basan, celui du roi Og selon le Deutéronome (chap. 3). S'il échappe aux malédictions des prophètes, c'est que depuis la conquête qui l'aurait livré à la demi-tribu de Manassé (NOMBRES, chap. 32, vers. 33). il ne fut jamais «un royaume», mais passa de la souveraineté des rois israélites de Samarie à celle des rois araméens de Syrie, pour revenir à Israël, et finir également aux mains des Assyriens: dès le VIII, siècle av. J.-C., Téglat-Phalasar III l'avait définitivement incorporé à leur empire.

Comme Ammon, Moab, Édom, Basan devait être plus ou moins envahi au cours du V ème siècle av. J.-C., et malgré la suzeraineté du lointain maître mésopotaméen, par les nomades bédouins du désert syro-arabe, avant que les Nabatéens rendent à la Transjordanie quelque éclat, au cours des deux derniers siècles de l'ère ancienne.

M.-C. HALPERN

© En ce temps-là, la Bible No 67


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