Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Archéologie

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La pieuse légende du 4 ème grand prophète, héros d'un très authentique livre saint

L'inspiration divine du «livre de Daniel» est bien attestée par les écrits de l'Église primitive et par les ouvrages des premiers artistes chrétiens. Mais le personnage principal autour duquel l'ouvrage est construit incite aux hypothèses. Sans doute le déporté favorisé du don prophétique, connu seulement par les premiers versets du texte biblique qui porte son nom, a-t-il pu bénéficier de l'aura d'un sage beaucoup plus ancien, cité par Ézéchiel (chap. 14, vers. 14) entre Noé et Job. Le caractère extra-temporel des récits groupés dans le recueil a permis lui aussi aux pieux conteurs d'en imaginer le héros au gré de leur propre inspiration poétique. On ne prête qu'aux riches. Or, on prêta au prophète Daniel durant de nombreux siècles, non seulement après le temps où les auteurs sacrés situent son ministère, mais après celui où la version qui nous est parvenue fut définitivement fixée. François Sentein a recueilli cette «légende» et en rapporte ici quelques traits curieux.

Au nom de Daniel s'attacha dans l'orient – même dans l'Orient chrétien une idée de magie. C'est ainsi que l'islam le reçut. Mas'Udî, dans ses Prairies d'or, distingue Daniel le jeune, de la captivité de Babylone, et un autre Daniel, qui aurait vécu entre le temps de Noé et celui d'Abraham, auquel sont attribués en plus des prophéties, un livre de divination, Kitab ai-Diafr, la science des rêves et l'invention de la géomancie. Selon une légende rapportée par AI Biruni, le prophète avait puisé sa science dans la «caverne du trésor» où Adam déposa les secrets de la connaissance primitive. Et le chroniqueur Tabari, au IXe siècle, raconte que Daniel ressuscita, mille ans après leur mort, un millier de victimes qu'avait fait une épidémie, que les ressuscités procréèrent, mais que leur descendance exhale une odeur de cadavre.


Les divers tombeaux du «sage»

Selon la tradition chrétienne le prophète fut enterré dans la crypte royale de Babylone, d'où ses reliques auraient été transportées à Constantinople et, au Moyen Age, à Venise. D'autres légendes fixent son tombeau à Ecbatane et à Suse.

Suse, qui veut dire «la ville des lis», était bien faite pour abriter le tombeau du sauveur de Suzanne (DANIEL, chap. 13), «fille des lis». 

Les écrivains syriaques et musulmans s'accordent à donner Suse comme lieu de la sépulture définitive, mais divergent sur certains points. Pour Ibn Taimiggah, les premiers musulmans opposés à la vénération du tombeau du saint, l'auraient enseveli pendant la nuit dans l'une de treize fosses dispersées. Les mollahs d'Arabie croient à l'authenticité de la tombe de Suse, bien qu'ils aient, près de Mal-Amir, un autre tombeau consacré à Daniel. Pour Al-'Beladhori (IXe S.), le cercueil du prophète aurait été amené de Babylone afin de faire pleuvoir lors d'une période de grande sécheresse; puis le kalife Omar l'aurait fait immerger au fond d'un des ruisseaux voisins. 

Benjamin de Tudèle, qui visita la Terre sainte vers 1160, raconte dans son Itinéraire qu'à Suse, sur la façade d'une des nombreuses synagogues, on lui montra la tombe de Daniel. Suse est aujourd'hui Tustar, et cette synagogue est toujours debout.

Benjamin ajoute que le tombeau ne contient plus les restes de Daniel, dont il apprit qu'ils avaient été découverts vers 640. Ces reliques avaient suscité d'âpres disputes entre les habitants des bords de la Choaspes: ceux de la rive qui abritait la dépouille du prophète étaient riches et heureux, tout à l'inverse des riverains opposés, qui demandèrent le transfert de la bière de leur côté. On s'accorde finalement à la faire changer de berge chaque année. Cette convention dura jusqu'eu jour où le shah de Perse Sanjar, visitant la ville, arrête ce va-et-vient, irrespectueux pour les restes vénérables. Il fit attacher la bière au moyen de chaînes au milieu du pont, où, par son ordre, une chapelle fut érigée pour les Juifs et les non-Juifs. Il interdit en outre la pêche dans ces eaux.

Depuis, on a vu des athées se noyer en essayant de franchir la passe autour du pont sacré, sous lequel nagent des poissons d'or.


Le symbole de Daniel

Jusqu'au IVe siècle, les chrétiens ne figurèrent la croix que sous des formes symboliques qui n'éveillassent pas les soupçons du païen, ni sa détestation pour l'instrument d'un supplice ignominieux. Ils savaient la reconnaître dans l'ancre, dans le mât croisé par la vergue du navire. «C'est dans la nature même que nous en percevons le signe, écrivait Minucius Felix; dans le joug de la charrue quand on la relève, et dans l'homme qui, les bras étendus, adore Dieu d'un coeur pur.»

Cet orant, ce coeur pur, c'est Daniel. Dans cette attitude de prière, entre les lions, il apparaît sur une fresque exécutée cinquante ans après la mort du Christ dans la catacombe de Domitille, à Rome. C'est le plus ancien document de la peinture et de la symbolique chrétienne. Son type est déjà fixé: la jeunesse le distingue des autres prophètes. Vêtu d'une tunique parfois, comme à Ravenne, coiffé du bonnet phrygien, svelte, imberbe, son adolescence le pare. C'est l'âge de la confiance, dont la sagesse de Daniel paraît tout informée. Ses visions et ses prophéties prolongent un regard d'enfance qui traverse le temps parce qu'il ne cherche pas à voir plus loin que la providence du Très-Haut. Le charme qui va s'attacher à ce nom au cours de son histoire est déjà dans cette première image chrétienne d'une sagesse qui trouve sa grâce dans son abandon au Maître de toute justice.

Sans doute est-ce pour exprimer ce dénuement dans la main du Seigneur qu'à partir du IIe siècle Daniel fut représenté nu, parfois couvert d'un petit pagne. Ainsi les chrétiens livrés aux bêtes, couverts du Subligaculum infamant, espéraient en le Dieu de Daniel. De même que les Juifs, pour lesquels le terme de «fosse» définissait la condition du mortel «promis à la fosse» – c'est-à-dire au trou noir d'où il est sorti et où il doit retourner –, le chrétien livré à ses bêtes intérieures, dénué par lui-même de toute force, serait assuré de sa perte, s'il n'était délivré par le secours divin. C'est ce qui est exprimé dans la prière pour les agonisants, composée à une époque très anciennes: «Délivre son âme, Seigneur, comme tu as délivré Daniel de la fosse aux lions.» 

Les sarcophages gallo-romains attestent que pour les chrétiens des nations barbares dans la «fosse», Daniel était aussi celui qui leur permettait d'espérer. Dans certains cimetières wisigoths et burgondes du Ve et du VIe siècles, on a retrouvé un grand nombre d'ivoires, de plombs, de gemmes, de lampes, de peignes, de boucles de ceintures, ornés d'un Daniel entre les lions. Ces «Daniel Schnallen», que l'on peut voir aux musées de Genève et de Lausanne, disent soit la foi très pure de «ceux qui allaient mourir», soit – comme le «Gott mit uns» (Dieu est avec nous) des ceinturons allemands – leur espoir d'être protégés par le prophète, lui-même protégé par Dieu et traditionnellement auréolé de magie. «Daniel, de simplification en simplification, y aboutit à n'être plus qu'une croix grecque, ailleurs une plante. Et il est piquant de voir le plus ancien symbole humain du christianisme aboutir sous le burin des barbares à un type qui rappelle de très près celui des stèles dédiées à Baal Saturne». Baal ou Bâl, que le Daniel de la Bible anéantit; Saturne, dont il prend, pour la rapporter au Dieu unique, la fonction justicière.

François SENTEIN

© En ce temps-là, la Bible No 68


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Les procès-verbaux des sages de Sion

Plutôt honteux, une génération à peine après l'holocauste, de devoir prouver à des contemporains crédules, se disant «éclairés et humanitaires», que le pamphlet antisémite «Die Protokolle der Weisen von Zion (Les procès-verbaux des sages de Sion)» est un faux.

Ces fameux «procès-verbaux» sont à nouveau cités en Union Soviétique dans le contexte des campagnes de provocation anti-juive du Pamyat; dans les pays arabes, on en trouve des versions traduites et même dans notre Allemagne d'après-guerre, nous entendons à nouveau des voix cherchant à justifier leur attitude antisioniste par ces soi-disant «procès-verbaux».

 

De quoi s'agit-il, en fait?

1905 en Russie: un fonctionnaire scribe jusqu'alors inconnu, Sergius Nilus, publie un livre sous le titre «La grandeur dans les petites choses ou l'antéchrist comme alternative politique la plus proche». Une première édition doit déjà avoir paru en 1901 sous le titre «La grandeur dans les petites choses ou l'avènement de l'antéchrist et la règne du diable sur la terre», toujours à Moscou.

1907, nouvelle édition sous le titre «Accusations portées contre les ennemis du genre humain», signé par un réactionnaire russe nommé S. Butmy comme éditeur et dédié à «l'Union du peuple russe». Comme annexe au 12ème chapitre du livre, nous trouvons des procès-verbaux d'une assemblée des «Sages de Sion» qui, selon les précisions de l'auteur dans la 4ème édition (imprimée en 1917 au couvent de Troitzko-Sergejew sous un nouveau titre) a dû se dérouler en même temps que le premier congrès sioniste à Bâle en 1897.

Les diverses éditions du livre ainsi que les traductions donnent des renseignements qui s'écartent fortement l'un de l'autre en ce qui concerne la manière dont Nilus est entré en possession de ces documents.

Ce n'est qu'à la fin de la Première Guerre mondiale, après l'effondrement de la Russie et des puissances de l'Europe centrale que les «procès-verbaux» jouirent d'une célébrité extraordinaire. On en trouve des traductions dans presque toutes les langues vivantes. Pour de larges cercles antisémites de tout poil, ils furent une véritable révélation sur les objectifs secrets du judaïsme.

Dans ce soi-disant procès-verbal de conciliabule, on y trouve en effet la description détaillée de ce que les juifs ont fait jusqu'alors et ce qu'ils doivent continuer à faire pour s'assurer la maîtrise du monde. Chaque lecteur intelligent et sans préjugés aura immédiatement reconnu que ce livre constitue un tissu de mensonges sans valeur, dépourvu de sens, ne méritant ni analyse ni critique.

La position particulière accordée à la question juive après la Première Guerre mondiale, en particulier durant la période nazie, a voulu que ce pamphlet trouve non seulement de nombreux lecteurs, mais également des adeptes. La propagande antisémite aidant, il a été diffusé sur une grande échelle en particulier dans une édition populaire de 1919.

Le livre fut le point de départ d'une littérature abondante dans toutes les langues, renforçant parmi de larges couches des peuples européens la croyance en un plan de renversement fomenté par les Juifs. Devant la commission d'enquête mise en place pour juger les émeutes d'août 1929 en Palestine, le grand mufti de Jérusalem s'est rabattu sur les «procès-verbaux des sages de Sion» pour justifier sa haine contre les juifs.

Un correspondant du «Times» londonien a découvert en 1921 que ces «procès-verbaux» avaient été repris en grande partie, presque mot par mot – en tout cas avec de minimes corrections stylistiques – d'une brochure parue d'abord en 1864 sous une plume anonyme, puis en 1868 à Bruxelles sous le nom de l'auteur Maurice Joly et portant le titre «Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu, ou la politique de Machiavel au XIXème siècle, par un contemporain».

Cette brochure attaque Napoléon III, n'a donc rien à voir avec les juifs et le judaïsme et a été imprimée de surcroît 33 ans avant le premier congrès sioniste de Bâle. Les articles du correspondant du «Times» sortirent en août 1921 et plus tard sous le titre «The Truth about the Protocols, a literary forgery» comme tirage spécial.

Dans les «procès-verbaux», nous trouvons de plus des réminiscences d'histoires mensongères connues à souhait de chaque connaisseur de la littérature antisémite sur des assemblées secrètes juives, par exemple la description d'une rencontre cabalistique au cimetière juif de Prague dans le roman «Biarriz» de Sir John Recliffe (nom d'emprunt de l'antisémite Goedsche allemand) paru en 1868, selon lequel, une fois par siècle, les «princes» des douze tribus d'Israël se rencontrent dans l'ancien cimetière juif de Prague pour s'informer mutuellement sur la situation momentanée de l'empire mondial juif et sur ce qu'il importe encore de faire dans ce domaine.

Malgré le plagiat évident commis par Nilus et les falsifications éhontées, de nombreuses orientations antisémites ne démordent pas de cette argumentation servant leur cause tirée des prétendus «procès-verbaux des sages de Sion», ce qui prouve à l'envie que les mensonges ont longue haleine – d'autant plus si l'on s'empresse d'ignorer l'évidence. L. S.

© Nouvelles d'Israël
Juillet 1990

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QUELQUES OUVRAGES RECENTS RETABLISSANT UNE INTERPRETATION CHRETIENNE DE L'HISTOIRE DE L'EUROPE

Il nous paraît utile de signaler quelques ouvrages historiques récents nous permettant enfin de percevoir clairement l'orientation foncièrement anti-chrétienne du développement et de l'interprétation courante de l'histoire européenne depuis la Renaissance des XVe et XVIe siècles. La plupart de ces ouvrages sont dus à la plume d'auteurs catholiques, car il n'existe guère d'ouvrages protestants ou évangéliques en français sur ces questions si importantes. Le lecteur fera les rectifications nécessaires.

 

Il nous faudrait d'abord avoir une juste perception de ce que fut l'histoire chrétienne de l'Europe.Toute l'oeuvre extraordinairement riche de l'historienne française, Régine PERNOUD (que certains considèrent comme l'un des premiers historiens de notre époque), depuis son premier ouvrage de synthèse, «Lumière du Moyen Âge», datant de 1944 (Grasset, 1981), jusqu'à son admirable «La femme au temps des cathédrales» (Stock, 1980) et «Les Saints au Moyen Âge» (Plon, 1984), nous a appris à revoir l'interprétation humaniste courante de l'histoire médiévale. Les institutions, la culture et toute l'histoire de la période que nous appelons, depuis la Renaissance, «Le Moyen Âge», sont de manière absolument évidente marquées par l'influence profonde et durable du christianisme. Pour les historiens de la Renaissance, le «Moyen Âge» représente une période de régression de la civilisation entre ces deux périodes «bienheureuses» qu'auraient été l'Antiquité romaine et grecque, païenne, et le renouveau païen de la Renaissance.

Le Moyen Âge, entre la chute de l'Empire romain et la Renaissance aux XVe et XVIe siècles, d'inspiration païenne de l'Antiquité, était considéré comme une période de ténèbres, d'obscurantisme, d'inculture et de barbarie. Pour ces historiens, qui nous ont tous marqués de leur interprétation de l'histoire, le retour aux valeurs antiques du paganisme représentait la «renaissance» de la vraie civilisation. Ainsi calomniait-on mille ans de civilisation chrétienne en Europe. En prolongeant dans le domaine culturel leur anti-catholicisme doctrinal, spirituel et ecclésiastique parfaitement justifié, les historiens réformés et évangéliques ont malheureusement trop souvent tout simplement adopté cette interprétation païenne et anti-chrétienne de l'histoire. C'est pour de telles raisons que le XVIlle siècle, siècle anti-chrétien s'il en fut, avec son idolâtrie de la raison de l'homme libérée des contraintes de la Parole de Dieu, siècle révolté contre Dieu, est par tous nommé le siècle des «lumières». De la même manière, le journal du parti communiste de l'Union Soviétique est appelé «Pravda», ce qui signifie «vérité» en russe. Cette interprétation de l'histoire est devenue l'interprétation officielle de notre passé. Elle valorise systématiquement toutes les conquêtes d'un humanisme anti-chrétien aux dépens du christianisme. L'aboutissement catastrophique en est aujourd'hui le nihilisme destructeur et suicidaire que nous voyons partout. La meilleure introduction à cette révision chrétienne de l'histoire médiévale est le petit livre de Régine PERNOUD, «Pour en finir avec le Moyen Âge» (Points-Histoire, 1979), qui dégonfle admirablement toutes les baudruches éculées de l'historiographie humaniste. C'est un ouvrage à lire et à faire lire.

 

Le petit livre de Henri CHARLIER, «Création de la France» (Dominique Martin Morin, 1982), nous fait comprendre de façon admirable à quel point le christianisme imprégnait tous les aspects de la vie sociale, politique et culturelle de l'Europe chrétienne au Moyen Âge. Si la Réforme fut une «réformation» des déformations doctrinales, spirituelles et ecclésiastiques de l'Église de la fin du Moyen Âge et du début de la Renaissance, sur le plan culturel elle marque une forte continuité avec le christianisme médiéval.

 

Jeanne d'Arc, avec son «Dieu premier servi», fut typiquement une figure médiévale; les réformateurs avec leur «Soli Deo gloria» appartiennent à une même famille. En fait des Luther, des Calvin, des Viret, des Knox sont par bien des aspects des figures anachroniques dans un siècle marqué par la renaissance d'un humanisme orgueilleux. Des hommes comme Agrippa d'Aubigné et Gaspard de Coligny, et même un Henri IV, sont des preux qui ont survécu à l'âge de la féodalité, à l'honneur seigneurial. Tous avaient cette vision de la souveraineté de Dieu sur toutes choses qui marquait si fortement la vie de l'Europe médiévale jusqu'au début des temps modernes. Les catholiques de la Renaissance, par contre, s'étaient alliés de mille manières avec l'esprit moderne du nouvel humanisme paganisant. Par exemple, la Pléiade avait allié sans peine un catholicisme farouchement anti-réformé avec un attachement foncier aux valeurs impies de l'antiquité païenne. Par contre, la grande poésie réformée française du XVIe siècle allant de Clément Marot (1495-1544) et Théodore de Bèze (1519-1605) jusqu'à l'oeuvre immense et terrible d'Agrippa d'Aubigné (1552-1630), est beaucoup plus proche de la poésie religieuse et morale du Moyen Âge telle qu'on la trouve chez un Rutebeuf, un Eustache Deschamps (XlVe siècle) ou même un François Villon (XVe siècle), que de la tradition esthétisante de la Renaissance et d'une partie de la poésie des époques baroques et classiques. Il en est de même pour la musique du Psautier huguenot, si proche de la musique grégorienne. Cette continuité entre la civilisation chrétienne du Moyen Âge et celle de la Réforme pourrait être démontrée de maintes manières.

 

Dans son dernier ouvrage," Lettre ouverte à ceux qui ont mal à la France» (Albin Michel, 1985), le père R.-L. BRUCKBERGER, connu pour ses livres d'inspiration profondément biblique tels «La Révélation de Jésus-Christ» (Grasset, 1983), «Lettre ouverte à Jésus-Christ» (Livre de Poche, 1973) et son admirable traduction des Evangiles, «L'Evangile» (Albin Michel, 1976), pour n'en nommer que quelques-uns, nous livre aujourd'hui une révision déchirante de l'interprétation officielle de l'histoire de l'Europe depuis le XlVe siècle. Il voit en effet que le mal dont nous souffrons a commencé, non à la Réforme ou à la Renaissance, ou encore plus récemment à la Révolution française, mais déjà aux (...) et XlVe siècles avec la réapparition dans les universités de l'enseignement du droit romain. À partir de cette époque, le droit romain a été utilisé, comme au temps de l'empire des Césars, à savoir pour justifier le droit d'user et d'abuser, non seulement de ses propres biens, mais aussi du pouvoir politique, ce qui est parfaitement contraire à l'enseignement de la Bible, qui affirme que, tout appartenant à Dieu, tout doit être géré par nous selon la loi divine. Bruckberger voit dans cette révolution légale commencée au XlVe siècle l'origine d'un capitalisme dénaturé, car libéré de la loi de Dieu, totalement égocentrique et ainsi en opposition au véritable capitalisme biblique de gestion des biens de ce monde pour Dieu et dans le but de faire fructifier la création pour le bien des hommes (voyez «Le capitalisme: mais c'est la vie!», Plon, 1983).

Mais Bruckberger y voit également l'origine de l'État totalitaire moderne. Celui-ci, en passant en France par les légistes de Philippe le Bel, la monarchie de droit divin à la Louis XIV – inconnue au Moyen Âge en dehors de la papauté –, a abouti à l'absolutisme des majorités démocratiques sans Dieu ni loi. La souveraineté, qui en fin de compte n'appartient qu'à Dieu, a ainsi été usurpée par les hommes. Son ouvrage, qui est la synthèse de nombreuses recherches historiques récentes sur ces questions, doit beaucoup à l'ouvrage monumental et indispensable de Régine PERNOUD," Histoire de la bourgeoisie en France» (2 vols. Points-Histoire, 1981). Pour notre part, il nous semble qu'il faudrait chercher à pousser l'analyse plus loin encore, car le mal remonte, comme l'indique Francis SCHAEFFER dans son livre «Démission de la raison» (La Maison de la Bible, 1965), à l'introduction par Thomas d'Aquin (1225-1274) de la pensée d'Aristote dans la théologie de l'Occident. Il aurait également pu citer l'ouvrage magistral de Bertrand de JOUVENEL, «Du Pouvoir. Histoire naturelle de sa croissance» (Pluriel Poche), qui retrace l'histoire du développement en Occident de la puissance absolue de l'Etat Moloch, sans Dieu ni loi, dont l'Apocalypse nous parle de manière impressionnante sous la figure d'une bête terrifiante.

 

Cette bête a fait sa première apparition spectaculaire sur la scène de l'histoire avec la Révolution française, prototype de tout le mouvement moderne contre le Christ et contre son influence dans notre monde. C'est ce caractère foncièrement et primordialement anti-chrétien de la Révolution française que décrit l'historien français Jean DUMONT dans son livre fortement documenté, «La révolution française, ou les prodiges du sacrilège» (Critérion, 1984). Il y démontre de façon convaincante que le coeur de la Révolution se trouvait dans son anti-christianisme. Face à d'autres manifestations de ce même esprit révolutionnaire, le grand théologien luthérien berlinois, converti du judaïsme au Christ, J.-J. STAHL (1802-1861), écrivait en 1852 ces paroles saisissantes: 

«La Révolution est le rationalisme extérieur; le rationalisme est la révolution intérieure. L'un et l'autre sont la maladie mortelle de notre siècle. On dit que le rationalisme est de l'incrédulité: c'est faux, il croit en l'homme. On dit que la Révolution est le renversement de l'autorité: c'est faux, elle entend seulement que l'homme soit l'unique source du pouvoir et l'unique but de la société. L'un et l'autre affranchissent de Dieu l'homme; l'un aboutit nécessairement à l'émancipation de la chair et au communisme; l'autre à l'apothéose de la raison humaine; tous deux à l'homme de péché prédit par St. Paul». F.-J. Stahl: Was ist die Revolution ? (1852)

C'est cet immense danger que cherche à éclairer le père R.-Th. CALMEL dans son ouvrage" Théologie de l'histoire» (Dominique Martin Morin, 1984). Nous y trouvons un remarquable effort pour rejoindre la vision biblique de l'histoire telle qu'elle fut développée par Saint Augustin dans la «Cité de Dieu». C'est un ouvrage qui nous ouvre les yeux sur la présence si active et si puissante dans le monde moderne de l'esprit de l'antichrist. Nous ne saurions trop recommander la lecture de ce livre, ceci malgré quelques aspects plus spécifiquement catholiques dont il faudra faire abstraction.

 

Pour terminer, nous vous signalons un ouvrage universitaire d'inspiration biblique et évangélique qui traite également des progrès inquiétants d'un esprit anti-chrétien dans notre civilisation. Il s'agit de la thèse remarquable de Jean-Pierre GRABER, «Les périls totalitaires en Occident» (La pensée universelle, 1983). J.-P.Graber cherche à identifier et à analyser les causes et les processus qui sont en train de conduire nos sociétés occidentales au totalitarisme. Le problème est analysé dans une perspective systématiquement chrétienne, ce qui est étonnant pour un ouvrage universitaire. Les causes de cet immense danger sont étudiées dans l'ordre suivant: l'évacuation de Dieu; la désagrégation des normes éthiques et des institutions traditionnelles; le développement d'un droit purement sociologique; la tension inévitable entre les tendances diverses d'une société pluraliste sans vrai consensus; la régression de la liberté économique et de la propriété individuelle; les virtualités totalitaires d'une société technicienne; l'influence de la subversion; finalement, la croissance constante de la puissance de l'État.

Comme Bruckberger, nous ne voyons pas la désintégration d'une civilisation qui a voulu se construire hors du dessein de Dieu, sans lui et en opposition ouverte à sa bonne Loi, comme une catastrophe irrémédiable. Un tel monde doit disparaître, car il a renié la source même de la vie et tous les fondements d'une véritable civilisation.

Ceux qui se tournent vers Dieu et qui gardent ses Paroles, c'est-à-dire sa Loi, par la force du Saint-Esprit qui leur a été donné, sont fondés sur un roc immuable, et sur ce roc peuvent construire pour l'avenir de manière durable. Mais, comme le dit Bruckberger dans son dernier ouvrage, pour sortir de l'impasse universelle actuelle:

«Il faut revenir à la religion, à la famille, à la propriété garantie de la liberté individuelle, à l'honneur du travail et de l'invention et à leur juste récompense, source fatale, mais tout à fait honorable, d'inégalités puisque tous n'ont pas le même génie et qu'il est juste que le laborieux réussisse mieux que le paresseux.»

Et il ajoute:

«Mais la confusion des esprits est telle, les résultats du socialisme et du communisme sont si désastreux pour la liberté et la dignité de l'homme, le Goulag est devenu une menace tellement proche pour le monde entier, qu'il nous faut commencer par le commencement, c'est-à-dire le retournement de l'homme vers Dieu. SoIjénitsyne écrivait dans «Le Point» du 13 mai 1983: «Il est en vain de chercher une issue à la situation du monde, sans tourner notre conscience repentante vers le Créateur de toutes choses. Aucune autre issue ne s'éclairera, nous n'en trouverons pas, hors la quête opiniâtre de la douce main de Dieu que, dans notre inconscience, nous avons rejetée».» (p. 124-125).

Jean-Marc BERTHOUD

© Promesses 1986 - 3 / No 77

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Qui a vraiment découvert la Chine?

Il se pourrait bien qu'il faille modifier les livres d'histoire. Un chercheur britannique d'Oxford a découvert que le célèbre marchand vénitien Marco Polo ne fut pas le premier Occidental à se rendre en Chine. Un commerçant juif nommé Jacob et originaire d'Italie l'aurait en effet précédé

Le chercheur britannique David Sellborn fonde cette hypothèse sur les journaux de Jacob retrouvés en Italie. Il ressort de ces écrits que Jacob s'est rendu pour la première fois en Chine en 1271, soit 200 ans avant le célèbre navigateur Marco Polo. Le journal recèle des informations fascinantes sur la vie de l'époque en Chine. Jacob y décrit la ville portuaire de Saitun dans le sud-est de la Chine, où il séjourna en août 1271. Il parle des marchés, de l'utilisation de poudre combustible pour l'éclairage via des «dragons cracheurs de feu» ainsi que des moeurs de la ville et surtout des femmes orientales se promenant «dans des vêtements transparents et excitants».

Les découvertes de Sellborn relancent le débat scientifique sur les voyages de Marco Polo. Dans le passé, de nombreux chercheurs ont déjà accueilli avec scepticisme l'affirmation selon laquelle Marco Polo se serait rendu en Chine. Selon eux, ses écrits relevaient davantage du guide officiel que de la description authentique d'expériences personnelles. Les journaux de Jacob, par contre, regorgent de vécus personnels donnant l'impression d'une expérience directe. Néanmoins, son nom ne figurera pas de sitôt dans les livres d'histoire en tant que découvreur de la Chine, car le chercheur britannique refuse de publier ses journaux. En effet, il a promis au propriétaire de ces écrits de ne pas en refaire. D'autre part, il affirme que si l'existence de ces journaux est restée si longtemps cachée, c'est parce que les Italiens appréhendaient de révéler que c'est un Juif et non un chrétien qui a découvert la Chine.

© Nouvelles d'Israël 12 / 1997


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«Quiconque me confessera devant les hommes ....»

Parmi ses officiers, le roi Frédéric le Grand avait la plus grande estime pour le vieux général des hussards Von Ziethen. Après la fin de la guerre de Sept ans, il l'invitait souvent à dîner. À chacune de ces occasions, l'officier prenait place à côté du roi.

Une fois, le roi l'invita le Vendredi saint, jour où le vieux général assistait à la Sainte Cène. Il se fit donc excuser auprès du roi. Peu après, le monarque l'invita de nouveau. Pendant le repas, il lui demanda tout à coup: (Alors, Ziethen, la Cène du Vendredi saint vous a-t-elle plu? Avez-vous bien digéré le corps et le sang du Christ?

Tous les convives se mirent à rire. Ziethen se leva, s'inclina devant le roi et dit d'une voix ferme: «Votre majesté royale sait que je n'ai jamais reculé devant les dangers de la guerre. Quand il le fallait, je risquais ma vie pour mon roi et ma patrie. Ce courage est toujours le mien. S'il faut et si mon roi l'ordonne, j'inclinerai ma tête blanche jusqu'à ses pieds. Mais il y a quelqu'un qui dépasse votre majesté royale ainsi que tout être humain. C'est le Sauveur du monde. Et je ne permettrai pas que l'on touche à Sa sainteté ni que l'on se moque de Lui, car c'est sur Lui que reposent ma foi, ma consolation et mon espérance dans la vie et dans la mort. C'est par la force de cette foi que votre courageuse armée a combattu et triomphé. Si votre majesté royale porte atteinte à cette foi, elle porte atteinte au véritable intérêt de la patrie. Et cet intérêt est de demeurer dans la grâce.»

Toute l'assistance fut interdite. Visiblement ému par cette confession de son général, le roi se leva. Ziethen se trouvait toujours devant lui. Le roi lui tendit la main droite, lui mit la gauche sur l'épaule et dit: «Heureux Ziethen! J'admire sa foi. Qu'il ne l'abandonne pas. Cela n'arrivera plus.»

Silence absolu dans la salle! Personne n'osait bouger. Le roi termina bientôt le repas, quitta les convives et invita Ziethen à le suivre dans son bureau. Personne n'a jamais su ce que les deux hommes se sont dit.

Voilà ce qu'on appelle le courage de confesser sa foi. C'est autrement difficile que de faire la guerre. Une confession est un choix: pour le monde ou pour Dieu. L'enjeu est l'amitié de Celui dont Ziethen disait: «Il y a un seul qui nous dépasse, toi et moi, ainsi que tout être humain.» Celui-là déclara: «Quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai moi aussi devant mon Père qui est dans les cieux» (Matth 10,32).

(«STIMME DES TROSTES», No 9/1998


Appel de Minuit 11/98


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Religion et politique 

Dans la pensée des écrivains bibliques, l'homme est défini par un rapport continuel à la réalité de Dieu: qu'il le sache ou l'ignore, dans la direction véridique ou dans l'orientation apostate de l'existence, le religieux constitue l'englobant pour tous les aspects finis de l'existant, il est l'ultime qui ne cesse pas de viser la créature. La sphère religieuse ou sphère sacrale concerne le centre même de l'existence humaine, le coeur du moi-sujet créé, ce «leb» (hébreu) qui est «l'organe de l'intelligence, de la pensée et de la liberté, le lieu d'où surgit l'acte même de la liberté et de l'intelligence, (...), les secrets du coeur, c'est-à-dire nos intentions et nos vouloirs les plus secrets, et nos passions les plus secrètes, ce que nous appelons «l'inconscient». Toutes les dimensions de l'humanité et de la culture, jusqu'à la politique et l'histoire sont concentrées dans le coeur de l'homme: celui-ci est «point focal de concentration de l'être», réfraction dans la créature intelligente de Celui qui est, le Premier, l'Origine.


La société occidentale développée au XXème siècle repose sur la séparation de la société civile juridique et politique vis-à-vis du spirituel et du religieux. L'activité technicienne et l'organisation rationnelle des ensembles collectifs modernes, la mission de l'État, écartent la revendication totalisante du sujet éthique ou de l'homme de foi. La «cité séculière» laïque qui tolère, à l'Ouest, tous les courants philosophiques et idéologiques les plus contradictoires, se présente comme une cité sans religion! L'adepte du système biblique contestera l'expression de «cité séculière»: il montrera derrière les pensées laïques, des idées religieuses dissimulées. Il décèlera, dans l'institution politique libérale à l'Ouest, le dogme de l'autonomie du moi individuel cultivant sa libre spontanéité créatrice et son choix absolu d'existence. Les sociétés occidentales laïques admettent la diversité des visions du monde et ne sont pas unanimistes comme les sociétés soviétisées. Il existe cependant des fondements idéologiques à l'admission pluraliste des «visions» et ceux-ci sont inséparables de la «philosophie des lumières» et de la réaction individualiste, avec Rousseau et Kant.


Monarchie et société pluraliste

La césure du religieux et du politique passe par la considération de l'individu. Dans la société laïque pluraliste, la présence du religieux apparaît sur le fond d'un ensemble d'engagements individuels qui ne concernent plus la société civile, le magistrat ou le politicien; le croisement du politique et du religieux intervient seulement quand l'autorité en place doit juger certains cas interférents: ainsi une décision du tribunal civil, rendue récemment en France, refuse à une collectivité religieuse la libre disposition d'un bien immobilier légué à l'assemblée par des membres décédés; la juridiction compétente précise que l'enseignement de cette collectivité, contredisant une partie importante de la législation officielle, ne permet pas à l'assemblée d'être mise en possession d'un bien hérité. Dans certains cas, rendus plus exceptionnels grâce au progrès de la légalité, une juridiction peut avoir à se prononcer sur l'authenticité des motifs conduisant un objecteur au refus des obligations normales du service national; c'est donc, au pénal, une décision de justice, qui validera ou refusera à l'objectant tel ordre de motif.

La société pluraliste est une organisation politique où les pouvoirs sont distincts et séparés. Ceci explique que le responsable politique ne rencontre pas directement, en ces occasions, l'individu religieux. Le politique se limite à la conception d'un ordre légal valable pour l'ensemble des citoyens et à l'exécution des décisions du magistrat.

Les persécutés religieux de l'Angleterre sous Élisabeth I et sous les rois Stuart, ceux qui en France ont souffert pour leurs opinions à l'époque de Richelieu ou de la monarchie autoritaire, ne bénéficiaient pas des limites politiques et juridiques qui protègent dans l'État moderne celui qui voit sa situation examinée par un magistrat.

L'État politique de l'âge classique, sans pouvoir être identifié à une idéocratie moderne, n'en est pas moins «dirigé» par la volonté expresse d'unir le pouvoir à une unanimité religieuse. En France, de 1650 à 1715, cet État se donne une forme administrative rationnelle et centralisée, il constitue sa bureaucratie et nomme ses fonctionnaires, il est voué à l'autorité et à l'efficacité: mêlant le pouvoir monarchique à une tradition religieuse, il tend à appliquer avec rigueur l'adage bien connu cujus regio ejus religio. Le dessein technocratique et politique d'un grand serviteur de l'État, comme Louvois, n'est autre que d'assurer au prince l'unité réelle de toute la nation, synthèse audacieuse de contenus rationnels, de philosophies du pouvoir et de raison d'État. L'État de l'âge classique méconnaît la distinction des domaines de la souveraineté; il est travaillé par une tendance moniste (monos, un seul!) qui entraîne toute une nation dans une sorte d'unanimité ayant pour fin la puissance et la grandeur.

Colbert, Louvois et Seignelay ne sont pas au XVIIe siècle les serviteurs d'une providence sécularisée et encore moins les augures d'une «fin de l'histoire mondiale». La question reste posée de savoir si, entre 1661 et 1715, le roi a aspiré à la «monarchie universelle» (l'accusation des Hollandais). Il semble que les commis de la monarchie persécutent le «dissident religieux» au nom d'un impératif politique unitaire. L'idéologie de l'âge classique en France semble confondre sans prudence Machiavel et Hobbes, Montaigne et Bossuet, elle rassemble une certaine forme de rationalisme politique autonome, une conception de l'efficacité de l'État monarchique armé et unifié avec une divinité augustinienne qui dirige providentiellement le monde et l'histoire -les commandements peu scrupuleux de la raison politique machiavélienne y voisinent avec les principes du Discours sur "histoire naturelle et de la Politique tirée de l'Écriture Sainte. Ainsi, Louvois, qui n'a rien d'un directeur de conscience ou d'un ingénieur des esprits, exige cependant comme commis de l'État monarchique, l'obéissance totale des sujets – qu'ils soient juifs, pro ou anti-papistes, protestants, jansénistes ou libertins. L'obéissance au roi, quoiqu'il arrive, – Louvois est l'homme de la Révocation de 1685; c'est également lui qui a ordonné la dévastation du Palatinat pendant la guerre de la Ligue d'Augsbourg – représente la vertu essentielle du siècle.

La société laïque pluraliste sans credo officiel a le culte de l'individualité autonome et ratifie les succès empiriques de ses ouvriers et techniciens. Le monisme du grand siècle sacrifiait la liberté personnelle à l'idée d'ordre et subordonnait toujours la réussite empirique à la vertu d'obéissance: «Voici l'homme qui m’a obéi à la Hougue»! dira le roi à un courtisan vers 1700. Il montrait à son interlocuteur l'amiral de Tourville qui avait dû partir sur ordre personnel du roi affronter les Anglo-Hollandais en 1692. Le politique de l'âge classique ignore même les états d'âme de ses ministres et de ses techniciens.

Que la raison d'État, au XVIIe siècle, n'autorise point l'intervention d'une instance séparée ou d'un magistrat indépendant est une évidence – les juridictions distinctes et compétentes de l'État pluraliste constitutionnel auraient scandalisé tout à la fois les calvinistes du monde classique et les catholiques romains, le pasteur J. Claude et Bossuet.


Séparation de l'Église et de l'État dans les sociétés pluralistes

La société démocratique pluraliste sépare le politique et le religieux; elle respecte la liberté de l'individu, elle autorise et favorise même l'expression des états d'âme. Parmi ces sociétés de l'Ouest, il y a lieu de distinguer les substrats intellectuels, les motifs religieux fondamentaux liés à des événements historiques fondateurs qui informent l'État moderne et lui donnent une légalité.

Les pays anglo-saxons dérivent de révolutions politiques qui, en réduisant la toute-puissance du monarque, n'ont jamais été une rébellion de l'intelligence contre la foi. Les théologies évangéliques, parmi elles, le calvinisme des puritains, ont inspiré les révolutionnaires qui cherchaient à assurer le triomphe des droits de la personne et l'avènement du régime représentatif. Dans ces nations anglicanes ou calvinistes – puritaines, la révolution socio-politique qui donne le pouvoir à la nouvelle bourgeoisie, ne représente jamais l'insurrection du politique contre l'ecclésiastique, de la nature contre la grâce. Locke, auteur philosophe du Traité du gouvernement civil et des Lettres sur la tolérance, est en même temps un théologien calviniste (peu strict) et un anglican pratiquant. Les séparatistes du continent nord-américain en1776 gardent, pour la plupart, des préoccupations théologiques et religieuse, d'esprit évangélique – wesleyens pour les formes et dans l'interprétation de la transcendance, ils sont rationalistes pour le monde et la matière.

Les nations anglo-saxonnes protestantes respectent la séparation moderne des Églises et de l'État. Elles reposent sur un consentement moral unanime qui permet à chacun de choisir sa confession religieuse ou la «vision du monde» qu'il préfère. La vie publique et politique de ces nations, l'organisation même de l'État, demeurent cependant marqués par les éléments fondateurs et par les théologiens et prédicateurs évangéliques qui ont «enfanté» ces nations – aujourd'hui encore, l'étudiant qui désire comprendre le fonctionnement politique des institutions britanniques, ou américaines, a tout intérêt à se pencher sérieusement sur les oeuvres de John, et Charles Wesley, sur celles de G. Whitefield, sur les écrits théologiques et bibliques de Jonathan Edwards. La lecture du célèbre Voyage du Pélerin est également des plus utiles pour une bonne connaissance de ces institutions.

En publiant son ouvrage, A Christian Philosophy of Law, Politics and trie State (publ. USA, 1966) – il s'agit d'une étude sur la philosophie politique de H. Dooyeweerd, Hebden Taylor montrait quelles sont les conditions d'un engagement chrétien dans une collectivité qui appartient au type anglo-saxon.

Le pluralisme des courants et tendances dans une démocratie, façonnée aux origines par un consentement biblique et évangélique, n'a pas le même caractère que dans un pays dirigé par le motif de la doctrine des «Lumières» du XVIIIe siècle ou par la pensée du Contrat social de J.J. Rousseau.


La religion de la Révolution française

La France a réalisé sa révolution politique sur des enseignements qui sont contenus dans cette Philosophie de la Révolution française (B. Groethuysen), qui n'est autre qu'une religion de l'homme, une dévotion intellectuelle rendue à la raison autonome. Ce n'est pas la pensée biblique qui assure au sujet, sur la base d'une révélation indubitable communiquée par Dieu, la véritable connaissance de la société et de l'histoire, mais l'entendement constructeur de l'homme pécheur donne les principes de cette connaissance. Le révolutionnaire délié de toute obédience, devient un ingénieur des univers politiques et sociaux, détruisant la législation et les moeurs de l'Ancien Régime, il croit et pose que «le monde va changer de base»; il remplace par sa philosophie et sa conception du droit, l'entendement divin et les principes de la révélation biblique. Karl Marx a pu écrire, à juste titre, que la Révolution française était un modèle valable pour toutes les autres révolutions de l'histoire humaine: la Révolution de 1789-93 est à jamais la Grande Révolution initiale, elle est l'événement par excellence qui illustre et fait agir le motif de la nature et de la liberté.

Celui qui veut étudier l'histoire moderne de notre pays, ses tentations et ses étranges tourments, ne peut que constater qu'une conception idéologique des droits de l'homme, est bien trop insuffisante pour écarter définitivement les pièges de l'histoire. Alors que, pour les théoriciens français, le fait révolutionnaire fait entrer notre pays dans l'histoire rationnelle dominée par les hommes intelligents, dans un avenir de raison ou rationalité historique (au sens de Kant), l'analyste constate que la France représente encore le devenir fragile du sentiment démocratique, que la tentation totalitaire y est encore présente, que l'antisémitisme n'y a jamais été vaincu – la plus petite menace de crise fait alors ressortir les démons que l'on croyait à jamais assagis. Ceci montre que la Révolution française repose sur des motifs religieux qui sont totalement opposés à l'enseignement de la révélation, que le motif nature-liberté ne peut en aucune façon être concilié avec la théologie biblique de la création, de la chute de l'homme en Adam et de la rédemption accomplie en Christ.


Conclusion

Les droits que défendent les sociétés libres et ouvertes (voir la notion de K.Popper) sont d'origine scripturaire. Ils représentent une conséquence historique de l'oeuvre de Jésus-Christ «ouvrant» l'année de grâce du Seigneur (Luc 4. 16-20; Ésaïe 6 1), inaugurant en l'assemblée de Nazareth la présente administration du temps, qui donne son poids légitime au sujet, à la libre décision humaine (sola fide), devant l'oeuvre de la croix, l'acte propitiatoire en Christ qui nous délivre de la perdition et couvre la dette du péché. La liberté politique des nations surgit en l'histoire moderne, dans les années qui vont succéder aux temps pendant lesquels cette vérité centrale de la Parole divine, sera prêchée avec force, dans la puissance du Saint-Esprit, aux nations civilisées de l'Europe du centre, de l'ouest et du nord.

La société libre et ouverte, défendant les droits de la créature humaine devant Dieu, est une conséquence historique, un bienfait de l'Évangile de Jean 3. 16, annoncé avec la détermination que l'on sait par les Réformateurs du XVIe siècle, les prédicateurs de l'âge classique, les hommes du réveil évangélique anglo-saxon du XVIIIe siècle. Que les hommes oublient cette Parole, qu'ils se détournent des vérités scripturaires pour s'attacher aux idéologies du siècle, nouvelles citernes sans fond des temps modernes, et l'on verra alors nécessairement régresser les droits de l'homme, diminuer les libertés tant il est vrai que «la démocratie est une affaire spirituelle».

Alain Probst

© Ichtus 4 (No 131)

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